Cour d'appel de Lyon, 2 décembre 2015, n° 14/06654

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 2 déc. 2015, n° 14/06654
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 14/06654
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lyon, 9 juillet 2014, N° F13/00745

Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE

A

R.G : 14/06654

Y

C/

XXX

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 10 Juillet 2014

RG : F 13/00745

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 02 DECEMBRE 2015

APPELANTE :

X Y

née le XXX à XXX

XXX

XXX

représentée par Me Céline MISSLIN de la SELARL JUSTICIAL AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me TESTARD Julie

INTIMÉE :

XXX

XXX

XXX

XXX

représentée par Me Vincent BURLES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Octobre 2015

Présidée par Michel BUSSIERE, Président magistrat A, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

— Michel BUSSIERE, président

— Agnès THAUNAT, conseiller

— Vincent NICOLAS, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 02 Décembre 2015 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel BUSSIERE, Président et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Mme X Y a été engagée le 23 février 2009 pour une durée indéterminée par la société Assurema en qualité de voyageur-représentant-placier exclusif sur le département du Rhône et les départements limitrophes. Elle bénéficiait d’un véhicule de société avec carte de carburant et carte de péage. Elle prétend avoir donné entière satisfaction à son employeur, ainsi que le révèle la rémunération qui lui a été versée, constituée notamment de primes sur objectifs et de primes exceptionnelles, faisant ressortir un salaire moyen de 3.279,78 € sur les six derniers mois.

Après avoir constaté, selon ses dires, des irrégularités sur ses bulletins de paie mentionnant des prélèvements inexpliqués à titre d’acomptes, de saisies sur salaire et d’amendes, et n’avoir pu obtenir les explications qu’elle avait sollicitées de son employeur, et alors qu’elle se trouvait en arrêt travail, elle a été convoquée le 4 janvier 2013 à un entretien fixé, après report, au 28 janvier suivant en vue de son licenciement, puis a été licenciée par lettre recommandée avec avis de réception en date du 7 février 2013 pour le motif ainsi énoncé tiré de l’utilisation à des fins personnelles de sa carte de péage et de sa carte de carburant :

« Dans le cadre de votre contrat de travail, un véhicule de fonction a été mis à votre disposition pour les besoins de votre activité professionnelle. Si celui-ci pouvait être utilisé à des fins personnelles, vous deviez cependant prendre à votre charge, lors de vos déplacements privés, les frais d’essence et de péage.

Ce point a d’ailleurs fait l’objet d’une note de service interne affichée au sein des locaux de la société en date du 2 mai 2011. Vous étiez donc parfaitement informée des conditions d’utilisation de la carte carburant et péage.

Or, fin décembre, lorsque nous avons reçu de la société Z en charge de la gestion desdites cartes les décomptes de l’année, nous nous sommes aperçus, vous concernant, que celle-ci avait été utilisée pendant vos congés et vos arrêts maladie.

En effet, nous avons constaté que vous vous étiez servie en date du 18 août 2012 à 00h08 de votre carte pour un montant de 45,45 €, alors que vous étiez censée être en congés du 6 au 25 août 2012 inclus. Au cours de cette même période, ladite carte a été utilisée à divers postes de péage notamment, Le Pertus-Béziers pour un montant de 9,81 €, Milla/Sud/Nord pour un montant de 8,60 €, Les Martres-Veauchette pour un montant de 10,78 €. Vous avez d’ailleurs ce même jour remis de nouveau du carburant pour un montant de 46,18 € à Gerland.

De même, le 25 août 2012, la carte fut une nouvelle fois utilisée à un poste de péage pour un montant de 3€.

En outre, au cours de vos arrêts maladie des 10 septembre 2012 au 20 octobre 2012, du 30 novembre 2012 au 4 décembre 2012 et du 13 décembre 2012 au 13 janvier 2013, vous vous êtes de nouveau permis d’utiliser votre carte professionnelle le 15 septembre 2012 à un poste de péage pour un montant de 1,53 €, le 29 septembre 2012 pour un plein de carburant de 49,14 €, et enfin le 2 décembre 2012 pour un nouveau plein de carburant d’un montant de 49,02 € .

Enfin, vous ne vous êtes également pas privée de l’utiliser durant les week-ends et jours fériés, le relevé indiquant un débit de 3 € à un poste de péage le dimanche 5 août 2012, et un autre le jeudi 17 mai 2012 (Ascension), toujours pour un montant de 3 € .

