Cour d'appel de Lyon, 1re chambre civile a, 1er décembre 2016, n° 15/01992

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 1re ch. civ. a, 1er déc. 2016, n° 15/01992
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 15/01992
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Lyon, 3 février 2015, N° 13/07177
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 13 juin 2022
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Sur les parties

Texte intégral

R.G : 15/01992

Décision du tribunal de grande instance de Lyon

Au fond du 04 février 2015

1ère chambre

RG : 13/07177

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 1er Décembre 2016

APPELANTS :

[W] [B]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Maître Nathalie PEQUIGNOT, avocat au barreau de LYON

assisté de la SCP Cabinet juridique et fiscal SORET – C.J.F.S., avocat au barreau d’EVREUX

[P] [B] épouse [K]

née le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 3] (RHONE)

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Maître Nathalie PEQUIGNOT, avocat au barreau de LYON

assistée de la SCP Cabinet juridique et fiscal SORET – C.J.F.S., avocat au barreau d’EVREUX

INTIMEE :

Direction Générale des Finances Publiques, poursuites et diligences du Directeur Régional des Finances Publiques

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par la SCP TUDELA ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l’instruction : 03 novembre 2015

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 13 octobre 2016

Date de mise à disposition : 1er décembre 2016

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

— Jean-Louis BERNAUD, président

— Françoise CLEMENT, conseiller

— Vincent NICOLAS, conseiller

assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier

A l’audience, Françoise CLEMENT a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.

Signé par Jean-Louis BERNAUD, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

[W] [B] et [P] [K] épouse [B] détiennent 100 % du capital social de la société civile EXALIA FINANCE qui elle-même détient 49,96 % du capital de la société SEPS dont [W] [B] est le dirigeant et qui a pour activité la commercialisation des équipements de sécurité pour cuisines industrielles.

Considérant avoir déclaré à tort dans leur assiette de l’impôt sur la fortune la valeur de la société EXALIA FINANCE pour les années 2010, 2011 et 2012, les époux [B] ont formé en vain une réclamation auprès de l’administration fiscale et ils ont assigné le DIRECTEUR REGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES DE RHONE ALPES ET DU DEPARTEMENT DU RHONE par acte d’huissier du 3 juin 2013, afin d’obtenir le remboursement de la somme de 223.119 €.

Par jugement rendu le 4 février 2015, le tribunal de grande instance de Lyon a débouté les époux [B] de leurs demandes au motif que n’est pas rapportée la preuve de la qualité d’animatrice de son groupe de la société EXALIA FINANCE dont l’activité principale apparaît seulement en tant que gestionnaire de son propre patrimoine et ne peut donc être considérée comme une holding animatrice, les parts détenues par le couple ne pouvant donc être considérées comme des biens professionnels susceptibles d’exonération ISF.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 10 septembre 2015 par [W] [B] et [P] [K] épouse [B],appelants selon déclaration du 3 mars 2015, lesquels demandent à la cour de juger que la holding EXALIA FINANCE est bien une société animatrice de son groupe, d’ordonner le remboursement de l’ISF payé par les époux [B] au titre des années 2010, 2011 et 2012 sur la part correspondant à la valeur de la société holding, soit la somme de 223.119 €, sollicitant enfin l’octroi d’une indemnité de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 22 septembre 2015 par la Direction Générale des Finances Publiques, poursuites et diligences du Directeur Régional des Finances Publiques qui conclut à la confirmation du jugement critiqué et sollicite l’octroi d’une indemnité de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu l’ordonnance de clôture en date du 3 novembre 2015.

MOTIFS ET DECISION

Les époux [B] soutiennent que la société holding EXALIA FINANCE répond aux conditions à remplir pour que les titres d’une société soumise à l’IS soient exonérés d’ISF, en ce qu’elle participe à la conduite politique du groupe et au contrôle des filiales et anime effectivement le groupe ; ils ajoutent que la réponse de l’administration fiscale parisienne concernant la société holding A3F de son associé, reconnaissant le rôle d’animatrice de cette dernière, doit être transposée à la situation de la société EXALIA FINANCE.

L’administration fiscale soutient qu’une holding «animatrice» soumise à l’impôt sur les sociétés peut être qualifiée de bien professionnel et exonérée d’impôt de solidarité sur la fortune si elle remplit les conditions suivantes :

— l’un des membres du foyer fiscal exerce dans la société l’une des fonctions de direction prévues au 1° de l’article 885 O quater du code général des impôts,

— cette fonction donne lieu à une rémunération normale qui représente plus de la moitié des revenus professionnels du dirigeant,

conditions remplies en l’espèce selon l’administration fiscale,

— la fonction animatrice doit être démontrée selon les critères suivants :

— rôle essentiel du dirigeant de la holding auprès des filiales du groupe, démontré par les comptes rendus des conseils d’administration et le rapport des commissaires aux comptes,

— prestations de services rendues aux filiales consistant à effectuer et à conseiller les investissements assurant la croissance externe du groupe ou les réorientations stratégiques,

condition non remplie en l’espèce selon l’administration fiscale.

