Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 11 mars 2021, n° 19/03084

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nancy, ch. soc.-2e sect, 11 mars 2021, n° 19/03084
Juridiction : Cour d'appel de Nancy
Numéro(s) : 19/03084
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nancy, 16 septembre 2019, N° F18/00191
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N° /2021

PH

DU 11 MARS 2021

N° RG 19/03084 – N° Portalis DBVR-V-B7D-EPBC

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANCY

[…]

17 septembre 2019

COUR D’APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE – SECTION 2

APPELANTE :

Madame M B N

[…]

[…]

Représentée par Me Elodie CABOCEL de la SELARL GUIDON-CABOCEL-BOZIAN, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

SELARL PHARMACIE PRINCIPALE Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Vincent LOQUET de la SELARL FILOR AVOCATS, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : BRUNEAU Dominique,

STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 17 Décembre 2020 ;

L’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu le 11 Mars 2021 ; par mise à disposition au greffe conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

Le 11 Mars 2021, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Mme M B N a été engagée au sein de la PHARMACIE PRINCIPALE suivant contrat à durée indéterminée, à compter du 6 septembre 2004, en qualité de pharmacienne assistante.

La pharmacie a été cédée à Mme L A en novembre 2011.

Par courrier du 13 octobre 2017, Mme M B N a été convoquée à un entretien préalable au licenciement, fixé au 24 octobre 2017, et mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 27 octobre 2017, elle a été licenciée pour faute grave, l’employeur lui reprochant un comportement déloyal à l’égard de sa hiérarchie, un comportement inadapté à l’égard de ses collègues, l’inexécution de ses tâches et des erreurs professionnelles dans la délivrance des médicaments.

Par requête du 16 avril 2018, Mme M B N a saisi le conseil de prud’hommes de Nancy aux fins de voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir, en conséquence, diverses indemnités, outre un rappel de salaire pour la période de mise à pied.

Vu le jugement du conseil de prud’hommes de Nancy rendu le 17 septembre 2019, lequel a :

— dit que le licenciement sera jugé pour cause réelle et sérieuse,

— condamné la SELARL PHARMACIE PRINCIPALE à payer à Mme M B les sommes suivantes :

—  1 577,73 euros brut au titre de rappel de la période de mise à pied conservatoire du 14 au 27 octobre 2017 et 157,77 euros au titre des congés payés y afférents,

—  11 930,67 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 1 193,06 euros au titre des congés payés y afférents,

—  15 980,46 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

—  2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté Mme M B N de l’ensemble de ses autres demandes,

— débouté la SELARL PHARMACIE PRINCIPALE de ses demandes reconventionnelles,

— condamner la SELARL PHARMACIE PRINCIPALE aux entiers frais et dépens de l’instance,

Vu l’appel formé par Mme M B N le 10 octobre 2019 enregistré sous le numéro RG 19/03084,

Vu l’appel formé par la PHARMACIE PRINCIPALE le 16 octobre 2019 enregistré sous le numéro RG 19/03120,

Vu l’ordonnance de jonction du 20 mai 2020,

Vu l’article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de Mme M B N déposées sur le RPVA le 30 juin 2020 et celles de la PHARMACIE PRINCIPALE déposées sur le RPVA le 29 juin 2020,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 1er juillet 2020,

M. M B N demande :

— de réformer et ainsi infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de NANCY le 17 septembre 2019 en ce qu’il a :

— dit que son licenciement sera jugé pour cause réelle et sérieuse et ainsi en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de voir dire et juger que son licenciement pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— l’a déboutée de sa demande de condamnation de la SELARL PHARMACIE PRINCIPALE à lui verser une somme de 45 734,23 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail,

En conséquence, statuant à nouveau,

— de dire que son licenciement pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— de condamner la SELARL PHARMACIE PRINCIPALE à lui verser une somme de 45 734,23 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application des dispositions de l’article L 1235-3 du code du travail,

— de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nancy en date du 17 septembre 2019 en ce qu’il a :

— condamné la SELARL PHARMACIE PRINCIPALE à verser à Madame M B N les sommes de :

—  1577,73 euros brut à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire du 14 au 27 octobre 2017 ;

—  157,77 euros brut au titre des congés payés afférents,

—  11 930,67 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

—  1 193,06 euros brut au titre des congés payés afférents,

—  15 980,46 euros net au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

—  2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté la SELARL PHARMACIE PRINCIPALE de ses demandes et notamment de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la SELARL PHARMACIE PRINCIPALE aux entiers frais et dépens de l’instance,

Y ajoutant,

— de condamner la SELARL PHARMACIE PRINCIPALE à lui verser la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel,

— de condamner la SELARL PHARMACIE PRINCIPALE aux entiers frais et dépens d’instance à hauteur d’appel.

