Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 6 mars 2020, n° 17/08408

  • Sanction·
  • Réseau·
  • Émargement·
  • Demande·
  • Salarié·
  • Remise·
  • Témoin·
  • Responsable hiérarchique·
  • Procédure·
  • Poste

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Lyon, ch. soc. b, 6 mars 2020, n° 17/08408
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 17/08408
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Belley, 6 novembre 2017, N° F17/00011
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 17/08408 – N° Portalis DBVX-V-B7B-LMEM

Société SNCF RESEAU

C/

X

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de BELLEY

du 07 Novembre 2017

RG : F 17/00011

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 06 MARS 2020

APPELANTE :

Société SNCF RESEAU

15/17 rue Jean-Philippe RAMEAU CS 80001

[…]

Représentée par Me A JEANTET de la SCP D’AVOCATS JURI-EUROP, avocat au barreau de LYON substitué par Me Romain MIFSUD, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

A X

né le […] à […]

[…]

[…]

Représenté par Mme E F, défenseur syndical

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 10 Janvier 2020

Présidée par K L, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de I J, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

— K L, président

— Natacha LAVILLE, conseiller

— Sophie NOIR, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 06 Mars 2020 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par K L, Président et par I J, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Mr A X a été embauché le 14 avril 1997 dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée par la SNCF.

Il exerce actuellement les fonctions de chef de secteur mouvement avec un grade de qualification D, niveau 1.

Il a été affecté, au sein de l’établissement Infra Circulation Alpes de la SNCF Réseau, à un poste d’aiguillage, comme chef de service du relais du poste C/PMI en gare d’Ambérieu (01).

Par courrier du 26 septembre 2016, la SNCF Réseau a informé Mr X qu’il serait convoqué pour un entretien préalable en vue d’une sanction supérieure au blâme avec inscription.

Mr X a été convoqué à cet entretien préalable qui s’est tenu le 11 octobre 2016, Mr X étant assisté par Mr C D.

Par courrier notifié le 19 octobre 2016, Mr X a été sanctionné d’un blâme avec inscription., la motivation de cette sanction étant rédigée dans les termes suivants :

' Mr X,

Un courrier de rappel du DUO sur les refus de réaliser les itinéraires au poste C à fils a été effectué fin juin aux agents concernés.

Malgré ce courrier, alors que vous étiez en poste au PMI, référence AMBP CO3, vous avez de nouveau refusé de réaliser les itinéraires au poste C à fils, la nuit du 21 au 22/08/2016.

Votre DUO a demandé vos explications en date du 22/08/2016. Vous n’avez pas répondu à cette demande.

Infraction à l’article 2 du RH0006.'

Par courrier daté du 31 octobre 2016, Mr X a contesté cette sanction tant sur le fond que sur la forme.

Par courrier en date du 21 novembre 2016, le directeur d’établissement de SNCF Réseau établissement Infra Circulation Alpes a maintenu sa décision de sanction.

Le 17 février 2017, Mr X a saisi le conseil des prud’hommes de Belley à l’effet de contester cette sanction et obtenir le paiement de dommages et intérêts.

Par jugement rendu le 7 novembre 2017 en sa formation de départage, le conseil des prud’hommes de Belley a :

— constaté l’irrégularité de la procédure disciplinaire engagée par la SNCF à l’encontre de son salarie, Mr A X le 22/08/2016,

— annulé la sanction disciplinaire de blâme avec inscription prononcée le 19/10/2016 à l’encontre de Mr A X par la SNCF,

en conséquence,

— condamné la SNCF à payer à Mr A X :

—  500 € à titre de dommages et intérêts,

—  750 € par application de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté les parties du surplus de leurs demandes,

— condamné la SNCF aux dépens de l’instance.

Par déclaration en date du 4 décembre 2017, la SNCF Réseau a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 25 juin 2018, la SNCF Réseau demande à la cour de :

— réformer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Belley le 7 novembre 2017,

statuant à nouveau,

— dire et juger qu’elle a respecté les procédures en vigueur s’agissant de la sanction de Mr A X,

— dire et juger que la sanction est bien fondée,

— débouter Mr A X de sa demande d’annulation de la sanction,

plus généralement,

— débouter Mr A X de l’intégralité de ses demandes,

— condamner Mr A X à lui verser la somme de 1.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions en date du 5 mai 2018, Mr A X, représenté par Mme E F, défenseure syndicale, demande à la cour de :

— confirmer le jugement de départage du 7 novembre 2017 sur l’irrégularité de la procédure disciplinaire engagée par la SNCF à son encontre,

— annuler la sanction disciplinaire de blâme avec inscription prononcée le 19 octobre 2016,

statuant de nouveau,

— condamner la SNCF à lui payer la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi,

— lui octroyer la somme de 1.500 € dans le cadre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la SNCF aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 14 novembre 2019.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. sur le respect de la procédure :

L’article L1332-2 du code du travail dispose que lorsque l’employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l’objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n’ayant pas d’incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.

