Cour d'appel de Lyon, Protection sociale, 6 mai 2021, n° 20/02493

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, protection soc., 6 mai 2021, n° 20/02493
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 20/02493
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Lyon, 30 mars 2020, N° 17/04379
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE

RAPPORTEUR

R.G : N° RG 20/02493 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M6LQ

CPAM DE LA LOIRE

C/

Société C D E

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Pôle social du TJ de LYON

du 31 Mars 2020

RG : 17/04379

AU NOM DU PEUPLE FRAN’AIS

COUR D’APPEL DE LYON

Protection sociale

ARRÊT DU 06 MAI 2021

APPELANTE :

CPAM DE LA LOIRE

Service des affaires juridiques

[…]

42027 SAINT-ETIENNE CEDEX 1

représenté par M. Z A, audiencier, muni d’un pouvoir

INTIMEE :

Société C D E

[…]

[…]

représentée par Me Karine GAYET de la SELARL MORELL ALART & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON

Assuré : B X

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 09 Février 2021

Présidée par Bénédicte LECHARNY, Conseiller, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

— Nathalie PALLE, président

— Laurence BERTHIER, conseiller

— Bénédicte LECHARNY, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 06 Mai 2021 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Nathalie PALLE, Présidente, et par Elsa SANCHEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

B X a souscrit le 14 mai 2016 une demande de reconnaissance d’une maladie professionnelle (carcinome bronchopulmonaire primitif métastatique) qui a été prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels sur la base du tableau n°10 ter des maladies professionnelles.

Il est décédé le […].

Par décision du 3 avril 2017, notifiée à la société C D E (la société), la caisse primaire d’assurance maladie de la Loire (la caisse) a fixé à 100% le taux d’incapacité permanente de B X à compter du 6 avril 2016.

Par courrier du 15 mai 2017, la société a saisi le tribunal du contentieux de l’incapacité de Lyon d’une contestation de cette décision.

Ce tribunal ayant été supprimé le 31 décembre 2018, le dossier a été transféré le 1er janvier 2019 au pôle social du tribunal de grande instance de Lyon, juridiction nouvellement compétente pour connaître de ce litige devenue le tribunal judiciaire de Lyon.

Par jugement du 31 mars 2020, ce tribunal :

— a déclaré recevable le recours formé par la société,

— s’est déclaré compétent pour statuer sur la contestation,

— a constaté que la société n’avait pas la qualité de repreneur de l’activité chromage dans laquelle B X travaillait au sein de l’entreprise C D Graveurs, siret […],

— a déclaré inopposable à la société la décision du 3 avril 2017 qui lui impute les coûts de la maladie

professionnelle déclarée le 5 avril 2016 par B X, à compter de la date de consolidation,

— a ordonné l’exécution provisoire de la décision,

— a condamné la caisse aux dépens.

La caisse a relevé appel de ce jugement par courrier recommandé du 31 mars 2020.

Dans ses conclusions reprises à l’audience du 9 février 2021, elle demande à la cour d’infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon et de :

— déclarer l’incompétence matérielle de la juridiction saisie au regard du type de contestation,

— déclarer irrecevable le recours formé par la société,

— confirmer le taux d’incapacité permanent de 100%.

Par conclusions reprises oralement à l’audience, la société demande à la cour de :

In limine litis :

— se déclarer compétente pour statuer sur l’imputation du coût de la maladie professionnelle sur son compte employeur,

Au fond et à titre subsidiaire :

— constater que la caisse n’a pas entendu interjeté appel sur le fond et se contente de revenir sur la prétendue incompétence du contentieux général de la sécurité sociale, de sorte que le jugement du tribunal judiciaire de Lyon du 31 mars 2020 a acquis un caractère définitif en ce qu’il déclare inopposable à la société la notification du taux d’incapacité permanente du 3 avril 2017 et les conséquences financières de la maladie professionnelle sur son compte employeur,

— constater que M. X n’a jamais été que le salarié de la société C D Graveurs et que son contrat de travail n’a jamais fait l’objet d’un quelconque transfert,

— constater, si besoin était, qu’elle n’avait pas la qualité d’employeur de M. X en ce qu’elle n’a jamais repris l’activité de chromage de la société C D Graveurs et n’a donc jamais repris le contrat de travail de M. X,

En conséquence,

— dire et juger inopposable à la société la décision de notification du taux d’incapacité permanente du 3 avril 2017 et toutes les conséquences financières de la maladie professionnelle imputées sur son compte employeur,

— condamner la caisse à 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur l’exception d’incompétence

La caisse, qui rappelle que le litige porte sur l’imputation sur le compte employeur de la société des conséquences de la maladie professionnelle de B X, fait valoir qu’en application de l’article R. 143-21 du code de la sécurité sociale, il appartenait à la société de saisir, dans un cadre gracieux, la commission de recours amiable de la Carsat et, dans le cadre d’un recours contentieux, la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail (CNITAAT). Elle soutient dès lors qu’il n’appartenait pas au tribunal du contentieux de l’incapacité devenu le tribunal judiciaire de se déclarer compétent pour statuer sur l’imputation de la maladie professionnelle de B X sur le compter employeur de la société.

