Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 29 juin 2017, n° 15/07635

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 1re ch. civ. a, 29 juin 2017, n° 15/07635
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 15/07635
Décision précédente : Cour d'appel de Lyon, 27 février 2013
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 15/07635 Décisions :

— du tribunal de commerce de Saint-Etienne

Au fond du 09 juin 2011

3e chambre

RG : 10/3698

— de la cour d’appel de Lyon (3e chambre A) en date du 28 février 2013

RG :11/04497

— de la cour de Cassation (chambre commerciale, financière et économique) en date du 7 juillet 2015

N° 690 F-D

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

1re chambre civile A

ARRET DU 29 Juin 2017

APPELANT :

C D

né le XXX à ANDREZIEUX-BOUTHEON (LOIRE)

XXX

XXX

représenté par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES – LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON

assisté de la SELARL LEXFACE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMES :

E Y

né le XXX à SAINT-GEORGES-DE-RENEINS (RHONE)

XXX

42130 MARCILLY-LE-CHATEL représenté par la SELAS LLC ET ASSOCIES – BUREAU DE LYON, avocat au barreau de LYON

(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2016/013911 du 26/05/2016 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Lyon)

EURL F G, anciennement dénommée SARL LES HALLES, dont la dernière adresse connue est :

XXX

63660 SAINT-ANTHEME

non constituée

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 06 décembre 2016

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 15 mars 2017

Date de mise à disposition : 18 mai 2017, prorogée au 29 juin 2017, les avocats dûment avisés conformément à l’article 450 dernier alinéa du code de procédure

Audience tenue par Jean-Louis BERNAUD, président et H I, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Florence BODIN, greffière

A l’audience, H I a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

— Jean-Louis BERNAUD, président

— Françoise CLEMENT, conseiller

— H I, conseiller

Signé par Jean-Louis BERNAUD, président, et par Claire MONTINHO VILAS BOAS, greffière placée, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Par acte notarié reçu le 2 avril 2007 par Maître J K, notaire associé d’une SCP notariale, E Y a vendu à C L un fonds de commerce de restauration exploité à Montbrison (42). E Y était assisté par son notaire, Maître S, n o t a i r e a s s o c i é à M o n t b r i s o n d a n s u n e a u t r e S C P n o t a r i a l e ( l a s o c i é t é Q-R-S-T).

L’acte stipulait une clause de non-rétablissement à la charge de E Y, rédigée comme suit :

' A titre de condition essentielle et déterminante sans laquelle le cessionnaire n’aurait pas contracté, le cédant s’interdit expressément la faculté de créer, acquérir, exploiter, prendre à bail ou faire valoir directement, à quelque titre que ce soit, aucun fonds similaire en tout ou en partie à celui présentement cédé ; de s’intéresser directement ou indirectement ou par personne interposée, et même en tant qu’associé ou actionnaire de droit ou de fait, même à titre de simple commanditaire, ou de gérant, dirigeant social ou préposé, fût-ce à titre accessoire, à une activité concurrente ou similaire en tout ou en partie à celle exercée par lui dans le fonds présentement cédé.

Cette interdiction s’exerce à compter du jour de l’entrée en jouissance dans un rayon de 15 km du lieu d’exploitation du fonds cédé et ce pendant 5 ans'.

L’acte stipulait aussi une clause pénale rédigée comme suit : ' en cas d’infraction, le cédant sera de plein droit redevable d’une indemnité forfaitaire de 150 € par jour de contravention, le cessionnaire se réservant en outre le droit de demander à la juridiction compétente d’ordonner la cessation immédiate de ladite infraction'.

