Cour d'appel de Montpellier, Chambre commerciale, 22 décembre 2020, n° 18/01193

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, ch. com., 22 déc. 2020, n° 18/01193
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 18/01193
Décision précédente : Tribunal de commerce de Perpignan, 5 février 2018, N° 2017j00289
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 22 DECEMBRE 2020

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/01193 – N° Portalis DBVK-V-B7C-NR7Z

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 FEVRIER 2018

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN

N° RG 2017j00289

APPELANTE :

SA BANQUE POPULAIRE DU SUD, et pour elle son représentant légal, domicilié ès qualités au siège social sis

[…]

[…]

R e p r é s e n t é e p a r M e H a r a l d K N O E P F F L E R d e l a S C P V I A L – P E C H D E LACLAUSE-ESCALE-KNOEPFFLER-HUOT-PIRET- JOUBES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant substitué par Me Bernard VIAL de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-JOUBES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat plaidant

INTIMES :

Monsieur B X

né le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

R e p r é s e n t é p a r M e O l i v i e r R E D O N d e l a S C P DONNADIEU-BRIHI-REDON-CLARET-ARIES-ANDRE, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

Madame C D épouse X

née le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

R e p r é s e n t é e p a r M e O l i v i e r R E D O N d e l a S C P DONNADIEU-BRIHI-REDON-CLARET-ARIES-ANDRE, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

INTERVENANTE :

Société SAS MCS & ASSOCIES immatriculée au RCS de Paris sous le n° 334 537 206, et pour elle son représentant légal y domicilié ès qualités

[…]

[…]

R e p r é s e n t é e p a r M e H a r a l d K N O E P F F L E R d e l a S C P V I A L – P E C H D E LACLAUSE-ESCALE-KNOEPFFLER-HUOT-PIRET- JOUBES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant substitué par Me Bernard VIAL de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-JOUBES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 27 Octobre 2020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 NOVEMBRE 2020, en audience publique, Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre

Madame Anne-Claire BOURDON, conseiller

Madame Marianne ROCHETTE, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Hélène ALBESA

ARRET :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

— signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, et par Madame Hélène ALBESA, greffier.

FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :

Par acte sous seing privé en date du 14 décembre 2015, la banque populaire du Sud a consenti à la SAS Bodega Jordi, exploitant à Cabestany un fonds de commerce de restaurant, un prêt d’un montant de 110 000 euros à 1,80 % sur 7 ans destiné au financement de travaux d’aménagement ; par actes séparés également datés du 14 décembre 2015, C D épouse X et B X, respectivement présidente de la société et directeur général de celle-ci, se sont rendus cautions solidaires du remboursement de ce prêt, dans la limite de la somme de 143 000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de 108 mois.

Par jugement du 7 décembre 2016, le tribunal de commerce de Perpignan a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Bodega Jordi convertie ultérieurement en liquidation judiciaire ; la banque populaire du Sud a, le 10 janvier 2017, déclaré sa créance entre les mains de M. Z, qui avait été désigné comme mandataire judiciaire, pour la somme de 96 513,96 euros, dont 96 370,95 euros au titre du prêt outre intérêts.

Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 2 mai 2017, reçues le 3 mars suivant, la banque a mis en demeure M. et Mme X de lui payer ladite somme de 96 370,95 euros.

N’obtenant pas le paiement escompté, la banque populaire du Sud a, par exploit du 11 juillet 2017, fait assigner M. et Mme X devant le tribunal de commerce de Perpignan qui, par jugement du 6 février 2018, a notamment dit que les engagements de caution souscrits par M. et Mme X étaient manifestement disproportionnés à leurs revenus et patrimoine, débouté en conséquence la banque populaire du Sud de l’ensemble de ses demandes et alloué aux défendeurs la somme de 1000 euros, qui leur sera versée par la demanderesse sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer comme il a fait, le tribunal a retenu que :

— lors de la souscription des cautionnements, M. et Mme X F, ensemble, d’un revenu fiscal de 65 724 euros, étaient propriétaires de leur résidence principale évaluée à 260 000 euros en 2017 et d’un bateau évalué à 25 000 euros et détenaient les parts d’une SCI Damajo propriétaire de deux locaux grevés d’emprunts,

— la banque n’a pas fait remplir aux cautions une fiche d’information sur la consistance de leurs revenus et patrimoine, ce qui lui aurait permis de s’apercevoir que les intéressés étaient directement ou indirectement déjà endettés auprès d’autres banques,

— en effet, M. et Mme X étaient redevables de trois prêts souscrits auprès du Crédit mutuel et de la BNP représentant plus de 146 000 euros de capital restant dû et étaient cautions solidaires pour quasiment 355 000 euros, chacun, d’engagements contractés par la SCI Damajo,

— ainsi, avant de se porter cautions de la société Bodega Jordi, M. et Mme X possédaient un patrimoine déséquilibré, comportant moins d’actif que de passif.

