Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 4 novembre 2020, n° 20/00797

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 2e ch. soc., 4 nov. 2020, n° 20/00797
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 20/00797
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Béziers, 9 janvier 2020, N° 18/00033
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

PC/JPM

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 04 NOVEMBRE 2020

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00797 – N° Portalis

DBVK-V-B7E-OQI7

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 10 JANVIER 2020

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BEZIERS N° RG 18/00033

APPELANT :

Monsieur B A

de nationalité Française

[…]

[…]

Représenté par Me J-michel CHARBIT de la SCP JURI-OC, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

SARL AMF

[…]

[…]

Représentée par Me Bernard BORIES de la SCP MAGNA BORIES CAUSSE CHABBERT CAMBON, avocat au barreau de BEZIERS

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 14 Septembre 2020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 SEPTEMBRE 2020,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. J-Pierre MASIA, Président, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. J-Pierre MASIA, Président

Mme H DUCHARNE, Conseillère

Monsieur D E, X

Greffier, lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

— CONTRADICTOIRE.

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ;

— signé par M. J-Pierre MASIA, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Le 30 septembre 2006, Monsieur F G et Madame H A, née Y, ont constitué la sarl Amf, qui avait pour objet la maintenance et le dépannage de tout appareil thermique et de climatisation, la mise en service et la maintenance de tout appareil d’énergie renouvelable et le dépannage de tout type d’appareil électrique et de climatisation.

Le 1er octobre 2006, Monsieur B A a été embauché à temps partiel par la société Amf en qualité de technicien.

Par avenant du 1er janvier 2012, la durée du travail de Monsieur B A a été portée à temps complet.

Le 16 octobre 2015, le contrat de travail du salarié a pris fin en vertu d’une rupture conventionnelle signée le 8 septembre 2015.

Le 22 septembre 2015, Madame H A a cédé l’intégralité de ses parts dans la société Amf à Monsieur F G.

Le 18 novembre 2015, Monsieur B A a immatriculé la sasu K&Cie Services, ayant pour activité les travaux d’installation d’équipements thermiques et de climatisation.

Le 23 mars 2018, la société Amf a saisi le conseil de prud’hommes de Béziers aux fins d’expertise, lequel, par ordonnance du 22 juin 2018, a nommé Monsieur I Z avec pour mission d’examiner la comptabilité et les contrats d’abonnements de la sarl Amf de 2015 à 2017, de dire depuis quelle date la sarl Amf a connu une baisse de son

chiffre d’affaires, d’examiner la comptabilité de la société K&Cie Services de 2015 à 2017, d’examiner le nom des clients ayant souscrit un abonnement en 2016, de donner tous les éléments utiles au chiffrage du préjudice s’il en existe, pour la période de 2015 à 2017, a dit que les frais liés à l’expertise comptable et les dépens seront à la charge respective des parties pour moitié, a fixé la consignation par provision à hauteur de 4000 € à la charge respective des parties pour moitié, a dit que l’expert devra déposer son rapport avant le vendredi 7 décembre 2018, date à laquelle l’affaire sera rappelée.

Par ordonnance de changement d’expert du 30 janvier 2019, la présidente du conseil de prud’hommes de Béziers a désigné, en lieu et place de Monsieur Z, Monsieur J-K L.

Le 12 juillet 2019, l’expert a déposé son rapport d’expertise.

Par ordonnance du 10 janvier 2020, le conseil de prud’hommes de Béziers a entériné le rapport de l’expert, a renvoyé les parties devant la section compétente, a dit que l’équité ne commandait pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile et a réservé les dépens.

C’est l’ordonnance dont Monsieur B A a régulièrement interjeté appel.

Par ordonnance du 19 février 2020, le président de la deuxième chambre sociale de la présente juridiction a fixé l’affaire à bref délai.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur B A demande à la cour de réformer l’ordonnance de référé dont appel, à titre principal de dire et juger l’action de la société Amf prescrite, à titre subsidiaire de dire et juger que le juge des référés ne peut entériner les conclusions du rapport d’expertise, dont l’interprétation avec les autres faits de l’espèce relèvent du pouvoir souverain des juges du fond, de dire et juger qu’il existe des contestations sérieuses sur le fond du dossier, en tout état de cause de débouter la sarl Amf de l’ensemble de ses demandes et de la condamner à la somme de 2000 € au titre l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens et frais d’expertise.

La sarl Amf demande à la cour de confirmer l’ordonnance dont appel en ce qu’elle s’est déclarée compétente et a homologué le rapport d’expertise, de faire droit à l’appel incident, de condamner Monsieur A au paiement de la somme provisionnelle de 50 000 € en réparation du préjudice lié à son action de concurrence déloyale, subsidiairement de le condamner à la somme de 41 000 €, de le condamner aux frais d’expertise, de le condamner au paiement de la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

***

L’ordonnance de clôture est intervenue le 14 septembre 2019.

***

SUR CE

I] Sur la prescription

L’appelant fait valoir que l’action de la société Amf est prescrite puisque l’obligation visée tenant à l’exécution déloyale du contrat de travail répond à une prescription biennale.

