Cour d'appel de Montpellier, 4ème a chambre sociale, 23 octobre 2019, n° 16/00160

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 4e a ch. soc., 23 oct. 2019, n° 16/00160
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 16/00160
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Perpignan, 30 novembre 2015
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

SD/GL

Grosse + copie

délivrée le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

4e A chambre sociale

ARRET DU 23 OCTOBRE 2019

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 16/00160 – N° Portalis

DBVK-V-B7A-MN2P

ARRET n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 DECEMBRE 2015

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN

N° RGF14/00816

APPELANT :

Monsieur Y X

[…]

[…]

[…]

R e p r é s e n t a n t : M e S t é p h a n i e A U G E R , a v o c a t a u b a r r e a u d e PYRENEES-ORIENTALES

INTIMEE :

SAS POLYSTRA AUTO MOTIVE

[…]

[…]

Représentant : Me Vincent DE TORRES de la SCP DE TORRES – PY – MOLINA – BOSC BERTOU, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

En application de l’article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l’audience.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 JUILLET 2019,en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Georges LEROUX, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Georges LEROUX, Président de chambre

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Mme Martine DARIES, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON

ARRET :

— Contradictoire.

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

— signé par M. Georges LEROUX, Président de chambre, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Le 4 novembre 2013, M. X obtenait le certificat de qualification professionnelle matériaux composites nautiques.

Du 17 février au 28 avril 2014, M. X intégrait la SAS POLYSTRA AUTO MOTIVE pour une formation de 400 heures au titre de l’action de formation préalable au recrutement (AFPR).

Le 4 juin 2014, M. X signait un contrat de travail à durée déterminée à temps plein en qualité de stratifieur.

Par courrier remis en main propre le 30 juin 2014, l’employeur notifiait au salarié la rupture de sa période d’essai.

Le 29 septembre 2014, M. X saisissait le Conseil des Prud’hommes de Perpignan afin d’obtenir à titre principal la requalification de son AFPR en un contrat de travail à durée déterminée, qu’il soit dit que la stipulation d’une période d’essai dans le second contrat de travail à durée déterminée est illicite, que la rupture s’analyse en une rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée et obtenir le paiement de dommages et intérêts.

A titre subsidiaire, M. X sollicitait qu’il soit jugé que la stipulation d’une période d’essai d’un mois est frauduleuse, que la rupture est intervenue en dehors de la période d’essai et obtenir le paiement de dommages et intérêts.

Par jugement du Conseil des Prud’hommes du 1er décembre 2015, les juges déboutaient M. X de l’intégralité de ses demandes et constataient qu’il bénéficiait d’une aide juridictionnelle totale.

Le 4 novembre 2015, M. X interjetait appel de la décision.

M. X sollicite la réformation totale du jugement, demande la requalification de son AFPR en un contrat de travail à durée déterminée, qu’il soit dit que la stipulation d’une période d’essai dans le contrat de travail à durée déterminée qui a suivi est illicite et que la rupture s’analyse en une rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée.

A titre subsidiaire, le salarié sollicite qu’il soit jugé que la stipulation d’une période d’essai d’un mois dans le contrat de travail à durée déterminée est frauduleuse et que la rupture est intervenue en dehors de la période d’essai.

En tout état de cause, M. X demande que la SAS POLYSTRA AUTO MOTIVE soit condamnée au paiement des sommes de 11.599 euros de dommages et intérêts et de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Le salarié dit que lors de son AFPR, la société ne l’a pas formé et qu’elle ne rapporte aucun élément pour justifier du contraire.

De plus, il affirme que le motif de recours au contrat de travail à durée déterminée suivant : 'augmentation ponctuelle du carnet de commande' est fallacieux dès lors que la société était dans l’obligation de conclure avec lui un contrat de travail à durée déterminée d’une durée au moins égale à six mois afin de pouvoir bénéficier de l’aide de Pôle emploi.

Enfin, le salarié dit que suite à l’AFPR, la société avait été en mesure d’apprécier si les fonctions qu’il occupait lui convenaient et qu’ainsi la période d’essai dans le contrat de travail à durée déterminée était illicite.