Par déclaration reçue le 5 mars 2018 au greffe de la cour, la banque populaire du Sud a régulièrement relevé appel de ce jugement.

La société MCS & associés est intervenue volontairement à l’instance, exposant que par acte du 18 décembre 2019, la banque populaire du Sud lui avait cédé ses créances sur la société Bodega Jordi et sur les cautions.

Dans le dernier état de ses conclusions déposées le 14 octobre 2020 via le RPVA, la banque populaire du Sud sollicite sa mise hors de cause et la condamnation de M. et Mme X à lui

payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société MCA & associés, dont les conclusions ont été déposées le 14 octobre 2020 par le RPVA, demande à la cour de lui donner acte de son intervention volontaire et de la déclarée recevable, de débouter Monsieur et Mme X de l’intégralité de leurs demandes et de les condamner solidairement à lui verser :

—  105 170 77 euros outre intérêts au taux contractuel de 1,08 % (sic) à compter du 14 avril 2017 au titre du prêt n° 08682277 en vertu de leurs engagements de caution du 14 décembre 2015 et dans la limite de 143 000 euros chacun,

—  3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

À l’appui de ses prétentions, elle fait valoir pour l’essentiel que :

— M. et Mme X ont refusé d’établir une attestation sur l’honneur concernant la nature et la valeur exacte de leur patrimoine au jour où ils se sont engagés,

— les intéressés dissimulent délibérément certains éléments de leur patrimoine puisque l’avis d’imposition 2015, qu’ils produisent, démontrent qu’ils perçoivent des revenus de capitaux mobiliers et des revenus fonciers,

— ils ne justifient pas la valeur réelle de leur résidence principale, la valeur de 260 000 euros étant celle qu’ils ont déclarée, et à la date de souscription des cautionnements, le capital restant dû au titre du prêt contracté auprès du Crédit mutuel n’était que de 77 255,14 euros,

— les autres engagements de caution invoqués ne peuvent être regardés comme un endettement et, à supposer même qu’ils puissent être considérés comme tel, le montant exact des dettes cautionnées en décembre 2015 n’est pas justifié,

— de même, l’affirmation de M. et Mme X selon laquelle ils restaient redevables d’une somme de 29 168 euros au titre d’un prêt contracté auprès de la BNP ne se trouve pas étayée et les sommes dues au jour des cautionnements au titre des prêts consentis à la SCI Damajo, dont ils sont cautions, ne sont pas, non plus, justifiées à défaut de production des tableaux d’amortissement des prêts,

— le patrimoine de M. et Mme X au jour où l’action a été engagée, en juillet 2017, leur permet, en toute hypothèse, de faire face à leurs engagements,

— la banque populaire du Sud a rempli son obligation d’information annuelle des cautions en l’état des lettres d’information, produites aux débats, sachant que l’article 5 des actes de cautionnement dispose qu’un système d’information a été programmé par la banque, la caution reconnaissant que la banque justifiera par cette seule constatation de l’accomplissement des formalités mises à sa charge par la loi,

— les cautions ont reçu les informations requises par l’assignation leur ayant été délivrée le 11 juillet 2017, ainsi que par les conclusions déposées devant la cour.

M. et Mme X, dont les dernières conclusions ont été déposées le 15 octobre 2020 par le RPVA, sollicitent, au visa des articles L. 314-18 et L. 313-23 du code monétaire et financier, de voir :

— déclarer irrecevable l’intervention volontaire de la société MCS & associés,

— en tout état de cause, dire et juger que la banque leur a fait souscrire un engagement manifestement

disproportionné par rapport à leurs biens et revenus,

— dire et juger que la banque ne rapporte pas la preuve de leur capacité à faire face à leur engagement de caution à la date du 11 juillet 2017,

— dire et juger en conséquence que la banque et la société MCS & associés ne peuvent se prévaloir des engagements de caution du 14 décembre 2015,

— confirmer en conséquence le jugement attaqué,

A titre subsidiaire,

— prononcer la déchéance du droit aux intérêts,

— dire et juger que les intérêts payés par la société Bodega Jordi s’imputeront sur le principal de la dette de la caution,

— dire et juger en conséquence que la créance de la banque et de la société MCS & associés sera réduit au titre du prêt à 103 514,10 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement (sic) à intervenir,

