Cour d'appel de Metz, 6ème chambre, 27 avril 2021, n° 20/01384

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Sur la décision

Référence :
CA Metz, 6e ch., 27 avr. 2021, n° 20/01384
Juridiction : Cour d'appel de Metz
Numéro(s) : 20/01384
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°21/00145

N° RG N° RG 20/01384 – N° Portalis DBVS-V-B7E-FKEA

-----------------------------------

S.A.S. SOCIÉTÉ CEGIL

C/

S.A.S B COMMUNICATION, S.A.S.U. B & CO


Tribunal de Commerce de NANCY

05/09/2016

Cour d’appel de NANCY

Arrêt du 28/03/2018

Cour de cassation

Arrêt du 08/07/2020

COUR D’APPEL DE METZ

RENVOI APRÈS CASSATION

ARRÊT DU 27 AVRIL 2021

DEMANDEUR À LA REPRISE D’INSTANCE :

S.A.S. SOCIÉTÉ CEGIL

Représentée par son représentant légal

[…]

[…]

Représentant : Me Jacques BETTENFELD, avocat postulant, avocat au barreau de METZ et Me Loïc DEMAREST, avocat plaidant, avocat au barreau de NANCY

DÉFENDEUR À LA REPRISE D’INSTANCE :

S.A.S. B COMMUNICATION représentée par son représentant légal

[…]

[…]

Représentant : Me Patrick VANMANSART, avocat au barreau de METZ

S.A.S. B & CO représentée par son représentant légal

[…]

[…]

Représentant : Me Patrick VANMANSART, avocat au barreau de METZ

DATE DES DEBATS : A l’audience publique du 9 février 2021 tenue par Mme Catherine DEVIGNOT, Magistrat rapporteur qui a entenu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré pour l’arrêt être rendu le 27 avril 2021 par mise à disposition publique au greffe de la 6e chambre civile de la cour d’appel de Metz.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

PRÉSIDENT : Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de chambre

ASSESSEURS : Mme Catherine DEVIGNOT, Conseiller,

Mme Aline BIRONNEAU, Conseiller

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD

GREFFIER PRESENT AU PRONONCE DE L’ARRET : Mme Laurence BELLIARD, adjoint administratif faisant fonction de greffier

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement du 25 février 2014, le tribunal de commerce de Nancy a converti en redressement judiciaire la sauvegarde de justice ouverte antérieurement au bénéfice de la société H, filiale du groupe Arcan, qui exerçait à Maxéville une activité de conseil en systèmes informatiques et services.

Par jugement du 15 avril 2014, le tribunal de commerce de Nancy a procédé à la cession de la société H au profit de la SAS Cegil. La SAS B & Co et la SAS B Communication étaient également candidates concurrentes pour cette reprise.

Saisis par la SAS Cegil qui souhaitait introduire une instance en concurrence déloyale à l’encontre de la SAS B & Co et de la SAS B Communication, les présidents des tribunaux de grande instance de Metz et Nancy ont rendu des ordonnances autorisant des huissiers de justice à prélever des éléments sur les sites de ces sociétés.

Par acte d’huissier des 10 et 11 septembre 2015, la SAS Cegil a fait assigner la SAS B Communication et la SAS B & Co devant le tribunal de commerce de Nancy sur le fondement de l’ancien article 1382 du code civil aux fins de :

— voir dire que les défenderesses s’étaient livrées à des actes de concurrence déloyale à compter du 15 avril 2014 à son préjudice

— solliciter la condamnation solidaire des défenderesses à lui payer la somme de 3.731.000 euros de dommages-intérêts

— voir enjoindre les défenderesses sous astreinte, à cesser tout agissement déloyal à son égard et ordonner la publication du jugement

— solliciter leur condamnations à lui payer la somme de 50.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— solliciter leur condamnation aux dépens, y compris le coût des constats dressés par Mes Tallarico & Mugnier le 4 novembre 2014.

En réponse, la SAS B Communication et la SAS B & Co ont conclu au rejet de ces prétentions et ont sollicité la condamnation de la SAS Cegil à leur payer la somme de 100.000 euros de dommages-intérêts ainsi que la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 5 septembre 2016, le tribunal de commerce de Nancy a :

— débouté la SAS Cegil de l’intégralité de ses demandes ;

— déclaré la SAS B & Co et la SAS B Communication irrecevables en leur demande de dommages-intérêts ;

— condamné la SAS Cegil à payer à la SAS B Communication et la SAS B & Co la somme de 3.000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— condamné la SAS Cegil aux dépens.

La SAS Cegil a interjeté appel de cette décision sur l’intégralité de ses dispositions.

Par arrêt du 28 mars 2018, la cour d’appel de Nancy, chambre commerciale, a :

— confirmé en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 5 septembre 2016 par le tribunal de commerce de Nancy

y ajoutant,

— condamné la SAS Cegil à payer à la SAS B Communication et la SAS B & Co ensemble, la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— débouté la SAS Cegil de ce chef de demandes

condamné la SAS Cegil aux dépens de l’appel.

La SAS Cegil a formé un pourvoi contre cette décision.

Par arrêt du 8 juillet 2020, la Cour de cassation, chambre commerciale, a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l’arrêt rendu par la cour d’appel de Nancy le 28 mars 2018 et a renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Metz.

La Cour de cassation a rappelé au visa de l’article 1382 du code civil devenu 1240 du code civil que si l’embauche, dans des conditions régulières, d’anciens salariés d’une entreprise concurrente n’est pas en elle-même fautive, elle le devient lorsqu’elle intervient dans des conditions déloyales et entraîne une désorganisation de cette entreprise.