*

La SELARL PHARMACIE PRINCIPALE demande :

— de réformer et ainsi infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nancy le 17 septembre 2019 en ce qu’il a dit que le licenciement de Mme M B N sera jugé pour cause réelle et sérieuse,

— et ainsi, en ce qu’il l’a condamnée à payer à Madame B N les sommes suivantes :

—  1 577,73 euros brut à titre de rappel de salaire de mise à pied conservatoire du 14 au 27 octobre 2017 et 157,77 euros au titre des congés payés y afférents,

—  11 930,67 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 1 193 euros au titre des congés payés y afférents,

—  15 980,46 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

—  2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

En conséquence, statuant à nouveau :

— de dire que le licenciement de Mme M B N repose bien sur une faute grave,

En conséquence,

— de débouter Mme M B N de l’ensemble de ses demandes,

Y ajoutant,

— de condamner Mme M B N à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur le licenciement,

La lettre de licenciement, fixant les limites du litige, doit énoncer le ou les motifs du licenciement, lesquels doivent être précis, objectifs, vérifiables et, en matière de faute, situés dans le temps.

En l’espèce, la lettre de licenciement du 27 octobre 2017 est motivée comme suit :

' Je fais suite à l’entretien préalable qui s’est tenu en nos locaux le mardi 24 octobre 2017 et suis au regret de notifier par la présente votre licenciement pour fautes graves avec effet immédiat.

En effet, les explications recueillies à l’occasion de cet entretien n’ont pas permis de modifier notre appréciation quant aux faits qui vous sont reprochés et qui justifient l’impossibilité de maintenir la relation contractuelle, même pendant la durée du préavis.

Les différents griefs qui ont été exposés au cours de cet entretien, pendant lequel vous étiez assistée, sont les suivants :

1/ Comportement déloyal et critique vis-à-vis de votre employeur

De façon continue ces derniers mois, que ce soit pendant mes périodes d’absence ou à mon retour, vous n’avez eu de cesse, devant moi ou devant vos collègues de travail, de me critiquer ou de me dénigrer en remettant systématiquement en cause mes décisions notamment en matière de gestion de personnel, gestion de la pharmacie, gestion des plannings, gestion des congés, etc, etc… en employant des formules du style : « si j’étais titulaire… », « ce n’est pas normal… », « J’ai dit cela ou j’ai fait cela, mais on ne m’a pas écouté… « moi je n’aurai pas fait ça »

A titre d’exemple supplémentaire, vous avez sèchement fait valoir que le dernier planning communiqué n’était pas envisageable pour vous compte tenu de votre insatisfaction au niveau du temps de pause et vous m’avez faussement indiqué que l’ensemble de l’équipe partageait votre sentiment. En effet, après avoir consulté celle-ci, il s’avère que tel n’est absolument pas le cas.

Votre attitude négative est telle ces derniers mois que, non contente de faire peser un climat malsain et pesant au sein de l’officine, les autres salariés vous craignent ou sont désorientés en ayant l’impression que, soit on est avec vous, soit à défaut, on est du côté de la titulaire.

Le maintien d’un tel climat et d’une telle attitude n’est plus envisageable, surtout que des salariés de l’officine ont été témoins du fait que vous n’hésitiez pas à vous épancher ou à faire part de vos critiques à des patients de l’officine proches de vous.

Une telle attitude de dénigrement partagée tant vis-à-vis des salariés que de la clientèle n’est pas acceptable.

Nous ajouterons que cette attitude s’est accompagnée d’une volonté affichée vis-à-vis de vos collègues, de quitter l’officine ce qui vous en conviendrez est totalement déstabilisant vis-à-vis du reste de l’équipe.

2/ Agissements graves vis-à-vis des collègues et salariés de l’officine

Le 13 octobre 2017, vous vous êtes une nouvelle fois emportée contre votre collègue pharmacien en le critiquant devant une salariée parce que celui-ci préconisait, à la différence de vous, une solution plus commerciale et satisfaisante pour la cliente.

Ce type de comportement à l’égard de votre collègue est malheureusement répétitif et inacceptable.

En effet, vous avez eu plusieurs incidents ces derniers mois avec votre collègue en le traitant, par exemple, de « petit pisseux » ou en laissant entendre « que du lait lui sortirait du nez si on lui pressait ».