Au vu de ce qui précède, vous comprendrez aisément qu’il nous est impossible de cautionner ce type d’acte’ »

Mme Y a contesté le bien-fondé de la rupture de son contrat de travail en saisissant le 20 février 2013 la juridiction prud’homale et par jugement rendu le 10 juillet 2014, le conseil de prud’hommes de Lyon, section encadrement, a :

— Dit et jugé que le licenciement de Mme Y est justement fondé sur une faute grave

— Débouté Mme Y de l’intégralité de ses demandes

— Débouté la société Assurema de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles

— Condamné Mme Y aux entiers dépens

Par lettre recommandée en date du 5 août 2014 enregistrée le lendemain au greffe, Mme Y a régulièrement interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 5 août 2014 ;

Elle en demande l’infirmation par la cour en reprenant oralement à l’audience du 14 octobre 2015 par l’intermédiaire de son conseil les conclusions qu’elle a fait déposer le 7 avril 2015 et auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé de ses prétentions et moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, et tendant à :

— Dire et juger son licenciement abusif ;

— Condamner la société Assurema à lui payer la somme de 29.520,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

— Condamner la société Assurema à lui payer la somme de 9.840,00 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 984,00 € au titre des congés payés afférents ;

— Condamner la société Assurema à lui payer la somme de 2.623,82 € à titre d’indemnité de licenciement ;

— Condamner la société Assurema à lui payer la somme de 5.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

— Condamner la société Assurema à lui payer la somme de 5.202,71 € pour retenues injustifiées sur son salaire, outre 520,27 € au titre des congés payés afférents;

— Condamner la société Assurema à lui payer la somme de 1.500,00 € pour remise tardive des documents de fin de contrat ;

— Condamner la société Assurema à lui payer la somme de 2.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

La société Assurema a pour sa part fait reprendre à cette audience par l’intermédiaire de son conseil les conclusions qu’elle a fait déposer le 5 octobre 2015 et auxquelles il est pareillement référé pour l’exposé de ses prétentions et moyens, aux fins de voir :

— Constater les graves manquements de Mme Y ;

— Constater la régularité et le bien-fondé du licenciement pour faute grave de Mme Y et en conséquence,

— Débouter Mme Y de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

* A titre reconventionnel,

— Condamner Mme Y au paiement de la somme de 2.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— En cas de condamnation de l’employeur à rembourser les amendes retenues, condamner Mme Y à payer à la société la somme de 3.383,00 € en remboursement des amendes réglées par l’entreprise.

L’affaire a été plaidée à l’audience du 14 octobre 2015 ;

Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs faits, moyens et prétentions.

SUR CE, la Cour,

Sur le licenciement

Attendu qu’aux termes de l’article 10 de son contrat travail intitulé « Déplacements Professionnels », Mme Y a bénéficié d’un véhicule automobile de société, avec carte de carburant et carte de péage, aux conditions suivantes :

« Pour les besoins du service, l’entreprise met à la disposition de Mademoiselle X Y un véhicule de société.

Cette mise à disposition est faite en vue d’une utilisation professionnelle pour Mademoiselle X Y, celle-ci étant, cependant, autorisée à utiliser également la voiture en dehors de ses fonctions, à condition de supporter la dépense de carburant correspondant aux déplacements effectués à titre personnel.

Dans le cadre de ses déplacement d’ordre professionnel, Mademoiselle X Y bénéficiera d’une carte de carburant et péage.

Les frais d’assurance sont pris en charge par l’entreprise qui a souscrit pour la voiture une police d’assurance tous risques.

Mademoiselle X Y supportera, cependant, un montant forfaitaire sur sa rémunération mensuelle au titre de l’avantage en nature et de l’usage personnel qu’elle fait de son véhicule. Ce montant est évalué chaque année en fonction des nouvelles dispositions sociales et fiscales » ;

Attendu que par avenant signé le 1er mai 2009, les dispositions relatives à l’utilisation du véhicule de société par Mme Y lui été très clairement rappelées :

« Pour les besoins du service, l’entreprise met à la disposition de Mademoiselle X Y un véhicule de société.

Cette mise à disposition est faite en vue d’une utilisation professionnelle Mademoiselle X Y . Cette dernière sera, toutefois, autorisée à l’utiliser à des fins personnelles, à condition d’en faire un usage raisonnable et de supporter les dépenses de carburant correspondant aux déplacements effectués à titre personnel.»