L’article L 1332-1 dispose par ailleurs qu’aucune sanction ne peut être prise à l’encontre du salarié sans que celui-ci soit informé, dans le même temps et par écrit, des griefs retenus contre lui.

Par ailleurs, si des dispositions particulières imposent à l’employeur des règles procédurales plus contraignantes que celle prévues par la loi, leur violation peut être de nature à entraîner l’annulation de la sanction disciplinaire lorsque celle-ci n’est pas un licenciement.

En cas de litige, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

En l’espèce, Mr X sollicite l’annulation de la sanction qui lui a été infligée au motif que la SNCF n’a pas respecté la procédure applicable telle que prévue par le référentiel RH 0014 qui fixe les modalités des garanties disciplinaires et sanctions, applicable à la date des faits.

Il fait valoir que :

— la SNCF lui reproche de ne pas avoir répondu à une demande d’explications qui lui aurait été transmise le 22 août 2016 alors qu’il n’a jamais eu cette demande, ni remise en main propre ni par courrier avec accusé de réception, comme le prévoit le RH00144,

— la thèse de la SNCF qui se prévaut de la disposition du RH00144 selon laquelle en cas de refus d’émargement du salarié, il peut être préférable de confirmer la demande d’explication soit par lettre recommandée soit par présentation devant deux témoins, implique qu’elle aurait donc présenté une première fois une demande d’explications,

— étant datée du 22 août et dés lors qu’il était en repos du 23 au 25 août et qu’il est revenu travailler le

26 août, il n’a pas pu refuser d’émarger cette soi-disant première demande d’explications,

— la SNCF soutient également que son responsable, Mr Y, et son adjoint, Mr Z, lui auraient alors remis une demande d’explications le 26 août 2008, qu’il aurait à nouveau refusé d’émarger,

— ce jour là, MM Y et Z sont effectivement passés à son poste afin d’y déposer le courrier des agents et il a pris connaissance pour la première fois de la note du 29 juin 2016 faisant impérativement obligation de travailler sur le poste C à fil et que la récidive serait sanctionnée,

— toutefois, à aucun moment des demandes d’explications lui ont été remises contre émargement,

— il ne peut être accordé de crédit aux attestations établies par les deux témoins lesquels, soit sont à l’origine du défaut de procédure, soit obéissent à leur direction,

— d’ailleurs, rien n’a été écrit sur l’exemplaire de l’imprimé conservé par l’employeur dans les 6 jours qui suivent la soit-disant remise de ce document comme le prévoit pourtant le règlement,

— la véracité du mail produit pour la première fois en cause d’appel et qui n’a pas la même forme de présentation que les autres mails peut être mise en doute.

La SNCF Réseau fait valoir en réplique que :

— Mr X est de mauvaise foi lorsqu’il soutient qu’il ne serait jamais vu remettre de demandes d’explications écrites,

— celle-ci lui a pourtant été remise en main propre devant deux témoins, Mr Y et Mr Z, ainsi qu’en attestent ces derniers et il n’existe aucun élément permettant de remettre en cause la bonne foi de ces deux personnes,

— l’article 4.2.1 du RH00144 prévoit la possibilité de remise de cette demande d’explications devant deux témoins dans certains cas litigieux, notamment en cas de refus d’émargement du salarié, lorsqu’il s’avère préférable de confirmer la demande d’explications écrites par sa présentation devant deux témoins,

— en effet, lorsque Mr X s’est vu remettre cette demande d’explications écrites, il s’est immédiatement emporté, ce qui était de nature à justifier le recours à la remise devant deux témoins de la demande d’explications,

— Mr Y indique par ailleurs que le formulaire 701 a ensuite été scanné et envoyé le jour même au directeur, ce qui est confirmé par un mail produit aux débats dont l’authenticité ne peut être remise en cause.

Les parties s’accordent pour considérer que les agents du cadre permanent de la SNCF, tel que Mr X, sont soumis au statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, RH001, et notamment au référentiel interne, RH00144, intitulé 'garanties disciplinaires et sanctions' lequel détaille les procédures d’instruction relatives aux garanties disciplinaires.

L’article 4.2 intitulé 'constitution du dossier disciplinaire est ainsi libellé :

' Le responsable hiérarchique ouvre le 0701 « demande d’explications écrites» et y expose clairement tous les griefs retenus contre le salarié dès qu’il en a connaissance.

En cas de faits (incidents techniques, malversations. etc.) nécessitant une enquête et l’établissement d’un rapport. la demande 0701 est ouverte dès que tous les éléments nécessaires ont été ainsi réunis.

Il y a lieu à remise d’un 0701 même si des explications du salarié ont été reçues au cours de l’enquête.

Le responsable hiérarchique remet au salarié, contre émargement de l’exemplaire B. l’exemplaire A de la demande 0701 datée et signée ou la lui adresse par lettre recommandée avec accusé de réception.

Dans toute la mesure du possible, l’exemplaire A de la demande 0701 doit être remis dans un délai très rapproché après la survenance des faits.

