Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 5 janvier 2022, n° 19/01294

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, ch. soc. a, 5 janv. 2022, n° 19/01294
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 19/01294
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lyon, 23 janvier 2019, N° F17/02305
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR


N° RG 19/01294 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MGTW


SAS KEYWORD SD


C/


X

APPEL D’UNE DÉCISION DU :


Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 24 Janvier 2019


RG : F 17/02305

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 05 JANVIER 2022

APPELANTE :

SAS ISIMAN venant aux droits de la SAS KEYWORD SD

[…]

[…]

[…]

représentée par Me Philippe GAUTIER de la SELARL CAPSTAN RHONE-ALPES, avocat au barreau de LYON substitué par Me Luc BACHELOT, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

Z X

né le […] à CLERMONT-FERRAND

[…]

[…]

représenté par Me Anne-christine SPACH, avocat au barreau de LYON


DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 08 Novembre 2021


Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :


- Joëlle DOAT, présidente


- Nathalie ROCCI, conseiller


- Antoine MOLINAR-MIN, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE


Prononcé publiquement le 05 Janvier 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;


Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane DEMEULENAERE-GARCES, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES


La société Keyword SD est une société de services et d’ingénierie informatique experte dans le domaine des nouvelles techniques et de l’informatique.


Suivant contrat à durée indéterminée, la société Keyword SD a engagé M. Z X en qualité de directeur général et commercial, position 3.3., Cadre de direction, coefficient 270, à compter du 3 octobre 2016.


La relation de travail était régie par la convention collective des Bureaux d’études techniques,

cabinets d’ingénieurs-conseils et sociétés de conseils (SYNTEC).


Par jugement du 26 août 2016, le tribunal de commerce de Montpellier a prononcé l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Keyword SD.


Par jugement du 23 septembre 2016, le même tribunal a arrêté la cession de la majeure partie des actifs et la reprise de l’ensemble du personnel au profit de la société Haloa SSD laquelle a changé de dénomination sociale pour devenir Keyword SD SAS.


La société Keyword a été achetée par la société ISIMAN dans le cadre du plan de cession. La société Isiman vient en conséquence aux droits de la société Keyword SD.


Par courrier en date du 3 mai 2017, la société Keyword SD a notifié à M. X la fin de la période d’essai et a mis un terme à leur collaboration à compter du 3 juin 2017.


Le 4 mai 2017, le conseil de M. X a adressé à la société Keyword SD un courrier de contestation des motifs de la rupture de la période d’essai et a informé l’employeur de son intention de saisir la juridiction prud’homale de demandes d’indemnisation au titre de l’exécution déloyale et de la rupture abusive de la période d’essai.


Par acte du 24 juillet 2017, M. X a saisi le conseil des prud’hommes de Lyon de demandes en paiement au titre, d’une part de l’exécution fautive et déloyale du contrat de travail et de la rupture abusive de la période d’essai, d’autre part, du règlement de commissions.

Par jugement rendu le 24 janvier 2019, le conseil de prud’hommes de Lyon a :


- condamné la société Keyword SD à payer à M. X les sommes suivantes :

* 5 435,10 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail,

* 7 936,02 euros au titre des commissions pour l’année 2016,

* 10 225,66 euros au titre des commissions pour l’année 2017,

* 1 600 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;


- débouté M. X du surplus de ses demandes ;


- débouté la société Keyword SD de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;


- condamné la société Keyword SD aux entiers dépens de l’instance.


La cour est saisie de l’appel interjeté le 19 février 2019 par la société Keyword SD.


Par conclusions notifiées le 14 octobre 2019, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, la société Keyword SD demande à la cour de :


- réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Lyon du 24 janvier 2019 en ce qu’il a :

- jugé que le non-respect et l’exécution fautive et déloyale du contrat de travail de M. X par la Société Keyword S.D.a porté préjudice au salarié ;

- jugé que les commissions 2016 et 2017 sont dues à M. X par la Société Keyword S.D. ;

- l’a condamnée à payer à M. X les sommes suivantes :

* 5.435,10 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail ;

* 7.936,02 euros au titre des commissions pour l’année 2016 ;

* 10.225,66 euros au titre des commissions pour l’année 2017 ;

* 1.600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

- l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

- l’a condamnée aux entiers dépens de l’instance.


- confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Lyon du 24 janvier 2019 en ce qu’il a débouté M. X du surplus de ses demandes ;


- débouter en conséquence M. X de l’intégralité de ses demandes ;
- condamner M. X au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.