Attendu qu’enfin, par note interne du 2 mai 2011, la société Assurema a encore attiré l’attention de l’ensemble de son personnel en ces termes :

« Nous vous rappelons qu’il est interdit d’utiliser la carte carburant et péage en dehors des déplacements professionnels et nous vous demandons de cesser toute utilisation de la carte carburant et péage pendant les congés et week-end »

Attendu que Mme Y ne pouvait dès lors ignorer que les dépenses de carburant et de péage étaient à sa charge lorsqu’elle utilisait à des fins personnelles le véhicule mis à sa disposition par son employeur ;

Attendu que, dans les conclusions qu’elle a fait déposer devant la cour et développer à l’audience, la salariée a expressément reconnu que, depuis son entrée au sein de la société Assurema, elle avait « toujours utilisé le véhicule mis à sa disposition pour son usage personnel et donc utilisé les cartes de péage et de carburant en conséquence » ; qu’elle ne conteste ainsi aucunement l’utilisation des cartes de péage et de carburant en violation des dispositions précitées et elle en fait même l’aveu judiciaire ;

Attendu qu’elle prétend cependant son employeur mal fondé à se prévaloir de cette utilisation de sa carte de péage et de sa carte de carburant à des fins personnelles pour justifier son licenciement pour faute grave notifié le 7 février 2013, en faisant tout d’abord valoir que l’utilisation irrégulière de son véhicule de société est constatée dans la lettre de licenciement depuis le mois d’août 2012, soit bien au-delà du délai de deux mois précédant l’engagement de la procédure de licenciement en janvier 2013 ;

Mais attendu que l’article L. 1332-4 du code du travail énonce que la prescription n’est acquise qu’à l’expiration « d’un délai de deux mois à compter du jour ou l’employeur ' a eu connaissance » des faits fautifs ; que la société Assurema justifie par l’attestation et la correspondance électronique du 28 décembre 2012 contenant le tableau des anomalies relevées, toutes deux rédigées par Mme G C, comptable, n’avoir reçu de la société Z le décompte annuel des carburants et péages qu’à la fin du mois de décembre 2012 et l’avoir immédiatement contrôlé ; que ce n’est ainsi qu’à cette date du 28 décembre 2012 qu’elle a eu connaissance de l’utilisation faite par Mme Y de sa carte de carburant à des fins personnelles pendant ses jours de congés et pendant son arrêt maladie ; qu’en outre la persistance du comportement fautif de la salariée dans le délai de deux mois à compter du jour où la société Assurema en a eu connaissance ne fait pas obstacle à la prise en considération de faits antérieurs qui se sont poursuivis ou réitérés dans ce délai ; que Mme Y ne peut enfin valablement soutenir que son employeur avait connaissance des débits litigieux à réception de ses relevés de compte mensuels, soit antérieurement au délai de deux mois précédant l’engagement de la procédure disciplinaire, au motif que la société Assurema rapporte la preuve que la société Z, gérant les cartes de carburant et de péage, ne lui prélevait mensuellement que des avances sans lui fournir le détail des consommations, ce qui excluait toute connaissance et contrôle de sa part ; que la prescription des faits litigieux ne saurait dès lors être opposée à la société Assurema ;

Attendu que Mme Y prétend encore que, pour justifier son licenciement, son employeur ne peut invoquer la faute grave, s’agissant de faits dont il avait pleine connaissance et qu’il avait toujours tolérés sans jamais lui en faire le reproche ; que le véhicule de société mis à sa disposition avait en effet été aménagé pour disposer de quatre places et permettre ainsi une utilisation familiale du fait de sa situation de mère célibataire ;

Attendu cependant que la société Assurema verse aux débats la déclaration de Taxe sur les Véhicules de Société de l’entreprise contenant la liste des véhicules concernés loués qui comportent tous quatre places ; qu’il est en outre justifié que la plupart des commerciaux de la société utilisaient un véhicule de quatre places, de sorte que Mme Y n’a bénéficié d’aucun traitement de faveur tenant à sa situation familiale pour disposer d’un tel véhicule, ainsi qu’en ont attesté Mme C, comptable, et M. D, directeur commercial ; qu’en tout état de cause l’utilisation d’un véhicule de société à des fins personnelles par Mme Y était contractuellement conditionné à sa prise en charge des dépenses de carburant et de péage ;