Celui-ci nous a récemment fait savoir que vous étiez même allée jusqu’à lui indiquer qu’il n’avait pas « la carrure d’un pharmacien » ou « qu’il n’avait pas sa place au sein de l’officine » ou encore « que si cela ne tenait qu’à elle, cela ferait longtemps qu’il aurait été renvoyé ».

Votre collègue a énormément souffert de vos agissements, nécessitant d’ailleurs un traitement médical.

Nous sommes d’ailleurs surpris que lors de l’entretien préalable, vous ayez soutenu avoir des rapports cordiaux et normaux avec votre collègue.

L’attitude que vous avez adoptée également vis-à-vis de la nouvelle préparatrice embauchée pendant mon absence est totalement inacceptable :

En effet, sous couvert du fait que cette personne aurait une odeur corporelle, à vos yeux, dérangeante, vous avez eu à son égard des comportements humiliants tels que le refus de servir à ses côtés, l’exigence d’ouvrir les portes ou les fenêtres ou de vaporiser après son passage.

Vous avez indiqué lors de l’entretien que vous aviez fait part de votre gène à mon époux lequel vous avez indiqué que c’était un domaine délicat sur lequel il était difficile d’intervenir.

C’est vrai mais vous ne semblez pas comprendre la réalité et la portée de vos agissements car cela n’est pas le problème.

En effet, quelle que soit votre perception en la matière, une telle attitude est humainement inadmissible et destructrice et a bien sur choquée là encore vos collègues.

Nous ajouterons que beaucoup de vos collègues de travail, et plus spécialement les nouvelles embauchées, se sont plaint de votre attitude méprisante, de leur impression que vous souhaitiez les faire craquer nerveusement et de la surcharge de travail que vous faisiez peser sur elles.

3/ Vous n’exercez plus vos fonctions

Lorsque vous travaillez les samedis avec votre collègue pharmacien, vous n’assumez plus les fonctions qui sont les vôtres au sein de la pharmacie puisque vous n’effectuez plus le travail qui vous incombe normalement, à savoir :

- passer les commandes répartiteurs

- vérifier les cartes bancaires

- faire la caisse

- fermer la pharmacie

Non contente de ne plus effectuer votre travail, vous obligez ainsi le reste de l’équipe à devoir assumer cette charge de travail supplémentaire en les forçant à quitter leur travail plus tardivement.

Lors de l’entretien, vous nous avez indiqué que compte tenu des samedis effectués vous trouviez normal que quand il est là, ces taches soient effectuées par votre collègue. Là encore, votre perception des choses ne vous permet pas de vous affranchir de tout lien de subordination et de décider seule et sans concertation de ce que vous pouvez faire.

4/ Erreurs professionnelles graves

Vous avez accumulé, ces dernières semaines, des erreurs professionnelles graves qui ne peuvent que nous interpeller et dont la dangerosité et les conséquences dommageables ne peuvent rester sans réaction de notre part :

o Début octobre, vous avez laissé une étudiante 3e année de pharmacie, employée au sein de la pharmacie, s’occuper seule et à votre demande, d’un patient connu pour nomadisme pour divers traitements (SERESTA, LAMICTAL) en la laissant gérer cette situation dangereuse.

Heureusement, votre collègue pharmacien s’apercevant du danger d’une telle situation est immédiatement intervenu pour se substituer à l’étudiante.

Une telle attitude de votre part est d’autant plus déconcertante que, depuis l’arrivée de cette étudiante dans l’équipe, vous aviez catégoriquement refusé de prendre en charge celle-ci pour vous occuper de sa formation ou lui apprendre des taches plus basiques tel que préparer des ordonnances, vendre des produits cosmétiques ou compléments alimentaires, etc…

o Le 7 octobre 2017, vous avez délivré une ordonnance datée du 3 octobre 2017 pour Monsieur O P contenant une prescription avec trois souches homéopathiques.

- Vous avez, sans avis ni autorisation du médecin prescripteur, modifié la dilution en substituant à la dilution indiquée initialement par le médecin, une nouvelle dilution qui n’est jamais utilisée dans la pratique,

- La titulaire a appelé le Médecin prescripteur, le Docteur X ; ce dernier a précisé qu’il avait pu se tromper mais qu’en tout état de cause, il n’avait jamais été contacté par vous à ce sujet.

- La femme du patient est revenue le 14 octobre 2017, s’interrogeant sur la dilution qui lui avait été délivrée, elle avait toujours eu une dilution à 15CH et non pas à 4CH comme vous l’aviez modifiée.

o Le 10 octobre 2017, vous avez délivré à Madame Q R de l’ACTAEA SCPICATA 15 CH à la place du 5 CH sur une ordonnance datée du 6 octobre 2017.