Elle a ensuite relevé qu’en rejetant les demandes de la SAS Cegil par des motifs inopérants dès lors

que la caractérisation d’une faute de concurrence déloyale n’exigeait pas la constatation d’un élément intentionnel, et sans rechercher si, comme le soutenait la SAS Cegil, le débauchage simultané de M. X, ingénieur d’affaires qui réalisait le chiffre d’affaire le plus important, de M. Y, responsable de l’activité ERP, qui tous deux avaient antidaté leur lettre de démission afin de permettre au dirigeant de la société reprise, lui-même embauché par le groupe B, de les dispenser d’effectuer leur préavis, ajouté à celui de M. Z, ingénieur informatique actif dans le domaine de l’ERP, celui-ci serait-il arrivé quelques mois auparavant seulement, n’avait pas provoqué sa désorganisation, la cour d’appel avait privé sa décision de base légale.

Par conclusions du 24 décembre 2020, la SAS Cegil demande à la cour de :

— infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 septembre 2016 par le tribunal de commerce de Nancy

et statuant à nouveau, par application de l’ancien article 1382 devenu 1240 du code civil,

— la déclarer recevable et bien fondée en son action

— dire que la SAS B Communication et la SAS B & Co se sont livrées à une concurrence déloyale à son préjudice

en conséquence,

— condamner solidairement la SAS B Communication et la SAS B & Co à lui payer la somme de 3.371.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice

— enjoindre à la SAS B Communication et la SAS B & Co de cesser tout agissement déloyal à son égard, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée à compter de la signification de l’arrêt à intervenir

— ordonner la publication du dispositif de l’arrêt à intervenir dans un journal local choisi par elle, aux frais de la SAS B Communication et la SAS B & Co

— condamner solidairement la SAS B Communication et la SAS B & Co à lui payer la somme de 60.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

— condamner les mêmes aux dépens tant de première instance que d’appel, lesquels comprendront notamment le coût des constats dressés par Mes Tallarico & Mugnier le 4 novembre 2014.

Elle soutient tout d’abord que le groupe B s’est livré à des actes de concurrence déloyale par le débauchage de 4 salariés, du dirigeant de la société H et qu’elle a tenté de débaucher d’autres salariés.

Elle affirme que M. A dirigeant de B et M. C (ancien dirigeant de H) apprenant que son offre de reprise avait été choisie, ont fait rédiger par M. X et M. Y le 15 avril 2014 une lettre de démission sans préavis antidatée au 14 avril 2014 étant rappelé qu’à cette date, l’identité du cessionnaire n’était pas connue et qu’il n’y avait aucun intérêt à démissionner. Elle ajoute que ces derniers ont restitué leurs ordinateurs préalablement vidés de toutes données et ont rejoint le groupe B. Elle souligne que ce procédé est déloyal car elle a ainsi été privée de la présence des deux salariés qui auraient dû effectuer un préavis s’ils avaient démissionné le 15 avril 2014 ce qui lui aurait permis de les remplacer dans de bonnes conditions. Elle ajoute que les démissions ont été rédigées dans les locaux de B en présence de son dirigeant et que son accord était donc au moins implicite et qu’au surplus, celui-ci ne pouvait méconnaître le caractère antidaté de la démission puisque le groupe B a fait signer un contrat de travail à MM. X et

Y le 15 avril 2014.

Elle ajoute que M. C a également rejoint le groupe B immédiatement après la cession de H alors qu’il s’était engagé auprès de l’administrateur judiciaire à ne pas travailler pour un concurrent du cessionnaire dans un rayon de 300 km. Elle soutient que le groupe B a ainsi agi de manière déloyale, étant souligné que M. C a été engagé pour créer et gérer une nouvelle entité, la SAS B & Co, créée le 24 avril 2014 pour capter l’activité ERP de H.

La SAS Cegil affirme également que M. Z, qui faisait partie des effectifs de H, a fait l’objet d’un débauchage alors que le poste d’ingénieur de système informatique qu’il occupait devait être repris. Elle précise qu’il a, avant même son embauche officielle, travaillé pour le compte du groupe B pour assister M. Y dans le développement de l’activité ERP. Elle relève que tous les cadres de la SAS B & Co sont des anciens employés de H.

Elle soutient que groupe B a également débauché Mme D (assistante commerciale) en mai 2015 après plusieurs tentatives, en lui proposant un salaire 20% supérieur à celui qu’elle percevait auprès d’elle et que le groupe B a tenté de débaucher 4 autres salariés, ce qui montre sa volonté de la désorganiser.

La SAS Cegil affirme que ce débauchage, même limité à 4 personnes constitue un acte de concurrence déloyale car il a désorganisé l’entreprise. Elle soutient qu’il était important de rassurer les clients pour les conserver de garder les principaux cadres dans leurs postes. Or elle précise que M. X était l’ingénieur d’affaires réalisant le chiffre d’affaire le plus important, que M. Y était le responsable de l’activité ERP Microsoft Dynamic Nav et le seul salarié à avoir un tel niveau de compétence qui nécessitait du temps de formation, étant précisé que M. Z, étant également parti, elle n’avait plus de technicien capable d’assurer les prestations ERP.

Elle ajoute que MM. X et Y sont partis avec les données de H et toutes les informations utiles sur les clients ce qui l’a totalement désorganisée, étant rappelé qu’elle reprenait une société déjà en difficultés. Elle précise qu’elle n’a pu retrouver un salarié qualifié que 6,5 mois après la cession mais qui n’avait aucune expérience. Elle conclut que ces débauchages ont permis au groupe B de développer un nouveau domaine de compétence sans avoir sa concurrence. Elle précise qu’elle n’avait aucune difficulté financière lorsqu’elle a repris H.

