Cour d'appel de Lyon, 2 septembre 2014, n° 13/07317

  • Stock·
  • Licenciement·
  • Inventaire·
  • Informatique·
  • Faute grave·
  • Physique·
  • Gestion·
  • Corrections·
  • Collaborateur·
  • Audit

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 2 sept. 2014, n° 13/07317
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 13/07317
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lyon, 4 septembre 2013, N° 11/02704

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 13/07317

G

C/

société MIDAS FRANCE

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 05 Septembre 2013

RG : 11/02704

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 02 SEPTEMBRE 2014

APPELANT :

F G

XXX

XXX

représenté par Me Emmanuelle BONIN, avocat au barreau de LYON substitué par Me Maria HAROUT, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

société MIDAS FRANCE

XXX

XXX

représentée par Me Catherine KIMAN de la SCP FASSINA & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 20 Mai 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Didier JOLY, Président

Mireille SEMERIVA, Conseiller

Agnès THAUNAT, Conseiller

Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 02 Septembre 2014, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Didier JOLY, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSE DU LITIGE :

Le 5 octobre 2004, la société MIDAS France a engagé F G en qualité de cadre technique/chef de centre, statut cadre autonome, niveau I, degré A de la convention collective des services de l’automobile, la rémunération mensuelle brute étant fixée 2 200 € outre des primes pour un forfait de 214 jours.

Elle a accédé à sa demande de mutation à Lyon puis l’a promu chef de centre à Saint Priest.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 14 avril 2011, elle l’a convoqué à un entretien préalable fixé au 27 avril et, le 19 mai, lui a signifié son licenciement pour faute grave en ces termes:

'Audit du 16 mars 2011 :

Lors de l’audit du 16 mars 2011, prévu par les procédures Midas France, des anomalies ont été relevées concernant la gestion de stock et des factures. Ces anomalies ont été indiquées dans le rapport d’audit dont vous avez reçu un exemplaire.

Concernant la gestion des stocks : lors de l’audit du 16 mars 2011 neuf références de pneus ont été sélectionnées aléatoirement sur les devis non transformés des deux derniers mois et quatre anomalies ont été détectées :

— G00175/65.58 : 4 en stock informatique (MIPOS) ; 4 en stock physique,

— MID175/65.01: 4 en stock informatique (MIPOS) ; 5 en stock physique : anomalie

— MID195/65.02: 4 en stock informatique (MIPOS) ; 6 en stock physique: anomalie

— MID195/50.01 : 2 en stock informatique (MIPOS) ; 2 en stock physique

— MID155/70.01: 2 en stock informatique (MIPOS) ; 2 en stock physique

— MIDI95/65.01: 2 en stock informatique (MIPOS) ; 1 en stock physique: anomalie

— MID195/55.01: 2 en stock informatique (MIPOS); 1 en stock physique: anomalie

— MID185/65.01: 4 en stock informatique (MIPOS); 4 en stock physique

— GOO 65/70.52 : 4 en stock informatique (MIPOS) ; 4 en stock physique

Vous n’avez pas été en mesure d’expliquer ces anomalies à votre Responsable de Secteur ainsi qu’à l’auditeur.

Un inventaire des disques et plaquettes a été effectué et huit anomalies sont ressorties de cet inventaire:

— Références manquantes: EXADF4218 (*2) ; E ;Y; B

— Références en stock physique et pas dans MIPOS: EXAFDB1416; EXAFDB 1476 EXAFDB1641; D.

La procédure «inventaires» n’est pas respectée. Les inventaires des mois de novembre et de décembre n’ont pas été faits. Le dernier inventaire date du 31 janvier 2011 et avait déjà donné lieu à de nombreuses corrections de stocks. Vous effectuez d’abondantes corrections de stock sans analyser celles-ci: plusieurs corrections restent sans justification de votre part et d’autres sont faites à mauvais escient Cette mauvaise gestion des stocks a des conséquences directes sur l’activité et la rentabilité du centre.

Concernant les factures: nos contrôles ont également mis en évidence que certains clients ont bénéficié des remises réservées aux collaborateurs Midas:

— Mme A (Facture 2010-2485): 40% de remise sur le matériel (bougies préchauffage) et pas de main d''uvre facturée.

— Mme X (Facture 201 0-2839) : 40% de remise sur le matériel (radiateur) et pas de main -d''uvre facturée.

— Mme C (Facture 2010-2962) : 40% de remise sur le matériel (kit distribution) et pas de main d''uvre facturé.

