Cour d'appel de Montpellier, 27 janvier 2015, n° 13/05419

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 27 janv. 2015, n° 13/05419
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 13/05419
Décision précédente : Tribunal de commerce de Béziers, 23 juin 2013, N° 2012009186

Texte intégral

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2° chambre

ARRET DU 27 JANVIER 2015

Numéro d’inscription au répertoire général : 13/05419

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 JUIN 2013

TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEZIERS

N° RG 2012009186

APPELANTE :

SARL FRANCE FINANCE CONSULTANTS

XXX

XXX

représentée par Me Alice DEMAN, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Alice DEMAN, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Marion DEJEANT, avocat au barreau de BEZIERS, avocat plaidant

INTIMEE :

Madame C X

née le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

XXX

représentée par Me Marion HUBERT, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 18 Novembre 2014

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 DECEMBRE 2014, en audience publique, Monsieur E-Luc PROUZAT, conseiller, ayant fait le rapport prescrit par l’article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :

Monsieur E-Luc PROUZAT, Conseiller désigné par ordonnance pour assurer la Présidence

Madame Brigitte OLIVE, Conseiller

Monsieur Bernard BETOUS, Vice Président placé

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ;

— signé par Monsieur E-Luc PROUZAT, Conseiller désigné par ordonnance pour assurer la Présidence, et par Madame Sylvie SABATON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :

C X, qui est médecin radiologue installée à Béziers, est cliente depuis 1995 de la société France Finance Consultants, société spécialisée en gestion de patrimoine et courtage d’assurance, ayant pour gérant E-F Y.

Au cours de l’année 2008, sur les conseils de M. Y, Mme X a investi une somme de 30 000 € en acquérant, par le biais d’une société Dom-Tom Défiscalisation (la société DTD), des parts de sociétés en participation (SEP) ayant pour objet de financer l’acquisition en vue de la location, dans les départements d’outre-mer, de matériel photovoltaïque et de biens industriels destinés à la production d’énergie renouvelable, à des entreprises exerçant leurs activités dans des secteurs éligibles aux dispositions de l’article 199 undecies B du code général des impôts.

Cet investissement productif, entrant dans le cadre de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003, dite « loi Girardin » relative à la défiscalisation dans les DOM-TOM, devait permettre à Mme X de bénéficier d’une réduction d’impôt de 46 080 €.

Le 12 octobre 2011, l’administration fiscale a notifié à Mme X une proposition de rectification au titre de la réduction d’impôt, dont elle avait bénéficié au cours de l’exercice 2008 (31 062 €) et de l’exercice 2009 (12 139 €), au motif que l’investissement allégué ne répondait pas aux conditions prévues par l’article 199 undecies B du code général des impôts ; l’administration a ainsi retenu, d’une part, l’existence d’une disproportion manifeste entre le coût de revient supposé des investissements livrés en 2008 à une société A Industrie Caraïbes (465 718 €) par la société DTD, gérante des SEP, et le montant des investissements allégués ayant donné lieu à réduction d’impôt (65 858 000 €) et, d’autre part, le fait que ces investissements, correspondant aux matériels photovoltaïques livrés en 2008, non mis en capacité de fonctionner de manière autonome, n’avaient revêtu aucun intérêt économique ou environnemental pour la Martinique.

A la suite de ce redressement fiscal, Mme X a pu obtenir la remise des majorations et d’une partie des intérêts de retard, mais a dû s’acquitter d’une somme de 46 166 € correspondant aux réductions d’impôts, dont elle avait bénéficié en 2008 et 2009 (43 201 €), et à des intérêts de retard (2965 €).

Reprochant à la société France Finance Consultants d’avoir manqué à son obligation d’information et de conseil, ainsi qu’à son obligation de vérifier le sérieux et la fiabilité des contractants qu’elle avait mis en relation avec elle, Mme X l’a faite assigner, par acte du 19 novembre 2012, devant le tribunal de commerce de Béziers en responsabilité et indemnisation de son préjudice sur le fondement de l’article 1147 du code civil.