Il rappelle également que l’interruption entre l’AFPR et le contrat de travail à durée déterminée était de six semaines seulement et dit que le montant des dommages et intérêts doit être au moins égal aux rémunérations qu’il aurait dû percevoir jusqu’au terme de sa formation.

A titre subsidiaire, le salarié dit que la durée de la période d’essai d’un mois pour un contrat de travail à durée déterminée dont la durée est tout juste supérieure à six mois est un abus de droit ayant pour seul objectif de prévoir une période d’essai plus longue.

En conséquence, le salarié dit que la période d’essai devait être de deux semaines et indique que la rupture de son contrat a de ce fait, eu lieu en dehors de cette période.

La SAS POLYSTRA AUTO MOTIVE sollicite la confirmation totale du jugement, demande qu’il soit jugé que la rupture du contrat de travail durant la période d’essai était régulière, que M. X soit débouté de l’ensemble de ses demandes et condamné au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

L’employeur dit que le salarié n’était pas opérationnel et autonome lors de son arrivée, en témoigne l’AFPR de 400 heures de formation. Il indique que le salarié ne peut pas prouver son degré de qualification.

Sur le contrat de travail à durée déterminée, SAS POLYSTRA AUTO MOTIVE affirme avoir connu une réelle augmentation d’activité et produit les tableaux de ventes d’articles pour les années 2013 à 2015.

Elle affirme avoir dû embaucher deux autres salariés en contrat de travail à durée déterminée en 2014 pour répondre à cet accroissement.

De plus, l’employeur dit qu’il n’avait aucune obligation de conclure un contrat de travail avec le salarié en formation à l’issue de l’AFPR.

Il indique également que pendant la formation M. X n’avait pas le statut de salarié et donc pas les obligations et responsabilités afférentes à ce statut.

Qu’ainsi, ce n’est que lors de son embauche en qualité de salarié, qu’il pouvait évaluer ses compétences dans le cadre de ses fonctions.

Enfin, la SAS POLYSTRA AUTO MOTIVE dit que le code du travail prévoit une période d’essai d’un mois pour les contrats de travail à durée déterminée dont la durée est supérieure à six mois et que le simple fait que le contrat de M. X soit de six mois et deux jours ne présume pas une fraude à la loi.

Vu l’article 455 du Code de procédure civile, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé à leurs conclusions écrites et déposées à l’audience du 3 juillet 2019 auxquelles les parties entendent se référer.

MOTIFS

Sur la qualification de la relation contractuelle :

Selon les dispositions de la délibération Pôle emploi n°2008/04 du 19 décembre 2008 relative aux aides et mesures accordées par Pôle emploi annexe 4 : ' L’action de formation préalable au recrutement (AFPR) peut être accordée à un employeur afin de satisfaire ses besoins de recrutement et contribuer à accroître les chances de retour à l’emploi en particulier des demandeurs d’emploi de faible qualification ou en étant dépourvu ou des demandeurs d’emploi en reconversion'.

Sur la convention d’AFPR conclue entre la direction régionale Pôle emploi du Languedoc Roussillon et la SAS POLYSTRA AUTO MOTIVE, il est précisé que l’ensemble de la formation de M. X serait une 'Formation interne, en tutorat', soit 400 heures.

L’article 1 de la présente convention dispose que 'Pôle emploi confie à l’employeur qui y souscrit, la réalisation d’une action de formation préalable au recrutement (AFPR) en vue de recruter un ou plusieurs demandeurs d’emploi sur une offre d’emploi déposée préalablement auprès de Pôle emploi, et à cette fin, de former un ou plusieurs demandeurs d’emploi'.

De plus, l’article 4.5 de cette même convention dispose qu' 'En cas de tutorat… l’employeur s’engage à permettre à Pôle emploi d’accéder à ses locaux pour contrôler, en tant que de besoin, l’adéquation des actions mises en oeuvre au plan de formation établi préalablement'.

En l’espèce, il s’agit d’une convention tripartite et non d’un contrat de travail dans laquelle une entreprise s’engage à former un stagiaire en échange d’une rémunération versée par Pôle emploi à l’issue de la formation.

Aucune disposition ne prévoit qu’en cas de manquement de l’entreprise à son obligation de formation dans le cadre d’un AFPR, cette convention puisse être requalifiée en contrat à durée déterminée .

