Cour d'appel de Nancy, 1ère chambre, 11 février 2020, n° 15/01917

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nancy, 1re ch., 11 févr. 2020, n° 15/01917
Juridiction : Cour d'appel de Nancy
Numéro(s) : 15/01917
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Épinal, 16 avril 2015, N° 15/359
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D’APPEL DE NANCY

première chambre civile

ARRÊT N° /2020 DU 11 FEVRIER 2020

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 15/01917 – N° Portalis DBVR-V-B67-DQOJ

Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Grande Instance d’EPINAL, R.G. n°15/359, en date du 17 avril 2015,

APPELANTE :

Madame B N G, veuve X

domiciliée […]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉES :

Madame J X

née le […] à […]

domiciliée […]

Représentée par Me Joëlle FONTAINE substituée par Me Ariane MILLOT-LOGIER de l’AARPI MILLOT-LOGIER FONTAINE, avocats au barreau de NANCY

Madame K X, épouse Y

née le […] à […]

domiciliée 34 quai L le Lorrain – 54000 NANCY

Représentée par Me Joëlle FONTAINE substituée par Me Ariane MILLOT-LOGIER de l’AARPI MILLOT-LOGIER FONTAINE, avocats au barreau de NANCY

Madame L X, épouse Z

née le […] à […]

domiciliée […]

Représentée par Me Joëlle FONTAINE substituée par Me Ariane MILLOT-LOGIER de l’AARPI MILLOT-LOGIER FONTAINE, avocats au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 19 Novembre 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Yannick A, Conseiller chargé du rapport, présidant l’audience, et Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Isabelle FOURNIER ;


Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à


A l’issue des débats, M. A a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 11 Février 2020, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Vincent TOTARO, Président de Chambre, désigné par ordonnance de Monsieur Le Premier Président de la Cour d’Appel de NANCY en date du 15 novembre 2019,

Monsieur Yannick A, Conseiller,

Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 11 Février 2020, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Monsieur TOTARO, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;

FAITS ET PROCÉDURE :

M. M X, né le […], époux en secondes noces de Mme B-N G, est décédé à C, le […], laissant pour lui succéder sa seconde épouse et ses trois enfants issus de son mariage avec sa première épouse, Mme O P :

— Mme J X, née le […].

— Mme K X, épouse Y, née le […].

— Mme L X, épouse Z, née le […].

M. M X avait testé en faveur de Mme B-N G par testament olographe du 3 novembre 2006.

Par acte 17 juin 2013, les trois enfants de M. M X ont fait assigner Mme B-N G devant le tribunal de grande instance d’Epinal pour voir ordonner l’ouverture des opérations de comptes, liquidation, partage des successions de leur père et de sa première épouse, Mme O P, décédée à Epinal le […], ainsi que de la communauté ayant existé entre eux. Ils demandaient encore au tribunal :

— de désigner Me Céline Cézard-Michel, notaire à Raon L’Etape, pour procéder à ces opérations, et de l’autoriser à consulter le fichier FICOBA pour inventorier les comptes personnels et indivis des époux X-G ;

— d’enjoindre aux banques C.I.C., Caisse d’Epargne et Crédit Agricole de communiquer au notaire ainsi commis, dans un délai d’un mois, et sous astreinte de 50 € par jour de retard, le nom et les coordonnées des bénéficiaires des sommes excédant 1.000 € prélevées sur les comptes du défunt ;

— d’enjoindre à ces mêmes établissements bancaires et aux sociétés d’assurance Aviva, Generali Vie et Generali Patrimoine de communiquer au notaire commis tous les contrats d’assurance-vie souscrits par M. M X ou payés par lui, le nom de leurs bénéficiaires, le montant des primes versées et du capital perçu ;

— de dire que le notaire commis devrait rechercher si des libéralités avaient été faites à des héritiers, les rapporter à la succession, et les déduire si elles portaient atteinte à la réserve, dresser la liste des assurances-vie souscrites par le défunt, déterminer le montant des primes versées et du capital octroyé au bénéficiaire pour chacune d’elles ;

— de dire que par son testament, le défunt avait entendu inclure le produit de ces assurances-vie dans sa succession de sorte qu’il devrait être rapporté à la succession et réduit en cas d’atteinte à la réserve ;

— d’ordonner la licitation par le notaire commis des biens immobiliers, maison d’habitation et terres dépendant de la succession de M. M X ;