Par lettre du 8 février 2008, Maître Q-R a informé C M que son client souhaitait prendre une activité de bar en centre-ville, et lui a demandé de signer une procuration rédigée comme suit : 'C L, désigné le mandant, constitue pour son mandataire spécial M. N Z, clerc de l’étude de Maître Q-R, notaire à Montbrison, à l’effet , pour lui et en son nom, d’intervenir à un acte de cession à recevoir par Maître Q-R, entre O B et E Y (…) d’un fonds de commerce de café bar épicerie sis à Montbrison (…), et de renoncer à la clause d’interdiction de se rétablir stipulée à son profit et à l’encontre de E Y dans un acte de cession de fonds de commerce reçu par Maître J K et Maître S, notaires à Montbrison, le 2 avril 2007 (…), et de renoncer à toute action judiciaire future contre l’installation de E Y à moins de 15 km de son fonds exercé à Montbrison (…).

C L a signé cette procuration le 2 mars 2008. L’acte de vente du fonds de commerce reçu le 29 mars 2008, entre E Y et X, stipule qu’il renonce à la clause d’interdiction de se rétablir.

Ayant appris que E Y avait transformé son fonds de commerce de café bar épicerie pour y exploiter un restaurant par l’intermédiaire de la société LES HALLES, devenue la société F G, C L, après lui avoir fait notifier le 26 octobre 2009 une mise en demeure de cesser cette activité, l’a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Montbrison, qui s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Saint-Etienne, en demandant de prononcer la nullité de sa procuration du 2 mars 2008, et de condamner en conséquence E Y et la société LES HALLES à fermer son fonds de commerce sous astreinte, et à lui payer une indemnité en vertu de la clause pénale, outre des dommages-intérêts complémentaire en réparation d’un préjudice moral.

Par jugement du 9 juin 2011, le tribunal de commerce a :

— dit que le dol n’est pas prouvé ;

— rejeté la demande de nullité formée par C L ;

— dit que E Y et la société LES HALLES devront cesser leur activité de restaurant, dans les huit jours de la signification du jugement, sous astreinte de 500 € par jour de retard ;

— rejeté la demande de C L en paiement de 150 € par jour du 27 octobre 2009 jusqu’à l’arrêt de l’activité ;

— débouté E Y de toutes ses demandes ;

— débouté C L de sa demande de dommages-intérêts ;

— condamné solidairement E Y et la société LES HALLES à payer à C L la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— rejeter la demande d’exécution provisoire.

E Y a interjeté appel de ce jugement le 23 juin 2011.

Par arrêt du 28 février 2013, la présente cour a :

— requalifié la demande de C L qui, fondée sur le dol, est en réalité fondée sur l’erreur ;

— infirmé le jugement en toutes ses dispositions ;

— et, statuant à nouveau, prononcé la nullité pour erreur, du pouvoir, adressé par C L le 2 mars 2008 à l’étude de Maître Q-R ;

— condamné L’EURL F G, anciennement SOCIETE LES HALLES, à cesser toute activité de restauration dans l’établissement à l’enseigne HP IRISH PUB, sis à Montbrison, ce dans un délai de 8 jours après signification de l’arrêt, sous astreinte définitive de 150 € par jour de retard ;

— condamné E Y à payer à C L, à titre de clause pénale, la somme de 100 € par jour depuis le 27 octobre 2009, date où l’infraction a été constatée par acte d’huissier, jusqu’à la date où le commerce sous l’enseigne HP IRISH PUB cessera de servir des repas ;

— débouté C L de sa demande de dommages-intérêts ;

— condamne in solidum E Y et L’EURL SAINT-P à payer à C L la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— rejeté toute autre demande des parties.

Statuant sur le pourvoi formé par E Y contre l’arrêt du 28 février 2013, la cour de cassation, par arrêt du 7 juillet 2015, et au visa de l’article 16 alinéa 3 du code de procédure civile, l’a cassé et annulé en toutes ses dispositions, et renvoyé la cause et les parties devant la cour d’appel de Lyon autrement composée.

Par déclaration reçue le 28 septembre 2015, C L a saisi la juridiction de renvoi.