Cette dernière réplique que l’imputation des conséquences financières d’un accident du travail sur le compte employeur relève de la compétence du tribunal judiciaire et que la Cour de cassation a jugé récemment que les litiges relatifs à l’inscription au compte spécial sont de la compétence des juridictions du contentieux général en l’absence de décision de la Carsat. Elle indique qu’en l’espèce la notification du taux de cotisation est intervenue le 16 janvier 2019, soit postérieurement à la saisine du tribunal en date du 10 mai 2017. Elle ajoute qu’en tout état de cause, depuis le 1er janvier 2020, tout le contentieux de la sécurité sociale relève du tribunal judiciaire, sauf celui de la tarification des accidents du travail.

Sur ce,

Il résulte des articles L. 142-1, L. 142-2 et D. 242-6-3 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, que si la contestation des décisions de la Carsat en matière de tarification d’accident du travail relève de la compétence exclusive des juridictions du contentieux technique, les litiges relatifs à l’inscription au compte employeur ou au compte spécial sont de la compétence des juridictions du contentieux général en l’absence de décision de la Carsat, c’est-à-dire avant la notification de son taux de cotisation à l’employeur.

En l’espèce, la société justifie avoir reçu la notification par la Carsat de son taux de cotisation AT/MP le 16 janvier 2019, soit postérieurement à la saisine du tribunal du contentieux de l’incapacité de Lyon et au transfert de l’affaire au pôle social du tribunal de grande instance de Lyon, devenu le tribunal judiciaire de Lyon.

Il s’ensuit que la contestation émise par cette dernière quant à l’imputation à son compte employeur des coûts afférents à la maladie professionnelle de B X relève de la compétence des juridictions du contentieux général de la sécurité sociale, et non à la juridiction du contentieux de la tarification.

Aussi convient-il de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il s’est déclaré compétent pour statuer sur la contestation.

2. Sur le fond

La caisse conclut à l’infirmation du jugement et à la confirmation du taux d’incapacité permanente de 100% accordé par ses services.

La société relève, en premier lieu, que la caisse n’évoque pas le fond du dossier dans le cadre de ses conclusions d’appel et en déduit que le jugement attaqué a acquis un caractère définitif en application de l’article 954 du code de procédure civile. Elle soutient en outre qu’elle n’a jamais été l’employeur de M. X, dès lors, d’une part, que le contrat de travail de ce dernier n’a pas été transféré en 2000 de la société C D Graveurs, son employeur, à la société C D, B X, anciennement chromeur au sein de la société cédée ne faisant plus partie des effectifs de celle-ci depuis 1999, et, d’autre part, qu’elle n’a pas repris en 2003, lors de la reprise partielle de fonds de commerce, l’activité de chromage de la société C D, dans laquelle travaillait le salarié.

Sur ce,

La cour relève, à titre liminaire, que, contrairement à ce que soutient la société, la caisse a bien conclu, sur le fond, à l’infirmation du jugement et à la confirmation du taux d’incapacité permanente de 100% attribué par ses services.

Il est constant que la maladie doit être considérée comme contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque, avant sa constatation médicale, sauf à cet employeur à rapporter la preuve contraire. Il en résulte que la caisse instruit la demande de prise en charge de l’affection à l’égard du dernier employeur existant.

Par ailleurs, selon l’article D. 242-6-1, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé par établissement.

Encore, aux termes du 3e alinéa de l’article D. 242-6-3 du même code, ne peut être considéré comme un établissement nouvellement créé, celui issu d’un précédent établissement dans lequel a été exercée une activité similaire, avec les mêmes moyens de production et ayant repris au moins la moitié du personnel.

Il résulte de ces dispositions, destinées à empêcher qu’aucune structure ne reprenne le risque accident du travail et maladie professionnelle, qu’en cas de restructuration ou de transfert d’entreprises, les obligations attachées à la qualité d’employeur et relatives à ce risque sont reprises par la société ayant poursuivi l’activité de la structure disparue, avec les mêmes moyens de production et l’essentiel des salariés, peu important à cet égard que le salarié victime ne fasse plus partie des effectifs de la société disparue au moment du transfert.