L’intimée soutient en réplique que la prescription ne peut être soulevée en cause d’appel en lecture d’une ordonnance rendue dans le prolongement de la précédente ayant ordonné l’expertise, que ce contentieux relevant de la responsabilité délictuelle, la prescription quinquennale trouve dès lors à s’appliquer.

La fin de non-recevoir que constitue la prescription pouvant être proposée en tout état de cause et la société Amf ayant exercé devant les premiers juges une action en concurrence déloyale, le fondement délictuel de l’action induit une prescription quinquennale de l’action.

Par suite, la demande de Monsieur B A tenant à la prescription de l’action de la société Amf doit être rejetée.

II] Sur les contestations sérieuses au fond

Aux termes de l’article R 1455-5 du code du travail, dans tous les cas d’urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud’hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

Monsieur B A soutient que le juge des référés ne peut entériner un rapport d’expertise, surtout en présence de contestations sérieuses tenant tant aux investigations d’expertise qu’aux agissements reprochés. Sur ce dernier point, il fait valoir qu’il n’a pas démarché les clients de la société Amf avant la fin de son contrat de travail, que l’employeur lui avait volontairement remis une liste de clients (tandis que son épouse, Mme H A, cédait à vil prix à ce dernier ses parts dans la société Amf) et que la liberté de travail lui permettait, à l’issue de son contrat, de constituer une société d’activité similaire à celle de son employeur.

La société Amf expose en défense que, nonobstant l’absence d’une clause de non-concurrence, le salarié a commis des manoeuvres constitutives d’une concurrence déloyale, et plus précisément un détournement de clientèle, et qu’elle ne lui a pas cédé le fichier de clients que le salarié produit aux débats. Elle expose que le rapport d’expertise est parfaitement clair et qu’il est évident à sa lecture qu’elle a dû faire face aux agissements de Monsieur B A.

En l’espèce, il est établi que postérieurement à la rupture de son contrat de travail Monsieur B A a immatriculé une société dont l’activité était similaire à celle de la société Amf.

La cour relève qu’aucune des parties ne se prévaut de la clause de non-concurrence insérée au contrat de travail (non signé par l’employeur mais non contesté par lui) que produit Monsieur B A. L’absence d’invocation de cette clause ne fait pas obstacle à l’action en responsabilité engagée par la société Amf contre son ancien salarié dès lors qu’elle démontre que ce dernier s’est livré à des actes de concurrence déloyale à son égard.

Si rien ne corrobore le fait que le fichier de clients produit par l’appelant lui ait effectivement été cédé par la société Amf, il résulte du reste du dossier une contestation sérieuse quant aux actes de concurrence déloyale qu’aurait commis

Monsieur B A.

En premier lieu, de nombreux clients de la société K&Cie Services rapportent, aux termes d’attestations dont la forme n’est pas contestée par l’intimée, avoir fait appel aux services de Monsieur B A après son départ de la société Amf.

En deuxième lieu, outre les courriels émanant de sa propre secrétaire (ne rapportant qu’indirectement les dires de clients), les seuls courriers de clients produits par la société Amf en réponse établissent seulement que, postérieurement à la rupture du contrat de travail, certains des clients de la société avaient décidé de confier la maintenance de leurs appareils à l’appelant. S’il est curieux que la mairie de Puissalicon ait déclaré, le jour même de la rupture du contrat de travail du salarié, avoir été contactée par Monsieur B A et lui confier dorénavant ses contrats d’entreprise, ce courrier ne caractérise pas, en tant que tel, un démarchage que le salarié aurait réalisé pendant la relation de travail.

En dernier lieu, si le rapport d’expertise met effectivement en lumière une considérable baisse de chiffre d’affaires de la société Amf entre fin 2015 et 2017, ainsi qu’un départ de plusieurs clients de la société Amf vers la société K&Cie Services, il n’établit pas pour autant que ces éléments s’expliquent par un détournement de clientèle. S’il était de sa mission d’évaluer un préjudice 's’il existe', l’expert a d’ailleurs pris soin de préciser (page 11 de son rapport) que sa mission telle qu’énoncée dans l’ordonnance de désignation 'ne demande pas à l’expert de dire s’il y a eu détournement de clientèle'. Au surplus, l’appelant conteste la méthodologie retenue par l’expert, s’agissant notamment de la notion de client retenue par ce dernier qu’il juge peu pertinente pour éclairer l’existence d’un détournement de clientèle.

Il s’en suit qu’il existe une contestation sérieuse sur l’existence d’une concurrence déloyale qu’aurait commise l’appelant.

La demande formulée à ce titre par Monsieur B A sera accueillie. L’ordonnance entreprise sera donc infirmée en ce qu’elle a entériné les conclusions de l’expert et retenu l’existence d’une contestation sérieuse sur le seul quantum du préjudice.

Il apparaît équitable d’allouer à Monsieur B A la somme de 1000€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme l’ordonnance déférée et statuant à nouveau,

Dit que l’action de la société Amf introduite devant le conseil de prud’hommes le 23 mars 2018 n’est pas prescrite,

Constate l’existence d’une contestation sérieuse

Dit n’y avoir lieu à référé et renvoie la sarl AMF à mieux se pourvoir

Condamne la sarlAmf à payer à Monsieur B A la somme de 1000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

La condamne aux dépens de l’instance.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Textes cités dans la décision

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  2. Code du travail
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