— d’ordonner la mise en oeuvre d’une expertise judiciaire comptable, et de confier à l’expert qui serait désigné la mission suivante :

* se faire communiquer les résultats de la consultation du fichier FICOBA ;

* se faire communiquer les décomptes bancaires et le justificatif des mouvements des comptes personnels et indivis des époux X-G ;

* procéder à l’inventaire des comptes bancaires personnels et indivis des époux X-G durant la période du 1er janvier 2005 au […], et décrire les mouvements de ces comptes ;

* préciser les sommes ou biens supérieurs à 1.000 € éventuellement reçus du défunt par un héritier ;

* énumérer les assurances-vie souscrites par le défunt, préciser leur date de souscription, le bénéficiaire des contrats, le montant du capital et celui des primes versées ;

— de dire que l’expert ne pourra se voir opposer le secret bancaire dans le cadre de sa mission ;

— de condamner Mme B-N G à payer à chacun d’eux la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 17 avril 2015, le tribunal ainsi saisi, après avoir rejeté la demande de sursis à statuer formée par Mme B-N G, a :

— ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation, partage des successions de M. M X et de Mme O P, ainsi que de la communauté ayant existé entre eux ;

— désigné pour ce faire le président de la chambre des notaires des Vosges avec faculté de délégation,

excepté au bénéfice de Me Cezard-Michel, notaire à Raon L’Etape ;

— fait injonction d’une part aux banques C.I.C., Caisse d’Epargne Lorraine-Champagne-Ardennes, Caisse régionale de Crédit Agricole Alsace-Vosges, d’autre part aux sociétés d’assurance Aviva Vie, Generali Vie et Generali Patrimoine de communiquer aux parties, par l’intermédiaire du notaire commis, tous les contrats d’assurance-vie souscrits par M X, ou payés par lui, le nom de leur bénéficiaire, le montant des primes versées et du capital décès perçu ;

— dit que le notaire commis devrait procéder à ses opérations en consultant le fichier FICOBA pour les comptes personnels et indivis ou communs de M X, et se faire remettre par les banques les relevés de comptes bancaires dont il était titulaire au moment de son décès ;

— dit que le notaire devrait communiquer aux parties les éléments ainsi recueillis ;

— dit que le capital versé au titre des contrats d’assurance-vie éventuellement souscrits par M X auprès de la Caisse d’Epargne de Lorraine, de la Société Nancéienne Warin Barnier et de la Caisse régionale de Crédit Agricole Alsace-Vosges faisait partie de l’actif de sa succession ;

— débouté la partie demanderesse de sa demande tendant à voir appliquer à Mme B-N G les peines du recel successoral en ce qui concernait la somme de 116.775,31 € ;

— ordonné la vente par licitation de la maison d’habitation et des parcelles de terre qui, situées sur le territoire de la commune de Raon L’Etape, faisaient partie de l’indivision successorale ;

— rejeté la demande d’expertise comptable formée par la partie demanderesse ;

— dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses motifs, le tribunal a considéré que le testament de M. X devait s’interpréter comme exprimant la volonté de son auteur d’inclure dans sa succession le capital versé à son décès en exécution des contrats d’assurance-vie visés dans ce testament, et que la preuve du recel successoral reproché à Mme G n’était pas rapportée.

Par déclaration reçue au greffe de la cour, le 3 juillet 2015, Mme B-N G a relevé appel de ce jugement pour demander à la cour de dire que le capital versé au titre des contrats d’assurance-vie souscrits par M. M X ne faisait pas partie de l’actif de sa succession, de confirmer pour le surplus la décision déférée, de débouter les consorts X de toutes leurs demandes, et de les condamner in solidum, outre aux entiers dépens, à lui payer la somme de 8 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 19 octobre 2016, le conseiller de la mise en état a :

— ordonné l’exécution provisoire du jugement du 17 avril 2015 en ce qu’il avait fait injonction aux banques CIC, Caisse d’Epargne et Crédit Agricole d’une part, aux sociétés d’assurance Aviva, Generali Vie et Generali Patrimoine d’autre part, de communiquer aux parties, par l’intermédiaire du notaire commis, tous les contrats d’assurance-vie souscrits par M. M X, ou payés par lui, le nom de leur bénéficiaire, le montant des primes et du capital décès perçu ;

— ordonné le dépôt au greffe de la cour de l’original du testament olographe souscrit par M. M X le 3 novembre 2006 ;

— ordonné le dépôt au greffe de la cour, par Me H, notaire à Raon L’Etape, de l’original du testament olographe souscrit par M. M X, le 9 septembre 2006, et enregistré au fichier central par ses soins.