Par jugement du 24 juin 2013, le tribunal a condamné, avec exécution provisoire, la société France Finance Consultants à payer à Mme X la somme de 46 166 € au titre du préjudice subi et a alloué à celle-ci la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société France Finance Consultants a régulièrement relevé appel de ce jugement en vue de sa réformation.

Elle demande à la cour (conclusions reçues par le RPVA le 31 octobre 2014) de débouter Mme X de l’ensemble de ses prétentions et, subsidiairement, de réévaluer le montant du préjudice à la baisse, outre l’allocation de la somme de 2500 € en remboursement de ses frais irrépétibles.

Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :

— Mme X, qui avait déjà réalisé un investissement analogue, via la société Pacifique 1, investissement qui lui avait été remboursé en raison d’une impossibilité technique de mener à bien l’opération, était avertie et n’ignorait donc pas les risques de non-réalisation matérielle de l’investissement,

— elle a valablement rempli son obligation d’information lors de la souscription de l’investissement en remettant à Mme X un dossier de présentation, dans une pochette d’information plus globale de la société DTD, faisant état des risques inhérents à l’opération projetée et attestant de la régularité, d’un point de vue fiscal, du montage industriel validé par le cabinet d’avocats fiscalistes Acta Antilles, ainsi qu’une attestation de garantie du risque fiscal donnée par le groupe A,

— lors de la souscription de l’investissement, elle ne pouvait deviner que la société DTD n’allait pas respecter ses obligations matérielles, le redressement fiscal, dont Mme X a fait l’objet, portant sur des éléments factuels (notamment l’absence de raccordement des centrales photovoltaïques au réseau Edf) et non sur la remise en cause de l’opération, qu’elle a proposée en tant que conseil en gestion de patrimoine,

— l’investissement proposé, dans le cadre de loi « Girardin industrielle » était adaptée à la situation de sa cliente, souhaitant réaliser une économie d’impôt, et le choix de la structure d’investissement, qui s’est porté sur la société DTD, était justifié au regard de la renommée de cette société en matière de défiscalisation dans les DOM-TOM,

— en toute hypothèse, la preuve du lien de causalité n’est pas rapportée entre les obligations mises à sa charge et le préjudice prétendument subi par Mme X, laquelle a choisi unilatéralement d’acquiescer au redressement,

— le préjudice n’est d’ailleurs pas certain puisque Mme X n’a pas saisi le juge fiscal qui seul aurait pu vérifier si la rectification proposée par l’administration était fondée et si la procédure n’était pas entachée d’irrégularité,

— en effet, la position de l’administration sur l’absence de livraison des panneaux photovoltaïques et sur le caractère non productif des investissements réalisés était contestable et la proposition de redressement, non motivée en fait, ne répondait pas aux exigences de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales,

— le préjudice résulte de la perte de la chance subie par Mme X de pouvoir choisir de faire ou de ne pas faire l’investissement proposé, en toute connaissance de cause, ce dont il résulte qu’elle ne saurait réclamer la somme de 46 080 € et encore moins celle de 30 000 €.

Formant appel incident, Mme X conclut à la condamnation de la société France Finance Consultants à lui payer, en plus de la somme allouée par le premier juge, la somme de 2965 € correspondant aux intérêts de retard, qu’elle a dû verser au Trésor public, et celle de 30 000 € investie en pure perte ; elle sollicite également l’allocation en cause d’appel de la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile (conclusions reçues par le RPVA le 17 novembre 2014).