En tout état de cause,

— condamner in solidum la banque populaire du Sud et la société MCS & associés à leur payer la somme de 3000 euros à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent en substance ce que :

— leurs engagements de caution à la date du 14 décembre 2015 sont manifestement disproportionnés, puisque leurs biens et revenus totalisaient alors 363 966 euros (bateau, maison d’habitation, parts de la SCI Damajo, salaires perçus en 2015, plus-value de cession de valeurs mobilières, revenus fonciers), tandis que leur passif représentait un total de 1 142 796 euros (impôts 2015, prêt Crédit mutuel restant dû en novembre 2015, engagements de caution sur les prêts consentis à la SCI Damajo en 2007 et 2011, engagements de caution sur le prêt consenti à la société Bodega Jordi),

— en juillet 2017, ils n’avaient plus d’emploi, ne percevant que des indemnités de chômage pour M. X et des indemnités journalières de maladie pour Mme X, et leur passif, tel qu’enregistré auprès de la commission de surendettement des particuliers des Pyrénées-Orientales qu’ils ont dû saisir, s’élevait à 310 365 euros,

— les revenus fonciers, qu’ils perçoivent, ne servent qu’à rembourser les prêts contractés auprès du Crédit Agricole, les locaux acquis par la SCI Damajo ayant été depuis vendus à perte, de même que leur bateau,

— ils ne peuvent dès lors être considérés comme pouvant faire face à leurs engagements à la date à laquelle ils ont été assignés en paiement devant le tribunal de commerce,

— ils n’ont pas reçu les lettres d’information du 4 mars 2016, que la banque leur aurait adressées, et qui ne sont d’ailleurs pas conformes aux dispositions de l’article L. 313-22 du code monétaire et financier, puisqu’elles ne visent pas le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre 2015,

— la clause contenue dans les actes de cautionnement, dont se prévaut la société MCS & associés, est illicite dès lors qu’elle opère un renversement de la charge de la preuve de l’envoi effectif de

l’information, qui incombe à la banque,

— la sanction de la déchéance du droit aux intérêts conduit à réduire la créance à la somme de 105 170, 77 euros – 1566,67 euros = 103 594,10 euros.

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 27 octobre 2020.

MOTIFS de la DECISION :

1-la cession de la créance sur M. et Mme A et l’intervention volontaire de la société MCS & associés :

L’existence d’une convention dite de cession de portefeuille de créances intervenue le 18 décembre 2019 entre la banque populaire du Sud et la société MCS & associés se trouve justifiée par la pièce n° 13, produite aux débats par l’intervenant volontaire, ladite convention visant en annexe la créance référencée 086682277, qui correspond précisément aux cautionnements du prêt consenti le 14 décembre 2015 par la banque, ayant été déposée au rang des minutes de Me Martin, huissier de justice à Paris, qui en a dressé procès-verbal le 13 juin 2020 ; il convient, dans ces conditions, de déclarer recevable l’intervention volontaire de la société MCS & associés, cessionnaire de la créance sur M. et Mme X initialement détenue par la banque populaire du Sud.

2-le caractère manifestement disproportionné des cautionnements :

L’article L. 313-10 du code de la consommation, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose qu’un établissement de crédit, une société de financement, un établissement de monnaie électronique, un établissement de paiement ou un organisme mentionné au 5 de l’article L. 511-6 du code monétaire et financier ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement d’une opération de crédit relevant des chapitres Ier ou II du présent titre, conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; à cet égard, il est de principe que la disproportion doit être appréciée au jour de la signature de l’acte au regard de tous les biens et revenus existant à cette date et de l’endettement global de la caution et que la charge de la preuve de la disproportion manifeste au jour de la souscription de l’engagement incombe à la caution.

En l’occurrence, lors de la souscription des cautionnements litigieux, le 14 décembre 2015, M. et Mme X étaient mariés sous le régime de la communauté légale et le cautionnement souscrit par l’un l’a été avec le consentement exprès de l’autre, dans la limite de la somme de 143 000 euros chacun, sur une durée de 108 mois, soit neuf ans.

Si la banque populaire du Sud n’a pas fait remplir aux époux X une fiche de renseignements décrivant la consistance de leur patrimoine, de leurs revenus et des dettes par ailleurs contractées, il ne peut lui en être fait le reproche, alors qu’il appartient à la caution de rapporter la preuve du caractère manifestement disproportionné de son engagement au moment où celui-ci a été souscrit.