E jour de l’audit, vous n’avez pas été en mesure de justifier l’application de ce tarif préférentiel et n’avez fourni aucune explication à votre Responsable de Secteur. Ce non respect des conditions d’achats des collaborateurs constitue un manquement grave à vos ob1igations contractuelles.

Nous vous rappelons que votre Responsable de Secteur s’est entretenu avec vous à plusieurs reprises afin de vous demander de faire preuve de plus de professionnalisme et que vous avez déjà été sanctionné pour des faits similaires le 10 juin 2009.

Ne tels agissements délibérés et répétés confirment votre manque de rigueur dans la gestion du centre, votre inaptitude à respecter les procédures, et mettent en doute votre intégrité.

Prise de congés:

Le 7 mars 2011, vous êtes parti une semaine en congés sans avoir obtenu l’accord préalable de votre Responsable de secteur et sans l’en avoir avisé. Cet agissement constitue un manquement grave à vos obligations indiquées à l’article 11 de votre contrat de travail et à l’article 17 du règlement intérieur.

Outre ne pas avoir avisé votre responsable de votre départ en congés, vous êtes parti sans lui transmettre les éléments de salaire de février pour l’ensemble de votre équipe. Enfin, vous avez modifié les horaires de travail et le jour de repos sur le planning du responsable d’atelier, sans l’avertir au préalable, afin qu’il assure à votre place l’ouverture et la fermeture du centre.

Du fait de votre absence non autorisée votre responsable de secteur a du faire appel en urgence au chef de centre de Lyon Pinel pour vous remplacer le centre de Lyon Porte des Alpes les 7,8, 10 et 12 mars 2011 ainsi qu’au chef du centre Grenoble La tronche le 9 mars 2011 afin de pouvoir assurer l’activité du centre. Au-delà de désorganiser l’activité de votre centre, votre absence injustifiée a eu pour conséquences de désorganiser l’activité de plusieurs centres du secteur.

Un tel manque de professionnalisme nuit gravement au bon fonctionnement de l’entreprise.

De tels manquements vont à l’encontre de vos obligations professionnelles et contractuelles et rendent Impossible la poursuite de nos relations contractuelles. Ils sont d’autant moins acceptables qu’il vous appartient, en votre qualité de chef de centre, de faire appliquer les procédures internes au sein de votre centre et de faire preuve d’exemplarité à l’égard de votre équipe.

Dans ces circonstances, nous ne pouvons vous maintenir dans vos fonctions et vous notifions par conséquent votre licenciement pour faute grave qui sera effectif à compter de l’envoi de cette lettre, date à laquelle cessera votre contrat de travail, la faute grave étant privative de préavis et d’indemnité de licenciement.'

Contestant le bien fondé de cette mesure, F G a saisi le Conseil de prud’hommes de Lyon, section encadrement, qui, par jugement du 5 septembre 2013, l’a débouté de ses demandes.

F G a interjeté appel de cette décision par déclaration du 18 septembre 2013.

Aux termes de ses conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 20 mai 2014, il demande à la Cour de :

— réformer le jugement entrepris,

— dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— ordonner la délivrance par la société MIDAS France d’un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi sous astreinte de 50 € par jour de retard,

— condamner la société MIDAS France à lui payer les sommes de

' 2 617,63 € au titre des congés payés pour l’année 2010/2011,

' 4 400 € au titre de deux mois de préavis,

' 1 320 € à titre d’indemnité de licenciement,

' 39 600 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

' 2 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses écritures régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 20 mai 2014, la société MIDAS France conclut à la confirmation de la décision déférée et au rejet des demandes présentées.

Subsidiairement, elle s’en rapporte sur l’indemnité de préavis et de licenciement et demande la limitation des dommages-intérêts aux 6 mois fixés par la loi.

MOTIFS DE LA DECISION :

Le licenciement prononcé pour faute grave a nécessairement un caractère disciplinaire.

Les motifs invoqués par l’employeur doivent être précis, objectifs et vérifiables.

Il résulte des dispositions combinées des articles L 1232-6 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d’un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l’employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d’une part d’établir l’exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d’autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise pendant la durée limitée du préavis.

L’audit réalisé le 16 mars dans le centre de Saint Priest dirigé par F G a mis à jour :

des anomalies dans les stocks,

l’absence d’inventaire en novembre et décembre,

des corrections de stocks sans justification,

des remises inexpliquées à certains clients.

Au titre de la gestion du centre, la liste des tâches liées à son poste mentionne expressément :

'la «'responsabilité du stock (rangement commandes, rotations, manquants ' gestion physique et informatique) et aussi adaptation et optimisation des pièces disponibles'»,

' la réalisation «'des inventaires perpétuels du stock, de l’outillage remis à chaque opérateur et de l’outillage du centre'».

