Cour d'appel de Montpellier, 13 janvier 2016, n° 13/03763

  • Employeur·
  • Ancienneté·
  • Salaire·
  • Supérieur hiérarchique·
  • Contrat de travail·
  • Harcèlement moral·
  • Poste·
  • Demande·
  • Licenciement·
  • Mutation

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 13 janv. 2016, n° 13/03763
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 13/03763
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Montpellier, 18 avril 2013

Sur les parties

Texte intégral

PC/IR

4e B chambre sociale

ARRÊT DU 13 Janvier 2016

Numéro d’inscription au répertoire général : 13/03763

ARRÊT n° 16/23

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 AVRIL 2013 CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER

N° RG12/00785

APPELANTE :

Madame I X

XXX

MONTPELLIER

Assistée par Me Richard MARCOU, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

Association FEDERATION ADMR DE L’HERAULT

XXX

XXX

Représentant : Me LAMOY, avocat au barreau de NIMES

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 NOVEMBRE 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Président de chambre

Madame Claire COUTOU, Conseillère

Mme K L, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE.

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

— signé par Monsieur Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Président de chambre, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

Madame I X a été embauchée en qualité de secrétaire suivant contrat à durée indéterminée par la Fédération ADMR (Aide à Domicile en Milieu Rural) de l’Hérault le 2 décembre 1991.

Elle a saisi le conseil de prud’hommes de Montpellier suivant requête reçue au greffe le 16 mai 2012 d’une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur, de demandes en indemnités découlant de cette rupture et de demandes de nature salariale.

Elle a été licenciée pour inaptitude le 15 septembre 2014.

Par jugement en date du 19 avril 2013, le conseil a statué en ces termes:

— «Déboute Mme X:

— de sa demande au titre d’heures supplémentaires

— de sa demande au titre de la garantie du maintien de salaire pour les mois de mars, avril et mai 2012

— du surplus de ses demandes comme étant injustes et mal fondées

— (la)déboute de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile .

— déboute la Fédération ADMR de l’Hérault de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

— Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Ce jugement a été notifié à Madame X par courrier recommandé avec demande d’avis de réception signé le 26 avril 2013.

Mme X a fait appel par déclaration électronique du 16 mai 2013 enregistrée au greffe le même jour.

Elle demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de :

— prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur en raison des manquements de ce dernier résultant du harcèlement moral et de la modification de son contrat de travail.

— constater que l’inaptitude à l’origine de son licenciement découle de ses conditions de travail ;

— condamner la fédération ADMR, outre aux entiers dépens, à lui payer les sommes suivantes :

.3 419,16 euros au titre du solde restant dû sur son indemnité conventionnelle de licenciement ;

.1098 euros d’indemnité au titre du droit individuel à la formation

.167, 44 euros au titre de huit heures supplémentaires

.271, 75 euros au titre de la garantie de maintien de salaire pour les mois de mars, avril et mai 2012 ;

.98 989.79 euros au titre du préjudice financier

.50 000 euros au titre du préjudice moral

.4200 euros TTC au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir, pour l’essentiel :

— qu’à compter du début d’année 2009, ses relations de travail avec son supérieur hiérarchique M. B se sont dégradées, qu’elle a ainsi subi de sa part des reproches répétés et injustifiés, une bousculade au mois de mars 2010 puis de nouvelles vexations et brimades ;

— qu’elle a demandé un entretien qui au eu lieu le 20 octobre 2011 puis a demandé le 16 novembre 2011 un entretien avec la commission du personnel, suivi d’une confrontation le 5 décembre 2011 entre elle et plusieurs membres de la commission et de la direction, à la suite de quoi lui était proposé le 20 décembre 2011 un poste dans une association adhérente à l’ADMR à Celleneuve, ce qu’elle a refusé , considérant cette proposition comme une sanction;