Vu ses conclusions du 7 juillet 2016, déposées et notifiées, par lesquelles il demande à la cour de :

— infirmer le jugement ;

— prononcer la nullité pour dol du pouvoir du 2 mars 2008 et de la clause subséquente insérée dans l’acte de vente du fonds de commerce passé entre O B et E Y le 29 mars 2008 ;

— subsidiairement, prononcer la nullité de ce pouvoir pour erreur ;

— condamner solidairement E Y et L’EURL F P à lui payer, à titre de clause pénale, la somme de 150 € par jour, à compter du 27 octobre 2009 jusqu’au 2 avril 2013, soit la somme de 126.400 € ;

— les condamner solidairement à lui payer la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts complémentaire pour préjudice moral, ainsi que celle de 8.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions du 26 juillet 2016 de E Y, déposées et notifiées, par lesquelles il demande à la cour de :

— dire que le pouvoir donné par C L n’est pas entaché d’un dol ou d’une erreur – débouter en conséquence ce dernier de toutes ses demandes ;

— subsidiairement, modérer le montant de la clause pénale ;

— le condamner à lui payer 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société F G n’a pas conclu.

Vu l’ordonnance de clôture en date du 16 décembre 2016

SUR QUOI, LA COUR :

Sur la demande de nullité du mandat :

a) pour cause de dol :

Attendu que C L prétend qu’il a été victime d’un dol, motifs pris de ce que :

— le dol peut être commis par le contractant lui même ou par son représentant ;

— des manoeuvres ont été mises en place pour le tromper ;

— ces manoeuvres ont été orchestrées par E Y, avec la complicité active de son notaire, Maître Z ;

— les mentions dans la procuration 'bar’ et 'café bar épicerie’ n’étaient pas de nature à l’inquiéter ;

— la volonté de le tromper ressort aussi du comportement de Maître Z, qui, contrairement aux usages de sa profession, a pris directement contact avec lui pour faire signer le mandat

Attendu, cependant, que le dol n’est une cause de nullité de la convention que s’il émane de la partie envers laquelle l’obligation est contractée ; qu’en l’espèce, aucun dol ne peut être reproché à E Y en qualité de partie contractante, dans la mesure où il n’est pas partie au mandat du 2 mars 2008 ;

Attendu ensuite que C L, en dehors de ses seules affirmations, n’établit pas que Maître Z, notaire assistant à l’époque dans l’étude de Maître Q-R, était le représentant de E Y pour conclure ce mandat ; que cette représentation alléguée dans ses écritures, en vue de caractériser les manoeuvres frauduleuses et la complicité de ce notaire, ne saurait résulter du seul fait que Maître Z aurait pris directement contact avec lui en vue de la conclusion de ce mandant ; que dans ces conditions, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il le déboute de sa demande de nullité de la procuration pour dol ; b) pour cause d’erreur :

Attendu que C L prétend avoir renoncé à la clause de non rétablissement aux motifs que le courrier du 8 février 2008, qui émanait d’un notaire, ne faisait pas mention d’une activité de restauration, et qu’il a été ainsi induit en erreur ;

Attendu que E Y soutient qu’il ne démontre pas avoir été victime d’une erreur constitutive d’un vice du consentement, qu’il avait en effet une pleine connaissance de l’étendue de la clause de non concurrence, et qu’ il y a renoncé sans réserve devant le notaire, après avoir obtenu nécessairement toutes les informations souhaitées ;

Attendu, cependant, que selon l’article 1110 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, l’erreur est une cause de nullité de la convention lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet ; qu’en l’espèce, Maître Q-R, notaire associé, a adressé à C L un courrier en date du 8 février 2008 (qui précise que Maître Z, notaire assistant, suit le dossier) rédigé comme suit : '(…) je suis actuellement chargée de procéder à la cession entre Monsieur O B et Monsieur E Y (…) d’un fonds de commerce de café bar épicerie situé à XXX, XXX. Vous avez acquis vous-même un fond situé à XXX, ayant appartenu à la SARL LES ROSIERS, dont Monsieur Y est le gérant, aux termes d’un acte reçu par Maître K et Maître S, notaires à Montbrison, le 2 avril 2007. Il a été stipulé à votre profit une interdiction pour Monsieur E Y de se rétablir dans une même activité ou activité similaire dans un périmètre de 15 km et pendant une période de 5 ans. Ahui, mon client souhaiterait prendre une activité de bar en centre ville de Montbrison. Aussi, je vous adresse sous ce pli un pouvoir vous permettant d’intervenir à l’acte de cession afin de renoncer si vous l’acceptez à cette clause de non concurrence. (…) ;