La SAS Cegil soutient ensuite que la SAS B Communication a détourné des commandes pendant la procédure collective de H sans en informer le mandataire ou l’administrateur judiciaire et sans qu’elle en ait été informée alors qu’elle pensait faire l’acquisition d’actifs qui avaient déjà disparu. Elle précise que 17 clients ont ainsi été détournés après que le groupe B les ait avisés qu’un rachat par le groupe était en cours. Elle affirme que ces agissements, même intervenus avant le jugement de cession, constituent des actes de concurrence déloyale, jamais compensés par une indemnité.

Elle indique que grâce aux débauchages et aux détournements, le groupe B est parvenu à détourner et capter de nombreux clients à son préjudice après la cession en se présentant comme le repreneur de H ou en entretenant la confusion. Elle ajoute que les anciens salariés ont accédé à distance aux installations informatiques des clients de H sans les informer afin de lui bloquer l’accès en modifiant ses codes d’accès aux serveurs de données gérés par la société Neo Center Est dont M. C était le gérant et de capter cette clientèle.

Elle précise que le constat établi à Metz a démontré que B disposait d’un fichier clients comportant 77 clients habituels de H alors qu’il n’était jamais intervenu pour ces clients avant le 4 février 2014 et que groupe B avait facturé ces clients ce qui démontre que des commandes passées auprès de H lui ont été transférées dans des conditions déloyales.

Elle ajoute que le constat établi à Nancy a permis de retrouver 335 fichiers et 508 mails en rapports avec les clients de H, ce qui démontre vu son importance, une concurrence déloyale. Elle ajoute que des actes de dénigrements envers elle ont également été commis auprès des clients et que des fichiers ont été modifiés postérieurement à la cession et utilisés ainsi de manière déloyale.

Enfin, la SAS Cegil soutient que le groupe B a développé l’activité ERP avec Microsoft Dynamics Navision qu’elle n’exerçait pas avant la création de la SAS B & Co le 25 avril 2014. Elle précise que cette activité consiste à installer chez les clients des logiciels de gestion permettant de coordonner et de couvrir l’ensemble des besoins fonctionnels de l’entreprise (finance, comptabilité, achats, ventes, gestion des stocks…). Elle affirme que c’est grâce aux compétences de M. Y, aux documents et clients détournés par ce dernier ainsi qu’à l’assistance technique de M. Z que B a pu se développer dans ce domaine, ce qui constitue un parasitisme constitutif de concurrence déloyale.

Elle relève que la SAS B Communication a réalisé un chiffre d’affaire de 2.263.000 euros en seulement 8 mois ce qui ne correspond pas au résultat obtenu par une société récente qui développe une nouvelle activité.

Elle sollicite la réparation de son préjudice en se prévalant du rapport établi à sa demande par M. E, expert en évaluation financière près la cour d’appel de Nancy, qui a chiffré son préjudice à la somme de 3.731.000 euros.

Elle précise que les difficultés rencontrées par H sont étrangères au préjudice qu’elle subit. Elle rappelle qu’elle a été créée en avril 2014 pour racheter les actifs de H et qu’il n’est donc pas possible que son chiffre d’affaire ait augmenté grâce à la clientèle de H.

Elle relève qu’il résulte de la comparaison des chiffres d’affaires réalisés par H avant la cession en 2012 et par elle postérieurement à celle-ci, qu’elle a subi une perte de chiffre d’affaire de plus de 3.100.000 euros la première année et de 3.300.000 euros la seconde année, soit plus de 6.000.000 de pertes sur les deux ans suivants la cession.

Elle affirme qu’au cours de l’année 2014, la SAS B Communication a vu son chiffre d’affaire de 2014 augmenter de plus de 6.000.000 euros par rapport à celui des années précédentes qui était stable et que la SAS B & Co a réalisé un chiffre d’affaire de plus de 2.200.000 euros en seulement 8 mois. Elle indique que pour établir son offre de reprise, elle avait retenu un chiffre d’affaire de 3.714.000 euros pour la première année, intégrant un risque normal de perte de clients, hors concurrence déloyale, or elle soutient n’avoir pu réaliser qu’un chiffre d’affaire de 1.594.616 euros sur 8 mois ce qui représente 2.391.924 euros sur 12 mois. Elle relève que M. E a bien analysé le chiffre d’affaire et la marge manqués au regard des performances passées de H et que le calcul de son préjudice ne peut être sérieusement remis en cause. Elle estime qu’elle est en droit de solliciter la réparation du préjudice résultant de la perte du contrat conclu avec les clients détournés et de la disparition des relations stables qu’elle entretenait avec ces clients.

Elle ajoute que la somme sollicitée au titre de l’article 700 du code de procédure civile comprend les frais engagés au titre des constats d’huissier réalisés à Metz et Nancy puis pour faire chiffrer son préjudice.

Par conclusions du 20 octobre 2010, la SAS B Communication et la SAS B & Co demandent de :

— débouter la SAS Cegil de ses demandes

— confirmer le jugement rendu le 5 septembre 2016 par le tribunal de commerce de Nancy

— condamner la SAS Cegil aux entiers dépens et de la condamner à leur payer la somme de 60.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elles contestent l’existence d’un débauchage de salariés. Elles précisent que la réunion du 15 avril 2014 dans les locaux de B n’était pas anormale puisque la SAS B Communication avait manifesté son intention de reprendre H et qu’elle souhaitait consulter la direction et le personnel de cette dernière sur la pertinence des offres concurrentes, d’autant plus que H avait sollicité son aide. Elles précisent que M. X avait immédiatement fait part de sa préférence pour le groupe B et que c’est la raison pour laquelle il a démissionné. Elles ajoutent que M. Y n’avait pas voulu prendre le risque de perdre son emploi chez la SAS Cegil qui ne lui offrait aucune garantie et qu’il a donc démissionné également. Elles indiquent ne pas être responsables de la décision de ces deux salariés d’antidater leur démission ni de leur décision de ne pas effectuer de préavis. La SAS B Communication ajoute que M. Z a démissionné et qu’elle l’a embauché, conformément aux règles du droit du travail, après un préavis d’un mois prenant fin le 29 mai 2014, que rien ne peut lui être reproché.