— qu’à la suite d’un nouveau comportement malveillant de son supérieur le 4 janvier 2012, elle a adressé plusieurs courriers à ses supérieurs hiérarchiques, a déposé une main courante auprès des services de police, s’est vu à nouveau proposer un poste extérieur à la fédération, proposition imprécise et qui était en fait une tentative malicieuse de rupture pure et simple de son contrat de travail par son transfert à un autre employeur, avant d’être placée en arrêt de travail le 11 février 2012 compte tenu de la dégradation de son état de santé, à la suite de quoi elle a saisi le conseil de prud’hommes ;

— qu’à la suite de l’avis d’inaptitude du médecin du travail le 1er août 2014, l’employeur lui a proposé des postes ne correspondant pas à ses compétence et qu’elle a donc refusés, avant d’être licenciée pour inaptitude.

La Fédération ADMR conclut à la confirmation du jugement entrepris, au débouté Mme X de l’ensemble de ses demandes et à sa condamnation à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Elle fait valoir en substance :

— que Mme X n’établit la matérialité d’aucun des faits allégués à l’appui du harcèlement moral invoqué ;

— que chacune des décisions ou demandes de son supérieur hiérarchique a été interprétée ou ressentie par elle comme participant à du harcèlement moral

— que Mme X ne s’est jamais vu retirer des tâches , qu’aucune des attestations produites aux débats ne fait état des actes ou faits qu’elle reproche à M. B ;

— que la dégradation de l’état de santé de Mme X, déjà fragile psychologiquement avant 2009, ne peut dès lors être mise en lien avec un prétendu harcèlement moral ;

— que l’employeur a mis en place une enquête au mois d’octobre 2011 dès qu’ il a été informé par la salariée de ses difficultés, puis deux confrontations, ces mesures faisant ressortir la subjectivité de la salariée, cette dernière refusant ensuite la proposition d’un poste similaire dans une autre agence de la Fédération ;

— que c’est en application des préconisations du médecin du travail en date du 16 janvier 2012 que lui a été notifiée sa nouvelle affectation dans cette autre agence le 9 février, cette mutation n’ayant pas été suivie d’effet en raison de son arrêt de travail;

— que l’ADMR a donc mis en 'uvre toutes les mesures possibles pour répondre aux plaintes de Mme X, dont la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur n’est pas fondée , les faits dénoncés n’étant pas matériellement établis, étant anciens et n’ayant pas empêché la poursuite de la relation de travail ;

— qu’elle n’apporte aucun élément étayant à l’appui de ses demandes salariales et ne peut faire état d’une ancienneté antérieure à son embauche, ses précédents contrats de travail la liant à un employeur différent ;

Pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties la cour renvoie aux conclusions notifiées des parties, auxquelles ces dernières ont déclaré expressément se référer lors de l’audience.

MOTIFS DE LA DECISION

L’article L 1152-1 du code du travail dispose qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L 1154-1 du même code dispose que lorsque survient un litige relatif à l’application de l’article précité, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces articles qu’il appartient au salarié d’établir la matérialité des faits qu’il invoque et au juge de rechercher si ces faits sont établis et dans l’affirmative, de les appréhender dans leur ensemble et de rechercher s’ils permettent de présumer l’existence du harcèlement allégué. En ce cas alors, il revient à l’employeur d’établir qu’ils ne caractérisent pas une situation de harcèlement.

Madame X fait état des faits suivants :

— A compter de l’année 2009 :

— une dégradation de ses conditions de travail et de ses relations avec son supérieur hiérarchique, ce dernier l’ayant prise en aversion.

— Année 2010:

— des reproches injustifiés à son encontre, notamment les 12 février et 16 mars 2010 : reproches concernant le fait de travailler en relation avec les autres services de la structure, de mal organiser son poste de travail en ayant sur son bureau des dossiers et accessoires, alors qu’elle devait travailler avec ces documents, de faire trop de bruit alors qu’elle travaille dans un open-space avec une dizaine d’autres personnes ce qui est par nature bruyant.