Attendu que la salariée ne rapporte pas la preuve de la tolérance qui lui aurait été accordée, alors même qu’il ressort des développements qui précèdent que son employeur n’avait pas connaissance de l’utilisation personnelle qu’elle faisait de la carte de carburant et de péage ; qu’en outre elle ne saurait soutenir que le grief reproché aurait été toléré dans la mesure où son contrat de travail, l’avenant sur l’utilisation du véhicule et la note de service, sont rédigés en termes parfaitement explicites et interdisent toute utilisation personnelle de la carte essence de la carte autoroute ; que cette interdiction a toujours été rappelée aux salariés, selon les attestations de Mme C, M. D et Mme B, elle-même VRP dans l’entreprise ; qu’enfin la société Assurema a immédiatement engagé la procédure de licenciement pour faute grave dès qu’elle a eu connaissance de la fraude de la salariée, manifestant ainsi son refus de toute forme de tolérance aux faits reprochés ;

Attendu que l’appelante invoque encore le caractère dérisoire des prélèvements résultant de l’utilisation frauduleuse de la carte de péage, pour prétendre qu’ils ne sauraient permettre la rupture de son contrat de travail ; qu’en outre celle-ci semble s’inscrire dans le cadre d’une politique d’externalisation de la force de vente par la société Assurema désireuse de privilégier le recours à des mandataires extérieurs ;

Attendu que les prélèvements effectués abusivement sur la carte de carburant et de péage ne sont toutefois pas dérisoires pour être relativement importants du fait de leur grand nombre échelonné sur une longue période de temps ; qu’en outre la gravité de la faute n’est pas subordonnée à celle du préjudice subi par l’employeur ; que la société Assurema affirme enfin ne pas avoir externalisé sa force de vente en confiant son activité à des prestataires extérieurs; qu’elle en rapporte la preuve en produisant aux débats le contrat de travail de Mme I J qui a été engagée à compter du 25 avril 2013, soit deux mois après le licenciement de Mme Y, pour la remplacer ;

Attendu dans ces conditions que Mme Y, qui avait précédemment fait l’objet de mises en garde valant sanction disciplinaire le 26 août 2010 pour des dépassements anormaux de consommation sur sa ligne téléphonique et le 25 novembre 2011 pour avoir stationné le véhicule de société sur un passage clouté et adopté un comportement inapproprié à l’égard de personnes âgées qui ne pouvaient de ce fait descendre du trottoir, a manqué à ses obligations contractuelles et aux instructions de son employeur en utilisant frauduleusement à des fins personnelles la carte de carburant et de péage qui ne lui avait été remise que pour une utilisation professionnelle du véhicule de service qui lui avait été confié ; que la gravité de la faute ainsi commise du fait de son échelonnement dans le temps et de l’absence de tout regret de la part de son auteur, déjà mis en garde à deux reprises, est d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise même pendant la durée limitée du préavis ; que le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Lyon doit en conséquence être confirmé en ce qu’il a dit que le licenciement de Mme Y était justement fondé sur une faute grave et a débouté la salariée de ses demandes indemnitaires ressortant de la rupture de son contrat de travail ;

Sur l’exécution prétendument déloyale du contrat de travail

Attendu que Mme Y reproche ensuite à son employeur des manquements fautifs durant l’exécution de son contrat de travail tenant au prélèvement sur son salaire de la somme totale de 1.166,40 € au titre d’amendes et de 4.036,31 € au titre de saisies inconnues d’elle et d’acomptes, ainsi qu’il en ressort de ses bulletins de paie des mois de février 2009 à février 2013 ;

Attendu qu’en ce qui concerne les saisies, la société Assurema justifie qu’il s’agissait d’avis à tiers détenteur ou d’une opposition administrative qui s’imposaient à elle ; qu’en outre Mme Y en était parfaitement informée pour avoir reçu les documents administratifs correspondants à son domicile ; que la somme demandée à ce titre n’est en conséquence pas due, aucun reproche légitime ne pouvant être formulé à l’encontre de l’employeur pour les retenues ainsi pratiquées ;

Attendu que les sommes retenues à titre d’acompte sur salaire correspondent à des versements remis à la salariée à sa demande par anticipation sur ses salaires et dont la société Assurema justifie par la production des courriers électroniques de demande et les virements correspondants ;

Attendu qu’aucune exécution déloyale du contrat de travail ne saurait dès lors lui être reprochée de ces chefs ;

