Cour d'appel de Lyon, 15 novembre 2016, n° 15/02890

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 15 nov. 2016, n° 15/02890
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 15/02890
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Lyon, 2 février 2015, N° 12/10530

Texte intégral

R.G : 15/02890

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 03 février 2015

RG : 12/10530

ch n°3

X

Y

C/

SCI DICARIMO

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

1re chambre civile B

ARRET DU 15 Novembre 2016

APPELANTS :

Me Z X, es-qualité de liquidateur judiciaire de la Société ERELLE
SARL, suivant jugement du TRIBUNAL DE COMMERCE de LYON du 28 juillet 2011

XXX

XXX

Représenté par la SELARL BIGEARD – BARJON, avocats au barreau de LYON

Mme A Y

Le Village

XXX

Représentée par la SELARL BIGEARD – BARJON, avocats au barreau de LYON

INTIMEE :

La Société DICARIMO, SCI, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés au

siège social sis

XXX

XXX

Représentée par la SELARL TILSITT AVOCATS, avocat au barreau de LYON

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 18 Février 2016

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 04
Octobre 2016

Date de mise à disposition : 15 Novembre 2016

Audience tenue par Françoise CARRIER, président et
Marie-Pierre GUIGUE, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Fabrice GARNIER, greffier

A l’audience, Françoise CARRIER a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

— Françoise CARRIER, président

— Marie-Pierre GUIGUE, conseiller

— Michel FICAGNA, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Françoise CARRIER, président, et par
Fabrice GARNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSE DE L’AFFAIRE

Par acte du 30 septembre 2008, la SARL ERELLE a acquis de la
SARL DI CAREST un fonds de commerce de café-bar- restaurant exploité 9 quai
Jean-Baptiste Simon à Fontaines sur Saône et, à cette occasion, a conclu avec la SCI DICARIMO un contrat de bail portant sur le local commercial et le local à usage d’habitation situé au-dessus, ce moyennant un loyer mensuel de 3 000 .

Ensuite d’un commandement de payer un arriéré de loyer en date du 6 octobre 2009, la SCI
DICARIMO a fait assigner la SARL ERELLE en référé provision-expulsion. Suivant ordonnance du 11 janvier 2010, le juge des référés a condamné la locataire au paiement d’une provision de 18 294 , lui a accordé un délai de 24 mois pour se libérer de sa dette en 24 échéances égales et a suspendu les effets de la clause résolutoire pendant le cours de ce délai.

Par lettre officielle de son conseil au conseil de la société DICARIMO en date du 22 janvier 2010, la
SARL ERELLE s’est plainte de graves désordres affectant les locaux commerciaux et gênant son exploitation à savoir :

— infiltrations d’eau par le plafond de la cuisine entraînant un gonflement, des fissurations et même un trou dans le faux plafond,

— absence d’étanchéité du sol en carrelage de la cuisine entraînant d’importantes inondations dans le local technique situé juste en dessous et dans lequel se trouvent la chaudière et la pompe à chaleur ainsi que les installations électriques,

— affaissement et dégradation des poutres constituant le plancher de la salle du bistrot et en dessous duquel se trouve la salle de danse,

— non conformité de l’installation électrique.

Par jugement du 4 février 2010, le tribunal de commerce a prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la locataire suite à une déclaration de cessation des paiements en date du 1er février 2010.

La SARL ERELLE a obtenu, suivant ordonnance de référé du 26 avril 2010, l’instauration d’une expertise, limitée toutefois à certains des désordres et confiée à M. B. Par arrêt du 11 janvier 2011, la mission de l’expert a été étendue à l’ensemble des désordres mentionnés dans le courrier du 22 janvier 2010.

L’expert a déposé son rapport le 6 mai 2011.

Sur assignation de l’inspection du travail en date du 10 juin 2011, le juge des référés a, par ordonnance du 4 juillet 2011, condamné la SARL ERELLE à fermer l’établissement jusqu’à la réalisation des différents travaux nécessaires à la mise en sécurité de l’établissement.

Par jugement du 28 juillet 2011, le tribunal de commerce a converti son redressement en liquidation judiciaire et désigné Me X en qualité de liquidateur judiciaire.

Ce dernier à résilié le bail par courrier du 8 septembre 2011.

Invoquant le manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance et à garantir les vices de la chose louée ayant entravé l’exploitation du fonds et provoqué la liquidation judiciaire de la locataire, la SARL ERELLE, représentée par Me X, et Mme A
Y, associée et gérante, ont, par acte du 30 août 2012, fait assigner la SCI DICARIMO devant le tribunal de grande instance de LYON à l’effet d’obtenir l’indemnisation de leurs préjudices respectifs.