Dans certains cas litigieux, notamment en cas de refus d’émargement du salarié, il peut être préférable de confirmer la demande d’explications écrites soit par lettre recommandée soit par sa présentation devant deux témoins.

Il y a lieu de mentionner sur la réponse du salarié sa date de réception par l’établissement.

Le salarié n’est pas tenu de répondre. S’il n’a pas répondu dans un délai de 6 jours ouvrables, le responsable hiérarchique complète l’exemplaire B de l’imprimé 0701 comme suit : « bien qu’ayant disposé du délai réglementaire, M. ou Mme X n’a pas répondu à la demande d’explications écrites qui lui a été remise, le », le date et le signe. L’exemplaire B de l’imprimé 0701 ainsi complété est joint au dossier disciplinaire.

Dans le cas où la demande d’explications écrites ne lui a pas été remise personnellement par son responsable hiérarchique, il est possible au salarié de solliciter un contact verbal avec celui-ci afin d’apporter, s’il le juge utile, des compléments à sa réponse à la demande d’explications écrites. Ce contact doit intervenir rapidement et être mentionné avec sa date en marge de l’exemplaire B de la demande 0701.

La SNCF Réseau verse aux débats :

— l’exemplaire A de la demande d’explications écrites (document 0701) signé par le chef DUO, exposant les faits reprochés et demandant à Mr X de fournir des explications sur ces faits, et la mention manuscrite 'aucun retour au 20/09/16",

— une copie de ce même exemplaire A sans la mention manuscrite ci-dessus rappelée mais contenant par contre une autre mention 'remis à l’agent le 26/08/2016" et le nom et la signature de Mr G Y et de Mr H Z,

— deux attestations de MM Y et Z par lesquelles ceux-ci déclarent qu’ils ont remis en main propre à Mr X une demande d’explications le vendredi 26 août 2016, Mr Z ajoutant que Mr X aurait pris connaissance du document et leur a dit 'je vais régler ça en direct, j’appellerai Annecy, lundi',

— un mail attribué à Mr Y en date du 26 août 2016 et adressé au DUO, indiquant que le '701 de Mr X a été remis en main propre au poste avec H Z et qu’il appelle lundi'.

La cour constate que selon le RH00144, la procédure normale de remise de la demande d’explications écrites (0701) est la remise contre émargement de l’exemplaire B de la demande datée ou signée ou l’envoi par lettre recommandée avec accusé de réception.

Ce n’est donc que dans un 2e temps et en cas de problème, notamment en cas de refus d’émargement, que la procédure conseille de confirmer la remise par la présentation devant deux témoins.

Or à l’examen des documents produits, la cour constate que :

— la SNCF n’apporte aucune explication sur les raisons pour lesquelles il a été immédiatement envisagé une remise devant deux témoins et qu’il n’a pas été tenté dans un premier temps un envoi par lettre recommandée avec accusé de réception ou une simple remise par une personne, comme le prévoit la procédure normale,

— la SNCF produit aux débats l’exemplaire A qui normalement aurait du être remis au salarié et non pas l’exemplaire B qu’elle est censée avoir conservé, ce qui créée un doute sur la remise effective de ce document au salarié,

— le document 0701 qu’elle verse aux débats ne comporte aucune mention selon laquelle Mr X aurait refusé d’émarger sur le document et cela ne ressort pas davantage des attestations de MM Y et Z,

— la circonstance que Mr X aurait déclaré qu’il allait régler ça en direct ne signifie pas pour autant qu’il aurait refusé d’émarger le document,

— la valeur probatoire des attestations établies par les deux supérieurs de Mr X, qui n’expliquent les motifs du recours à cette procédure exceptionnelle pour la remise du document et qui sont sans nul doute à l’origine de cette procédure disciplinaire, doit être considérée comme faible et elle n’est pas de nature à convaincre la cour sur la réalité de la remise de ce document,

— il en est de même du mail de Mr Y que celui-ci aurait envoyé à son directeur le jour même et qui ne présente pas de garanties d’authenticité suffisantes pour établir une preuve certaine.

La cour dit ainsi qu’il n’est pas démontré que la demande d’explications ait été effectivement remise à Mr X et constate que la SNCF Réseau n’a pas respecté la procédure réglementaire applicable.

Elle confirme en conséquence le jugement déféré en ce qu’il a annulé la sanction disciplinaire prononcée à l’encontre de Mr X.

La cour dit que le préjudice moral occasionné par cette sanction a été justement indemnisé par le premier juge et confirme également le jugement de ce chef.

2. sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile, sauf à porter à 1.000 € la somme allouée à Mr X au titre des frais irrépétibles pour l’ensemble de la procédure.

Les dépens d’appel sont mis à la charge de la SNCF Réseau qui succombe en sa tentative de remise en cause du jugement.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf à porter à 1.000 € la somme allouée à Mr X au titre des frais irrépétibles pour l’ensemble de la procédure.

Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires ;

Condamne la SNCF Réseau aux dépens d’appel.

Le Greffier Le Président

I J K L

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 6 mars 2020, n° 17/08408