Cour d'appel de Metz, 15 janvier 2015, n° 12/02346

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Sur la décision

Référence :
CA Metz, 15 janv. 2015, n° 12/02346
Juridiction : Cour d'appel de Metz
Numéro(s) : 12/02346

Sur les parties

Texte intégral

XXX

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

R.G : 12/02346

SAS N O SAS N A

C/

SA LED

SCP NOEL AF B

Me AM

COUR D’APPEL DE METZ

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 15 JANVIER 2015

APPELANTES :

SAS FRENCH POLYURETHANE MACHINERY O (N O – FPMI) , en liquidation judiciaire, représentée par son mandataire liquidateur, la SCP NOEL AF B, ayant son siège social

XXX

XXX

Représentant : Me AR ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ

SAS N A (FPME), société de droit luxembourgeois, en faillite, représentée par sa curatrice, Maître AK-AL AM, ayant son siège social

XXX

L- 8476 EISCHEN (GRAND DUCHE DE C)

Représentant : Me AR ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ

INTIMEE :

SA LED représentée par son représentant légal

XXX

XXX

Représentants : Me François RIGO, avocat au barreau de METZ, postulant et Me Lauriane VALLEE substituant Me J PARLEANI, avocats au barreau de PARIS, plaidant

XXX

SCP NOEL AF B prise en la personne de Maître AK-AE AF ès qualités de mandataire liquidateur de la société SAS N O

XXX

XXX

Représentant : Me AR ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ

Maître AK-AL AM ès qualités de curatrice de la société SAS N A

22 rue AK Adélaïde

L- 2128 C (GRAND DUCHE DE C)

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

PRÉSIDENT : Monsieur MESSIAS, Président de Chambre

ASSESSEURS : Madame KNAFF, Conseillère

Mme AI-AJ, Conseillère

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS ET AU PRONONCÉ DE L’ARRÊT : Madame D

DATE DES DÉBATS : Audience publique du 11 septembre 2014.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe, selon les dispositions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile, le 11 décembre 2014. A cette date, le délibéré a été prorogé pour l’arrêt être rendu le 15 janvier 2015.

EXPOSE DU LITIGE

La SA LED a pour objet la fabrication, l’entretien, la réparation, la location de toute machine industrielle, de même que la pose, le négoce en gros et au détail de pièces détachées de tous accessoires pour l’industrie. Cette société est par ailleurs spécialisée dans la conception, la fabrication et l’entretien de machines d’injection de polyuréthanes haute pression.

La SA LED a fait assigner devant la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de METZ la SAS N O (FRENCH POLYURETHANE MACHINERY O) par exploit d’huissier du 24 juillet 2007 et, par acte séparé absent du dossier de première instance, la SARL N A, société de droit luxembourgeois, aux fins de voir :

— dire que les sociétés N O et N A se sont rendues coupables de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la SA LED ;

— condamner solidairement les sociétés N O et N A à payer à la SA LED :

*la somme de 349.719 € en réparation de la perte de la marge brute correspondant à la perte de chiffre d’affaires au 31 décembre 2006, sous réserve de l’évolution de l’activité de la SA LED sur les exercices suivants,

*la somme de 1.000.000 € en réparation du préjudice d’image ;

— faire interdiction aux sociétés N O et N A de fabriquer, reproduire, mettre en vente, directement ou indirectement, tout modèle constituant la copie des produits, pièces, documentation commerciale et publicitaire de la SA LED et ce sous astreinte de 5.000 € par infraction constatée ;

— dire que le Tribunal se réservera de liquider l’astreinte ;

— ordonner la publication du jugement dans trois journaux ou magazines au choix de la SA LED et aux frais exclusifs des sociétés défenderesses sans que le coût total des insertions n’excède la somme de 36.000 € HT ;

— ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant opposition ou appel et sans caution ;

— condamner solidairement les sociétés N O et N A à payer à la SA LED la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Les défenderesses ont demandé au Tribunal de :

— déclarer la demande de la société LED irrecevable et, en tout cas, la rejeter ;

— condamner la société LED à leur payer la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral qu’elles ont subi avec les intérêts de droit à compter du jugement ;

— condamner la SA LED à leur payer la somme de 8.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— déclarer le jugement à intervenir exécutoire par provision.