— la violente bousculade subie de son supérieur hiérarchique le 22 mars 2010 à l’occasion de sa demande de signature sur une attestation de présence à un stage auquel elle n’avait pas participé ;

— Année 2011 :

— de nombreuses interdictions, un appauvrissement du contenu de son poste par la suppression de plusieurs de ses tâches, notamment de tâches impliquant sa coopération avec d’autres services, divers reproches et remontrances ainsi :

.le 12 avril 2011 : refus de M. B de la transporter dans le véhicule de service à une formation à laquelle il devait se rendre en même temps qu’elle ;

.le 25 avril 2011 : déménagement de son bureau en son absence alors qu’elle était en congé,

.le 9 mai 2011 : reproche de M. B concernant la présence sur son bureau de dossiers sur lesquels elle travaille et qui selon lui gêneraient la vue ;

.le 15 juin 2011 : convocation de Mme X dans le bureau de M. B, ce dernier lui demandant de débarrasser son bureau de toutes ses affaires, la menaçant de le faire lui-même et lui disant que si elle n’est pas contente elle n’avait qu’à chercher un poste dans un autre service ;

.du 16 au 21 juin 2011 : chaque matin le caisson du bureau de Mme X est déplacé, les boîtes à archives de classement se trouvent au pied du meuble sur lequel elles sont normalement rangées ;

.le 19 août 2011 : M. B lui reproche de le déranger au téléphone alors que Mme X se trouve à l’extérieur et l’informe d’une erreur de prélèvement ,ce dont il lui ordonne de ne pas informer la DRH ;

.le 11 octobre 2011 : M. B lui fait dire qu’il refuse qu’elle pose un caisson de factures sur une chaise de son bureau et exige qu’il soit posé par terre, ce qui oblige Mme X à se baisser fréquemment ;

.le 19 octobre 2011 : M. B lui reproche d’avoir apporté des réponses aux demandes de la DRH et à une association ADMR locale.

. les 24 et 28 octobre 2011 : Mme X trouve à nouveau les boîtes de classement au sol en arrivant le matin ;

.le 28 octobre 2011 ; elle est obligée de demander à son supérieur hiérarchique par mail, à la suite de plusieurs demandes orales restées sans effet, la rectification des dates de congés erronées enregistrées sur le logiciel de la Fédération.

— Année 2012 :

— comportement délibérément malveillant de la part de M. B le 4 janvier 2012, qui lui broie la main au lieu de la lui serrer normalement pour la saluer;

— mutation imposée par la direction le 10 février 2012 pour le 13 février, mutation constituant en réalité une modification de son contrat de travail et une tentative de l’évincer en l’adressant à un autre employeur alors que cette affection, déjà refusée le 27 décembre 2011, est toujours sous les ordres de M. B ;

— Dégradation continue de son état de santé depuis le début d’année 2009 ;

Mme X produit aux débats :

— plusieurs attestations de personnes ayant travaillé auprès d’elle louant sa compétence et ses qualités professionnelles ;

— un certificat médical du 23 mars 2010 établit par le Docteur Z qui indique que Mme X « est arrivée bouleversée dans son bureau suite à un conflit avec son supérieur hiérarchique survenu la veille ; celui-ci l’aurait bousculée et lui aurait fait mal, de ce fait au bras gauche ; à l’examen, clinique on note l’absence de traces mais il existe une palpation douloureuse du 1/3 inf. de l’humérus G. l’anxiété est évidente à l’idée de croiser ou d’être harcelée par cette personne, elle craint de par la hiérarchie une répercussion sur son emploi ».

— un certificat médical du Dr A en date du 26 mars 2010 indiquant avoir vu Mme X « qui présente un état de stress au récit d’une altercation au travail me dit-elle »

— un document intitulé « recours auprès de la commission du personnel » dans lequel Mme X écrit qu’elle subit depuis plusieurs années un acharnement par son chef de service par des remontrances injustes, des interdictions multiples et une attitude discriminatoire en ce qu’elle n’est dirigée qu’à son encontre.