En l’espèce, il ressort d’un courrier adressé à la société le 15 septembre 2017 que la caisse ne conteste pas que B X « n’a jamais été salarié de la SAS C D E, son dernier employeur étant la SA C D Graveurs (423 014 349 00017) » mais qu’elle relève que « cette dernière a été reprise par la SAS C D (433 584 323 00011) en 2000, elle même reprise par [la société] en 2003 », de sorte qu'« en application de la législation relative à la tarification des accidents du travail et maladies professionnelles, [elle a] transféré les éléments statistiques (effectifs, salaires, sinistres) déclarés par [les] prédécesseurs sur le compte employeur de [l']entreprise ».

Dans ses conclusions en appel, la société confirme que la société C D a repris au cours de l’année 2000 l’activité de la société C D Graveurs ainsi qu’une partie de l’effectif mais elle fait observer que B X ne faisait pas partie de cet effectif, de sorte que son contrat de travail n’a pas été transféré au sein de la société C D.

Or, ainsi qu’il a été énoncé plus avant, le seul fait que le salarié victime ne fasse plus partie des effectifs de la société disparue au moment du transfert ne fait pas obstacle à la reprise du risque aggravé par la maladie professionnelle par la société ayant repris l’activité de l’établissement au sein duquel travaillait le salarié malade.

La société fait encore valoir qu’elle n’a pas repris en 2003, lors de la reprise partielle du fonds de commerce, l’activité de chromage de la société C D au sein de laquelle travaillait le salarié.

Sur ce point, il ressort du jugement du 14 octobre 2003 que le tribunal de commerce de Lyon a arrêté le plan de cession de la société C D au bénéfice de la société Mecano Technique, aux droits de laquelle vient la société, selon les modalités suivantes :

« - reprise du fonds de commerce, soit :

==> éléments incorporels (…)

==> éléments corporels, tels que détaillés dans l’inventaire établi en janvier 2003 par un commissaire priseur, comprenant notamment les installations générales, matériel industriel (à l’exception des bacs de chromage électrolytiques verticaux), outillage industriel, installations techniques, matériel de transports, matériel informatique et mobilier de bureau

==> stocks de toute nature au jour de la cession

(…)

- reprise de 46 contrats de travail

(…)

- poursuite des 14 contrats suivants :

(…)

- poursuite du bail commercial (…) ».

Le tribunal de commerce a encore « dit que l’administrateur Maître Y [devrait] procéder dans le mois au licenciement des salariés non repris, au nombre de 24 postes répartis selon les emplois et les catégories ci-après désignés :

=> 12 ouvriers (3 chromeurs, […], […], […], […], […] (…) ».

L’exclusion des « bacs de chromage électrolytiques verticaux » de la reprise du matériel industriel, sans que ne soit produit l’inventaire des éléments corporels établi par le commissaire priseur, et le licenciement de trois ouvriers chromeurs, sans que ne soit précisé la qualification des ouvriers effectivement repris, ne suffisent pas à établir que l’activité de chromage, au sein de laquelle travaillait la victime, chromeur sur cylindre, avait été exclue du plan de cession, étant observé que la société intimée est seule à même de produire ces éléments.

Au contraire, il ressort des modalités de la cession énoncées par le jugement du tribunal de commerce que la société intimée a poursuivi l’activité de la société C D avec les mêmes moyens de production et l’essentiel des salariés, le plan de cession prévoyant la reprise de 46 contrats de travail sur 70.

La société intimée exploitant désormais l’activité de l’établissement dans lequel travaillait la victime, c’est à bon droit que la caisse lui a notifié, en sa qualité d’employeur, sa décision du 3 avril 2017 fixant à 100% le taux d’incapacité permanente de B X à compter du 6 avril 2016.

Au vu de ce qui précède, il convient, par infirmation du jugement déféré, de débouter la société de sa demande tendant à lui voir déclarer inopposables la décision de notification du taux d’incapacité permanente du 3 avril 2017 et toutes les conséquences financières de la maladie professionnelle imputées sur son compte employeur.

La société, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et déboutée de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a déclaré recevable le recours formé par la société C D E et s’est déclaré compétent pour statuer sur la contestation,

L’INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DÉBOUTE la société C D E de sa demande tendant à lui voir déclarer inopposables la décision de notification du taux d’incapacité permanente du 3 avril 2017 et toutes les conséquences financières de la maladie professionnelle de B X imputées sur son compte employeur,

DÉBOUTE la société C D E de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société C D E aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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