Elles ont également demandé, avant-dire-droit, au Tribunal d’enjoindre la société LED à produire son registre du personnel pour les années 2005, 2006 et 2007 ainsi que son chiffre d’affaires pour l’année 2006 et l’état de dépôt et protection des brevets.

Par jugement avant-dire droit du 13 janvier 2009, la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de METZ a :

— écarté des débats la pièce n° A-155 de la SA LED comme ayant été déposée tardivement ;

— ordonné une expertise confiée à H I, aux frais avancés par la société LED, aux fins notamment de :

*examiner chacune des machines d’injection polyuréthane fabriquées par les sociétés LED et N et leurs accessoires, ainsi que les outils de conception, les plaquettes et documents de diffusion,

*dire s’il y a des éléments communs, des codes de couleur, ainsi qu’une organisation des différents composants standards,

*donner son avis et fournir au Tribunal tous les éléments permettant de déterminer s’il y a copie par la société N des machines commercialisées par la société LED.

L’expert a déposé son rapport le 30 juin 2009.

Les parties ont intégralement repris après expertise leurs prétentions initiales.

Par jugement du 22 décembre 2009, la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de METZ a :

— dit que les sociétés N O et N A se sont rendues coupables de concurrence déloyale à l’égard de la SA LED ;

— condamné solidairement la société N O et la société N A à payer à la SA LED les sommes de :

*100.000 € de dommages et intérêts pour préjudice matériel,

*10.000 € de dommages et intérêts pour préjudice d’image,

*5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— débouté chacune des parties de ses demandes plus amples ou contraires ;

— ordonné l’exécution provisoire ;

— condamné solidairement les sociétés N O et N A aux dépens, en ce compris le coût des opérations d’expertise.

Par déclaration enregistrée au greffe le 7 mai 2010, les sociétés N O et N A ont interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 20 février 2012, le conseiller de la mise en état a constaté l’interruption de l’instance en raison de la mise en liquidation judiciaire de la SAS N O par jugement de la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de METZ du 16 novembre 2011 ayant désigné la SCP NOEL AF B, prise en la personne de Maître AK-AE AF, en qualité de mandataire liquidateur.

Par jugement du 18 novembre 2011, le Tribunal d’arrondissement de C a déclaré en état de faillite la SARL N A et désigné Maître AK-AL AM, avocate, en qualité de curatrice.

La SA LED a repris l’instance par conclusions déposées le 3 juillet 2012.

Selon ses ultimes écritures du 10 octobre 2013, la SCP NOEL AF B, prise en la personne de Maître AK-AE AF, ès qualités de mandataire liquidateur de la société N O, demande à cette Cour d’infirmer le jugement entrepris et de :

— débouter la société LED de l’ensemble de ses prétentions ;

Subsidiairement,

— rejeter l’appel incident de la société LED ;

— confirmer le jugement entrepris sur les montants ;

— dire et juger que plus aucune condamnation à paiement ne peut être prononcée contre les sociétés N O et N A ;

— confirmer également le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société LED de sa demande tendant à ce qu’il soit fait interdiction sous astreinte aux sociétés N O et N A d’avoir à fabriquer, reproduire, mettre en vente, directement ou indirectement, tout modèle constituant la copie des produits, pièces, documentation commerciale et publicitaire de la société LED ;

— confirmer encore le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société LED de sa demande tendant à ce que soit ordonnée la publication de l’arrêt à intervenir dans trois journaux ou magazines au choix de la société LED et aux frais exclusifs des sociétés appelantes ;

— constater en tout état de cause que ces demandes n’ont plus d’objet ;

— condamner la SA LED en tous les frais et dépens de première instance et d’appel, y compris ceux de la procédure de référé sursis, ainsi qu’au paiement d’une somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures du 4 décembre 2013, la SA LED demande à cette Cour de :

— confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a n’a pas fait droit, dans leur intégralité, aux demandes d’indemnités, d’interdiction et de publication de la SA LED ;

— faire droit à l’appel incident de la SA LED et, statuant à nouveau,

— dire et juger que le préjudice subi par la SA LED est le suivant :

*2.960.030 € au titre de la perte de la marge brute subie au cours des exercices 2006, 2007, 2008 et 2009,

*1.000.000 € en réparation du préjudice d’image,

— dire et juger que la société N O, en liquidation judiciaire, représentée par la SCP AF NOEL ET B, es qualités de mandataire liquidateur, et la société N A, en faillite, représentée par Maître AK-AL AM, curatrice, sont solidairement responsables de ce préjudice ;

— fixer le montant de la créance de la SA LED à la valeur du préjudice subi et inscrire ce montant au passif des sociétés N O et N A ;

— faire interdiction à la société N O, en liquidation judiciaire, représentée par la SCP AF NOEL ET B, es qualités de mandataire liquidateur, et à la société N A, en faillite, représentée par Maître AK-AL AM, curatrice, de fabriquer, reproduire, mettre en vente, directement ou indirectement, tout modèle constituant la copie des produits, pièces, documentation commerciale et publicitaire de la SA LED suivants :

*pièces et plans de la société LED figurant dans le procès-verbal de constat réalisé par Maître PERIGNON, Huissier de Justice à X, le 24 mai 2007 (pièce 41):

plans n° LED1218NXXCX-002 V2 B,

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*machines d’injection polyuréthane haute pression LED 12 LC, XXX, XXX, XXX (reproduites dans le fascicule numéroté pièce 29- A.40),

*têtes d’injections polyuréthane références XXX,

*pièces, plans, clichés et documentation commerciale figurant aux pièces A80 à A89 et dans les fascicules commerciaux numérotés pièces 29-A.40 et pièce 30-A.40,

et ce sous astreinte de 5.000 € par infraction constatée ;

— dire que la Cour se réservera la liquidation de l’astreinte ;

— ordonner la publication de l’arrêt à intervenir dans trois journaux ou magazines au choix de la SA LED et aux frais exclusifs des sociétés appelantes sans que le coût total des insertions n’excède la somme de 36.000 € HT ;

— débouter la société N O, en liquidation judiciaire, représentée par la SCP AF NOEL ET B, ès qualités de mandataire liquidateur, et la société N A, en faillite, représentée par Maître AK-AL AM, curatrice, de l’ensemble de leurs demandes ;

— condamner solidairement la société N O, en liquidation judiciaire, représentée par la SCP AF NOEL ET B, ès qualités de mandataire liquidateur, et la société N A, en faillite, représentée par Maître AK-AL AM, curatrice, à payer à la SA LED à la somme de 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens et dire que Maître François RIGO, avocat, bénéficiera des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Maître AK-AL AM, ès qualités de curatrice de la société N A, régulièrement assignée selon les modalités du règlement CE n°1393/2007 du 13 novembre 2007 par remise de l’acte à l’une de ses employées le 28 août 2012, n’a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DECISION

La SAS N O, ayant son siège à XXX, a été constituée par acte du 10 octobre 2006, l’associée majoritaire étant la société de droit luxembourgeois Y, représentée par AQ-AR AS, ce dernier étant par ailleurs associé à titre personnel. Elle a essentiellement pour objet l’étude, la conception, la préparation, la réparation, la fabrication et le négoce de machines spéciales destinées en particulier à l’industrie.

La SARL N A, ayant son siège à EISCHEN au C, a été constituée le 3 août 2006 entre L M et la société Y avec pour objet le négoce de machines industrielles et la sous-traitance d’études d’ingénierie de machines industrielles.

Ces sociétés ont incontestablement le même secteur d’activité que la SA LED, qui soutient avoir été victime de la part des sociétés N A et N O d’actes de concurrence déloyale et parasitaire.