Par ordonnance du 8 novembre 2017, le conseiller de la mise en état a ordonné sous astreinte à Me H de produire l’original du testament olographe du 9 septembre 2006, et rappelé à Me I qu’il lui appartenait de réclamer aux établissements bancaires et aux assureurs énumérés dans le jugement du 17 avril 2015 tous les contrats d’assurance-vie souscrits par M. X, ou payés par lui, le nom de leur bénéficiaire, ainsi que le montant des primes versées et du capital décès perçu.

Par ordonnance du 23 janvier 2019, le conseiller de la mise en état a ordonné sous astreinte à la société Aviva Vie, à la Caisse d’Epargne de Lorraine Champagne Ardennes et à la société d’assurances Generali de communiquer intégralement le montant des primes versées par M. M X en exécution des contrats souscrits par lui auprès de ces établissements.

Dans ses dernières conclusions au fond, Mme G demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a dit que le capital versé en exécution des contrats d’assurance-vie souscrits par M. M X auprès de la caisse d’épargne de Lorraine, de la société nancéienne Warin Bernier, et de la caisse régionale de crédit agricole Alsace Vosges faisait partie de l’actif de la succession, mais de le confirmer pour le surplus et, en conséquence :

— de débouter les intimées de leur demande d’expertise graphologique, comptable et technique, ainsi que de leur demande de condamnation sous astreinte relative aux assurances-vie, ainsi que de leur demande relative au recel de succession ;

— de déclarer irrecevable comme prescrite la demande relative à la reddition de comptes pour la période antérieure au décès de M. X, à tout le moins mal fondée ;

— de débouter les intimées de leurs prétentions, et de les condamner in solidum, outre aux dépens, à lui payer la somme de 8 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son recours, elle rappelle que si, en vertu d’un arrêt de la cour de cassation du 8 juillet 2010, le de cujus peut inclure dans l’actif de sa succession le capital de l’assurance-vie qu’il a souscrite, il importe que sa volonté d’agir en ce sens soit établie sans ambiguïté, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, contrairement à ce qu’a décidé le tribunal en dénaturant les termes de son testament du 3 novembre 2006 dont elle souligne l’antérioriré par rapport à l’arrêt précédemment cité ; qu’au contraire, le souci de son époux était de la mettre à l’abri du besoin au cas où il viendrait à décéder.

Par ailleurs, elle se défend de s’être rendue coupable du délit civil de recel successoral, son époux qui participait aux charges du mariage en alimentant le compte joint ne lui ayant pas consenti de procuration sur ses comptes personnels. Elle ajoute que toute demande d’expertise comptable de la part de la partie adverse ne consisterait qu’à pallier la carence de celle-ci dans l’administration de la preuve.

Les intimées répliquent qu’avant et après le décès de M. X, l’appelante a abusé de l’utilisation des comptes joints dont la provision ne lui appartenait pas en imitant la signature de son époux, et qu’elle doit rendre compte de sa gestion dans la mesure où les comptes ouverts dans les livres de la banque CIC lui sont devenus personnels alors qu’ils étaient alimentés par les seules ressources de son conjoint ; qu’en outre, son attitude ayant consisté à refuser de produire les contrats d’assurance-vie souscrits par le défunt doit s’analyser comme un recel, étant précisé que si de tels contrats ne font pas partie de l’actif successoral, il en va autrement lorsque les primes sont manifestement exagérées par rapport aux facultés du souscripteur, ou lorsque le de cujus en a décidé autrement, notamment en mentionnant dans son testament un capital décès.