F G ne peut en conséquent, alors qu’il ne conteste pas la matérialité des faits constatés, arguer de l’accès aux pièces donné à tous les salariés et de fautes de leur part du fait du non enregistrement des pièces utilisées voire même de mettre en cause l’intégrité d’un de ses collaborateurs alors qu’il n’a pas signalé d’anomalie au cours de la relation contractuelle.

Outre que les pièces facturées permettent de connaître les sorties, l’inventaire mensuel et le contrôle régulier du stock doit justement permettre de connaître les éventuels écarts et d’y remédier.

Or, il n’a pas effectué les inventaires de novembre et décembre 2010 et ceux existants comportent des rectifications ou des anomalies non expliquées.

Cette faute est caractérisée.

Trois clients ont bénéficié de remises équivalentes à celles réservées aux collaborateurs de la société.

L’explication donnée liée à une remise commerciale ne peut être reçue, une procédure existant dans une telle situation et étant mise en oeuvre par le service qualité et non par le centre.

Le grief est là encore établi.

La société MIDAS France reproche à F G d’avoir pris une semaine de congés payés du 7 au 12 mars 2011 sans l’en avertir et d’avoir ainsi désorganisé plusieurs centres, du personnel ayant dû en être distrait pour le remplacer.

F G affirme que le planning des congés payés était prévu depuis décembre 2010 et comprenait sa semaine de 7 au 12 mars mais qu’un salarié ayant quitté le Centre, l’équipe était en sous effectif et devait être renforcée par un chef de centre itinérant, la difficulté survenue n’étant due qu’à la carence de la société MIDAS France dans la gestion du personnel remplaçant.

Toutefois, devant, en sa qualité de chef de centre, tout à la fois organiser les plannings et «'anticiper les problèmes potentiels'», il n’indique avoir avisé la société MIDAS France de cette désorganisation des vacances prévues.

En effet, pour y faire face, il a modifié unilatéralement et au dernier moment le jour de repos du responsable d’atelier, Carlos Z, du mercredi au samedi et l’a chargé d’assurer l’ouverture toute la semaine. C’est sur les protestations de ce dernier que la société a été avisée et a organisé en urgence le remplacement de F G.

F G a déjà été sanctionné d’une mise à pied de trois jours le 10 juin 2009 pour un non respect des procédures internes notamment sur les conditions d’achat des collaborateurs et un manque de rigueur dans la gestion du stock

Les faits visés dans la lettre de licenciement sont établis et justifient la mesure de licenciement prononcé.

La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, l’employeur qui a tardé à engager la procédure de licenciement et laissé le salarié poursuivre son activité professionnelle pendant plusieurs semaines après les faits fautifs ne peut notifier un licenciement pour faute grave lorsqu’il avait dès l’origine une connaissance pleine et entière des faits retenus ensuite comme motif de rupture.

En l’espèce, la société MIDAS France n’établit ni allègue avoir eu tardivement connaissance de l’audit du 16 mars 2011 et n’argue pas d’investigations complémentaires. Elle était donc pleinement informée de la situation dès cette date .'

Or, la procédure de licenciement a été engagée seulement le vingt-huitième jour suivant cette connaissance des faits. L’entretien s’est tenu quarante jours après les faits et l’employeur s’est donné ensuite un délai de réflexion de vingt deux jours, la notification du licenciement intervenant plus de deux mois après les faits imputés au salarié.

La faute grave doit donc être écartée et la société MIDAS France condamnée aux sommes réclamées par F G au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de licenciement.

Le licenciement étant fondé, la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral liée à son éviction de l’entreprise doit être rejetée.

F G demande paiement d’une somme au titre des congés payés 2010/2011 sans donner la moindre explication à sa prétention ni produire des pièces permettant de vérifier l’ouverture du droit et, le cas échéant, le montant des sommes dues.

Il sera en conséquence débouté de cette demande et le jugement confirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Réforme le jugement entrepris en ce qu’il a retenu la faute grave et statuant à nouveau sur ce point,

Ecarte la faute grave,

Condamne la société MIDAS France à payer à F G les sommes de :

—  4 400 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

—  1 320 € à titre d’indemnité de licenciement,

—  2 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Le confirme pour le surplus,

Condamne la société MIDAS France aux dépens.

Le greffier Le Président

S. MASCRIER D. JOLY

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Lyon, 2 septembre 2014, n° 13/07317