La Direction Générale des Finances Publiques, poursuites et diligences du Directeur Régional des Finances Publiques ajoute que le bénéfice de la qualification de biens professionnels ne peut être subordonné à la seule existence, au sein de la société holding, d’une convention d’animation et de structures importantes pour réaliser l’animation du groupe et la fourniture par cette société de services spécifiques rendus de manière habituelle et il conteste en l’espèce le rôle d’animation effectif de la holding EXALIA au regard de ses rapports patrimoniaux avec ses filiales, ressortant en particulier de la lecture des rapports de gérance et de l’absence de contrepartie financière effective correspondante.

En application des dispositions de l’article R 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque l’imposition contestée a été établie d’après les bases indiquées dans les déclarations souscrites.

En application des dispositions de l’article 885 O bis du code général des impôts, les parts ou actions d’une société holding soumise à l’impôt sur les sociétés peuvent être qualifiées de bien professionnel et exonérées d’impôt sur la fortune si elles remplissent les conditions suivantes :

— les titres détenus par le foyer fiscal directement par l’intermédiaire d’une société représentent 25 % des droits de vote ou si leur valeur excède 50 %, du patrimoine imposable,

— l’un des membres du foyer fiscal exerce dans la société l’une des fonctions de direction prévues audit article,

— cette fonction donne lieu à une rémunération normale qui représente plus de la moitié des revenus professionnels du dirigeant,

— le propriétaire des parts ou actions doit être soit gérant nommé, soit associé, soit président-directeur général, soit membre du conseil de surveillance ou du directoire.

Il n’est pas discuté par l’administration fiscale que les conditions susvisées sont remplies en l’espèce, seule la qualité d’animatrice de son groupe de la société EXALIA FINANCE étant remise en cause.

Si l’article 885 O quater du code général des impôts indique que ne sont pas considérés comme des biens professionnels, les parts ou actions de sociétés ayant pour activité principale la gestion de leur propre patrimoine mobilier ou immobilier, la doctrine administrative admet la qualification de biens professionnels (permettant l’exonération ISF) aux parts ou actions de sociétés holdings animatrices de leur groupe.

L’administration fiscale définit la société holding animatrice de son groupe comme la société qui outre la gestion d’un portefeuille de participations :

— participe activement à la conduite de la politique du groupe et au contrôle des filiales,

— rend, le cas échéant et à titre purement interne au groupe, des services spécifiques administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers.

La preuve du rôle d’animation effective d’une société holding doit résulter d’éléments concrets qui ne se limitent pas à la détention d’une partie du capital social ou à l’exercice de mandats sociaux d’activité de direction ; ces éléments concrets doivent être tirés de l’influence réelle de la holding sur la politique, l’activité où le fonctionnement de sa ou de ses filiales ; il faut qu’indépendamment de l’identité de dirigeants, la holding possède une certaine consistance économique et dispose de moyens propres, comptables, juridiques ou financiers ; l’importance du rôle joué par le dirigeant dans l’animation du groupe du fait de sa compétence, de son expérience, de son réseau relationnel et de son savoir-faire est essentielle pour caractériser le rôle d’animateur de la holding.

L’ensemble des éléments produits au dossier par les époux [B] permettent à la cour de constater que :

— la société civile EXALIA FINANCE est une société holding aux termes mêmes de ses statuts, au capital de 2.207.000 €, immatriculée depuis le 18 juillet 2007 au registre du commerce et des sociétés de Lyon sous le numéro 499 128 726 et dont le siège social est situé [Adresse 1],

— elle a pour objet social «la prise de participation dans la société d’exploitation des procédés steiger (STEPS), l’acquisition, la gestion d’un portefeuille de valeurs mobilières en France et à l’étranger, l’acquisition de titres de sociétés commerciales ou immobilières ainsi que toute prise de participation dans une ou plusieurs sociétés ; toute activité commerciale et financière en général ; toutes activités annexes ou accessoires»,

— une convention de gestion et d’administration a été signée le 8 décembre 2009 avec effet rétroactif au 1er janvier 2009, entre la société EXALIA FINANCE et la société SEPS aux termes de laquelle cette dernière s’est engagée à respecter «la politique stratégique du groupe et des politiques d’investissement et ou de désinvestissement et des politiques commerciales à réaliser au sein du groupe» dans les conditions fixées par la société holding, une redevance de 1.000 € par mois étant prévue entre les parties en rémunération des services rendus,

— la société EXALIA FINANCE réalise des rapports trimestriels sur son activité au sein du groupe, signés par son gérant [W] [B],

— les procès-verbaux d’assemblée générale ordinaire des associés rappellent en préambule que 'la société EXALIA FINANCE, en sa qualité de société animatrice de groupe, a pour prérogative de définir la stratégie des sociétés du groupe et que la réunion de ce jour, a pour objet de vérifier si les directives données ont été respectées'.