Attendu que la société Assurema reconnaît toutefois avoir effectivement retenu sur le salaire de Mme Y les très nombreuses amendes qui lui avaient été infligées à l’occasion de la conduite du véhicule de société, parfois improprement sous la dénomination « acompte » ; qu’elle verse aux débats la justification des soixante-quatorze amendes pour lesquelles elle a réglé directement au Trésor Public au cours des années 2009 à 2012 la somme totale de 3.383,00 € ; qu’elle démontre en outre que de nombreuses amendes sont intervenues lors de l’utilisation manifestement personnelle du véhicule ;

Mais attendu qu’en application de l’article L. 1331-2 du code du travail, les retenues sur salaire pour le remboursement des contraventions afférentes à un véhicule professionnel mis au service du salarié sont interdites ; qu’il convient dès lors de condamner la société Assurema à en rembourser le montant à Mme Y , soit la somme de 3.383,00 € ;

Attendu cependant que la société Assurema justifie avoir effectué pour le compte de la salariée le règlement des contraventions qui lui étaient personnelles, dans la mesure où il ne s’agissait pas de dépenses inhérentes à l’exercice de son activité professionnelle ou à l’entretien du véhicule ; que Mme Y en doit le remboursement à la société Assurema dont la demande reconventionnelle présentée à ce titre est fondée ; qu’il importe toutefois de prononcer la compensation entre les obligations respectives des parties ; que la retenue abusive par la société Assurema sur le salaire de Mme Y des amendes payées a toutefois occasionné à cette dernière un préjudice ; qu’elle est dès lors fondée à obtenir le paiement de la somme de 300,00 € en réparation de son préjudice ressortant de l’exécution déloyale de son contrat de travail par l’employeur ;

Attendu que Mme Y sollicite enfin la condamnation de la société Assurema à lui verser des dommages-intérêts pour le retard apporté après son licenciement à la remise de l’ensemble des documents afférents à la rupture de son contrat de travail et le solde de tout compte, ceux-ci n’ayant été mis à sa disposition que le 19 février 2013, date de l’attestation destinée à Pôle Emploi ;

Attendu cependant que Mme Y a été licenciée pour faute grave le 7 février 2013 et qu’elle est entrée en possession le 18 février 2013 des documents de fin de contrat et du solde de tout compte de 2.070,10 € qu’elle a reconnu avoir reçu, soit 11 jours plus tard ; que l’établissement de ce solde a nécessité des informations sur les ventes réalisées par la salariée pour le calcul de ses commissions, de sorte qu’un certain délai a été nécessaire à l’employeur pour le réaliser ; qu’eu égard à la brièveté de ce délai, aucun manquement ne saurait lui être reproché ; que Mme Y ne peut dès lors qu’être déboutée de ce chef de demande ;

Attendu par ailleurs qu’aucune des parties ne voyant intégralement aboutir ses prétentions, l’équité ne commande pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de quiconque ;

Attendu que Mme Y, qui succombe en la plus grande part de ses demandes, supportera la charge des entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant après en avoir délibéré, publiquement, en matière sociale, en dernier ressort et contradictoirement

Déclare l’appel recevable ;

INFIRME le jugement rendu le 10 juillet 2014 par le conseil de prud’hommes de Lyon en ce qu’il a débouté Mme X Y de ses demandes en remboursement des retenues sur salaire et en paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et statuant à nouveau,

CONDAMNE la S.A.S. Assurema Direct à payer à Mme X Y la somme de 3.383,00 € (trois mille trois cent quatre vingt trois euros) correspondant aux retenues prohibées effectuées sur son salaire au titre des contraventions ;

Faisant droit à la demande reconventionnelle de la S.A.S. Assurema Direct, condamne Mme X Y à payer à la S.A.S. Assurema DIRECT la somme de 3.383,00 € (trois mille trois cent quatre vingt trois euros) au titre du règlement des contraventions dont elle s’était acquittée en ses lieu et place ;

ORDONNE la compensation entre ces sommes ;

CONDAMNE la S.A.S. Assurema Direct à payer à Mme Y la somme de 300,00 € (trois cents euros) à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

CONFIRME pour le surplus le jugement déféré en toutes ses autres dispositions ;

DIT n’y avoir pas lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de quiconque ;

CONDAMNE Mme X Y aux entiers dépens d’instance et d’appel.

Le greffier Le président

Sophie Mascrier Michel Bussière

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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