— son courrier recommandé du 27 décembre 2011 au Président de l’ADMR, aux termes duquel elle maintient être victime de harcèlement moral, déclare refuser la mutation proposée en ce qu’elle la vit comme une sanction et un échec, et décider de rester à son poste de travail dans la mesure où elle ne subira plus de dénigrement ou de discrimination de la part de M. B;

— son courrier recommandé du 9 janvier 2012 au Directeur de l’ADMR, aux termes duquel elle déclare renouveler son exigence de sécurité de résultat incombant à l’employeur à l’occasion du comportement de M. B à son encontre le 4 janvier 2012 ( serrement excessif de mains, altercation entre eux et réaction verbale de son supérieur qui lui aurait intimé en hurlant l’ordre de quitter son bureau et lui aurait interdit d’y pénétrer seule);

— les certificats médicaux des 5 et 6 janvier 2012 constatant son état de stress et relatant ses affirmations sur les faits du 4 janvier 2012 ;

— sa déclaration de main courante du 9 janvier 2012 sur ces faits ;

— le courrier du 9 février 2012 de la direction lui notifiant sa mutation à partir du 13 février sur la maison de services de Celleneuve et lui demandant de prendre contact avec Mme Y pour l’organisation de cette nouvelle affectation ;

— le courrier du docteur O P du 30 janvier 2012 adressé au médecin du travail relatant les propos de Mme X sur ses conditions de travail et indiquant qu’elle présente un état anxieux, de dévalorisation importante avec des idées suicidaires ;

— ses avis d’arrêts de travail à compter du 11 février 2012 prolongés jusqu’au 20 juillet 2014.

— le certificat médical du 17 février 2012 décrivant son état de crise de panique avec dyspnée, logorrhée anxieuse et traumatisme émotionnel majeur à la réception d’un courrier l’informant de sa mutation à partir du 13 février 2012, ce médecin précisant que la patiente a refusé l’hospitalisation rendue nécessaire par la survenance d’idées suicidaires actives.

— les fiches du médecin du travail, indiquant:

. le 16 janvier 2012 «apte à l’essai, une inaptitude au poste est probable, il est recommandé de proposer un poste équivalent mais dans un autre service au sein de la Fédération»;

.le 3 février 2012:«apte avec suivi médical, à revoir le 27 avril 2012 pour réévaluation de l’aptitude»

.le 27 avril 2012: «pas d’avis d’aptitude délivré ce jour. Etat de santé actuellement incompatible avec la reprise du travail, à revoir en septembre 2012 pour réévaluation de l’aptitude».

— l’attestation de M. E H, ancien Directeur des ressources humaines de l’ADMR jusqu’au 15 février 2010, déclarant qu’une réunion avait été décidée suite à une ambiance conflictuelle entre Mme X et une autre salariée Mme C qui aurait perturbé Mme X en lui adressant des insultes, ce témoin ajoutant:«D’autre part, l’attitude de son chef de service était sans ambiguïté,je sentais dans certains de ses propos qu’il avait une nette préférence pour Mme C.. par contre envers Mme X, son discours était tout autre et sans état d’âme il m’a d’ailleurs demandé personnellement quels étaient les moyens juridiques dont disposait l’ADMR pour la licencier. Je l’ai dissuadé d’envisager cette solution.. ».

De l’ensemble de ces éléments, il ressort qu’aucun des faits allégués par Mme X, reproches, brimades, interdictions, suppressions de tâches, obligation de devoir signer sa présence à une formation non effectuée, comportements agressifs, discriminatoires ou injustifiés de la part du supérieur hiérarchique n’est établi dans sa matérialité.

En effet les seules attestations produites aux débats ne font état que des compétences professionnelles et humaines de l’intéressée, ce qui n’est pas l’objet du litige et n’a jamais été contesté.

L’attestation de M. E ne fait état d’aucun fait concret, précis ou daté et ne constitue dès lors qu’une opinion personnelle et subjective, dont la valeur probante est entachée au surplus par le litige prud’homal l’ayant personnellement opposé à son employeur.