Dès lors, elles concluent à la confirmation du jugement déféré, mais forment appel incident pour demander à la cour :

— de constater que les contrats d’assurance-vie n’ont pas été produits avec toutes leurs annexes nécessaires, et de liquider au besoin les astreintes prononcées par le conseiller de la mise en état ;

— d’ordonner la réintégration du produit des assurances-vie, des comptes de placement et des revenus de la SACEM dans l’actif successoral, et dire que ces sommes devront être partagées entre les héritières ab intestat sans que Mme G puisse y prétendre ;

— subsidiairement, de constater que compte tenu des actifs, les legs consentis portent atteinte à la réserve et en ordonner la réduction ;

— d’ordonner la restitution par la mandataire et cotitulaire des comptes joints de la somme de 147 700 € prélevées sur ces comptes, et pour lesquels il n’a pas été fait de reddition ;

— subsidiairement, d’ordonner sous astreinte à Mme G de produire les documents justificatifs des opérations bancaires de plus de 1 000 € effectuées sur les comptes ouverts dans les livres de la banque CIC et de la Caisse d’Epargne ;

— très subsidiairement, d’ordonner une expertise graphologique afin de vérifier la signature du défunt et celle de Mme G sur les pièces n° 45 à 47 ter et 70 à 72, ainsi qu’une expertise comptable et technique afin de décrire et vérifier le fonctionnement des comptes du défunt ;

— en tout état de cause, de condamner Mme G, outre aux entiers dépens, à leur payer la somme de 4 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’affaire a été clôturée par ordonnance de mise en état du 5 novembre 2019.

MOTIFS DE LA DECISION.

Un contrat d’assurance-vie, dont les effets dépendent de la durée de la vie humaine et qui comporte donc un aléa, ne peut être qualifié de libéralité. C’est pourquoi, en application des dispositions de l’article L.132-12 du code des assurances, le capital versé par l’assureur, au titre du contrat d’assurance-vie, payable au décès de l’assuré à un bénéficiaire déterminé, ou à ses héritiers, ne fait pas partie de la succession de l’assuré. En vertu de l’article L.132-13 du même code, le contrat d’assurance-vie n’est soumis aux règles du rapport et de la réduction, et donc au régime des libéralités, que lorsque les primes versées étaient manifestement exagérées, auquel cas ce sont les primes qui sont rapportables ou réductibles, et non les capitaux perçus.

Toutefois, aucune dispositon légale n’interdit au souscripteur de replacer le bénéficiaire de l’assurance-vie dans le droit commun successoral et de désigner un bénéficiaire dans une intention libérale.

En l’espèce, le testament de M. M X était signé et rédigé de la manière suivante :

<< Ceci est mon testament.

Je soussigné M X demeurant […], né à […]) le […].

Lègue à mon épouse Madame X née B-N G, l’intégralité de tous les placements, rentes, assurance-vie etc… que je possède, soit à titre personnel, soit conjointement avec elle des établissements suivants : Caisse d’Epargne Lorraine, Société Nancéienne Warin Barnier, Crédit Agricole Alsace Vosges, également l’intégralité de tous mes droits Sacem (société des auteurs, compositeurs, éditeurs de musique).

En outre mon épouse disposera d’un délai minimum de deux ans pour quitter le domicile familial s’il y a lieu.

Je révoque toutes dispositions antérieures.

Fais à Raon l’Etape le 3 novembre 2006

Certifié conforme et écrit de ma main.

Lu et approuvé >>

Ainsi que l’a relevé le tribunal, la volonté exprimée par M. M X dans ce testament est de conférer aux contrats d’assurance-vie qu’il énumère un régime identique à celui de ses autres placements dont il entend faire bénéficier son épouse, c’est-à-dire qu’il entend lui léguer l’intégralité de ses placements, y compris le capital acquis dans le cadre de chaque contrat d’assurance-vie, et l’intégrer dans l’actif de sa succession. Ce testament doit donc s’analyser, non pas comme la simple désignation d’un bénéficiaire des contrats d’assurance-vie qu’il énumère, mais comme l’expression d’une intention libérale, celle de faire bénéficier son épouse de l’ensemble de ses placements financiers dans le cadre de sa succession, et le respect des règles légales qui régissent la dévolution successorale.