Elles reconnaissent que M. C avait pris un engagement de non-concurrence auprès de Me F, mais affirment n’en avoir eu connaissance que le 22 mars 2016 et s’être ensuite séparé de ce dernier. Elles relèvent que Mme D n’a été embauchée que plus d’un an après la reprise de H par la SAS Cegil et qu’elles n’ont commis aucune faute, le principe de la liberté du travail s’appliquant.

Elles contestent également la désorganisation invoquée par la SAS Cegil et relèvent que cette dernière n’en rapporte pas la preuve dans la mesure où seuls deux commerciaux sur un effectif total de 23 salariés sont partis. Elles observent qu’avant le rachat de H, M. G gérant de la SAS Cegil était le gérant d’une société Cogelis, également spécialisée dans la programmation informatique, et n’avait qu’un chiffre d’affaire de 856.300 euros alors qu’après le rachat de H et la création de la SAS Cegil, cette dernière a réalisé un chiffre d’affaire de 4.009.100 euros au 31.12.2015, de 2.831.800 euros en 2016 et de 3.568.600 euros en 2018 ce qui démontre qu’elle n’a pas été désorganisée.

Les intimées affirment qu’elles n’ont pas détourné de clientèle. Elles rappellent que H avait sollicité l’aide de la SAS B Communication et que dès lors, il n’est pas anormal que des fichiers ayant servi à procéder à des audits et ayant été remis avant la procédure collective de H, aient été retrouvés chez la SAS B Communication. Elles soutiennent que le démarchage de la clientèle d’un concurrent est licite dès lors qu’il n’est pas accompagné de procédés déloyaux ce qui était le cas. Elle conteste ainsi avoir utilisé des man’uvres et être à l’origine de dénigrements. Elles soutiennent avoir informé leur éventuelle future clientèle des compétences qu’elles avaient accueillies à la suite de la défaillance du groupe Arcan, ce qui n’est pas constitutif de concurrence déloyale.

Elles affirment que la comptence ERP existait bien chez B avant l’arrivée des collaborateurs de H et qu’il n’y a donc aucun parasitisme. Elles relèvent que le chiffre d’affaire réalisé par MM. X et Y après la cession et jusqu’à la fin de l’année 2014, n’a été que de 549.000 euros, soit 24% de celui de la SAS B & Co (2.400.000 euros en 2014) et qu’il n’est pas justifié qu’il aurait été le résultat d’un démarchage fautif des clients de H.

Elles exposent que l’augmentation sensible de leur chiffre d’affaire entre 2013 et 2015 ne s’explique pas par un détournement de clientèle mais uniquement par une augmentation du volume de leurs propres clients, qui n’ont jamais été ceux de H.

Enfin, elles relèvent que l’expertise versée aux débats par la SAS Cegil est incompréhensible et ne repose que sur les seules indications données par l’appelante à l’expert. Elles en déduisent que ce document n’a pas de valeur probante. Elles estiment les prétentions formées par la SAS Cegil démesurées.

MOTIFS DE LA DECISION

Vu les conclusions de la SAS Cegil du 24 décembre 2020 et les conclusions de la SAS B Communication et de la SAS B & Co du 20 octobre 2010, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties ;

Vu l’ordonnance de clôture du 5 janvier 2021;

Sur la portée de l’appel

Il sera relevé que la cour n’est saisie d’aucune demande ni d’aucun moyen tendant à contester le jugement du tribunal de commerce de Nancy en ce qu’il a déclaré la SAS B Communication et la SAS B & Co irrecevables en leur demande de dommages-intérêts.

Ces dispositions seront donc confirmées.

Sur l’existence d’actes de concurrence déloyale

Il résulte des dispositions de l’article 1382 du code civil devenu l’article 1240 du même code que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

La caractérisation de la faute de concurrence déloyale n’exige pas la constatation d’un élément intentionnel.

* Sur le débauchage de salariés

Au regard du principe de la liberté du travail et de celui de la liberté de la concurrence le fait d’engager un salarié d’une entreprise concurrente ne constitue pas, en soi, un acte de concurrence déloyale. Toutefois, le débauchage de personnel est susceptible de constituer un acte de concurrence déloyale lorsqu’il résulte de man’uvres frauduleuses et qu’il est démontré qu’il a eu pour effet de désorganiser l’entreprise dont le personnel débauché est issu.

Il est versé aux débats la démission établie par M. S X, à l’adresse de H datée du 14 avril 2014 comportant la mention remise en main propre le 14 avril 2014 et signée par M. C, gérant de H, avec une demande de dispense de préavis.

Si la démission de M. Y n’est pas versée aux débats, il est cependant constant que celle-ci a été également datée du 14 avril 2014, a été remise en main propre au gérant de H et que M. Y a été dispensé d’effectuer son préavis.

Il résulte de la sommation interpellative de M. T J, salarié de H et actuel salarié de la SAS Cegil ainsi que des attestations de M. U K et de M. V L, salariés de H, qu’un déjeuner a été organisé le 15 avril 2014 afin d’évoquer « le futur avec la société B» et a réuni M. I, gérant de H, M. A, gérant du groupe B, M. S X, M. W Y, M. U K, M. T J et M. V L, ces cinq derniers étant salariés de H, ainsi que M. AA M (pour lequel il n’est pas établi à quel titre il était présent).