Par conclusions notifiées le 15 juillet 2019, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, M. X demande à la cour de :


- confirmer le jugement du conseil de Prud’hommes de Lyon en ce qu’il a :

- jugé que l’employeur n’a pas respecté son contrat de travail et notamment les fonctions qui lui sont attribuées,

- jugé qu’il y a exécution fautive et déloyale du contrat de travail par l’employeur,

- condamné la société SAS Keyword SD à lui verser des dommages-intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail et des sommes dues au titre des commissions pour l’année 2016, pour l’année 2017 et 1 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens ;


- infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Lyon en ce qu’il a jugé que la rupture de sa période d’essai par la société Keyword SD n’est pas abusive et réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Lyon en ce qu’il a limité les dommages et intérêts dus pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail à la somme de 5 435,10 euros et limité les sommes dues au titre des commissions pour l’année 2016 à la somme de 7 936,02 euros et 10 225,66 euros au titre des commissions pour l’année 2017 ;

En conséquence, statuant à nouveau,


- condamner la société Keyword à lui payer les sommes suivantes :

* 42 082,92 euros au titre de l’exécution fautive et déloyale du contrat de travail,

* 42 082,92 euros au titre de la rupture abusive de la période d’essai,

* 21 516,00 euros au titre du règlement des commissions dues au terme de l’année 2016,

* 63 210,00 euros au terme des commissions dues pour l’année 2017 ;


- juger que ces sommes porteront intérêt à compter de la demande en justice ;


- condamner l’employeur aux éventuels frais d’exécution en ceux compris les frais prévus à

l’article 10 de la loi de 1991 ;


- condamner la société Keyword SD à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article

700 du code de procédure civile et confirmer la somme de 1 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile devant le conseil de prud’hommes de Lyon ;


- condamner la société Keyword SD aux entiers dépens tant d’appel que de première instance.


L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 septembre 2021.

MOTIFS


- Sur l’exécution du contrat de travail : M. X demande la somme de 42 082, 92 euros de dommages-intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail, au visa des dispositions de l’article L. 1221-1 du code du travail en vertu desquelles le contrat de travail est soumis aux règles de droit commun et doit être exécuté de bonne foi. Il invoque, à l’appui de sa demande, le non respect de plusieurs dispositions contractuelles relatives à :

a) la nature de ses fonctions,

b) la mise à disposition d’un véhicule de fonction,

c) l’usage d’une carte bleue dédiée à l’usage professionnel,

d) la fixation des objectifs commerciaux et la communication du plan de commissionnement des ventes,

a) Sur la nature de ses fonctions :


La société Keyword SD soutient que M. X cumulait la fonction salariée de directeur commercial et un mandat social de directeur général à la suite de sa désignation par l’assemblée générale extraordinaire du 26 septembre 2016.

M. X conteste cette présentation de son poste en soulignant d’une part qu’il a bien été embauché en qualité de directeur général et commercial, qu’il n’a jamais été informé de sa désignation en qualité de directeur général, n’étant pas présent à l’assemblée générale extraordinaire du 26 septembre 2016 et n’ayant signé aucun document.

****

M. X soutient qu’il s’est trouvé dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions en qualité de directeur général, et qu’il ne lui a notamment été donné aucune délégation particulière contrairement à ce qui est indiqué dans le courrier du 2 février 2017 prolongeant sa période d’essai.


Ce grief sera écarté par la cour en ce qu’il n’est ni développé, ni étayé par des éléments objectifs.

b) Sur la mise à disposition d’un véhicule :

M. X fait grief à l’employeur de ne pas lui avoir fourni de véhicule, conformément au contrat de travail. Il soutient que le défaut de mise à disposition du véhicule lui a forcément causé un préjudice puisqu’il a du se déplacer d’une autre façon, notamment en utilisant son véhicule personnel.


La société Keyword fait valoir d’une part qu’il s’agit d’un véhicule de service dont l’usage est limité aux déplacements professionnels sur la zone du contour méditerranéen au départ de Montpellier ; que le contrat n’envisage pas une mise à disposition de manière immédiate (« Un véhicule automobile de type Volkswagen Golf ou Peugeot 308 sera fourni à M. X »), et souligne que M. X a été autorisé, durant sa période d’essai, à habiter à Lyon.