Cette expression n’est pas contraire aux attestations produites par l’appelante, et dont les auteurs indiquent unanimement que le souci de M. M X était de mettre son épouse à l’abri du besoin, et de lui assurer un confort financier s’il venait à décéder

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit que le capital versé en exécution des contrats d’assurance-vie souscrits auprès des établissements financiers énumérés dans le testament précédemment rappelé devait être considéré comme faisant partie de l’actif de la succession de M. M X. Il n’y a donc pas lieu de rechercher si le montant des primes versées dans le cadre de chacun de ces contrats doit être réintégré dans cet actif en raison de son caractère manifestement excessif. Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a fait injonction aux organismes financiers énumérés dans le testament de communiquer aux parties par l’intermédiaire du notaire commis le montant du capital versé en exécution de ces contrats. Il sera seulement ajouté que le secret professionnel ou bancaire ne peut être opposé à un héritier, continuateur de la personne de l’assuré décédé, et l’obligation mise à la charge des établissements bancaires énumérés dans le testament sera assortie d’une astreinte selon les modalités précisées dans le dispositif ci-dessous.

Il ne peut être reproché à Mme G d’avoir voulu dissimuler, au sens de l’article 778 du code civil, une partie des actifs de la succession de son époux en refusant de communiquer le montant des capitaux qui lui avaient été versés en exécution de la clause qui, stipulée dans les contrats d’assurance-vie, la désignait comme bénéficiaire. En effet, ce refus était fondé sur les dispositions de l’article L.132-12 du code des assurances selon lesquelles le capital versé en exécution d’un contrat d’assurance-vie ne fait pas partie de l’actif de la succession de l’assuré, sauf preuve judiciairement constatée du caractère manifestement exagéré des primes versées par l’assuré au regard de ses facultés financières. Dès lors, il n’y a pas lieu de dire que les capitaux issus des contrats d’assurance-vie énumérés dans le testament devront être partagés entre les héritières ab intestat sans que Mme G puisse y prendre part en raison du recel dont elle se serait rendue coupable.

S’agissant des contrats d’assurance-vie souscrits auprès d’établissements financiers qui ne sont pas énumérés dans le testament, et qui ne font pas partie de la succession de M. M X, le jugement sera confirmé en ce qu’il a fait injonction à la la banque CIC, à la caisse d’épargne Lorraine Champagne Ardennes, à la société AVIVA, à la société Generali Vie et à la société Generali Patrimoine de communiquer au notaire commis le nom de leur bénéficiaire, et le montant des primes versées. Il sera également ajouté que le secret professionnel ne peut être opposé à un héritier,

continuateur de la personne de l’assuré décédé, et l’obligation mise à la charge de ces établissements bancaires sera assortie d’une astreinte selon les modalités précisées dans le dispositif ci-dessous.

Dans son projet d’acte liquidatif de la succession de M. X, le notaire instrumentaire a énuméré les comptes dont le solde faisait partie de la masse active de cette succession :

— un compte courant n°33660 21198101 ouvert dans les livres de la banque CIC au nom de M. ou Mme X.

— un compte titres n°33660 21198106 ouvert dans les livres de la banque CIC Est au nom de M. ou Mme X.

— un livret A n°00500 00121876153 ouvert dans les livres de la Caisse d’Epargne au nom de M. X.

— un compte PEA n°00500 21442098560 ouvert dans les livres de la Caisse d’Epargne au nom de M. X.

— un plan d’épargne en actions n°00500 34442098508 ouvert dans les livres de la Caisse d’Epargne au nom de M. X.

— un compte de dépôt n°00500 04442098529 ouvert dans les livres de la Caisse d’Epargne au nom de M. et Mme X.

Il convient de relever, à l’examen du relevé relatif à ce dernier compte que celui-ci était ouvert, non pas au nom de M. et Mme X, ce qui supposait l’accord des deux titulaires du compte pour effectuer des opérations, mais au nom de M. ou Mme X. L’emploi de la conjonction 'ou’ (x ou y) exprime parfaitement la solidarité active qui caractérise le compte joint, c’est-à-dire la possibilité pour chacun des titulaires d’agir seul pour effectuer des actes d’administration ou de disposition sur le compte, et de faire fonctionner celui-ci.

Si la cotitularité disparaît lorsque prend fin la solidarité active à la suite, notamment, du décès de l’un des titulaires du compte, ce décès n’entraîne pas le blocage et la clôture du compte qui continue à fonctionner sous la signature du titulaire survivant, sauf opposition des héritiers du de cujus, fondée sur l’article 1198 du code civil.