Il ressort notamment des rapports de gérance établis par société EXALIA FINANCE, pour la période du 30 mars 2009 au 30 septembre 2012 que la société EXALIA FINANCE, via l’intervention de son gérant [W] [B] qui n’aurait pu prendre de telles décisions en sa seule qualité de directeur général de la société opérationnelle SEPS, a pris les décisions suivantes :

— assignation en justice du groupe RENTOKIL dont le coût de la procédure et des éventuelles condamnations ne pouvaient être assumées par le groupe ou [W] [B] lui-même mais seulement par la holding EXALIA FINANCE,

— développement des réseaux SAFETY FIRST et NATEXAIR au Canada, en Europe et au Maghreb, les fonds destinés à ces développements étant apportés par la société holding après avoir été puisés dans les réserves des filiales ayant pour vocation de revenir aux sociétés holdings actionnaires,

— développement de nouveaux produits techniques et décision de lancer de nouvelles marques,

— décision de recruter un nouveau directeur général au sein du groupe pour conduire la stratégie définie par la société holding EXALIA FINANCE,

— réalisation d’une étude portant sur l’opportunité d’acquérir une cible concurrente pour accroître la taille critique du groupe,

— décision d’innover dans le 'green économie’ en développant des produits innovants comme les automates NATEXAIR concept AZUR, NATEXAIR PC-40 ainsi que dans les possibilités optionnelles offertes par le Kitchen Global Services,

— décision de rénover le siège social de la société SEPS en lui allouant un budget de 600'K€ pour financer les travaux,

— décision de renflouer la filiale espagnole SODYMAN à hauteur de 500 K€,

— engagement de discussions avec les dirigeants d’IGIENAIR pour le développement d’un partenariat stratégique avec la société SAFEXIS-Europe SAS,

— engagement de discussions avec la structure canadienne SAFETY FIRST PLACEMENTS pour un échange de participations,

— décision de se développer dans un nouveau métier (restauration) pour développer des synergies avec le métier actuel.

Les procès-verbaux d’assemblée générale ordinaire des associés produits au dossier pour la période de juillet 2010 à décembre 2011 permettent de constater qu’a été vérifiée par la société holding, la mise en application par la société opérationnelle SEPS et les filiales, des orientations stratégiques prises par la société EXALIA FINANCE qui leur en a donné acte.

Il s’avère par ailleurs que les liquidités inscrites au bilan de la société EXALIA FINANCE proviennent pour l’essentiel de la cession en 2007 des parts des 7 sociétés TECHNIVAP au groupe RENTOKIL qui n’ont pas été distribuées aux associés et que des factures mensuelles ont été régulièrement émises par la société EXALIA FINANCE à l’intention de la société SEPS pour la période du 1er juillet 2009 au 1er février 2013, en rémunération des services et prestations fournies conformément aux dispositions prévues au titre de la convention de gestion et d’administration conclue en décembre 2009.

L’ensemble des éléments fournis, convention d’animation conclue entre la société SEPS et la société EXALIA FINANCE, rapports d’activité et procès-verbaux d’assemblée générale d’EXALIA FINANCE, ajoutés à la démonstration faite de l’implication et du rôle essentiel de son dirigeant [W] [B] dans la gestion des sociétés EXALIA FINANCE et SEPS établissant l’animation effective de la société holding, permettent à la cour de reconnaître à la société civile EXALIA FINANCE le caractère de holding animatrice du groupe qu’elle forme avec sa filiale SEPS au regard de l’impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2010, 2011 et 2012 ; l’absence de réinvestissements opérés par la société sur la période 2007 à 2013, marquée par une crise économique majeure, ne suffit pas à priver la société du caractère d’animateur de son groupe.

Il s’ensuit que les titres de la société EXALIA FINANCE détenus par [W] [B] et [P] [K] épouse [B] sont éligibles au bénéfice de l’exonération d’impôt de solidarité sur la fortune prévue par l’article 882 O bis du code général des impôts.

Il convient dès lors de faire droit à la demande de remboursement présentée par les époux [B] et de condamner en ce sens la Direction Générale des Finances Publiques, poursuites et diligences du Directeur Régional des Finances Publiques à payer à ces derniers, la somme non contestée dans son quantum de 223.119 € acquittée à tort par ces derniers au titre de l’impôt sur la fortune pour les années 2010, 2011 et 2012, réformant en cela le jugement critiqué.

L’équité et la situation économique des parties commandent enfin l’octroi aux époux [B] à la charge de l’administration fiscale, d’une indemnité de procédure de 3.000 €, cette dernière qui succombe ne pouvant qu’être déboutée en sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Réforme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 février 2015 par le tribunal de grande instance de Lyon,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la Direction Générale des Finances Publiques, poursuites et diligences du Directeur Régional des Finances Publiques à payer à [W] [B] et [P] [K] épouse [B] la somme de 223.119 € en remboursement de l’impôt de solidarité sur la fortune acquittée par ces derniers au titre des années 2010, 2011 et 2012,

Condamne la Direction Générale des Finances Publiques, poursuites et diligences du Directeur Régional des Finances Publiques à payer à [W] [B] et [P] [K] épouse [B] la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la Direction Générale des Finances Publiques, poursuites et diligences du Directeur Régional des Finances Publiques de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Direction Générale des Finances Publiques, poursuites et diligences du Directeur Régional des Finances Publiques aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

Joëlle POITOUXJean-Louis BERNAUD

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