La société Keyword fait valoir d’autre part que M. X ne justifie d’aucun préjudice du chef de l’absence de mise à disposition d’un véhicule.

****


L’article 6 du contrat de travail de M. X énonce que :

« Un véhicule automobile de type Volkswagen Golf ou Peugeot 308 sera fourni à M. Z X. Ce véhicule est destiné à ses déplacements professionnels sur la zone du contour méditerranéen.

En dehors de cette zone, les déplacements professionnels feront l’objet soit de déplacements en train ou en avion ou de locations ponctuelles de véhicule de même catégorie. Le véhicule est basé à Montpellier.

L’entreprise met à la disposition de M. Z X un véhicule en bon état de marche dont l’usage sera exclusivement réservé aux déplacements liés à ses fonctions professionnelles.

L’entreprise permet toutefois à M. Z X d’utiliser le véhicule qui lui est confié pour ses déplacement personnels (retour à l’hôtel par exemple). (…)»


Il en résulte qu’il s’agit bien d’un véhicule de fonction avec utilisation à des fins personnelles, mais que l’utilisation de ce véhicule, basé à Montpellier, est réservée à la zone du contour méditerranéen. Il est en effet expressément prévu par le contrat de travail, d’autres moyens de déplacements en dehors de cette zone.


Or, s’il est constant que M. X a interrogé son employeur par courriels des 7 février et 5 mars 2017 sur la mise à disposition de ce véhicule, il ne justifie pas cependant que les conditions de mise à disposition du dit véhicule étaient réunies, faute de tout élément relatif à des déplacements professionnels sur le pourtour méditerranéen.


En revanche, M. Y atteste, en sa qualité d’ancien gérant de la société Keyword, sans être démenti par M. X, qu’il a 'pris la majorité des rendez-vous pour présenter M. X aux clients' et que 'tous les frais de déplacement ont été pris en charge par la société Keyword SD, soit payés directement au moyen de la carte visa de M. X, soit payés avec nos moyens propres et remboursés ensuite par la société'. Il ajoute que' ces déplacements chez les clients ont été réalisés en train, métro, voiture de location et taxi à l’exclusion de nos véhicules personnels (…)'


Dans ces conditions, l’exécution déloyale n’est pas caractérisée et M. X ne justifie d’aucun préjudice.

c) Sur la carte bleue :


Le paragraphe du contrat de travail relatif au véhicule prévoit en outre qu':' Une carte bleue spécifique, sur le compte de Keyword SD, lui est confiée et affectée à son usage professionnel (frais et frais du véhicule). Il en fera un usage strictement professionnel. Tout manquement à cette règle sera considéré comme une faute. Il s’engage à suivre scrupuleusement la procédure liée à l’utilisation du véhicule définie dans la note interne remise au salarié lors de la mise à disposition du véhicule.'

M. X qui expose que cette carte bleue ne lui a été remise qu’à compter du 22 novembre 2016 après qu’il l’ait sollicitée à de multiples reprises, ne justifie là encore, d’aucun préjudice à l’appui de sa demande de dommages-intérêts, dés lors qu’il précise que les frais qu’il a avancés ont toujours fait l’objet de remboursements, et qu’il ne démontre pas, par ailleurs, qu’il n’aurait pas été entièrement dédommagé des conséquences de l’avance de frais professionnels que la cour est dans l’impossibilité de quantifier, même approximativement, faute de tout élément sur l’ampleur de ces frais.


Il en résulte que la délivrance tardive de la carte bleue dédiée aux frais professionnels ne caractérise pas une exécution déloyale du contrat de travail.

d) Sur la fixation des objectifs commerciaux et la communication du plan de commissionnement des ventes : M. X fait grief à la société Keyword SD de ne lui avoir fixé aucun objectif, y compris dès la signature de son contrat, dès lors qu’en sa qualité de directeur général commercial, des résultats étaient attendus de lui dès son embauche.

M. X invoque en conséquence la violation de l’article 3 de son contrat de travail ainsi libellé :

« Des objectifs seront déterminés chaque année par la Direction, après discussion avec M. Z X essentiellement à l’occasion des entretiens d’évaluation et d’appréciation qui se dérouleront au mois de décembre de chaque année. Ils seront transcrits

sur la fiche collaborateur signée par les deux parties à cette occasion.

La réalisation des objectifs ainsi fixés constitue un élément déterminant du présent

engagement (pour l’année 2016, les objectifs sont transposés sur un document mis en annexe et leur montant correspondant à xx% de la rémunération semestrielle).