Attendu qu’il s’évince de ce courrier que la renonciation à la clause de non installation se fondait sur le fait que E Y n’exploiterait pas un restaurant mais un bar à moins de quinze kilomètres du restaurant de l’intimé et qu’il s’agissait d’une qualité essentielle tacitement convenue entre les parties ; que C L, ainsi convaincu que E Y n’exploiterait pas de restaurant, a commis une erreur en donnant mandat à Maître Z de renoncer à la clause de non rétablissement, erreur qui a vicié son consentement ; que s’agissant d’une erreur qui a porté sur une qualité substantielle de son engagement, il y a lieu de prononcer la nullité du mandat, en application de l’article 1110 susvisé et de lui déclarer inopposable la clause de l’acte de vente du fonds de commerce dans laquelle il renonce à la clause de non rétablissement ;

Sur la demande de C L en paiement d’une indemnité en vertu de la clause pénale :

Attendu que la société F G ne peut pas être condamnée au paiement de cette indemnité, dès lors qu’elle n’est pas partie à l’acte du 2 avril 2007 ;

Attendu que C L soutient que E Y lui est redevable de cette indemnité, dans la mesure où il a servi des repas dans son établissement à compter du 27 octobre 2009 jusqu’au 2 avril 2013 ;

Attendu que E Y, qui ne conteste pas avoir exercé une activité de restauration dans son bar jusqu’à cette date, prétend que l’ indemnité réclamée est manifestement excessive, motif pris d’un montant supérieur au prix d’achat du fonds de commerce ;

Attendu, en effet, que le montant de l’indemnité calculé en application de la clause pénale stipulée par l’acte de vente du 2 janvier 2007, afférente à la période du 27 octobre 2009 au 2 avril 2012 (et non pas 2013, le délai d’interdiction de 5 ans ayant couru à compter de la signature de cet acte), soit 888 j, s’élève à 133.200 €, alors que le prix payé par C L pour l’achat de son fonds de commerce de restauration est de 100.000 € ; qu’ainsi, la peine prévue par cette clause étant manifestement excessive, il y a lieu de la réduire à 15 € par jour de contravention, de sorte que E Y doit être condamné à payer C L à ce titre la somme de 13.320 € ;

Sur la demande de C L en paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral :

Attendu que ce dernier prétend que le comportement déloyal et pernicieux de E Y et de la société F G destiné à le tromper, lui a causé un important préjudice moral ;

Attendu toutefois qu’il n’est pas établi que l’erreur de C L a été provoquée par une tromperie de E Y et de la société F G ; que ce chef de demande doit donc être rejetée ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant sur renvoi après cassation, contradictoirement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Saint-Etienne en date du 9 juin 2011 en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

Prononce la nullité de la procuration signée le 2 mars 2008 par C L ;

En conséquence,

— dit que la renonciation à la clause de non rétablissement dans l’acte de vente conclu le 29 mars 2008 entre E Y et M. B, est inopposable à C L ;

— condamne E Y à payer à C L la somme de 13.320 €, au titre de la clause pénale ;

— déboute C L de sa demande formée contre la société F G au titre de la clause pénale ;

— le déboute de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de E Y et le condamne à payer à C L la somme de 2.000 € ;

Condamne E Y aux dépens de première instance et d’appel lesquels seront recouvrés conformément aux lois sur l’aide juridictionnelle.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Claire MONTINHO VILAS BOAS Jean-Louis BERNAUD

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