La SA LED fait notamment état de dénigrement en se fondant essentiellement sur les trois courriels suivants :

— un courriel adressé le 29 novembre 2006 par C. Z du Groupe ATLANTIC confirmant « avoir été démarché au téléphone par la société FPME, Mr G, qui a annoncé la création de la société FPME et l’arrêt de l’activité polyuréthane chez LED » ;

— un courriel adressé le 9 février 2007 par AC AD de la société FAUREZIA INDUSTRIE indiquant que « la société N tente de récupérer F CRÉVIN en clientèle en laissant entendre que la société LED LONGAUTO cesse ses activités de réparation de pompes et de reconditionnement de machines PU afin de se recentrer sur son métier premier qui est la vente de pièces détachées ;

— un courriel envoyé le 15 février 2007 par AA AB de la société TRAMICO dans lequel il mentionne que les représentants de N lui ont signalé que la société LED avait arrêté son activité dans le PU.

Maître AK-AE AF, ès qualités, objecte qu’il ne peut y avoir de concurrence déloyale en l’absence de tout document destiné à la clientèle actuelle ou potentielle et diffusée auprès d’elle qui aurait contenu des informations susceptibles de discréditer la société LED.

Cependant, si le dénigrement, qui se définit comme la divulgation d’une information de nature à jeter le discrédit sur un concurrent, suppose un message qui soit diffusé, tout moyen d’expression peut être retenu et notamment une expression orale.

Aussi, une rumeur affectant l’entreprise, fondée sur une déclaration orale relayée, peut être constitutive du dénigrement.

Toutefois, si les trois courriels précités suffisent à démontrer que les sociétés N A et N O ont fait courir auprès de clients de la société LED le bruit que cette dernière arrêterait l’activité polyuréthanes, ils ne caractérisent pas un dénigrement, dès lors que cette seule allégation n’est pas de nature à jeter le discrédit sur la société concurrente.

Il n’en demeure pas moins que le fait pour les sociétés N de relayer auprès des clients de LED une rumeur manifestement non fondée quant à l’arrêt de l’activité polyuréthanes est constitutif d’une man’uvre déloyale ayant pour but de détourner la clientèle à leur profit.

Par ailleurs, si la société LED indiquait certes dans ses conclusions de première instance qu’il n’était pas reproché aux sociétés N A et N O d’avoir embauché des salariés démissionnaires de la SA LED mais d’être intervenues par l’intermédiaire des anciens salariés de LED pour tenter de débaucher les salariés qui y sont restés, elle soutient toutefois en appel que ses salariés ont été débauchés de façon déloyale.

L’embauche d’un ou de plusieurs salariés par une entreprise concurrente n’est a priori pas illicite en vertu du principe de la liberté du travail.

Un débauchage doit, pour être fautif, être le résultat de man’uvres déloyales de la part du nouvel employeur.

En l’occurrence, il ressort du dossier que les salariés suivants de la SA LED :

— AQ-AR AS, directeur technique et maître d’oeuvre de la branche polyuréthane, ayant par ailleurs la qualité d’administrateur de la société LED,

— Marc SERVIDIO, ingénieur chargé d’affaires,

— Alain PESANT, ingénieur chargé d’affaires et responsable qualité,

— T G, technico-commercial,

— V W, chef de projet,

— P Q, ingénieur responsable du bureau d’études,

— L M-PODDA, assistante de direction technique,

— Valère ROBERT, technicien électricien,

ont démissionné entre le 20 juillet et 18 septembre 2006 de la société LED au profit des société N A et N O créées au cours de la même période, étant rappelé que AQ-AR AS et L M ont directement participé à la constitution des sociétés concurrentes de la SA LED.

L’organigramme de la société LED révèle que cette dernière a ainsi été privée en un très court laps de temps de la quasi-totalité de ses cadres, au nombre de neuf, et surtout de tous ses ingénieurs au profit de la concurrence.

