Cour d'appel de Lyon, 1re chambre civile a, 12 mai 2016, n° 13/08110

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 1re ch. civ. a, 12 mai 2016, n° 13/08110
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 13/08110
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse, 26 septembre 2013, N° 2011006153
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 16 mai 2022
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Sur les parties

Texte intégral

R.G : 13/08110

Décision du tribunal de commerce de Bourg-en- Bresse

Au fond du 27 septembre 2013

RG : 2011006153

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 12 Mai 2016

APPELANTE :

SAS PHENIX INTERIM 69

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Maître Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON

assistée de la SELARL FIDACT, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

INTIMEE :

SAS MCTI

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par la SELARL BISMUTH AVOCATS, avocat au barreau de LYON

assistée de la SCP ADIDA & ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

******

Date de clôture de l’instruction : 13 Janvier 2015

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 Mars 2016

Date de mise à disposition : 12 Mai 2016

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

— Michel GAGET, président

— Françoise CLEMENT, conseiller

— Vincent NICOLAS, conseiller

assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier

A l’audience, Michel GAGET a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

Vu le jugement en date du 27 septembre 2013 du tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse qui déboute la société Phenix Interim 69 de ses demandes aux motifs que la société MCTI n’est pas complice de la violation de la clause de non-concurrence insérée au contrat de travail de [E] [Z], que la société MCTI n’a commis aucun acte de concurrence déloyale ou de parasitisme envers la société Phenix Interim 69 et n’a commis aucune faute au sens de l’article 1382 du code civil ;

Vu l’appel régulièrement formé par la société Phenix Interim 69 le 16 octobre 2013 ;

Vu les conclusions en date du 1er octobre 2014 par lesquelles la société Phenix Interim 69 tend à la réformation du jugement aux motifs que la société MCTI est complice de la violation, par [E] [Z] de la clause de non-concurrence qui était insérée au contrat de travail liant ce dernier à la société Phenix Interim 69, que la société MCTI a commis des actes de concurrence déloyale en détournant les clients et salariés intérimaires de la société Phenix Interim 69 par des moyens déloyaux et parasitaires et que la société MCTI a commis des fautes, au sens de l’article 1382 du code civil, causant ainsi à la société Phenix Interim 69 un préjudice économique ;

Vu les mêmes conclusions par lesquelles la société Phenix Interim 69 demande à la Cour :

— à titre principal :

1) de condamner la société MCTI à lui verser la somme de 825 000 euros au titre du préjudice subi,

— à titre subsidiaire :

2) de désigner un expert avec pour mission de :

— se faire communiquer sur la période du 1er août 2006 jusqu’au 31 décembre 2010 tous documents et pièces qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission, et notamment les fichiers clients et intérimaires des sociétés MCTI et Phenix Interim 69,

— de rendre sur place, au siège social de la société MCTI et dans son agence de Saint-Laurent-Sur-Saône ou dans toute agence exploitée par la société MCTI,

— rechercher si la société MCTI a tiré profit et tire encore profit à ce jour, et dans quelle mesure, des listes de sociétés clientes de la société Phenix Interim 69 emportées et/ou obtenues par [E] [Z],

— rechercher si la société MCTI a tiré profit et tire encore profit à ce jour, et dans quelle mesure, des listes des salariés intérimaires des sociétés Phenix Interim 69 emportées et/ou obtenues par [E] [Z],

— fournir tous les éléments techniques, de fait et comptables de nature à permettre à la juridiction saisie de déterminer les préjudices financiers et commerciaux subis par la société Phenix Interim 69 à compter du 1er août 2006 et jusqu’à ce jour, et qu’elle estime à minima à la somme de 825 000 euros,

— dire que l’expertise sera mise en 'uvre et que l’expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des article 263 et suivants du code de procédure civile et que, sauf conciliation des parties, il déposera son rapport au secrétariat du greffe de la juridiction dans les six mois de sa saisine,

— dire qu’il en sera référé au juge en cas de difficultés,

— fixer la provision à consigner au Greffe, à titre d’avance sur les honoraires de l’expert, dans le délai qui sera imparti par la jugement à intervenir ;

— en tout état de cause :

3) d’ordonner à la société MCTI de cesser tout acte de concurrence déloyale à l’égard de la société Phenix Interim 69 ;

4) d’ordonner à la société MCTI sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard à compter du prononcé de la présente décision, de rompre tout lien de droit la liant à [E] [Z] ;

5) de se réserver le droit de liquider l’astreinte ;

6) d’ordonner la publication de la décision à intervenir dans trois journaux locaux distribués sur les départements 01, 69 et 71 aux frais exclusifs de la société MCTI ;

7) de condamner la société MCTI à payer à la société Phenix Interim 69 la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du Code procédure et aux entiers dépens ;

Vu les conclusions en date du 20 novembre 2014 par lesquelles la société MCTI tend à la confirmation du jugement attaqué aux motifs qu’elle ne s’est pas rendue complice de la violation de la clause de non-concurrence, qu’elle n’a pas commis d’acte de concurrence déloyale et pas commis de faute ayant fait subir un préjudice à la société Phenix Interim 69 ;

Vu les mêmes conclusions par lesquelles la société MCTI demande à la Cour de condamner la société Phenix Interim à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 13 janvier 2015.