Elle soutient en substance que :

— la société France Finance Consultants, en sa qualité de professionnel du conseil en gestion de patrimoine, n’a pas attiré son attention sur le risque d’un investissement en loi « Girardin », alors que si elle avait vérifié la fiabilité du montage, elle se serait aperçue de la fragilité de celui-ci, qui reposait exclusivement sur des filiales du groupe A implantées à Hong Kong ou au Luxembourg chargées de produire, de financer, de transporter et d’installer les matériels photovoltaïques, groupe ayant recours au crédit-fournisseur inter-filiales, sans autre acteur extérieur, pas même un établissement bancaire,

— lors de l’investissement, réalisé le 29 août 2008, la société France Finance Consultants n’avait même pas demandé, pour l’analyser, la note de couverture juridique du cabinet d’avocats fiscalistes Acta Antilles et s’est bornée à lui présenter l’intérêt fiscal de l’investissement, qu’elle lui proposait,

— ainsi, la procédure de rectification fiscale a mis en évidence l’absence de matériels livrés en Martinique correspondant aux investissements prétendument financés et mentionnés sur les attestations du groupe A aux contribuables, ainsi que l’absence de toute demande de raccordement au réseau Erdf, critère essentiel pour bénéficier de la réduction d’impôt,

— dans le cadre d’une instruction pénale visant le dirigeant des sociétés du groupe A (un certain Jack Sword), une expertise, confiée à M. Z, a ainsi établi que sur les 50 centrales photovoltaïques installées en Martinique, 45 nécessitaient des corrections importantes et que les revenus annuels pouvant être retirés de leur exploitation s’élevaient à seulement 85 332 € pour un investissement théorique de 14 900 000 € (50 x 298 000 €),

— aucune étude n’a été faite par la société France Finance Consultants afin de vérifier le sérieux et la fiabilité de la société DTD, dont elle n’établit pas qu’elle avait déjà été amenée, par le passé, à proposer des investissements montés par celle-ci et menés à bon terme,

— en l’absence d’investissement productif, capable de fonctionner et de produire de l’énergie, elle ne peut espérer bénéficier d’aucune réduction d’impôt, en sorte qu’elle a investi en pure perte la somme de 30 000 € et a perdu toute chance de défiscaliser ses revenus des années 2008 et 2009, ainsi que le solde reportable sur l’année 2010,

— elle a, en outre, été contrainte de verser des intérêts de retard au Trésor public à hauteur de 2965 €,

— contrairement à ce qu’indique la société France Finance Consultants, la pochette d’information, communiquée en pièce n° 1, ne lui a pas été remise lors de l’investissement, qu’elle a réalisé le 29 août 2008, ladite pochette n’ayant été éditée que postérieurement au 29 novembre 2009, date à partir de laquelle le seuil de dépense est passé de 300 000 € à 250 000 €,

— en outre, l’attestation de garantie de risque fiscal, qu’elle n’a pas signée, ne lui a pas, non plus, été communiquée, sachant au demeurant que cette garantie aurait été inefficace puisque la remise en cause de la réduction d’impôt n’a pas été motivée par la défaillance de l’exploitant, mais par l’absence de réalisation effective des investissements,

— le fait qu’elle ait effectué un investissement outre-mer en 2007 ne dispensait pas la société France Finance Consultants de l’informer des risques de l’investissement, qu’elle lui proposait en août 2008,

— en l’état des éléments fournis par l’administration en réponse à ses observations sur la proposition de rectification, l’engagement d’une procédure contentieuse devant le juge administratif était vouée à l’échec et ne pouvait conduire qu’à augmenter son préjudice.

C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 18 novembre 2014.

MOTIFS de la DECISION :

Lorsqu’elle a investi une somme de 30 000 € en vue de l’achat de parts dans les SEP 58 et suivantes gérées par la société DTD, ayant pour objet l’achat de matériels photovoltaïques et leur location de longue durée à des entreprises implantées dans les départements et territoires d’outre-mer et éligibles aux dispositions de l’article 199 undecies B du code général des impôts, Mme X s’est vue remettre par la société France Finance Consultants un dossier de présentation de l’opération de défiscalisation envisagée dans le cadre de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 dite « loi Girardin », dossier qu’elle a daté et signé le 29 août 2008, avec le mandat de recherche confiée à la société DTD, l’engagement de libération de son apport et la convention d’exploitation en commun.