Un tel débauchage important et sélectif suivi d’une embauche simultanée auprès d’un concurrent est déloyal, dans la mesure où il a eu pour effet de désorganiser l’entreprise, la société LED ayant été contrainte de recourir à la sous-traitance de la société N A afin d’être en mesure d’honorer des commandes émanant des sociétés E et F, tel que cela résulte des factures émises par la société N A entre octobre 2006 et janvier 2007.

Par ailleurs, T G, ancien salarié de LED et de N A, atteste que AQ-AR AS lui a proposé de quitter la société LED pour rejoindre N A en prétextant que la société LED était condamnée à fermer très prochainement.

Cette attestation, dont la force probante ne peut être mise en doute en l’absence de tout lien de subordination entre son auteur et les parties, établit que le débauchage de l’équipe que dirigeait AQ-AR AS au sein de la société LED s’est accompagné de man’uvres déloyales.

Il sera observé que les tentatives de débauchage d’autres salariés invoquées par la société LED ne peuvent en revanche être constitutives de concurrence déloyale, dans la mesure où faute d’avoir abouties, elles ne sont d’évidence pas susceptibles d’avoir généré une désorganisation quelconque.

T G ajoute que AQ-AR AS a réalisé une copie de la plupart des fichiers présents chez LED et qu’il s’en est servi pour créer l’activité de N. Il précise notamment que la quasi-totalité des documentations techniques ont été copiées et réutilisées : machine de moussage (plans électriques et programme automate), « nucléateur », tête de mélange, petit matériel et que la plupart des clients de LED ont été sollicités par N A à la demande de AQ-AR AS en expliquant que tout le savoir-faire de LED était désormais chez N A et les fournisseurs historiques de LED également consultés pour le compte de N A.

Cette attestation est corroborée par le rapport d’expertise judiciaire.

En effet, H I a notamment constaté que les pièces utilisées pour la fabrication de la tête d’injection de LED et N étaient identiques et qu’elles étaient issues d’une même base de données.

La circonstance que l’expert judiciaire se soit basé sur le procès-verbal de Maître Jérôme PERIGNON, huissier de justice, réalisé le 24 mai 2007 aux établissements CAE, sous-traitant à la fois de LED et de N, ne justifie nullement d’écarter les conclusions précitées de l’expert judiciaire, lequel a fait sa propre analyse des différents documents collectés par Maître PERIGNON dans le cadre de l’exécution de l’ordonnance sur requête du vice-président du Tribunal de grande instance de X en date du 10 mai 2007.

Il en résulte que des fichiers techniques de la société LED ont bien servi de base pour établir les plans des sociétés N.

Par ailleurs, si H I note que l’allure générale des machines d’injection des concurrents (CANNON, HENNECKE, R S) de LED et N se ressemblent, il relève toutefois que l’examen comparatif des plaquettes commerciales de LED et N met en évidence la reproduction d’éléments identiques et provenant de la même source.

L’expert judiciaire précise que :

— « sur la première page apparaît une photo « en dégradé » et symétrique de la photo figurant sur la 3e page de la brochure LED » ;

— « la représentation en dessin 3D de la machine de mélange et d’injection est aussi identique sous un angle de représentation légèrement différent et avec quelques retouches mineures: couleur du châssis, forme supérieure des réservoirs, support et capteur de la bouteille-tampon, écran de contrôle placé au-dessus du pupitre … mais le dessin d’origine est strictement identique. Il faut aussi noter que la machine d’injection figurant dans la brochure LED en pages 2 et 3 est une photo réelle d’une machine et qu’elle est pratiquement conforme au dessin 3D de la couverture à l’exception des couleurs et de quelques détails mineurs » ;

— « les photos en bas et à droite de la page 3 proviennent de LED », cette constatation de l’expert s’appuyant sur les pièces 81, 82 et 97 de la société LED.

L’expert judiciaire indique également que le porte-moule, la table tournante et le robot en dessin 3D figurant sur la page 2 de la brochure N viennent aussi de LED, ce que confirme l’examen des pièces n°83, 84,87 de la société LED.