Les certificats médicaux ne laissent aucun doute sur la dégradation de l’état de santé de la salariée, dégradation qui ne peut cependant être reliée avec certitude qu’au conflit relationnel incontestable existant entre Mme X et son supérieur hiérarchique depuis l’année 2009 et à la répercussion de ce conflit sur l’état psychologique de la salariée, mais qui ne peut pour autant être reliée des actes de harcèlement moral dont la matérialité n’est aucunement établie et qu’aucun des médecins n’a été en mesure de constater, ces médecins ne pouvant que rapporter les affirmations ou propos de leur patiente quant à l’origine de ses troubles.

Il n’incombe dès lors pas à l’employeur d’apporter la preuve de ce que ses agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il sera ajouté que c’est à tort que Mme X reproche à son employeur d’avoir manqué à son obligation de sécurité de résultat puisqu’il ressort des éléments du dossier et des déclarations de Mme X que cette dernière n’a saisi pour la première fois son employeur d’une demande d’intervention qu’au mois d’octobre 2011; que ce dernier a aussitôt mis en 'uvre une mesure d’enquête au cours de laquelle chacune des parties a été entendue et deux confrontations mises en 'uvre ; que malgré les conclusions de cette enquête allant dans le sens de difficultés relationnelles au sein du service et de situations relevant de la subjectivité de Mme X , l’employeur a proposé à cette dernière une mutation vers une agence relevant bien de la Fédération ADMR, puisqu’aux termes mêmes des conclusions de Mme X, la Fédération ADMR regroupe les associations locales d’aide à domicile en milieu rural de l’Hérault, parmi lesquelles l’ADMR Pays héraultais dont le siège social est à CELLENEUVE. Il en résulte qu’il ne peut être sérieusement discuté que l’employeur a proposé à sa salariée une mesure destinée à la protéger, Mme X refusant cependant cette proposition en déclarant elle-même dans son courrier de refus adressé au Président qu’elle remerciait les membres de la commission du personnel et leur président pour l’écoute attentive qu’ils lui avaient consacrée et leur effort de compréhension dans sa situation.

De même, la décision de délocalisation de l’emploi de Mme X le 10 février 2012 a immédiatement fait suite à sa nouvelle plainte et a été prise après audition de l’ensemble des salariés de l’ADMR, ainsi que ces derniers en témoignent, et après avis en ce sens de la médecine du travail.

Cette mesure ne peut être considérée que comme une mise en 'uvre par l’employeur à son obligation de sécurité de résultat et non comme une tentative de modification ou de transfert de son contrat de travail vers un autre employeur, s’agissant d’une mutation sur le poste déjà proposé en fin d’année 2011 à la salariée et dont le responsable à qui elle devait s’adresser était non M. B mais Mme Y.

Dans ces conditions, la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme X, fondée sur un harcèlement moral et sur une modification du contrat de travail unilatérale ou sur une tentative de transfert du contrat de travail vers un autre employeur n’est pas fondée et sera rejetée.

Sur le licenciement :

L’inaptitude à l’origine du licenciement ne découlant pas d’un harcèlement moral, ce licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Mme X explique le refus des trois postes proposés par le fait que ces postes ne correspondaient pas à ses compétences.

Or, au moins un des trois postes proposés pouvait correspondre à ses compétences, au besoin avec l’aide de formations,s’agissant d’un poste d’assistant ressources humaines. Mme X en tout état de cause ne conteste pas le caractère sérieux et loyal de la recherche de reclassement effectuée par l’ADMR.

Le licenciement pour inaptitude est donc fondé sur une cause réelle et sérieuse et les demandes indemnitaires au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse seront en conséquence rejetées.

Sur les demandes salariales:

sur la demande en paiement d’un solde d’indemnité conventionnelle de licenciement :

Mme X a travaillé pour la Fédération ADMR de l’Hérault de Montpellier sous contrats à durée déterminée :

— du 1er juillet 1982 au 31 août 1982

— du1er juillet 1893 au 31 août 1983

— du 1er juillet 1984 au 31 août 1984

— du 1er octobre 1987 au 31 mars 1988.