DECISION

1. [E] [Z] était le salarié de l’entreprise Phenix Interim 69 (ci après dénommée Phenix), spécialisée dans le domaine du travail temporaire. Son contrat de travail comprenait une clause de non-concurrence pendant un an pour les départements 21, 69 et 71 moyennant une contrepartie financière. [E] [Z] a démissionné le 24 avril 2006 et a terminé son préavis le 24 juillet 2006. Le 26 juillet 2006, il a immatriculé au Registre du Commerce et des Sociétés de Bourg-en-Bresse la société de travail temporaire MCTI et en assure la présidence.

2. Par arrêt confirmatif en date du 16 mars 2010, la Cour d’appel de Lyon a condamné [E] [Z] à verser la somme de 150 000 euros à la société Phenix à la demande de cette dernière sur le fondement de la violation de la clause de non-concurrence.

3. Le 25 mars 2011, la société Phenix a assigné la société MCTI aux fins de la voir condamner sur le fondement de la complicité de la violation de la clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail de [E] [Z] et pour actes de concurrence déloyale.

Sur la demande au titre de la complicité de la violation de la clause de non-concurrence :

4. La société Phenix soutient que la société MCTI s’est rendue complice de la violation par [E] [Z] de la clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail de celui-ci. La société Phenix expose à ce titre que la société MCTI a violé la clause de non-concurrence en ayant recours aux services de [E] [Z] en toute connaissance de cette clause contractuelle.

Plus précisément, la société Phenix expose que la société MCTI a eu recours et a profité des services de [E] [Z] en lui consentant un mandat social, en concluant des contrats sous la plume de celui-ci et ce, en violation délibérée de la clause de non-concurrence.

Elle ajoute que ce comportement est constitutif d’une faute au sens de l’article 1382 du code civil.

5. De son côté, la société MCTI soutient d’une part qu’elle n’a jamais eu connaissance de la clause de non-concurrence car les mises en demeure effectuées par la société Phenix ont été adressées à [E] [Z] et non à la société MCTI, et d’autre part, que la clause de non-concurrence n’a pas été violée car [E] [Z] n’a pas été embauché ou débauché par la société MCTI dans la mesure où il n’a pas la qualité de salarié au sein de celle-ci.

La société MCTI ajoute à titre subsidiaire que la société Phenix ne peut réclamer aucun dédommagement à cet égard car elle a déjà été indemnisée par [E] [Z] qui a été condamné à ce titre.

6. La Cour constate d’abord, comme le retient à bon droit, le jugement attaqué,que la société MCTI a été créée par [E] [Z] qui y exerce la fonction de président et non de salarié. De cette mesure, il n’a pas été débauché ou embauché par cette société.

7. La Cour constate ensuite que la société MCTI n’a pu commettre de faute en recourant aux services de [E] [Z] puisqu’elle n’a pas eu de rôle positif en ce sens. En effet, la société MCTI qui a été créée par [E] [Z] ne peut être tenue responsable du simple fait d’avoir été créée par la personne physique liée par la clause de non-concurrence, et de lui avoir donné mandat social. La société MCTI n’a donc commis aucune faute à cet égard, seul [E] [Z] ayant en effet commis une faute à cet égard, pour laquelle il a déjà été condamné.

8. En conséquence, la demande de la société Phenix au titre de la complicité de la violation de la clause de non-concurrence est mal fondée et doit être rejetée. Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur la demande fondée sur les actes de concurrence déloyale et de parasitisme :

9. La société Phenix soutient que la société MCTI a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme à son égard. Elle expose que la société MCTI a détourné des clients salariés intérimaires par des moyens déloyaux, des débauchages, et qu’elle a également usurpé l’identité de la société Phenix auprès des clients et salariés intérimaires créant une confusion à son profit. La société Phenix estime que ces actes constitutifs d’une concurrence déloyale lui ont causé un préjudice financier évalué à 825 000 euros, lié à sa perte de chiffre d’affaires après la création de la société MCTI.