En réponse au dire du conseil des sociétés N, l’expert judiciaire, rappelant avoir comparé les originaux des pièces versées au dossier par les parties, confirme que la brochure de N est un plagiat de celle de LED, même si certains documents sont accessibles sur le net, en relevant que N a reproduit un robot ABB identique à celui figurant sur la plaquette LED alors qu’il lui était loisible de mettre de la même façon un robot KULA ou STAUBLI également disponible sur le net, ajoutant que cette remarque vaut également pour la table tournante.

Au regard de ces différentes constatations, le Tribunal a exactement retenu que de nombreux fichiers et documents-photos de la SA LED ont été réutilisés et reproduits dans la documentation commerciale des sociétés N, alors même que les anciens salariés de la société LED débauchés par les sociétés N étaient soumis à une clause de confidentialité stipulée comme suit dans leurs contrats de travail : « Vous vous engagez formellement à ne divulguer à qui que ce soit, tant pendant l’exécution du présent contrat qu’après sa fin pour quelque cause que ce soit, aucun des renseignements de tous ordres, financiers, techniques, commerciaux,…, que vous pourriez recueillir à l’occasion de vos fonctions, au sein de l’Entreprise comme auprès de la clientèle. Vous vous déclarez à cet égard tenu au secret professionnel absolu ».

Par ailleurs, l’examen comparatif de la liste des représentants LED et N à l’étranger figurant respectivement au dos de la plaquette commerciale de LED et sur le site internet de N révèle que les représentants de N à l’étranger sont les mêmes que ceux de la société LED, alors même que cette dernière justifie par la production des contrats d’agent commercial de la stipulation à son profit d’une clause de non concurrence interdisant notamment à l’agent commercial pendant la durée de son contrat d’accepter un mandat de représentation d’une entreprise concurrente.

Le débauchage massif des salariés de la société LED s’est donc accompagné d’actes de parasitisme ayant permis aux sociétés N de gagner un temps considérable dans le lancement de leurs activités et de semer la confusion au sein de la clientèle de ces entreprises concurrentes.

Les sociétés N O et N A voient donc leur responsabilité délictuelle engagée et sont tenues in solidum d’indemniser le préjudice subi par la société LED consécutivement à la concurrence déloyale dont elle a été victime.

Il convient de préciser que la société LED justifie avoir déclaré le 15 décembre 2011 dans la cadre de la procédure de faillite de la société N A une créance totale de 116.283,57 €, dont une somme principale de 110.000 € à titre de dommages et intérêts.

La société LED établit également avoir déclaré le 2 janvier 2012 une somme de 115.221,34 € au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société N O portée le 8 février 2012 à un montant total de 4.014.865,19 €, étant relevé que par courrier du 21 octobre 2013, Maître AE AF, ès qualités de mandataire liquidateur, a invité le juge commissaire à prendre acte de la procédure en cours devant cette Cour.

La société LED estime son préjudice à la somme totale de 2.960.030 € correspondant à la différence cumulée entre la marge brute réalisée au cours de l’année 2005, soit 1.598.530 €, et celle des années 2006, 2007, 2008 et 2009 s’étant élevée respectivement à 1.248.811€, 746.845 €, 730.496 € et 707.938 €.

Cependant, comme l’ont relevé les premiers juges, le chiffre d’affaires (3.564.356 €) et la marge brute (1.248.811 €) de 2006 sont de l’ordre de ceux réalisés en 2004 (3.211.453 € de chiffre d’affaires et 1.396.626 € de marge brute), étant rappelé que AQ-AR AS, J K, V W et P Q n’ont effectivement quitté la société LED qu’au cours du dernier trimestre de l’année 2006.

Par ailleurs, si le chiffre d’affaires et la marge brute ont connu un net recul à partir de l’année 2007 (1.979.242 € de chiffre d’affaires et 746.845 € de marge brute), ils se sont ensuite stabilisés au cours des deux années suivantes.