En l’espèce, il est reproché à Mme G d’avoir, avant et après le décès de son époux, abusé de l’utilisation des comptes joints dont les crédits n’étaient pas sa propriété. Il résulte cependant de ce qui précède qu’elle avait le pouvoir de faire fonctionner les comptes joints précédemment énumérés, tant avant le décès qu’après celui-ci, les intimées ne rapportant pas la preuve qu’elles se soient opposées à leur fonctionnement après le […]. En tout état de cause, les relevés bancaires qui se rapportent aux deux comptes joints, le compte courant ouvert dans les livres de la banque CIC, et le compte de dépôt ouvert dans les livres de la Caisse d’Epargne, ne font état d’aucune opération postérieure au décès de M. X.

Si ce dernier était le seul des époux à disposer de revenus, il lui appartenait de contribuer aux charges du mariage en alimentant les comptes joints que son épouse pouvait faire fonctionner en vertu du principe de solidarité active qui les caractérisait.

S’agissant des autres comptes qui étaient ouverts au nom de M. X seul, il n’est ni allégué, ni établi que Mme G aurait reçu de son époux procuration pour les faire fonctionner. Il ne peut donc être exigé d’elle qu’elle rende compte de sa gestion de ces mêmes comptes.

En raison des pouvoirs qui étaient les siens en ce qui concerne le fonctionnement des comptes joints,

il ne peut être reproché à Mme G de s’être approprié des sommes appartenant à son époux, sommes qu’elle devrait rapporter à la succession de celui-ci tout en étant privée de tout droit sur ces sommes en raison du recel dont elle se serait rendue coupable. Les intimées seront déboutées de leur demande tendant à voir ordonner le rapport à succession de la somme de 147 700 € par Mme G, et prononcer à l’égard de celle-ci les peines du recel.

Pour les mêmes motifs, la demande tendant à voir ordonner une expertise graphologique destinée à vérifier la signature du défunt et celle de Mme G sera rejetée, et le jugement sera confirmé en ce qu’il a écarté la demande d’expertise comptable destinée à analyser les comptes bancaires ouverts au nom des deux époux ou au nom de M. X seul.

Eu égard à la nature du litige, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ; le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes fondées sur ce texte, et il en ira de même en cause d’appel.

Pour le même motif, les dépens de première instance et d’appel seront considérés comme frais privilégiés de partage.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré et, y ajoutant ;

Dit qu’il n’y a pas lieu de prononcer les peines du recel successoral à l’égard de Mme G en ce qui concerne les placements énumérés dans le testament du 3 novembre 2006 ;

Déboute les intimées de leur demande tendant à voir ordonner le rapport à succession de la somme de 147 700 € par Mme G, et prononcer à l’égard de celle-ci les peines du recel ;

Dit qu’il appartiendra au juge de l’exécution de liquider les astreintes prononcées par le conseiller de la mise en état dans son ordonnance du 23 janvier 2019 ;

Rappelle que le secret professionnel ou bancaire ne peut être opposé à un héritier, continuateur de la personne de l’assuré décédé ;

Dit que la Caisse d’Epargne de Lorraine, la Société Nancéienne Varin-Bernier et le Crédit Agricole Alsace Vosges devront, dans un délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision, communiquer au notaire instrumentaire, Me David I, notaire à Saint-Dié-des-Vosges, le montant des capitaux versés à Mme B-N G en exécution des contrats d’assurance-vie souscrits par M. M X ;

Dit qu’à l’expiration de ce délai commencera à courir, pendant six mois, une astreinte provisoire de cent euros (100 €) par jour de retard ;

Dit qu’après reconstitution de la masse partageable, il appartienda, le cas échéant, au notaire commis, de faire application des articles du code civil sur la réduction des libéralités ;

Dit que la société Aviva Vie, la Caisse d’Epargne de Lorraine Champagne Ardennes et la société d’assurances Generali Vie-Generali Patrimoine devront, dans un délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision, communiquer au notaire instrumentaire, conformément au dispositif de l’ordonnance de mise en état du 23 janvier 2019, le montant des primes versées par M. M X en exécution des contrats d’assurance-vie souscrits auprès de ces établissements bancaires ;

Dit qu’à l’expiration de ce délai commencera à courir, pendant six mois, une astreinte provisoire de cent euros (100 €) par jour de retard ;

Rejette la demande tendant à voir ordonner une expertise graphologique destinée à vérifier la signature du défunt et celle de Mme G ;

Rejette les demandes formées en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit que les dépens de première instance et d’appel seront considérés comme frais privilégiés de partage.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur TOTARO, Président de chambre à la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : V. TOTARO.-

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