Cour d'appel de Montpellier, 1° chambre section b, 11 mai 2011, n° 10/06887

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 1° ch. sect. b, 11 mai 2011, n° 10/06887
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 10/06887
Sur renvoi de : Cour de cassation, chambre commerciale financière économique, 12 juillet 2010, N° 829fs-pbri

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

1° Chambre Section B

ARRET DU 11 MAI 2011

Numéro d’inscription au répertoire général : 10/06887

Décision déférée à la Cour : Arrêt du 13 JUILLET 2010

COUR DE CASSATION

N° RG 829fs-pbri

Sur un arrêt rendu par la Cour de Cassation chambre commerciale financière économique du 13 Juillet 2010 sous le N° 829 FS-P +B+R+I qui casse et annule l’arrêt N° 08/6938 du 08 Décembre 2009 rendu par la Cour d’Appel de MONTPELLIER ( 2 éme chambre ) à l’encontre du jugement N°08/2804 du 10 Septembre 2009 rendu par le Tribunal de Commerce de MONTPELLIER.

APPELANTE :

SA SYSTEME U CENTRALE REGIONALE SUD, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité au siège social

XXX

XXX

XXX

représentée par la SCP ARGELLIES – WATREMET, avoués à la Cour

assistée de Me Jean Luc VINCKEL, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

SA TRANSBIDASOA, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité au siège social

XXX

S/N (E) XXX

ESPAGNE

représentée par la SCP Yves et Yann GARRIGUE, avoués à la Cour

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 04 Mars 2011

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 MARS 2011, en audience publique, Madame X Y ayant fait le rapport prescrit par l’article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :

Monsieur Mathieu MAURI, Président

Madame X Y, Conseiller

Monsieur Claude ANDRIEUX, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Myriam RUBINI

ARRET :

— CONTRADICTOIRE.

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile ;

— signé par Monsieur Mathieu MAURI, Président, et par Madame Myriam RUBINI, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société Transbidasoa, société de droit espagnol, a effectué des transports de jus de fruits d’Espagne vers la France dont elle n’a pas été payée par l’expéditeur la société Dream fruit, société de droit espagnol.

Ces transports ont été effectués entre le 8 mars et le 24 juillet 2007, selon huit lettres de voiture entre Quero Toledo (Espagne) et les entrepôts de la société système U, société de droit français, à Cestas et à Langon (France).

Par acte d’huissier du 14 mars 2008, la société Transbidasoa fait donner assignation à la société Système U Centrale Régionale Sud aux fins de la voir condamner sur le fondement des dispositions de l’article 132-8 du code de commerce, à lui payer 8.200 € avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation, outre 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en paiement de ses prestations de transport effectué les 8 mars 2007, 9 mars 2007, 20 mars 2007, 16 avril 2007, 8 mai 2007, 6 juin 2007, 12 juin 2007 et 24 juillet 2007 pour le compte de la société Dream Fruit SA qui a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Tolède du 1er octobre 2007.

Par un jugement du 10 septembre 2008, le tribunal de commerce de Montpellier a condamné la société système U Centrale Régionale Sud à payer à la société Transbidasoa la somme de 8.200 € en principal et intérêts au taux légal à compter de l’assignation outre 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt en date du 8 décembre 2009, la chambre commerciale de la cour d’appel de Montpellier a confirmé en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Montpellier et y ajoutant a rejeté la demande incidente de la société Système U en paiement de dommages et intérêts et l’a condamnée aux dépens d’appel, ainsi qu’à payer à la société Transbidasoa la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de la procédure d’appel.

Par arrêt en date du 13 juillet 2010, la Cour de cassation saisi du pourvoi interjeté par la Société Système U Centrale Régionale Sud a cassé avec renvoi devant la présente cour autrement composée, l’arrêt de la cour d’appel de Montpellier du 8 décembre 2009 en toutes ses dispositions en accueillant le moyen unique de cassation au visa de l’article 3 du code civil, ensemble l’article L. 132-8 du code de commerce et l’article7, paragraphe 2, de la Convention de Rome du 19 juin 1980 , motif pris de ce que :

'Attendu que l’article L.132-8 du code de commerce conférant au transporteur routier une action en paiement de ses prestations à l’encontre de l’expéditeur et du destinataire institués garants du paiement du prix du transport n’est pas une loi dont l’observation est nécessaire pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale et économique du pays au point de régir impérativement la situation quelle que soit la loi applicable et de constituer une loi de police ;

'Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Transvidasoa a effectué des transports de jus de fruits d’Espagne vers la France dont elle n’a pas été payée par l’expéditeur, la société Dream Fruit ; qu’elle a assigné en règlement du prix de ces prestations la société Système U centrale régionale Sud (la Société Système U), destinataire de ces transports, sur le fondement de l’article L. 132-8 du code de commerce;