En 2015, M. et Mme X ont déclaré, au titre de leurs revenus de l’année 2014, une somme totale de 71 373 euros, soit 57 207 euros de salaires et assimilés et 14 166 euros de revenus fonciers ; ils exploitaient alors une SAS Adhap, ayant pour activité les services d’aide à la personne, dont ils ont cédé les 7500 actions formant l’intégralité du capital social, moyennant le prix de 206 000 euros, par acte sous seing privé du 5 mars 2015, réitéré le 3 avril 2015 ; il résulte de leur avis d’imposition 2016, qu’ils ont déclaré, au titre de leurs revenus de l’année 2015 durant laquelle les cautionnements

ont été souscrits, un revenu global de 54 646 euros correspondant à des salaires et assimilés pour 24 888 euros, des revenus fonciers pour 5360 euros et des revenus de capitaux mobiliers imposables pour 51 207 euros représentant la plus-value de cessions de leurs actions de la société Adhap, déduction faite de la fiscalité relative à l’opération de cession des actions, chiffrée à 26 809 euros.

Ils avaient retiré de la cession de leurs actions de la société Adhap, en avril 2015, une somme de 206 000 euros, mais avaient dû régler, au titre de leur garantie de passif, le montant d’un redressement fiscal pour 45 292 euros et avaient réalisé un apport en capital de 40 000 euros à la société Bodega Jordi, outre divers apports en comptes-courant d’associés pour financer les travaux d’aménagement du restaurant et payer les premiers loyers pour 47 433 euros, ce qui leur laissait donc, en décembre 2015, un reliquat de 73 375 euros sur le prix de cession des actions.

En décembre 2015, M. et Mme X détenaient également l’intégralité des parts sociales d’une SCI Damajo, propriétaire d’un local commercial situé à Perpignan acquis le 21 juin 2007 au prix de 102 000 euros et d’un local à usage d’activités médicales situé à Cabestany acquis le 17 mars 2011 au prix de 132 756 euros ; aucune indication, ni justification ne sont fournies relativement à la valeur des parts sociales de la SCI, indépendamment du fait que l’acquisition des locaux, dont elle était propriétaire, avait été intégralement financée, en 2007 et 2011, au moyen de prêts contractés auprès du Crédit Agricole.

En outre, M. et Mme X étaient propriétaires de leur maison d’habitation, qu’ils évaluent eux-mêmes à 260 000 euros ; cette évaluation n’est pas confirmée par un professionnel de l’estimation immobilière, hormis le fait que sont produits aux débats des mandats de vente d’agences immobilières, datées d’avril et de mai 2018, visant une mise en vente du bien à 256 000 euros et 258 000 euros ; ils possédaient également un bateau (un bateau type in bord, de marque Mercruiser de 260 chevaux) estimé à 25 000 euros.

Au titre du passif, les époux X avaient contracté, pour l’acquisition de leur maison d’habitation, un prêt de 120 000 euros à 4,40 % sur 20 ans auprès du crédit mutuel, le 17 juillet 2006, prêt dont l’amortissement avait été renégocié aux termes d’un avenant à effet du 11 octobre 2015, et sur lequel restait dû un capital de 78 632,34 euros au 10 décembre 2015 ; il n’y a pas lieu d’ajouter à cette somme celle de 23 731,47 euros, qui représente le coût total du crédit sur la période de novembre 2015 à novembre 2026, alors que le prêt considéré est remboursable par anticipation, le remboursement correspondant alors au montant emprunté déduction faite du capital déjà remboursé sur les échéances payées, mais augmenté d’une indemnité égale à un semestre d’intérêts sur le capital remboursé au taux de 3 %.

M. et Mme X avaient également contracté, le 2 novembre 2009, un prêt « Eco-Energie » de 27 500 euros auprès de la Sofiac sur lequel restait dû 15 840,61 euros en novembre 2015.

Enfin, ils s’étaient rendus cautions solidaires du prêt de 113 000 euros sur 12 ans contracté en septembre 2007 par la SCI Domajo auprès du Crédit Agricole dans la limite, chacun, de 151 725 euros et du prêt de 170 000 euros sur 15 ans contracté en janvier 2011 par la SCI également auprès du Crédit agricole, dans la limite, chacun, de 204 000 euros ; pour autant, s’il doit être pris en considération, l’endettement éventuel de la caution résultant également d’engagements de caution existants lors de la souscription du cautionnement litigieux, il n’en demeure pas moins que le montant de l’endettement éventuel, dont il y a lieu de tenir compte, est celui de la dette cautionnée au moment de la souscription du cautionnement, pour lequel la caution encourt le risque d’être poursuivie ; or, en l’espèce, aucune indication, ni justification ne sont fournies relativement au montant restant à rembourser en décembre 2015 sur les deux prêts contractés en 2007 et 2011 auprès du Crédit Agricole et donc, les sommes susceptibles d’être réclamées à M. et Mme X en tant que cautions de la SCI Domajo lorsqu’ils ont souscrit, le 14 décembre 2015, les cautionnements litigieux ; le seul élément, dont dispose la cour, est le tableau d’amortissement rectificatif adressé, le 12 juin 2017, à la SCI Damajo par le Crédit Agricole, dont il ressort que le capital restant dû au titre

du prêt contracté en 2007 était au 10 juillet 2017 de 20 019 euros, sans commune mesure avec le cautionnement souscrit, pour chacun des époux, à hauteur de 151 725 euros.