Elle justifie avoir ensuite travaillé pour l’Union nationale des associations d’ADMR sous contrats à durée déterminée pour les périodes suivantes :

— du 12 septembre 1988 au 31 octobre 1988

— du 30 janvier 1989 au 24 février 1989

— du 27 février 1989 au 27 mars 1989

— du 16 mai 1989 au 26 mai 1989

— du 31 mai 1989 au 8 juin 1989

— du 14 juin 1989 au 30 juin 1989

A partir du 24 juillet 1989 elle a travaillé pour l’Union nationale des associations d’ADMR sous contrat à durée indéterminée jusqu’au 30 novembre 1991.

Le 1er décembre 1991, elle a signé son contrat à durée indéterminée avec la Fédération ADMR de Montpellier. Ce contrat de travail ne mentionne aucune reprise d’ancienneté et les bulletins de salaire postérieurs à cette embauche mentionnent une entrée de la salariée au sein de la Fédération au 1er décembre 1991.

Mme X revendique toutefois une ancienneté de 24 années et deux mois pour le calcul de son indemnité de licenciement.

Elle soutient à cet effet que son ancienneté a été de fait reprise par la Fédération lors de son embauche du 1er décembre 1991 et en veut pour preuve le fait que son employeur lui a octroyé à ce titre et en application de la convention collective cinq jours de congés supplémentaires, ce dont elle déclare justifier par la production de son bulletin de salaire du mois de janvier 2000 mentionnant l’octroi de cinq jours de congés pour ancienneté .

Toutefois l’octroi en janvier 2000 de cinq jours de congés pour ancienneté s’explique non pas par une reprise d’ancienneté pour la période antérieure au 1er décembre 1991, mais par une ancienneté de cinq années au service de la Fédération pendant les cinq années écoulées.

Par ailleurs, l’extrait de la convention collective de la branche de l’aide accompagnement, soins et services à domicile signée le 21 mai 2010 prévoyant en son article 17 que lorsque le salarié est issu d’une entreprise assujettie à la présente convention collective, ou aux dispositions conventionnelles précédemment applicables aux entreprises de la branche, l’ancienneté dans un emploi identique est prise en compte à 100% ne concerne que le coefficient d’embauche et non l’ancienneté du salarié.

Les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie non professionnelle n’entrent pas en compte dans le calcul de l’ancienneté sauf si la convention collective le prévoit.

En l’espèce, la convention collective applicable prévoit que les absences ne sont pas prises en compte dans le calcul de l’ancienneté à l’exception des 30 premiers jours consécutifs ou non de maladie non professionnelle par année d’ancienneté dans l’entreprise.

Au vu du tableau des jours de suspension du contrat de travail pour maladie communiqué par l’employeur, non contesté dans son contenu, il y a lieu de déduire de l’ancienneté 40 jours sur l’année 2002.

Par la suite Mme X a été placée de façon continue en arrêt maladie à compter du 11 février 2012.

Il en résulte que l’ancienneté de Mme X est de 20 ans et qu’elle a été remplie de ses droits en percevant de son employeur la somme de 13 511,84 euros d’indemnité de licenciement, sur la base, telle que réclamée par elle, de 1/5° par année d’ancienneté auxquels s’ajoutent 2/15° de mois par année d’ancienneté au-delà de 10 ans.

sur la demande en paiement de ses droits acquis au DIF :

Mme X réclame paiement des 120 heures de formation acquises au titre du droit individuel à la formation ( DIF), soit la somme de 1098 euros.

La lettre de licenciement mentionne qu’elle dispose d’un crédit de 120 heures à ce titre.

Mme X n’ayant pu former cette demande pendant un préavis dont elle n’a pas bénéficié en raison de l’inaptitude pour laquelle son licenciement était prononcé, ne pouvait revendiquer la portabilité de son droit individuel à la formation que dans les conditions prévues par l’article L6323-18 du code du travail, à savoir auprès d’un nouvel employeur ou pendant sa période de chômage par le régime d’assurance chômage.

Sa demande sera en conséquence rejetée de ce chef.

3° sur sa demande en paiement de huit heures supplémentaires :

Mme X disposait d’un temps complet modulé et d’un horaire annuel de 2028 heures suivant avenant à son contrat de travail à effet au 1er novembre 2000.