Les déclarations de MM. J, K et L sont concordantes. Il est ainsi attesté qu’à l’issue de ce déjeuner tous les participants se sont réunis dans les locaux de B, que les participants ont été surpris d’apprendre que la SAS Cegil avait été désignée comme repreneur de H et que MM. A, C et M ont alors proposé à MM. X, J et Y de rédiger leur démission en l’anti-datant au lundi 14 avril 2014, ce que ces derniers ont accepté, et

qu’un nouveau contrat de travail auprès de B leur a été proposé le jour même.

Il est d’ailleurs versé aux débats le contrat de travail de M. Y et de M. J, tous deux datés du 15 avril 2014, étant précisé que M. J est ensuite revenu sur sa décision pour rester auprès de la SAS Cegil.

Il résulte ainsi de ces éléments que c’est par des man’uvres déloyales qu’est intervenu le débauchage de MM. X et Y.

S’il est établi que M. X avait pris position lors des offres de reprise en faveur de B par mail du 6 avril 2014, il avait cependant indiqué que si le groupe B n’était pas retenu, il négocierait son départ dans les jours qui suivraient avec M. G qui en avait été déjà informé. La démission antidatée ainsi que la renonciation au délai de préavis et la signature d’un contrat de travail le même jour ont fait obstacle à toute négociation sur les conditions du départ de M. X et au respect d’un délai de préavis.

Par ailleurs, si les intimées produisent un courrier de M. AB Z daté du 1er août 2014 adressé au mandataire judiciaire, M. F, par lequel il interroge ce dernier aux fins de savoir s’il faisait partie ou non du personnel de H repris par la SAS Cegil, M. Z avait cependant, par courrier du 28 avril 2014, indiqué à M. G et à la société H qu’il avait déjà présenté sa démission le 17 avril 2014 auprès de l’administrateur, Me F, et qu’en ayant confirmation que son poste avait été repris par la SAS Cegil, il entendait démissionner du poste d’ingénieur logiciel qu’il occupait au sein de H depuis le 1er février 2014. Il demandait également à être dispensé d’effectuer son délai de préavis d’un mois afin de quitter l’entreprise le 29 avril 2014.

Si la SAS B Communication affirme avoir embauché ensuite M. Z en respectant le délai de préavis prenant fin le 29 mai 2014, il résulte cependant d’un mail adressé par M. Y adressé à une cliente de B le 26 mai 2014 que M. Y avait fait le point avec M. Z le 23 mai 2014 pour s’assurer du bon déroulement d’une réunion le même jour.

Il est donc démontré que M. Z a donné sa démission dès qu’il a eu connaissance de l’identité du repreneur de H et qu’il a ensuite travaillé rapidement pour la SAS B Communication, avant même son embauche officielle, ce qui caractérise également un comportement déloyal.

Le débauchage pratiqué par la SAS B Communication a concerné des salariés occupant des postes importants au sein de H.

En effet, M. X était ingénieur d’affaires (comme il l’atteste lui-même dans un mail), et M. N, qui était directeur commercial du groupe Arcan affirme dans une attestation versée aux débats que celui-ci « était l’un de ses meilleurs prospecteurs sur la période 1992-2010 et de loin le premier commercial du groupe Arcan ou le meilleur de la marge dégagée, toujours supérieure à 500Keuros/an et le seul commercial dans ce cas ».

M. Y selon la fiche « Viadeo » versée aux débats, était responsable du département ERP/ Gestion de H. M. N indique dans son attestation à son sujet qu’il coordonnait toute l’activité d’analyse, de paramétrage, de développements spécifiques autour des logiciels de gestion dont Dynamic Nav.

M. Z, quant à lui, était ingénieur de système informatique et collaborait avec M. Y. En recrutant ces deux salariés ensemble, la SAS B Communication privait la SAS Cegil des compétences techniques spécifiques de ces derniers.

De plus, il est démontré que la SAS B Communication a sollicité de manière massive les anciens salariés de la SAS Cegil puisque, outre le débauchage des 4 salariés ci-dessus, Mme O

assistante commerciale, atteste qu’elle avait été contactée par M. X dès l’annonce de la reprise de H par la SAS Cegil, (même si elle n’a finalement quitté l’entreprise qu’un an plus tard pour B). M. J et M. K et M. L, commerciaux avaient également été sollicités concomitamment.

Il sera par ailleurs relevé que si le fait pour la SAS B Communication d’avoir employé M. C ne peut être qualifié de débauchage, dans la mesure où ce dernier était président du groupe Arcan et qu’il n’est pas établi qu’il était salarié de la société H, il a néanmoins été recruté, comme les salariés susvisés, par la SAS B Communication dès l’annonce de la reprise de H par la SAS Cegil pour créer une nouvelle société au sein du groupe, la SAS B & Co, exerçant une activité concurrente.

En revanche, il n’est pas établi que la SAS B Communication a eu connaissance de la clause de non concurrence signée par M. C avant le 22 mars 2016, étant observé qu’une rupture conventionnelle a été conclue entre l’intimée et celui-ci en avril 2016. Aucune faute ne sera donc retenue à ce titre.

Il résulte du jugement du tribunal de commerce de Nancy du 15 avril 2014 que la SAS Cegil créée pour la reprise de la société H, entendait reprendre 23 personnes sur un effectif de 28 salariés, et bénéficier ainsi des compétences et du savoir-faire de ces dernières. Elle avait notamment prévu de conserver 2 ingénieurs d’affaires, un responsable ERP et un ingénieur système informatique. Le départ simultané ou quasi-simultané de salariés ayant une importance stratégique et technique pour le fonctionnement de l’entreprise a ainsi désorganisé la SAS Cegil qui a dû rechercher d’autres salariés ayant des compétences similaires. Or il est établi par des échanges de mails versés aux débats que la recherche d’un responsable de l’activité ERP n’a pas été facile puisque ce n’est que fin août 2014 qu’un candidat correspondant au profil recherché a pu être retrouvé.