Par jugement du 16 février 2015, le tribunal les a déboutées de leurs demandes et les a condamnées à payer à la SCI DICARIMO la somme de 1 000 en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit du conseil de la défenderesse.

Par acte du 1er avril 2015, la SARL ERELLE, représentée par Me X, et Mme A
Y ont interjeté appel de ce jugement.

Au terme de conclusions notifiées le 20 octobre 2015, elles demandent à la cour de :

— réformer intégralement le jugement déféré,

— condamner la SCI DICARIMO :

* à payer à la SARL ERELLE la somme de 20 000 au titre du trouble subi pendant l’exploitation ainsi que celle de 609 818,01 correspondant au passif de la liquidation judiciaire en réparation du préjudice résultant de l’impossibilité de sortir de la procédure collective in bonis,

* à payer à Mme A
Y la somme de 10 000 représentant le montant du capital social de la société et celle de 192 000 représentant le montant de la somme investie dans le cadre de l’acquisition de la société ERELLE (sic),

* à leur verser à chacune la somme de 3 000 en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de la SELARL BIGEARD
BARJON.

A l’appui de leurs prétentions, elles font valoir :

— que les locaux loués pour l’exploitation d’une activité de café, bar musical, pub dansant, restaurant ne correspondaient pas à cet usage du fait du non respect de multiples normes

— que si, en l’absence d’état des lieux, le local loué est présumé avoir été remis en bon état au locataire, cette présomption peut être renversée,

— que le bailleur ne peut s’exonérer à l’avance de l’obligation de procéder aux travaux rendus nécessaires par les vices affectant la structure de l’immeuble loué,

— que la SARL ERELLE avait averti la bailleresse des désordres existants sans que cela soit suivi d’effet ; qu’en toute hypothèse, le défaut d’information relative à de tels désordres ne saurait entraîner l’exonération du bailleur de ses obligations,

— que les désordres, antérieurs à la prise de possession des locaux, étaient cachés pour la SARL
ERELLE mais connus de la SCI DICARIMO et doivent donc être garantis par cette dernière,

— que ces défauts sont exclusivement imputables à la bailleresse, qu’en l’absence de clause du bail mettant à la charge de la locataire les travaux imputables à la vétusté, ceux-ci restent à la charge de la bailleresse,

— que la résiliation des travaux aurait permis d’éviter la fermeture administrative de l’établissement intervenue le 4 juillet 2011, entraînant la liquidation judiciaire de la SARL ERELLE,

— que si les difficultés antérieures de la SARL
ERELLE expliquent son placement en redressement judiciaire, elles n’ont eu aucun rôle dans l’impossibilité d’exploiter résultant de l’ordonnance de référé imposant la fermeture de l’établissement.

Au terme de conclusions notifiées le 25 août 2015, la SCI DICARIMO, demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de condamner les appelants à lui payer la somme de 10 000 à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, la somme de 10 000 en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens avec faculté de distraction au profit de Me C.

Elle fait valoir :

— que le bien loué était conforme à sa destination contractuelle, l’exploitation du fonds de commerce dans les locaux loués ayant été possible pendant plusieurs mois sans qu’aucune réclamation ne soit faite,

— que les dégradations litigieuses ne sont que le résultat du défaut d’entretien du bien loué imputable

au preneur, le bail mentionnant expressément que le bailleur n’aurait à sa charge que les réparations afférentes aux gros murs et voûtes, ou au rétablissement des poutres et des couvertures entières,

— que le défaut d’entretien imputable à la SARL
ERELLE ressort du non renouvellement des contrats de maintenance et d’entretien ainsi que des conclusions de l’expert judiciaire,

— que la clause du bail prévoyant que les lieux sont pris par le preneur dans leur état actuel sans qu’aucune réparation ne puisse être exigée est licite,

— que la SARL ERELLE a violé ses obligations contractuelles du fait du non-paiement des loyers, du non-respect de ses obligations d’entretien et de maintenance ainsi que de son obligation d’information lui imposant de signaler au bailleur tout désordre et dégradation, allant jusqu’à refuser l’intervention de professionnels diligentés pour effectuer des réparations,

— qu’il n’existe aucun lien de causalité entre la prétendue violation de ses obligations contractuelles et le préjudice évoqué par les appelants, la SARL
ERELLE étant seule responsable de ses difficultés financières dues aux choix de gestion de ses dirigeants,

— que le montant des demandes d’indemnisation présentées par les appelants ne sont pas justifiées et apparaît disproportionné au regard de l’estimation de l’expert quant au montant des réparations nécessaires,

— que la légèreté avec laquelle le procès a été initié puis poursuivi en appel caractérise un abus de procédure.