Il est indiqué dans le dossier de présentation remis à Mme X que la société DTD, qui bénéficie d’une importante expérience en matière d’investissement productif relevant de la loi du 21 juillet 2003 (sic), propose à un certain nombre d’investisseurs de se réunir dans le cadre de SEP ayant pour objet la mise en commun des moyens nécessaires pour l’acquisition et la location dans les départements d’outre-mer de tout investissement productif neuf à des entreprises exerçant leurs activités dans des secteurs éligibles aux dispositions de l’article 199 undecies B, que chaque investisseur devenu associé des SEP pourra bénéficier, au titre de l’impôt sur le revenu de l’année au cours de laquelle les SEP acquièrent un bien productif neuf, d’une réduction d’impôt égale à 60 % du montant de l’investissement réalisé dans le secteur de la production d’énergie renouvelable en vue de sa revente à Edf et que l’octroi de cette réduction est subordonné à ce que les biens acquis soient donnés en location pendant une durée continue de cinq ans et que 50 % de la réduction d’impôt obtenue soient rétrocédés à l’entreprise locataire sous forme de réduction de loyer ou, le cas échéant, une minoration du prix de cession.

Le dossier de présentation énonce les avantages liés à la constitution de SEP, occultes à l’égard des tiers, l’identité des associés n’étant révélée qu’à l’administration fiscale ; décrivant ensuite le schéma fiscal et financier de l’opération, il précise que le gérant des SEP (la société DTD), par le réemploi des fonds apportés, complétés par un crédit bancaire ou un crédit fournisseur, fera l’acquisition des matériels auprès de A B, qui feront ensuite l’objet de contrats de location longue durée dans les DOM-TOM au bénéfice d’entreprises éligibles au dispositif de la loi Girardin, que chaque SEP ne pourra porter que des projets ayant une même date de démarrage, concernant un ou plusieurs matériels loués à un ou plusieurs locataires et que le montant des acquisitions réalisées par chaque SEP ne pourra dépasser une somme de 300 000 € HT ; enfin, concernant le fonctionnement des SEP, il énonce que A B facture le gérant de chaque SEP, acquérant les matériels en son nom et pour le compte des associés, encaisse une partie du montant de l’investissement et soit consent un crédit fournisseur, soit se charge de négocier pour son compte un crédit bancaire, A B s’engageant à accepter la délégation parfaite de paiement opérée entre le gérant de la SEP concernée et les locataires, sans exiger de clause de garantie du gérant de la SEP et/ou de ses associés en cas de défaillance des locataires.

Telle qu’elle est présentée, la sécurité juridique de l’opération résulte donc, essentiellement, de la constitution de SEP regroupant les investisseurs, inconnues des tiers à l’exception de l’administration fiscale, et de l’existence d’une délégation de paiement des loyers consentie au profit de A B, de nature à entraîner l’extinction de l’obligation du gérant des SEP et de priver le fournisseur de tout recours contre le gérant des SEP et/ou ses associés; la convention d’exploitation en commun, qui précise les missions de la société DTD, dispose dans son avenant n° 1, que l’objectif de DTD, avec les produits industriels qu’elle monte en SEP, est le risque zéro pour les investisseurs en défiscalisation et qu’elle est liée par une convention avec un courtier industriel, A B, qui a fait une étude préalable des besoins des exploitants et assure le portage financier des matériels avant de les revendre aux SEP.

Il est mentionné, dans le dossier de présentation, que ce montage industriel a été étudié, corrigé et validé par le cabinet d’avocats fiscalistes « Acta Antilles » et que ce cabinet, dirigé par Me Alain Scheinkmann, ancien inspecteur des impôts et conseiller juridique, a émis une note de couverture juridique qui est à la disposition des conseillers en gestion de patrimoine qui commercialisent le montage financier en SEP, créé par Dom-Tom Défiscalisation SARL.