La SAS Cegil est ainsi restée plusieurs mois sans salariés compétents pour encadrer l’activité ERP alors qu’il était nécessaire de conserver les clients et d’en rechercher d’autres et a dû faire face au départ précipité de ses commerciaux les plus performants sans bénéficier d’un délai de préavis permettant d’assurer une transition tant en interne qu’auprès de ses clients. Il est ainsi établi que le débauchage déloyal des salariés a désorganisé la SAS Cegil.

* Sur le détournement de clientèle

Il n’est pas établi que le groupe B a détourné par des comportements déloyaux la clientèle de H antérieurement à la reprise de cette dernière par la SAS Cegil et à l’insu des organes de la procédure de H. En effet, il résulte du rapport de cession établi par l’administrateur judiciaire que la SAS B Communication était en possession des archives comptables, juridiques et commerciales de H et qu’elle était intervenue pour négocier des marchés. Il avait donc connaissance de ces faits.

Dès lors, il convient de rejeter les moyens soulevés au titre d’un détournement de clientèle pendant la procédure collective de H.

Le procès-verbal de constat réalisé par Me Tallarico le 4 novembre 2014 relevant 77 fichiers correspondant à des clients de H ne permet pas d’établir que cette clientèle a été détournée par des procédés déloyaux envers la SAS Cegil, conformément aux motifs sus-visés, d’autant plus que la plupart de ces fichiers ont été créés avant le 4 février 2014, soit avant même l’ouverture de la procédure collective de H, à une époque où la reprise de cette dernière n’était pas encore envisagée par l’appelante.

Si le procès-verbal de constat réalisé par Me Mugnier le 4 novembre 2014 dans les locaux de la SAS B Communication à Nancy démontre que MM. X et Y ont conservé sur leur

téléphone portable les coordonnées d’anciens clients de H (15 contacts pour M. X et 16 pour M. Y) et que l’huissier a retrouvé 335 fichiers et 508 mails en rapport avec des clients de H, ces documents ne sont cependant pas exploités de manière suffisamment claire pour déterminer combien de clients de H sont devenus des clients de la SAS B Communication ou de la SAS B & Co postérieurement à la cession.

La SAS Cegil soutient dans ses conclusions que 166 fichiers ont été trouvés dans les locaux des intimées contenant des devis, des contrats et des factures établis par B postérieurement au 15 avril 2014 mais ne donne aucune référence précise aux pièces produites correspondant à ses affirmations alors que les constatations faites par l’huissier dans son procès-verbal sont très succinctes et que toutes les pièces ont été annexées les unes à la suite des autres sans aucune grille de lecture exploitable. Or, il n’appartient à la cour de pallier la carence des parties dans l’administration de la preuve.

Si quelques comptes rendus de réunions effectuées en mai 2014 par des salariés de B auprès d’anciens clients de H et annexés par l’huissier à son constat démontrent que B entreprenait des démarches pour reprendre des clients à la SAS Cegil (il est ainsi indiqué dans le compte rendu de réunion avec la société Cardiabase le 14 mai 2014 « dans tous les cas, les factures qui seraient émises par H/Cegil dorénavant peuvent être déclinées») il n’est pas rapporté la preuve d’un nombre précis de clients ainsi détournés. La lecture du fichier retrouvé par Me Mugnier intitulé devis et offres, permet cependant de retrouver 7 clients de H démarchés postérieurement à la reprise de H.

Par ailleurs, il résulte de l’attestation de M. AC AD, assistant commercial de la SAS Cegil, que fin avril 2014, Mme P la gérante de la société JVC, cliente de H depuis 2007, l’avait contactée, « en colère », dans la mesure où M. AE R, ancien salarié du groupe Arcan ayant travaillé pour H et devenu salarié de la SAS B & Co s’était connecté sur leur serveur sans le consentement ni autorisation de Mme P.

Ces faits se sont poursuivis puisqu’il est produit un échange de mails entre Mme Q et M. R entre le 13 et le 15 mai 2014 duquel il résulte que Mme Q, s’était aperçue qu’un autre utilisateur « modifiait des tables sur le réseau de Navision JVC» sans l’en avoir avertie, ce qu’avait reconnu M. R, qui lui avait proposé que M. Y prenne contact avec elle afin de « faire un point global sur son dossier » puis avait continué à expliquer les fonctionnalités du logiciel alors qu’il travaillait désormais pour la SAS B & Co en lui joignant des copies d’écran du logiciel pour la guider, ce qui démontre qu’il avait toujours accès au réseau, qu’il pouvait le modifier alors qu’il n’avait plus le droit d’accéder au réseau de ce client et qu’il se comportait comme s’il était son cocontractant .

Il résulte ainsi de l’ensemble de ces éléments que si la SAS Cegil ne justifie pas précisément du nombre de clients détournés par les intimées, il est cependant rapporté la preuve qu’un détournement de clientèle a bien été effectué par la SAS B Communication et la SAS B & Co postérieurement à la cession de H.

*Sur la confusion entretenue auprès de la clientèle

Il résulte des échanges de mails produits par les intimées elles-mêmes que dès les mois de février et mars 2014, le groupe B s’était présenté et avait été présenté par H à ses clients comme étant « en cours de rapprochement » avec H pendant la procédure collective et qu’il serait vraisemblablement le repreneur. Le contenu des commandes passées laissait d’ailleurs penser que la SAS B Communication serait bien le repreneur puisqu’il s’agissait de commandes de cartouches d’encre et d’anti-virus pour des clients.