Il résulte de ce qui précède que lors de la souscription des cautionnements, le 14 décembre 2015, M. et Mme X F de biens et revenus évalués globalement à 413 000 euros (54 646 euros + 73 375 euros + 260 000 euros + 25 000 euros) et avaient principalement pour dettes les deux emprunts contractés auprès du crédit mutuel et de la Sofiac représentant alors un montant à rembourser de 94 472 euros ; il ne peut être tenu compte du cautionnement des prêts consentis à la SCI Domajo par le Crédit agricole, alors que le montant des dettes cautionnées en décembre 2015 n’est pas connu, et la valeur à cette date des droits sociaux détenus par M. et Mme X dans la SCI Domajo n’est pas davantage justifiée ; dans ces conditions, la preuve n’est pas rapportée de ce que les cautionnements souscrits par les intéressés auprès de la banque populaire du Sud dans la limite, chacun, de 143 000 euros, étaient effectivement, lors de leur souscription, manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus, peu important qu’à la date à laquelle ils sont poursuivis, ils ne soient pas en mesure de faire face à leur obligation.

3- l’exécution par la banque de son obligation d’information vis-à-vis de la caution :

La société MCS & associés, venant aux droits de la banque populaire du Sud, ne justifie pas que la banque a satisfait à son obligation d’information découlant de l’article L. 313-22 du code monétaire et financier, qui lui imposait de faire connaître à M. et Mme X avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation garantie ; elle se borne, en effet, à communiquer la copie de deux lettres d’information, qui leur auraient été adressées le 4 mars 2016, mais ne démontre pas l’envoi effectif de ces lettres à leurs destinataires ; elle ne peut, non plus, se prévaloir de l’article 5 des actes de cautionnement qui, après avoir indiqué qu’un système d’information a été programmé par la banque pour informer périodiquement les cautions en application des dispositions légales, énonce que la caution reconnaît que la banque justifiera par cette seule constatation de l’accomplissement des formalités mises à sa charge par la loi ; une telle stipulation, qui crée une présomption selon laquelle la banque a satisfait à son obligation d’information par le seul constat de l’existence d’un système programmé d’information, opère ainsi un renversement de la charge de la preuve et est donc contraire aux dispositions d’ordre public de l’article L. 313-22 susvisé ; la société MCS & associés ne peut davantage prétendre que les époux X ont été informés par l’assignation du 11 juillet 2017, délivrée postérieurement au 31 mars 2017, ou même par ses dernières conclusions déposées le 14 octobre 2020.

La sanction de la déchéance des intérêts échus est dès lors encourue à compter de la date à laquelle l’information aurait dû être donnée pour la première fois aux cautions, soit à compter du 31 mars 2016, ce dont il résulte, en l’état du tableau d’amortissement du prêt, produit aux débats, que la somme de 105 160,77 euros réclamée doit être diminuée des intérêts dont la déchéance est prononcée (1368,19 euros) et des intérêts comptabilisés sur la période du 22 décembre 2016 au 13 avril 2017 (527,92 euros), soit un solde restant dû de 103 264,66 euros retenu pour 103 594,10 euros conformément à la demande, au paiement duquel M. et Mme X doivent être condamnés solidairement avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.

4- les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, M. et Mme X doivent être condamnés, avec la même solidarité, aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à payer à la société MCS & associés la somme de 2000 euros au titre des frais non taxables que celle-ci a dû exposer, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; il n’y a pas lieu, par contre, de faire application de ce texte au profit de la banque populaire du Sud.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Perpignan en date du 6 février 2018 et statuant à nouveau,

Déclare recevable l’intervention volontaire de la société MCS & associés, venant aux droits de la banque populaire du Sud,

Condamne solidairement B X et C D épouse X à payer à la société MCS & associés la somme de 103 594,10 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt,

Met hors de cause la banque populaire du Sud,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne, avec la même solidarité, M. et Mme X aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à payer à la société MCS & associés la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président

JLP

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