A cet égard, il est produit aux débats la note de couverture juridique rédigée le 12 mars 2007 par le cabinet d’avocats fiscalistes « Acta Antilles », qui confirme la faisabilité de l’opération de défiscalisation montée par la société DTD et l’absence de risque pour les investisseurs dans la mesure où le fournisseur, A B, fait un crédit fournisseur à DTD pour le solde à financer, que pour couvrir son risque de crédit fournisseur, A B, encaisse les loyers de l’exploitant par délégation parfaite sans recours des tiers, que pour éviter le risque potentiel des exploitants fragiles ('), A B crée elle-même les sociétés d’exploitation de droit français dans les Antilles, dont elle a le contrôle à 100%, et qu’ainsi, elle peut garantir la pérennité de l’investissement pendant 5 ans et donc, le risque industriel et fiscal.

Il est également communiqué une attestation de garantie de risque fiscal établi par A B, par laquelle celle-ci s’engage à rembourser sur ses fonds propres à DTD le montant du redressement fiscal éventuel dans la SEP concernée, consécutif à la défaillance des exploitants pendant la durée légale de défiscalisation et à l’impossibilité dans laquelle elle serait de poursuivre l’exploitation de l’investissement productif pendant cette période; même si Mme X affirme que cette attestation ne lui a pas été remise lors de la souscription de son investissement, il n’en demeure pas moins que le point 6 de l’avenant n° 1 à la convention d’exploitation en commun, qu’elle a signé le 29 août 2008, mentionne expressément cette garantie de risque fiscal, correspondant à l’engagement de A B de rembourser le montant de l’avantage fiscal consenti aux investisseurs en cas de carence de l’un des exploitants et de remise en cause de l’avantage fiscal par l’administration.

Dans le cadre de ses obligations en tant que conseil en gestion de patrimoine, la société France Finance Consultants se devait d’informer Mme X sur les divers aspects économiques, financiers et juridiques de l’opération envisagée, de lui en décrire les avantages et les inconvénients eu égard à sa situation patrimoniale et au but poursuivi et de lui donner un avis complet et documenté, lui permettant de prendre, en toute connaissance de cause, une décision de gestion conforme à ses intérêts ; contrairement à ce que soutient la société France Finance Consultants, Mme X ne peut être considérée comme une cliente avertie à l’égard de laquelle sa responsabilité éventuelle serait atténuée, au seul motif que celle-ci avait déjà réalisé en 2007 une opération de défiscalisation dans le cadre de la loi « Girardin industrielle » en acquérant des parts sociales dans des SNC composant le portefeuille « industrie du Pacifique 1 »; sa profession de médecin radiologue ne lui permettait pas, en effet, d’appréhender tous les aspects de l’investissement proposé par la société DTD, dont le montage différait sensiblement de celui précédemment effectué, son unique motivation, comme tout contribuable fortement imposé, étant la recherche d’une réduction de son impôt sur le revenu pour 2008.

Il est vrai que la documentation remise à Mme X en août 2008, lors de la souscription de son investissement, ne présente que les avantages de l’opération de défiscalisation montée par la société DTD, n’envisageant la perte de l’avantage fiscal consenti aux investisseurs qu’en cas de défaillance des exploitants de centrales photovoltaïques, risque cependant couvert par la garantie de remboursement souscrite par A B ; le risque de redressement fiscal lié à un investissement tardif après le 31 décembre de l’année en cours ou à un défaut de justification des investissements réalisés n’est, en effet, envisagé que dans une pochette d’information de la société DTD, intitulée « principe du Girardin solaire », qui n’a été éditée et diffusée qu’après la souscription de l’investissement litigieux.

Pour autant, Mme X ne pouvait ignorer, en l’état des indications contenues dans le dossier de présentation, qui lui avait été remis, que la réduction d’impôt, égale à 60 % de l’investissement, était subordonnée à la réalisation d’un investissement productif neuf, correspondant à une réalité économique (sic), au cours de l’année fiscale considérée, mis à la disposition d’entreprises exerçant leurs activités dans des secteurs éligibles aux dispositions de la loi du 21 juillet 2003.