La patiente est revenue le 11 octobre 2017 et un échange a été effectué en vue de lui délivrer le produit prescrit.

o Le octobre 2017, Madame SLD est revenue avec une boite de KEPPRA 250 (antiépileptique).

- La prescription initiale faisait état de KEPPRA 500.

- vous êtes intervenue en appui de U K, préparatrice, et vous êtes substituée à elle sur cette délivrance sans modifier le code opérateur.

- L’échange a été fait sans que la patiente n’ait consommé le mauvais dosage.

- A aucun moment vous n’avez informé la titulaire, ni demandé l’autorisation de ne pas régulariser la transmission à la CPAM ni à la mutuelle.

- vous avez informé la titulaire de cette erreur mais pas des conséquences financières.

o Le 15 septembre 2017, vous avez délivré du V W en 9CH sur une ordonnance sur laquelle il était noté « BELL 9CH ».

- Le patient est revenu le 9/10/17 en précisant qu’il s’attendait à avoir du BELLADONNA 9CH.

- La prescription peut prêter à confusion mais, dans l’historique de ce patient, il n’a jamais eu de V W, par contre il a eu du BELLADONNA le 8/03, le 09/02, le 16/01 et le 05/01 2017.

- lorsque vous avez été informée de cette erreur, le V W étant souvent prescrit pour problèmes de poitrine, vous avez pris le tout avec beaucoup de légèreté.

- Devant l’incertitude liée à la prescription peu claire du médecin, vous n’êtes pas allée vérifier dans l’historique de ce patient où vous auriez constaté votre erreur, ni même appelé le médecin prescripteur.

Nous ajouterons que nous avons été choqués par vos explications sur le sujet lors de l’entretien. Vous avez admis ces erreurs en indiquant à plusieurs reprises que ce n’était que de l’homéopathie'

C’est notre spécialité et ce pourquoi nous sommes reconnus sur Nancy et son agglomération. due est notre légitimité et la crédibilité de notre établissement si nous commettons des erreurs régulières en la matière et que nous les appréhendons de la sorte '

o Le 21 juillet 2017, vous avez facturé à Madame AA AB, un flacon de RIBESNIGRUM er macérât glycériné alors que l’ordonnance prescrivait de la teinture mère.

o Le 13 mars 2017, vous avez délivré à Madame AR-AS AT une seule dose de Y et de Z alors que l’ordonnance prévoyait la délivrance de 8 doses de chaque.

- La patiente est revenue mécontente le 25 mars 2017 et les doses complémentaires ont été fabriquées et délivrées.

- En historique, il apparait que la patiente doit prendre 8 doses de chaque par mois.

- vous auriez dû, en présence d’une ordonnance peu claire et pouvant comporter des erreurs, vérifier et éventuellement appeler le médecin prescripteur.

- votre délivrance n’est de toute façon pas conforme à l’ordonnance.

o Le 1er octobre 2017, un client m’apprend qu’en date du 11 mars 2017, il s’est vu délivrer du BIMISSILOR, antibiotique de la famille des Macrolides alors que :

- Il est noté dans son dossier une allergie à la JOSACYNE : « Allergie JOSACYNE entre autre », (antibiotique de ta famille des Macrolides), note d’alerte sur le logiciel Pharmagest LGPI datée du 19 septembre 2017.

- Le patient a précisé qu’il présentait un terrain fortement allergique.

- vous lui avez délivré malgré tout ce médicament.

- vous avez ajouté en mars 2017 : « allergique au BIMISSILOR »,

- Le patient a fait une allergie grave, prise en charge téléphoniquement par le SAMU – traitement antiallergique.

- Le patient revient le 15 mars 2017 et vous lui délivrez une nouvelle ordonnance, datée du même jour, avec un antihistaminique et un corticoïde pour traiter les symptômes allergiques consécutifs à la prise du BIMISSILOR.

- Vous avez été informée directement par le patient des conséquences de la délivrance du BIMISSILOR et de l’erreur de délivrance que vous avez commise.

- A aucun moment vous n’avez informé la titulaire de cet incident grave.

Pour l’ensemble de ces raisons, tenant tant à votre comportement qu’aux erreurs professionnelles commises, nous avons pris la décision de vous licencier pour fautes graves avec effet immédiat sans préavis ni indemnité.