'Attendu que pour condamner la société Système U à payer à la société Transbidasoa la somme de 8.200 €, l’arrêt retient que l’article L. 132-8 du code de commerce, texte d’ordre public, a vocation à assurer la protection des intérêts économiques des transporteurs auxquels est accordée une garantie de paiement du prix de leurs prestations, dans des conditions concourant ainsi à la sécurité des opérations de transport et que ce texte doit donc être regardé comme une loi de police au sens de l’article 7, paragraphe 2, de la Convention de Rome, lorsque le lieu de livraison des marchandises transportées se situe en France ;

Attendu qu’en statuant ainsi la cour d’appel a violé les textes susvisés ;…'

Par déclaration en date du 17 août 2010, la société Système U centrale régionale sud a saisi la présente cour de renvoi d’une demande tendant à obtenir la réformation ou l’annulation de la décision déférée sur tous les chefs de demande ou l’un d’entre eux.

L’appelante a conclu le 1er mars 2011 en demandant à la Cour d’infirmer le jugement, de juger que la CMR n’est pas applicable au cas d’espèce, juger que la Convention de Rome est compétente pour régir le présent litige, juger que conformément à l’article 4 de la dite convention, la loi espagnole s’applique au présent litige, déclarer la loi française non applicable et rejeter l’application du mécanisme de l’action directe prévue par la loi Gayssot, juger que la loi Gayssot n’est pas une loi de police, rejeter l’intégralité des prétentions de la société Transbidasoa ; A titre subsidiaire, condamner la société Transbidasoa au paiement de la somme de 8200 € en réparation du préjudice causé par la société système U, ordonner la compensation entre les sommes, condamner la société Transbidasoa à payer à la société système U la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Transbidasoa, intimée, a demandé à la cour dans ses conclusions en date du 23 novembre 2010 au visa de l’article 7 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, à titre subsidiaire de l’article 16 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, à titre infiniment subsidiaire de l’article 4§1 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, vu l’article 3 du code civil et des dispositions d’ordre public de l’article L. 132-8 du code de commerce de dire et juger que la société système U est mal fondée en son appel et l’en débouter, confirmer en toutes ses dispositions la décision déférée et y ajoutant de lui allouer la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

La Société de droit espagnol Transbidasoa qui n’a pas pu se faire payer de sa prestation par l’expéditeur, la société de droit espagnol Dream Fruits en redressement judiciaire, agit à l’encontre du destinataire des marchandises, la société de droit français Système U centre régionale sud en paiement de la somme de 8.200 € en principal et intérêts de retard à compter de l’assignation.

A cet effet, elle produit un relevé de factures rédigé en espagnol où figurent son en-tête et adresse à (E) 31789 Lesaca (Navarra), le numéro du document FV07+03557, le numéro de la cliente C12800 Dream Fruits, la date du 31 mars 2007, le destinataire du document la société Dream Fruits à XXX, le montant total de 21.434,40 € TTC, avec des croix à côté de certaines prestations mentionnant des livraisons en France ; elle communique également huit lettres de voitures internationales CMR et pour chacune d’elle, un bon de livraison signé par la société Système U centre régionale sud.

Elle revendique le bénéfice des dispositions de l’article L. 132-8 du code de commerce français issu de l’article 10 de la loi Gayssot du 6 février 1998 qui prévoit que le voiturier dispose d’une action directe en paiement de ses prestations à l’encontre de l’expéditeur et du destinataire, lesquels sont garants du paiement du prix.

S’agissant d’un transport international au départ de l’Espagne et à destination de la France, il convient de rechercher la loi applicable au contrat. La Convention Internationale de Transport Routier de Marchandises par Route du 19 mai 1956 – dite CMR – ne contenant pas de dispositions sur ce point, elle est déterminée, en application de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles qui dispose que le contrat est régi par la loi choisie par les parties et, à défaut, par celle du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits ; son article 4 §4 énonce que dans le contrat de transport, 'si le pays dans lequel le transporteur a son établissement principal au moment de la conclusion du contrat (1) est aussi celui dans lequel est situé le lieu de chargement (2-1) ou de déchargement (2-2) ou l’établissement principal de l’expéditeur (2-3), il est présumé que le contrat a les liens les plus étroits avec ce pays.'