La remise en cause par l’administration fiscale de la réduction d’impôt, dont a bénéficié Mme X au titre des investissements réalisés en Martinique en 2008, tient au fait que la société DTD n’a pas justifié la validité des informations portées sur les attestations délivrées aux investisseurs ; dans la proposition de rectification, notifiée le 12 octobre 2011, à celle-ci, l’administration relève qu’en 2008, la valeur déclarée en douane des matériels photovoltaïques à destination de A B Caraïbes, société créée le 2 janvier 2008, n’avait été que de 465 718 €, alors que 221 SEP avaient été constituées (SEP DTD 58 à DTD 279) et que la société A B Caraïbes avait facturé à chaque SEP 298 000 € correspondant à la valeur des matériels, aux frais d’installation, aux dépenses d’entretien et au service après-vente, 40 % financés par les apports des investisseurs et 60 % par un crédit fournisseur ; il a ainsi été retenu une disproportion entre les fonds collectés et les matériels importés et l’absence d’investissements capables de fonctionner de manière autonome, puisque en 2008, seules trois demandes d’autorisation préalables de travaux avaient été faites en mairie entre le 22 octobre et le 31 décembre, qu’aucune déclaration d’achèvement, ni certificat de conformité délivré par l’organisme agréé Consuel, n’avait été présenté par la société DTD, et qu’aucune demande de raccordement au réseau Erdf n’avait été faite.

La perte de l’avantage fiscal est due, non à la nature de l’investissement envisagé, consistant en l’installation de centrales photovoltaïques en Martinique, ou au montage juridique de l’opération de défiscalisation, mais au défaut de réalisation effective des centrales et à leur mise en service au cours de l’année 2008, caractérisant l’absence d’un investissement productif neuf au sens de l’article 199 undecies B du code général des impôts.

Mme X ne saurait reprocher à la société France Finance Consultants de n’avoir pas attiré son attention sur la prétendue fragilité du montage de l’opération, reposant exclusivement sur les sociétés du groupe A B, qui assuraient la production et le montage des matériels photovoltaïques, outre leur financement par le biais d’un crédit-fournisseur ; en effet, un tel montage, permettant de maîtriser la production et d’en réduire les coûts, n’est pas en soi de nature à faire douter de la fiabilité du partenaire industriel, sachant que A B est une division de la société américaine Northwestern Monetary Institute, au capital de 300 millions de dollars, ayant un bureau de représentation au Luxembourg.

En revanche, la société France Finance Consultants, qui avait vocation à renseigner sa cliente sur l’ensemble des aspects économiques, financiers et juridiques de l’opération et notamment sur les risques encourus en cas de non réalisation de l’investissement productif neuf relevant de la loi « Girardin industrielle », ne justifie avoir entrepris, en août 2008, lors de la souscription de l’investissement, aucune démarche auprès de la société DTD visant à vérifier le démarrage effectif en Martinique de la campagne d’investissements menés par A B Caraïbes ; si elle l’avait fait, elle se serait probablement aperçue, alors que A B Caraïbes avait été créée sept mois auparavant, que fin août 2008, aucune demande préalable d’autorisation administrative de travaux, ni de demande de raccordement au réseau Erdf, n’avait été faite relativement à des centrales photovoltaïques effectivement installées et mises en service, ce qui était de nature à faire douter de la fiabilité du partenaire industriel pour mener à bien l’opération envisagée pour l’année 2008, dans des conditions permettant à l’investisseur de bénéficier de l’avantage fiscal escompté ; à défaut d’avoir pu obtenir de la société DTD le moindre renseignement quant au nombre de chantiers et de raccordements au réseau Erdf alors réalisés, elle aurait pu en faire part à Mme X et l’alerter sur le risque encouru.