Paiement commission/Primes :

Le paiement des primes liées à l’atteinte des objectifs qualitatifs est réalisé le mois suivant la clôture des résultats.

* Les commissions seront calculées sur le Chiffre d’Affaires facturé une fois par an (avoirs éventuels déduits des commissions).

* Le paiement du solde des commissions (avances annuelles déduites) s’effectuera en février N+1.

* En cas de litige client justifié, dont la responsabilité de M. Z X est clairement engagée, le Chiffre d’Affaires correspondant ne sera pas inséré dans le calcul des commissions.»


La société Keyword fait valoir qu’il était impensable que des objectifs puissent être fixés à M. X dès octobre 2016, ni même décembre 2016 dès lors que la particularité des produits informatiques développés et distribués par la société Keyword SD nécessitait une longue période de formation de tout nouveau collaborateur. Elle indique que c’est la raison pour laquelle le tribunal de commerce de Montpellier a autorisé un contrat de collaboration avec l’ancien dirigeant, ce qui est exceptionnel dans le cadre d’une reprise d’entreprise.


Elle soutient que dans ce contexte, M. X a bien été informé, dès son embauche, du fait que la mise en place des objectifs n’aurait lieu qu’après qu’il ait acquis une bonne connaissance du marché de Keyword SD.

****

M. X conteste toute information reçue en ce sens et la cour observe qu’il ne résulte pas des échanges de courriels versés au débat, un quelconque accord sur la question de différer le paiement des commissions en fonction de l’acquisition par le salarié d’une bonne connaissance du marché Keyword, laquelle ne répond au demeurant à aucun critère prédéfini entre les parties au contrat de travail.


Le fait que M. Y, dirigeant retraité de la société Keyword ait bénéficié d’un contrat d’accompagnement de dix mois en vue de faciliter la transmission du savoir-faire et de rassurer les clients sur le changement de structure, ainsi qu’il est mentionné dans le jugement du tribunal de commerce du 23 septembre 2016, est sans incidence sur la rémunération variable de M. X dès lors que rien dans son contrat de travail ne permet de dire que M. X n’avait pas le plein exercice de ses fonctions de directeur commercial et que 'seul l’ancien dirigeant de la société pouvait reprendre l’activité commerciale de Keyword SD.'


En outre l’affirmation de l’employeur selon laquelle aucun objectif ne pouvait être fixé pour 2016 au regard de la date du contrat, est en contradiction avec les termes de l’article 3 sus-visé qui prévoit expressément que, 'pour l’année 2016, les objectifs sont transposés sur un document mis en annexe' et qui indique une modalité de calcul correspondant à un pourcentage de la rémunération semestrielle, alors que les parties auraient aussi pu convenir de l’absence d’objectifs pour l’année 2016.


La société Keyword ne peut, dans ces conditions, opposer 'une erreur manifeste de plume' et M. X est fondé à solliciter le paiement de commissions au titre de l’année 2016.


En ce qui concerne l’année 2017, les objectifs assignés à M. X auraient du être fixés en décembre 2016 conformément aux termes de l’article 3 sus-visé. Il résulte cependant des échanges de courriels entre le 3 et le 5 mars 2017, qu’il a été proposé à M. X, un entretien d’évaluation et d’appréciation au cours de la semaine du 21 au 23 mars 2017, ainsi que d’établir en concertation avec lui ses objectifs commerciaux à 6 mois et un an.


La société Keyword expose que la proposition de plan de commissionnement faite par M. X s’est avérée irrecevable 'en ce qu’elle prévoyait un commissionnement sur la maintenance récurrente ce qui n’avait bien évidemment jamais été convenu entre les parties'.


La cour observe que cette explication n’est étayée par aucun élément objectif, que le contrat de travail prévoit que les commissions seront calculées sur le chiffre d’affaires facturé une fois par an (avoirs éventuels déduits des commissions), sans aucune précision quant à l’exclusion de la maintenance récurrente du chiffre d’affaires à prendre en compte pour le calcul de la rémunération variable.


Il en résulte que la société Keyword SD n’ayant fixé aucun objectif à M. X au titre de l’année 2017, il n’existe aucun accord sur la rémunération variable prévue par le contrat de travail, de sorte qu’il appartient au juge de déterminer cette rémunération en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes, et à défaut, des données de la cause.