Or, par mails adressés postérieurement à la cession, le 20 mai 2014, à l’ASPTT et l’ ALSMT ' Médecine du travail, clients de H, la SAS B Communication a entretenu la confusion tant dans l’intitulé du message que dans son contenu en laissant penser que le groupe B était le repreneur de H. En effet, l’objet du mail était intitulé : «  Arcan… et après' ». Puis il était indiqué, dans le corps du message : «  chers clients, suite à la liquidation judiciaire du groupe Arcan, plusieurs personnes ont choisi de rejoindre le groupe B au sein d’une nouvelle entité : B & Co. En embauchant ces hommes et ces femmes de valeur qui étaient à votre écoute, le groupe B souhaite conserver votre confiance et vous assurer une continuité dans le suivi commercial et technique avec le même niveau de service et de qualité. Vous pourrez ainsi pérenniser les relations créées avec vos interlocuteurs habituels, tout en bénéficiant du savoir-faire de groupe B, fort de ses 18 années d’expérience (…)».

Ce message laisse ainsi penser que B est le repreneur de H puisqu’il est précisé que les salariés de H travaillent désormais pour la SAS B & Co, que la « continuité dans le suivi commercial et technique » est soulignée, et que le but est de «  pérenniser les relations créées avec les interlocuteurs habituels ». Il importe peu qu’il soit mentionné la liquidation judiciaire du Groupe Arcan et non H plus précisément, dans la mesure où H appartient au groupe Arcan et que le message est bien adressé aux clients de H.

Il résulte ainsi de ces messages adressés aux clients, ainsi que de l’attitude de M. R envers Mme Q, tel que relevé précédemment, que les intimées ont créé une confusion sur l’identité du repreneur de H auprès de la clientèle.

La confusion ainsi créée entre B et l’appelante, qui exercent une même activité, dans la même zone géographique et s’adressent au même public, constitue un acte de concurrence déloyale au préjudice de la SAS Cegil.

* Sur le dénigrement

Les attestations versées par la SAS Cegil au soutien de l’existence d’actes de dénigrement ne rapportent que des propos indirects, émis par des salariés de la SAS B Communication ou la SAS B & Co auprès de clients qui les auraient ensuite rapportés aux salariés de la SAS Cegil.

Il faut dès lors considérer qu’il n’est pas rapporté la preuve des actes de dénigrements invoqués. Les moyens invoqués à ce titre seront donc rejetés.

* Sur le parasitisme

Il n’est pas établi avec certitude que l’activité ERP n’avait pas été exercée par la SAS B Communication avant la cession de H, étant observé que l’appelante ne produit aucun document commercial ou publicitaire justifiant ses affirmations sur ce point. Dès lors, il faut considérer que la preuve d’un parasitisme n’est pas rapportée.

Il résulte ainsi de l’ensemble des éléments évoqués ci-dessus que la SAS B Communication et la SAS B & Co ont commis des actes de concurrence déloyale à l’encontre de la SAS Cegil. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il a déclaré la SAS Cegil mal fondée en l’ensemble de ses demandes et l’en a débouté.

Sur l’indemnisation du préjudice subi

La SAS B Communication et la SAS B & Co ont commis des actes de concurrence déloyale et ont ainsi engagé leur responsabilité in solidum, et non solidairement en l’absence de solidarité légale ou contractuelle. Elles seront dès lors tenues d’indemniser la SAS Cegil de son préjudice.

A ce titre, il convient de souligner qu’en raison du débauchage déloyal des salariés de H, la SAS Cegil a été désorganisée pendant plusieurs mois. Elle a dû faire face, concomitamment, à un

détournement de clientèle effectué par les intimées, qui, même s’il n’est établi qu’a minima, a été renforcé par la confusion entretenue par la SAS B Communication et la SAS B & Co sur l’identité du repreneur dans un domaine « imminemment concurrentiel et où la clientèle peut se révéler extrêmement fluctuante » comme l’indiquent elles-mêmes les intimées dans leurs conclusions.

La SAS Cegil produit à l’appui de sa demande en indemnisation un rapport d’évaluation de son préjudice effectué en juillet 2015 par la société Paris Corporate Finance et plus précisément par M. AF-AG E expert en évaluation financière près la cour d’appel de Nancy qui précise qu’il n’a pas été tenu compte des préjudices liés à la perte de chance.

L’expert indique avoir mis en 'uvre deux méthodes. Une première méthode, utilisée à titre principal a « consisté à déterminer le chiffre d’affaire et la marge manqués par la SAS Cegil par référence aux performances passées de la société H dans son ensemble ».

La seconde méthode, utilisée à titre indicatif afin de pouvoir confronter les résultats obtenus par des sources différentes, a consisté à « évaluer le chiffre d’affaire et la marge manqués par référence au chiffre d’affaire et à la marge sur coûts variables passés réalisés, d’une part, par M. X, ('), et, d’autre part, par l’activité Navision, du nom d’un progiciel de gestion intégré principalement destiné aux PME, à laquelle ne contribuait pas M. X ».

L’expert précise que pour chacune de ces méthodes, il a déterminé la marge sur coûts variables moyenne enregistrée sur la période de 2011 à 2013 par l’ensemble de la société H pour la première méthode et par l’activité de M. X et l’activité Navision pour la seconde.