La clôture a été prononcée le 18 février 2016.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les manquements à l’obligation de délivrance

Selon les articles 1719 et 1720 du code civil, le bailleur est tenu de délivrer la chose louée en état de servir à l’usage auquel elle est destinée et en bon état de réparations de toute espèce de sorte qu’il ne peut, par le biais d’une clause relative à l’exécution de travaux dans les lieux loués, s’affranchir de son obligation de délivrance.

La clause prévoyant que le locataire prend les lieux en l’état ne décharge pas le bailleur de son obligation de délivrance et n’emporte pas renonciation du preneur à demander l’exécution des réparations dont la nécessité apparaîtrait postérieurement.

La présomption de bon état résultant de l’absence d’état des lieux n’est qu’une présomption simple, susceptible de preuve contraire.

En l’espèce, il résulte du rapport d’expertise que :

— l’affaissement de la poutre en plafond de la salle de danse est imputable à la vétusté,

— les infiltrations par le plafond de la cuisine proviennent de l’absence du trop-plein obligatoire, qui aurait permis d’évacuer les excédents d’eau par gros orage,

— si le défaut d’étanchéité du carrelage dans la zone cuisine est dû pour partie à la défectuosité d’un joint dont l’entretien incombe à la locataire il provient également du raccord des plinthes ciment qui n’assurent pas l’étanchéité minimale, alors que le sol carrelé d’une cuisine de restaurant, équipée à cette fin d’une bonde, doit permettre le nettoyage à grande eau,

— les non conformités et dysfonctionnements de l’installation électrique sont dûs à la vétusté,

— les désordres et dysfonctionnements de la chaudière résultent d’une vétusté de l’installation et de raccordements électriques non conformes voire dangereux, sans lien avec un quelconque défaut d’entretien imputable à la locataire, l’expert ayant relevé que la société ATOUT GAZ, précédemment chargée de l’entretien, avait résilié l’abonnement souscrit par la société DI CAREST après être intervenue 'une dizaine de fois pour des dépannages’ ce qui suffit à démontrer si besoin était l’antériorité des désordres et la connaissance qu’en avait la bailleresse dont le gérant était le même que celui de la société DI CAREST.

Il résulte suffisamment de ces éléments que l’état dans lequel les lieux ont été délivrés ne permettait pas une utilisation conforme à leur destination.

La carence de la locataire à informer immédiatement la bailleresse des désordres affectant l’immeuble n’a pas pour effet d’exonérer cette dernière de son obligation de remise en état. Il n’est d’autre part pas démontré que la carence de la locataire sur ce point ait contribué à l’aggravation des dommages.

Il est acquis que la bailleresse a été avertie des désordres dès le mois de janvier 2010 et qu’elle n’a fait pris aucune mesure pour y remédier. Le non paiement des loyers par la locataire ne l’exonérait pas de son obligation de délivrance.

Sur le préjudice

Les appelantes se contentent de fournir au soutien de leurs demandes de dommages et intérêts le relevé des créances déclarées.

La décision de fermeture du fonds ne permet pas de présumer qu’elle est la cause de la liquidation judiciaire prononcée à l’issue de l’ultime période d’observation. Le renouvellement à deux reprises de la période d’observation ne permet pas plus de présumer que l’entreprise était viable et qu’un plan de redressement était possible.

C’est par une exacte analyse que le premier juge a retenu que les demanderesses ne rapportaient pas la preuve d’un préjudice en lien direct et certain avec les manquements reprochés à la défenderesse et le jugement déféré sera purement et simplement confirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts de la SCI DI
CARIMO

L’exercice d’une action en justice ou d’une voie de recours constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équivalente au dol.

En l’espèce, aucun élément de la procédure ne démontre que la SARL ERELLE et Mme Y aient formé appel de mauvaise foi ou dans l’intention de nuire à l’intimée.

La SCI DI CARIMO sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DEBOUTE la SCI DI CARIMO de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Me X en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL ERELLE et Mme A Y aux dépens ;

AUTORISE Me C à recouvrer directement à leur encontre les dépens dont elle aurait fait l’avance sans avoir reçu provision.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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Textes cités dans la décision

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  2. Code civil
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