La société Phenix expose notamment que la société MCTI a utilisé les fichiers clients de la société Phenix afin de développer son chiffre d’affaires, et ce en débauchant les salariés intérimaires. Elle cite les exemples de MM [N], [L], [E], [V] et [G] qui ont fourni des attestations.

La société Phenix expose que de très nombreux clients de la société MCTI font partie du fichier client de la société Phenix, démontrant l’utilisation de ces données.

La société Phenix soutient encore que la société MCTI a créé une confusion entre les sociétés car [E] [Z] s’est présenté comme étant encore salarié de la société Phenix après sa démission.

10. De son côté, la société MCTI soutient que les actes de concurrence déloyale ne peuvent recouvrir que les hypothèses d’une création d’un risque de confusion avec l’entreprise du concurrent, de la désorganisation de l’entreprise rivale, notamment par le détournement de clientèle ou le débauchage du personnel par des procédés déloyaux ou encore le dénigrement du concurrent.

La société MCTI estime que la société Phenix n’apporte pas la preuve du détournement de clientèle ainsi que des salariés intérimaires au moyen d’actes de concurrence déloyale. Elle explique à cet égard que de nombreux clients ont pu suivre volontairement [E] [Z] après son départ de la société Phenix, que les salariés intérimaires sont souvent inscrits dans plusieurs agences d’intérim.

La société MCTI explique que les actes de concurrence déloyale ne peuvent être démontrés par le simple fait que certains de ses clients soient communs à ceux de la société Phenix ou par le chiffre d’affaire de la société MCTI.

Enfin, la société MCTI soutient qu’aucune confusion n’a été exercée entre elle et la société Phenix, et qu’en tout état de cause, la société Phenix ne rapporte pas la preuve d’un tel acte par les pièces versées aux débats, notamment par les attestations.

11. La Cour relève d’abord, comme l’a fait le premier juge, que la liberté de concurrence autorise tout commerçant à attirer vers lui la clientèle de son concurrent. Un tel comportement ne peut être fautif que s’il est déloyal, c’est à dire si la société exerçant la concurrence a commis des actes de dénigrement, a créé une confusion entre les sociétés, a désorganisé l’entreprise concurrente, a détourné frauduleusement la clientèle ou a débauché frauduleusement les salariés de l’entreprise concurrente.

12. La Cour relève ensuite, comme le soutient à bon droit la société MCTI, que le simple fait que les clients des sociétés soient communs à celles-ci n’est pas de nature à démontrer que ces clients ont été frauduleusement détournés par la société MCTI. En effet, la société Phenix n’apporte pas la preuve de tels agissements, à plus forte raison dans le cadre du travail intérimaire pour lequel salariés peuvent s’inscrire dans plusieurs agences.

13. La Cour relève également que le chiffre d’affaire de la société MCTI n’est pas à lui seul suffisant pour démontrer que cette société s’est développée frauduleusement au détriment de la société Phenix, qui n’apporte pas la preuve d’une désorganisation de sa propre structure.

14. La Cour constate encore que la société Phenix n’apporte pas la preuve que la société MCTI a créé une confusion entre les sociétés, les attestations fournies ne rapportant pas cet élément, comme le soutient à bon droit la société MCTI.

15. La Cour relève enfin que la perte de chiffre d’affaires de la société Phenix n’est pas de nature à démontrer que la société MCTI s’est rendue coupable d’actes de concurrence déloyale. En effet, la société Phenix n’apporte pas la preuve que la perte de son chiffre d’affaires n’est pas liée au jeu normal de la concurrence.

16. En conséquence, la société Phenix n’apporte pas la preuve d’une faute commise par la société MCTI.

Les demandes de la société Phenix fondées sur des actes de concurrence déloyale ou de parasitismes ne sont donc pas fondées et doivent être rejetées. Le jugement est confirmé sur ce point.

En conséquence, il convient de rejeter l’ensemble des demandes complémentaires ou subsidiaires de la société Phenix dans la mesure où la société MCTI n’a pas commis de faute. Le jugement est confirmé en toutes ses dispositions.

17. L’équité commande d’allouer la somme de 8 000 euros à la société MCTI au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

18. La société Phenix qui perd, en appel, est condamnée aux dépens de cette procédure.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

— confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse en date du 27 septembre 2013 ;

— déboute la société Phenix Interim 69 de l’ensemble de ses demandes ;

— condamne la société Phenix Interim 69 à verser la somme de 8 000 euros à la société MCTI au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamne la société Phenix Interim 69 aux dépens de l’appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

Joëlle POITOUXMichel GAGET

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