La société France Finance Consultants a donc proposé une opération de défiscalisation sans s’être préalablement renseignée sur la fiabilité du projet d’installation de centrales photovoltaïques en Martinique conduit par le groupe A B, alors qu’existaient à cette date des éléments permettant de douter de l’aptitude de celui-ci à mener à bien les travaux sur le terrain ; ainsi, le fait qu’en août 2008, aucune demande préalable d’autorisation administrative pour la pose de panneaux photovoltaïques en toiture n’avait été faite, aurait dû l’inciter à la prudence et à faire part à Mme X de ses interrogations quant à la réalisation effective des investissements projetés ; d’ailleurs, le rapport d’expertise déposé le 20 mai 2011 par M. Z, désigné par un juge d’instruction en charge d’une information suivie à l’encontre du dirigeant des sociétés du groupe A B, révèle que sur les 50 centrales photovoltaïques réalisées en Martinique, aucune n’était alors entièrement terminée et prête à être raccordée au réseau et que seules cinq centrales étaient terminées, mais nécessitaient des corrections mineures, les 45 autres correspondant à des installations affectées de graves défauts ou à refaire entièrement.

Si le montage de l’opération était en elle-même sûre d’un point de vue juridique et fiscal, la fiabilité du partenaire industriel de la société DTD était, par contre, douteuse lors de la souscription de l’investissement, ce que la société France Finance Consultants, qui se targue, sur son site Internet, d’être un conseiller indépendant, diplômé, compétent et responsable et de travailler avec des partenaires solides, aurait dû découvrir pour mieux conseiller sa cliente.

Le préjudice de Mme X consécutif au manquement de la société France Finance Consultants à son obligation de conseil, relativement au risque de non-réalisation de l’investissement, correspond à la perte de la somme de 30 000 € versée lors de la souscription de l’opération effectuée dans le cadre des dispositions de la loi du 21 juillet 2003 dite « loi Girardin », augmentée de la somme de 2965 € correspondant aux intérêts de retard payés au Trésor public à l’issue de la procédure de vérification, calculés sur la réduction d’impôt dont elle déjà avait bénéficié au cours des exercices 2008 et 2009, faisant l’objet du rappel ; il est évident qu’informée du risque de non-réalisation de l’investissement, elle n’aurait pas souscrit à l’opération « Dom-Tom Défiscalisation », mais aurait choisi un autre produit permettant une réduction d’impôt comparable à celle recherchée ; la société France Finance Consultants n’est pas fondée à soutenir que le préjudice allégué n’est pas certain, faute pour Mme X d’avoir contester la proposition de rectification devant le juge fiscal, alors qu’abstraction faite de la question du raccordement au réseau Erdf, qui conditionnerait ou pas la livraison effective des biens faisant l’objet de l’investissement et ouvrant droit à la réduction d’impôt, aucune centrale photovoltaïque n’a, en l’occurrence, été livrée en 2008 par A B Caraïbes, les trois mises en chantier déclarées au cours du troisième trimestre 2008 n’ayant donné lieu à aucune déclaration d’achèvement effectuée avant le 31 décembre 2008 ; la contestation était ainsi vouée à l’échec sur le droit de Mme X à bénéficier de la réduction d’impôt et il n’apparaît pas que la proposition de rectification, lui ayant été adressée, ait été insuffisamment individualisée, au point de ne pas l’avoir mis en mesure de prendre position sur celle-ci.

La responsabilité de la société France Finance Consultants pour manquement à son obligation de conseil doit ainsi être retenue sur le fondement de l’article 1147 du code civil et celle-ci doit être condamnée à payer à Mme X la somme de 32 965 € à titre de dommages et intérêts compensatoires de son préjudice, à l’exclusion de toute autre somme.

Le jugement entrepris doit en conséquence être infirmé dans toutes ses dispositions.

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, la société France Finance Consultants doit être condamnée aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à payer à Mme X la somme de 3000 € au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Infirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

Condamne la société France Finance Consultants à payer à C X la somme de 32 965 € à titre de dommages et intérêts compensatoires du préjudice de celle-ci consécutif au manquement de la société à son obligation de conseil lors de la souscription, en août 2008, d’un investissement réalisé dans le cadre de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003, dite « loi Girardin » relative à la défiscalisation dans les DOM-TOM,

Condamne la société France Finance Consultants aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à payer à Mme X la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens d’appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du même code.

LE GREFFIER LE PR''SIDENT

JLP

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