Si les actes de concurrence déloyale précités commis de concert par les sociétés N ont nécessairement eu un impact négatif sur l’activité polyuréthanes de la société LED, il faut distinguer des conséquences desdits actes, concentrés essentiellement au début de l’activité des sociétés N, celles résultant du jeu normal de la concurrence, l’expert judiciaire relevant que « la société N est à féliciter pour ses nouveaux brevets et cela fait partie du dynamisme et de la compétence de Mr. AS ».

En outre, l’analyse des commandes des sociétés N par l’expert judiciaire n’a permis de découvrir que quatre anciens clients de la société LED.

Dans ces conditions, le Tribunal a justement évalué à la somme de 100.000 € le préjudice subi par la société LED.

De même, au vu des éléments du dossier, l’atteinte à l’image de la société LED résultant des agissements déloyaux des sociétés N de nature à provoquer une baisse de la capacité d’attraction de la société victime auprès de la clientèle est réparée par la somme de 10.000 € allouée par les premiers juges.

Il convient néanmoins de réformer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné les sociétés N O et N A au paiement desdites sommes compte tenu des procédures respectives de liquidation judiciaire et de faillite ouvertes à leur égard en cours d’appel.

Aussi, il y a lieu, statuant à nouveau sur ce point, de fixer comme suit les créances de la SA LED à l’égard des sociétés N O et N A tenues in solidum de l’indemnisation du préjudice subi par la société LED du fait de la concurrence déloyale :

-100.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel ;

-10.000 € de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte à l’image de la SA LED.

Le jugement sera confirmé sur le rejet des demandes d’interdiction et de publication formées par la société LED qui ne présentent plus d’intérêt en raison de l’ancienneté des faits de concurrence déloyale mais surtout de la liquidation des sociétés N O et N A.

Compte tenu de la faillite et de la liquidation judiciaire des sociétés N en cours d’appel, la décision entreprise sera réformée sur les dépens et les frais non répétibles.

Les sociétés N A et N O, représentées respectivement par Maître AK-AL AM, ès qualités de curatrice, et la SCP NOEL AF B, prise en la personne de Maître AK-AE AF, ès qualités de liquidateur, supporteront in solidum les dépens de première instance, en ce compris les frais d’expertise, et d’appel.

La SCP NOEL AF B, prise en la personne de Maître AK-AE AF, ès qualités de liquidateur de la société N O, sera de façon subséquente déboutée de sa demande d’indemnité au titre de ses frais non répétibles.

Enfin, l’issue du litige commande de ne pas laisser à la charge de la société LED les frais par elle exposés au cours des deux instances et non compris dans les dépens.

Les sociétés N A et N O, représentées respectivement par Maître AK-AL AM, ès qualités de curatrice, et la SCP NOEL AF B, prise en la personne de Maître AK-AE AF, ès qualités de liquidateur, seront donc condamnées in solidum à lui verser la somme globale de 6.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,

Vu la mise en liquidation judiciaire de la SAS N O et la faillite de la SARL N A en cours d’appel ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a dit que les sociétés N O et N A ont commis des actes de concurrence déloyale envers la société LED et a rejeté les demandes d’interdiction et de publication formées par la SA LED ;

Infirme le jugement entrepris sur le surplus ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

Fixe comme suit les créances de la SA LED à l’égard des sociétés N O et N A tenues in solidum :

-100.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel,

-10.000 € de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte à l’image de la SA LED ;

Déboute la SA LED du surplus de ses demandes en fixation de créance au passif des sociétés N O et N A ;

Condamne in solidum la SARL N A et la SAS N O, représentées respectivement par Maître AK-AL AM, ès qualités de curatrice, et la SCP NOEL AF B, prise en la personne de Maître AK-AE AF, ès qualité de liquidateur, aux dépens de première instance, en ce compris les frais d’expertise, et d’appel ;

Condamne in solidum la SARL N A et la SAS N O, représentées respectivement par Maître AK-AL AM, ès qualités de curatrice, et la SCP NOEL AF B, prise en la personne de Maître AK-AE AF, ès qualité de liquidateur, à verser à la SA LED la somme globale de 6.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

La Greffière Le Président

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Cour d'appel de Metz, 15 janvier 2015, n° 12/02346