L’éventuel manquement de l’entreprise à son obligation de formation ne peut donner lieu qu’à une demande de dommages et intérêts.

Sur la rupture du contrat de travail à durée déterminée :

M. X fait valoir que le motif visé comme justifiant le recours au contrat à durée déterminée est fallacieux, mais n’en tire aucune conséquence de droit quant à une éventuelle requalification du contrat en contrat à durée indéterminée.

Lorsque le salarié a déjà exercé le même emploi auprès du même employeur, qui a donc déjà pu apprécier ses capacités professionnelles, une période d’essai ne peut être valablement stipulée à l’occasion d’un nouvel engagement à durée déterminée.

En l’espèce, l’AFPR antérieure au contrat de travail à durée déterminée représentant une période de formation dans laquelle M. X avait le statut de stagiaire et non une période d’emploi dans laquelle il avait le statut de salarié : il ne peut être reproché à la SAS POLYSTRA AUTOMOTIVE d’avoir inclus une période d’essai dans le contrat du 4 juin 2014. En effet, la société n’avait jamais pu apprécier les capacités professionnelles de M. X sur un poste salarié de stratifieur.

Toutefois, si l’inclusion d’une période d’essai au contrat de travail du 4 juin 2014 est régulière, il apparaît que sa durée ne l’est pas. En effet, l’employeur ne justifie pas de l’utilité pour l’entreprise de prolonger le contrat de travail à durée déterminée de deux jours au-delà de six mois, en raison de ' l’augmentation ponctuelle du carnet de commandes' . Ainsi, une telle précision sur la durée du contrat démontre de la part de l’employeur la volonté de frauder la loi, pour lui permettre, avec ces deux jours supplémentaires, d’imposer à M. X une période d’essai d’un mois.

L’alinéa 2 de l’article L 1242-10 du Code du travail dispose que 'Sauf si des usages ou des stipulations conventionnelles prévoient des durées moindres, cette période d’essai ne peut excéder une durée calculée à raison d’un jour par semaine, dans la limite de deux semaines lorsque la durée initialement prévue au contrat est au plus égale à six mois et d’un mois dans les autres cas'.

Ainsi, la durée de la période d’essai devait être limitée à deux semaines pour un contrat de travail à durée déterminée de 6 mois.

En conséquence, la rupture intervenue le 30 juin 2014 se situant hors période d’essai, celle-ci s’analyse comme une rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée.

Selon l’article L 1243-4 du Code du travail, 'La rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L. 1243-8'.

Toutefois, l’employeur ne saurait être condamné à payer une indemnité de congés payés au titre de la période comprise entre la rupture irrégulière d’un contrat de travail à durée déterminée et le terme de ce dernier, aucune disposition légale n’assimilant à une période de travail effectif la période de travail non effectuée en raison de la rupture anticipée d’un tel contrat.

Ainsi, il y a lieu de condamner la SAS POLYSTRA AUTOMOTIVE au paiement de la somme de 8.285 euros de rémunérations qui étaient dues jusqu’à la fin du contrat et à 828,5 euros d’indemnité de fin de contrat.

Sur les autres demandes:

Il apparaît équitable de faire droit à la demande présentée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et de condamner la SAS POLYSTRA AUTO MOTIVE au paiement de la somme de 1.500 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe;

Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ses dispositions rejetant la demande de requalification du contrat AFPR en contrat à durée déterminée;

Statuant à nouveau:

Dit que la stipulation d’une période d’essai d’un mois dans le contrat du 4 juin 2014 est frauduleuse;

Dit que la rupture du contrat de travail à durée déterminée du 4 juin 2014 s’analyse en une rupture anticipée illicite du contrat de travail à durée déterminée;

Condamne la SAS POLYSTRA AUTOMOTIVE à payer à M. X les sommes suivantes :

—  9.113,5 euros de dommages et intérêts,

—  1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires;

Dit que les dépens de l’instance devront être supportés par la SAS POLYSTRA AUTO MOTIVE.

Ainsi jugé et mis à disposition au greffe de la chambre sociale le 23 octobre 2019.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel de Montpellier, 4ème a chambre sociale, 23 octobre 2019, n° 16/00160