****


Au terme des débats, seul le grief relatif à la fixation des objectifs commerciaux et à la communication du plan de commissionnement des ventes est établi.


L’inexécution de ses obligations par l’employeur durant la période d’essai ne peut donner lieu qu’à la réparation du préjudice que le salarié a subi de ce fait, les dispositions du code du travail relatives à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée n’étant pas applicables pendant la période d’essai.


Le défaut de fixation de ses objectifs à M. X ayant pour conséquence le paiement au salarié de ses commissions au titre des années 2016 et 2017, et ce dernier ne rapportant pas la preuve de l’existence d’un préjudice distinct non entièrement réparé par le versement des commissions telles qu’elles seront déterminées ci-après, sera débouté de sa demande de dommages-intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail.


En ce qui concerne la rupture de la période d’essai, il est constant que le salarié comme l’employeur disposent d’un droit de résiliation unilatéral du contrat de travail au cours de la période d’essai, qu’ils peuvent, en principe, mettre en oeuvre librement, c’est-à-dire sans être tenus de respecter les dispositions légales qui concernent les modes de rupture propres au contrat de travail.
Les seules limites au pouvoir discrétionnaire de rompre le contrat relèvent du comportement déloyal tel qu’une intention de nuire ou une légèreté blâmable, ou encore du détournement de la période d’essai, qui peuvent être constitutifs d’un abus de droit.


En l’espèce, M. X a été soumis à une période d’essai du 3 octobre 2016 au 2 février 2017 laquelle a été renouvelée à compter du 3 février 2017 pour une seconde période de quatre mois qui expirait le 3 juin 2017.


La société Keyword a mis un terme à la période d’essai de M. X par courrier du 3 mai 2017 en exposant des insuffisances relatives tant à son action commerciale qu’à son action managériale.

M. X fait valoir que les motifs allégués par la société Keyword sont infondés. Or, chacune des parties au contrat de travail disposant d’un droit de résiliation discrétionnaire sans avoir à alléguer de motifs, la discussion sur le bien fondé des motifs exposés dans la lettre de rupture est sans objet dés lors que sont invoquées des insuffisances professionnelles, ce qui ne relève ni de l’intention de nuire ni de la légèreté blâmable et qu’il n’est ni établi, ni soutenu au demeurant que la période d’essai aurait été détournée de sa fonction, à savoir l’évaluation de compétences du salarié.


L’abus de droit n’est pas démontré en l’espèce et le jugement déféré doit en conséquence être confirmé en ce qu’il a jugé que la rupture de la période d’essai de M. X par la société Keyword SD n’est pas abusive.


- Sur le montant des commissions :

1°) Pour l’année 2016 :

M. X demande le paiement de la somme de 21 516 euros correspondant à 5% du chiffre d’affaire de 434 331 euros. Il indique que le pourcentage de 5% n’a jamais été contesté par l’employeur.


La société Keyword SD soutient que la maintenance récurrente a fait l’objet d’une cession de contrats dans le jugement arrêtant le plan de cession de ses actifs à la barre du tribunal de commerce de Montpellier et que les contrats en cours au jour de l’embauche de M. X étaient déjà sécurisés jusqu’à la fin de l’année 2016, de sorte que M. X ne pouvait prétendre à un commissionnement au titre de ces contrats.


La société Keyword SD s’appuie sur l’attestation de M. Y, ancien gérant, selon lequel M. X et lui-même ont fait en sorte que, « … via leur direction des achats, les contrats de maintenance en place soient renouvelés sans tarder à compter de janvier 2017 ».


La société Keyword SD fait en conséquence grief au jugement déféré d’avoir fait droit à la demande de commissionnement au titre de l’année 2016 sans avoir fait le constat de ce que M. X avait participé à la conclusion de nouveaux contrats.


A titre subsidiaire, la société Keyword SD demande la confirmation du jugement en ce qu’il a accordé à M. X la somme de 7 936,02 euros, calculée par application d’un pourcentage de 3% du chiffre d’affaires de 264 534 euros correspondant à l’exercice clos le 31 décembre 2016 selon l’attestation du commissaire aux comptes de la société établie le 1er août 2018.

****


Le droit à une rémunération variable résulte du contrat de travail, et à défaut d’accord entre l’employeur et le salarié sur le montant de cette rémunération, il appartient au juge de déterminer cette rémunération en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes, et à défaut des données de la cause.