Ce rattachement conventionnel pour le contrat de transport est maintenu dans le Règlement CE n°593/2008 Rome I du 17 juin 2008 paragraphe (22) qui énonce 'en ce qui concerne l’interprétation de la notion de contrat de transport de marchandises, aucune modification de fond n’est envisagée par rapport à l’article 4, paragraphe 4, troisième phrase, de la Convention de Rome. Par conséquent, les contrats d’affrètement pour un seul voyage et les autres contrats dont l’objectif principal est le transport de marchandises devraient être considérés comme des contrats concernant le transport de marchandises. ' ; l’article 5 intitulé 'contrats de transport’ précise encore '1- A défaut de choix exercé conformément à l’article 3, la loi applicable au contrat de transport de marchandises est la loi du pays dans lequel le transporteur a sa résidence habituelle, pourvu que le lieu de chargement ou le lieu de livraison ou encore la résidence habituelle de l’expéditeur se situe aussi dans ce pays. Si ces conditions ne sont pas satisfaites, la loi du pays dans lequel se situe le lieu de livraison convenu par les parties s’applique.'

En l’espèce, l’expéditeur et le transporteur sont toutes deux des sociétés établies en Espagne, où a eu lieu également le chargement des marchandises. Trois des quatre critères (1 – 2-1 – 2-4) avec le cumul imposé (1 et 2-1 ou 2-2 ou 2-3 ) sont ainsi satisfaits, de sorte que l’application de la loi espagnole s’impose, sans que puisse être retenue la compétence du lieu de déchargement ou de livraison qui n’intervient qu’à défaut de voir constituée la présomption édictée par l’article 4§4.

Dès lors, c’est la loi espagnole qui est applicable au contrat, laquelle ne connaît pas l’action directe du transporteur contre le destinataire.

La Société Transbidasoa ne peut pas remettre en cause l’application de la loi espagnole et fonder son action en recouvrement sur les dispositions de l’article 10 de la Loi Gayssot, au visa des articles 16, 7-2 ou encore 4§1 de la Convention de Rome.

L’absence, dans le droit espagnol d’un mécanisme d’action directe du voiturier contre le destinataire, n’est pas contraire à l’ordre public international français en sorte que la loi espagnole, désignée comme la loi applicable au contrat, ne saurait être écartée sur le fondement de l’article 16 de la convention de Rome.

Selon l’article 7-2 de la Convention de Rome, les dispositions de cette convention ne pourront porter atteinte à l’application des règles de la loi du pays du juge qui régissent impérativement la situation quelle que soit la loi applicable au contrat : loi de police du for.

Cependant, l’article L.132-8 du code de commerce conférant au transporteur routier une action en paiement de ses prestations à l’encontre de l’expéditeur et du destinataire institués garants du paiement du prix du transport n’est pas une loi dont l’observation est nécessaire pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale et économique du pays au point de régir impérativement la situation quelle que soit la loi applicable et de constituer une loi de police.

Le statut protecteur prévu par la loi française du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance, loi de police au sens des dispositions combinées de l’article 3 du code civil et des articles 3 et 7 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 lorsqu’est en cause la construction d’un immeuble en France, ne peut pas bénéficier à la société Transbidasoa intervenue, hors le cadre d’une sous-traitance, pour la livraison de jus de fruits.

Enfin, les dispositions de l’article 4§1, 2e phase, selon lesquelles 'Toutefois, si une partie du contrat est séparable du reste du contrat et présente un lien plus étroit avec un autre pays, il pourra être fait application, à titre exceptionnel, à cette partie du contrat de la loi de cet autre pays', ne sont pas de nature à permettre l’application de la loi française, tenant déjà le caractère subsidiaire et exceptionnel de la loi du lieu de déchargement ou de livraison ci-dessus énoncé, mais également du fait que les déchargements litigieux ne sont que la nécessaire suite et conséquence de la prestation caractéristique de la fourniture et du transport de la marchandise commandée se rattachant par des liens étroits avec l’Espagne ; les livraisons ne constituent pas des prestations séparables de nature à justifier un rattachement à la France, étant observé que les lettres de voiture internationales CMR ne mentionnent pas de clause particulière et que les bons signés par le destinataire ne mentionnant pas d’éléments relatifs au prix des marchandises et du transport, renvoient aux bons de commande passés en Espagne, lieu où convergent les différents liens et prestations caractéristiques selon les prévisions des différentes parties aux contrats.

En conséquence, par infirmation du jugement et application de la loi espagnole, la société Transbidasoa est déboutée de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la société Système U centre régionale sud.

L’équité commande d’allouer à la Société Système U centre régionale sud la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Vu l’arrêt de la cour de cassation en date du 13 juillet 2010 et la saisine de la présente cour désigné cour de renvoi autrement composé,

Reçoit l’appel interjeté par la Société Système U centre régionale sud à l’encontre du jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 10 septembre 2008,

Le dit bien fondé,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau :

Déboute la société Transbidasoa de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la Société Système U centre régionale sud,

Condamne la société Transbidasoa à payer à la société Système U centre régionale sud la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Société Transbidosoa à l’ensemble des dépens avec pour ceux d’appel droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

GB

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