Il indique qu’en l’absence d’agissements déloyaux, la SAS Cegil aurait réalisé annuellement une marge équivalente à la marge moyenne historique. Il a par ailleurs estimé que pour l’année 2014, la marge aurait été deux fois inférieure, compte tenu des difficultés de trésorerie de la société H. Il explique avoir ensuite, par différence entre la marge moyenne historique et la marge sur coûts variables réellement enregistrée par H entre mai et décembre 2014 et extrapolée sur 12 mois, déduit la marge annuelle sur coûts variables manqués dont a été privée la SAS Cegil.

L’expert estime que la SAS Cegil a été privée de cette marge annuelle sur une durée de 7 ans correspondant, selon lui a à la durée moyenne d’une relation client dans ce secteur d’activité, mais dit avoir pris en compte d’une érosion naturelle du portefeuille clients et a estimé qu’il fallait diminuer la marge annuelle d'1/7e par année à partir de 2015.

Il a ensuite actualisé les marges sur coûts variables manquées afin de tenir compte du temps qui passe et a utilisé un taux d’actualisation de 10%, par référence aux taux d’actualisation appliqués habituellement dans les activités de services informatiques.

Il a ainsi obtenu, sur la base des données comptables de H et des extractions Sage issues de la comptabilité de la SAS Cegil, un préjudice de 3.731.000 euros en appliquant la première méthode et la somme de 2.155.186 euros en appliquant la deuxième méthode, tout en précisant que cette dernière méthode ne prenait en compte qu’une partie de l’activité de la société ce qui expliquait que l’on obtenait un préjudice plus faible.

Il faut considérer que l’évaluation ainsi effectuée tient compte d’un grand nombre de paramètres afin d’être la plus rigoureuse possible, étant observé que les intimées ne forme aucune critique précise du mode de calcul employé par l’expert.

L’expert indique avoir calculé le préjudice subi au regard de l’intégralité des actes de concurrence déloyale qui étaient invoqués par la SAS Cegil. Or, la cour ne retient que le débauchage de salariés, la confusion et le détournement de clientèle mais dans une moindre mesure que celle invoquée par la

SAS Cegil et reprise par l’expert.

Dès lors, il convient de réduire cette estimation en ne retenant que l’évaluation du préjudice subi pour les années 2014 et 2015 et non une période de sept ans qui avait été calculée pour tenir compte à titre principal du débauchage de clientèle. En effet, le préjudice lié au débauchage de salariés et à la confusion créée auprès de la clientèle s’est principalement réalisé sur ces deux premières années.

Ce préjudice évalué par l’expert à 347.595 euros pour l’année 2014 et 1.010.175 euros pour l’année 2015 doit également être réduit dans la mesure où tous les actes de concurrence déloyale invoqués n’ont pas été retenus par la cour.

En conséquence, il convient de fixer le préjudice total subi par la SAS Cegil à la somme de 1.000.000 euros.

Ainsi, le jugement entrepris sera infirmé dans toutes ses dispositions et la SAS B Communication et la SAS B & Co seront condamnées in solidum à payer à la SAS Cegil la somme de 1.000.000 euros de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt par application de l’article 1231-7 du code civil.

Sur les autres demandes de la SAS Cegil

La SAS Cegil ne produit aucun élément permettant d’établir que les actes de concurrence déloyale se poursuivent encore actuellement. Dès lors, elle sera déboutée de sa demande tendant à voir condamner sous astreinte la SAS B Communication et la SAS B & Co de cesser tout agissement déloyal.

Par ailleurs, les faits commis étant anciens, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de publication du présent arrêt dans un journal local aux frais des intimées.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le jugement entrepris sera également infirmé dans ses dispositions relatives aux dépens et à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La SAS B Communication et la SAS B & Co qui succombent seront condamnées in solidum aux dépens de première instance.

L’équité commande de condamner in solidum la SAS B Communication et la SAS B & Co à payer à la SAS Cegil la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et de les débouter de leur demande formée sur ce même fondement.

La SAS B Communication et la SAS B & Co qui succombent en appel, seront condamnées in solidum aux dépens qui comprendront les dépens exposés devant la cour d’appel de Nancy.

Par application de l’article 700 du code de procédure civile, au regard de l’équité, la SAS B Communication et la SAS B & Co seront in solidum condamnées à payer à la SAS Cegil la somme de 34.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en ce compris le coût de l’expertise à hauteur de 30.000 euros justifié par les notes d’honoraires produites.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe selon les dispositions de l’article 450 alinea 2 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Nancy du 5 septembre 2016 uniquement en ce qu’il a déclaré la SAS B & Co et la SAS B Communication irrecevables en leur demande de dommages-intérêts ;

L’INFIRME pour le surplus, et, statuant à nouveau,

CONDAMNE in solidum la SAS B Communication et la SAS B & Co à payer à la SAS Cegil la somme de 1.000.000 euros de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt ;

DEBOUTE la SAS Cegil du surplus de ses demandes ;

CONDAMNE in solidum la SAS B Communication et la SAS B & Co aux dépens de première instance ;

CONDAMNE in solidum la SAS B Communication et la SAS B & Co à payer à la SAS Cegil la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la SAS B Communication et la SAS B & Co de leur demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance ;

Y ajoutant,

CONDAMNE in solidum la SAS B Communication et la SAS B & Co aux dépens de l’appel ainsi qu’aux dépens de l’appel formé devant la cour d’appel de Nancy ;

CONDAMNE in solidum la SAS B Communication et la SAS B & Co à payer à la SAS Cegil la somme de 34.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la SAS B Communication et la SAS B & Co de leur demande formée au même titre.

Le présent arrêt a été signé par Madame FLORES, Présidente de chambre à la cour d’appel de Metz et par Madame BELLIARD, adjoint administatif faisant fonction de greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Metz, 6ème chambre, 27 avril 2021, n° 20/01384