En l’espèce, le seul critère dont fait état le contrat est que 'les commissions seront calculées sur le Chiffre d’Affaires facturé une fois par an (avoirs éventuels déduits des commissions)', sans aucune distinction relative à la maintenance récurrente. Dés lors, et en l’absence de tout élément, la société Keyword qui produit par ailleurs une attestation comptable (pièce n°12 bis) faisant état d’un chiffre d’affaires de 264 534 euros au 31 décembre 2016 sans détailler la part de la maintenance récurrente et celle des autres postes, ne justifie pas d’une autre base de calcul que celle retenue par le conseil de prud’hommes.


La cour confirmera par ailleurs le taux de 3% retenu par le conseil de prud’hommes au regard de l’unique élément produit par les parties, à savoir la proposition de plan de commissionnement faite par M. X le 21 mars 2017 appliquant un taux de 3% sur la maintenance récurrente et un taux de 5% sur la maintenance évolutive. En effet, la société Keyword SD expose qu’elle a jugé cette proposition irrecevable 'en ce qu’elle prévoyait un commissionnement sur la maintenance récurrente', il ne résulte pas des pièces versées au débat que l’employeur ait à un quelconque moment remis en cause les taux de 3% et 5% appliqués dans ladite proposition.


Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a condamné la société Keyword SD à payer à M. X la somme de 7 936,02 euros au titre des commissions dues pour l’année 2016.

2°) Pour l’année 2017 :

M. X demande le paiement de la somme de 63 210 euros par application du taux de 3% sur la maintenance récurrente de l’année 2017 et de 5% sur la maintenance évolutive.


Il soutient que conformément aux termes du contrat de travail, il n’y a pas lieu à faire de différence entre la maintenance récurrente et la maintenance évolutive.


La société Keyword SD expose que M. X ne peut prétendre à des commissions au titre de la période courant du 1er janvier 2017 jusqu’à la fin de la période d’essai, dans la mesure où la société n’a réalisé aucune opération de maintenance évolutive, ce qui correspond au poste 'licences', durant cette période, et que le commissionnement de M. X ne pouvait être calculé que sur la maintenance évolutive à l’exception de tous les autres postes.


La société Keyword fait valoir par ailleurs que M. X ne peut prétendre au bénéfice d’une commission au titre de l’année 2017 alors qu’il a cessé son activité en mars 2017.

****


La demande de M. X repose sur le tableau du chiffre d’affaires prévisionnel de l’année 2017 et sur l’application des taux de 3% et de 5% susvisés auxquels la société Keyword n’apporte aucune contradiction étayée.


Cependant, la part variable du salaire étant un élément de rémunération prévu par le contrat de travail, elle constitue la contrepartie du travail fourni. Dés lors, M. X n’est pas fondé à solliciter le paiement de sa rémunération variable au delà du 3 mai 2017, date à laquelle son contrat a pris fin.


Sur la base du calcul de commissions effectué par M. X au titre de l’année 2017, la cour fait droit à sa demande à hauteur de 21 070 euros (= 63 210 euros /12 mois x 4 mois) correspondant à la partie variable de sa rémunération pour les mois de janvier à avril 2017 inclus. Le jugement déféré qui a alloué à M. X la somme de 10 225,66 euros (= 340 855 x 3%) sera infirmé en ce sens et M. X sera débouté de sa demande pour le surplus.
- Sur les demandes accessoires :


Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a mis à la charge de la société Keyword SD les dépens de première instance et en ce qu’il a alloué à M. X une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.


La société Keyword SD qui succombe pour l’essentiel en ses demandes sera condamnée aux dépens d’appel.


L’équité et la situation économique respective des parties justifient qu’il ne soit pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,


Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu’il condamné la société Keyword à payer à M. X la somme de 5 435,10 euros de dommages-intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail et sur le montant des commissions dues au titre de l’année 2017 ;

INFIRME le jugement déféré sur ces chefs ;

STATUANT à nouveau et y ajoutant,

DIT que la société Isiman vient aux droits de la société Keyword SD ;

DÉBOUTE M. X de sa demande de dommages-intérêts au titre de l’exécution fautive du contrat de travail ;

CONDAMNE la société Isiman venant aux droits de la société Keyword SD à payer à M. X la somme de 21 070 euros au titre des commissions dues pour l’exercice 2017 ;

REJETTE toute demande contraire ou plus ample des parties ;

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel ;

CONDAMNE la société Isiman venant aux droits de la société Keyword SD aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
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Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 5 janvier 2022, n° 19/01294