Constituent des heures supplémentaires les heures effectuées au-delà de 1607 heures annuelles dès lors qu’elles n’ont pas déjà été prises en compte au titre des dépassements hebdomadaires. En l’espèce, Mme X ne précise pas la date et les jours pendant lesquels elle aurait réalisé des heures supplémentaires et ne communique aucun élément de nature à étayer sa demande, laquelle s’en trouve totalement imprécise et infondée et ne peut dès lors qu’être rejetée.

4° sur sa demande au titre de la garantie du maintien du salaire pour les mois de mars, avril et mai 2012 :

L’avenant n°2 du 2 juillet 2011 de la convention collective branche de l’aide à domicile comporte un article 1.4 relatif à la prestation de garantie maintien de salaire ainsi rédigé :

« les prestations sécurité sociale et l’éventuel salaire à temps partiel s’élèvent à 90% du salaire brut. En aucun cas, le salarié ne peut percevoir plus de 10% de son salaire net mensuel.

La garantie maintien de salaire comprend également le remboursement des charges sociales patronales évaluées forfaitairement à 30% des prestations versées.

L’article 1.3 prévoit un délai de carence de trois jours en cas de maladie de la vie courante.

L’article 1.5 prévoit que le calcul des prestations se fait sur le salaire brut moyen tranches A et B des six mois précédant l’arrêt de travail, les rappels , régularisations de salaires ou pris à caractère annuel versés sur les 6 derniers mois sont lissés sur les 12 derniers mois de la période à laquelle ils se rapportent.

L’article 1.6 prévoit que les prestations sont versées pendant 90 jours maximum d’arrêt de travail décomptés par année mobile ( 12 mois consécutifs).

Mme X communique les attestations de paiement des indemnités journalières de la sécurité sociale, montrant qu’elle a perçu entre le 14 février 2012 ( après trois jours de carence) et le 14 mai 2012 , la somme de 39,81 euros bruts par jour, soit un total de 3 582,90 euros bruts pour la période de 90 jours indemnisée.

Elle fait état d’un salaire moyen sur les six derniers mois d’un montant de 2 407,11 euros bruts , la garantie maintien salaire s’élevant dès lors à 90% de cette somme, soit 2 166,40 euros bruts.

Elle réclame le différentiel existant entre le salaire net réellement perçu en mars, avril et mai 2011, et le montant du salaire garanti.

Elle sollicite ainsi la somme de 271,65 euros se décomposant en :

-48,84 euros au titre du différentiel sa défaveur pour le mois de mars 2012

-85,75 euros pour le mois d’avril 2012

-137,06 euros pour le mois de mai 2012.

L’employeur, à qui il appartient de rapporter la preuve des paiements réellement intervenus, ne communique aucun élément sur ce point et sera en conséquence condamné au paiement de la somme de 271,65 euros réclamée à son encontre.

L’équité ne commande pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile au profit de la Fédération ADMR et la demande formée à ce titre par Mme X sera rejetée eu égard à la teneur de la présente décision.

Les dépens de première instance et d’appel seront laissés à la charge de Mme X succombant principalement à l’instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, en matière prud’homale,

Reçoit Madame I J épouse X en son appel.

Au fond, confirme le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur, en paiement d’un solde dû sur indemnité de licenciement, en paiement de ses droits acquis au DIF ( droit individuel à la formation) et en paiement d’heures supplémentaires.

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme X de sa demande en paiement au titre de la garantie du maintien du salaire et statuant à nouveau sur ce seul point,

Condamne la Fédération ADMR de l’Hérault à payer à Mme I J épouse X la somme de 271,65 euros au titre de la garantie du maintien du salaire pour les mois de mars, avril et mai 2012.

Rejette toutes autres demandes des parties.

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties pour les frais irrépétibles engagés tant en première instance qu’en cause d’appel.

Condamne Madame I J épouse X aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Montpellier, 13 janvier 2016, n° 13/03763