Je vous rappelle que vous avez déjà été sanctionnée disciplinairement pour des faits de même nature au mois de février 2017 mais que malheureusement la poursuite de votre comportement inacceptable et les erreurs commises nous amène aujourd’hui à faire le constat que vous n’avez pas su, ou pas voulu, prendre conscience de l’absolue nécessité de modifier votre comportement.

Vous disposez d’un délai de 12 mois à compter de la présente pour contester la présente décision en saisissant la juridiction compétente'.

La faute grave est définie comme la faute qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

Il appartient à l’employeur qui entend se prévaloir de la faute grave du salarié d’en apporter la preuve.

A l’appui du licenciement, l’employeur vise 4 niveaux de mise en cause :

1) Un comportement déloyal et critique vis-à-vis de votre employeur

L’employeur reproche à la salariée d’avoir ouvertement critiqué Mme L A, la propriétaire de la pharmacie, « de façon continue ces derniers mois », en remettant en cause ses décisions qu’elles soient relatives à la gestion du personnel, de la pharmacie, des plannings ou des congés.

Aux termes de ses écritures, l’employeur rappelle avoir sanctionné la salariée par un avertissement le 13 février 2017 lui reprochant d’avoir modifié, à sa faveur, les emplois du temps et d’avoir critiqué l’élaboration des plannings par sms le 11 février 2017 mais comme le souligne la salariée, ces faits, déjà sanctionnés, ne sauraient être invoquées à l’appui du licenciement à moins qu’ils n’aient été répétés.

Ensuite, l’employeur produit plusieurs attestations de salariés pour justifier des critiques répétées de la part de la Mme M B N :

— Mme I G, préparatrice en pharmacie, explique, dans une attestation du 5 juillet 2018 (pièce n° 21), que Mme M B N n’a pas adopté un comportement « digne d’un adjoint » à l’encontre de M. R AD en février 2017 ; qu’elle a modifié à plusieurs reprises les plannings mis en place par Mme A fin janvier 2017 ; que « depuis le départ de mes anciens collègues en 2015, Mme B se plaignait souvent auprès de certains clients. Mme B disait à la nouvelle équipe qu’elle préférait travailler avec l’ancienne équipe »;

Elle conclut en précisant : « Au bout d’un moment, Mme A a demandé à Mme B d’arrêter avec les procédures. A part de ce jour-là, Mme B a pris Mme A en grippe d’autant plus que cela correspondant à la période où Mme A reprenait petit à petit les rênes de la pharmacie, à mettre sa touche personnelle et à faire évoluer la pharmacie selon ses envies’ C’est à partir de ce moment-là que tout ce que Mme A faisait était systématiquement critiqué, commenté » ;

— Mme J H, préparatrice en pharmacie engagée entre août 2015 et mai 2016, a déclaré le 1er juin 2018 (pièce n° 22), que certains comportements de la part de Mme M B N l’avaient interpelée, et en particulier : « certaines directives qui pouvaient quelques fois aller à l’encontre de celles tenues par Madame A en son absence (ordre des tâches, priorité des choses à faire, etc.) ». Elle ajoute avoir « surpris à plusieurs reprises des propos inappropriés de la part d’une pharmacienne assistante au comptoir devant les clients à propos de Madame A. Elle critiquait ouvertement la titulaire de l’officine quant à l’organisation et autre » ;

— Mme AE AF a déclaré, le 12 juin 2018 (pièce n° 30), que, « courant juin 2015 », un client habituel de la pharmacie de Mme A lui avait rapporté le fait suivant : « lui demandant comment elle allait alors qu’elle le savait, Mme M B lui a dit que « l’ambiance à la pharmacie est devenue exécrable depuis que Mme A l’a achetée, que de toute façon elle ne sait pas gérer son affaire ni son personnel » ;

— Mme AG AH, préparatrice en pharmacie, a déclaré le 7 juin 2018 (pièce n° 28), qu’à son arrivée, soit le 15 juillet 2015, Mme B N lui avait dit qu’elle « avait fait une grosse erreur de venir travailler ici » et que celle-ci élevait la voix contre Mme L A lorsqu’elles n’étaient pas d’accord ;

— Mme U K a déclaré, le 18 juin 2018 (pièce n° 25), avoir très vite « constaté un climat conflictuel entre certains de mes collègues. A plusieurs reprises, Mme B N faisait référence à la gestion de l’officine par l’ancien titulaire en exprimant le fait que cela a été mieux géré auparavant » ;

— M. R AD, pharmacien, a déclaré le 15 juin 2018 (pièce n° 29) : « Depuis que je suis à la pharmacie, j’ai pu constater à de nombreuses reprises l’attitude déloyale et malsaine de Mme B. Déjà en présence de Mme A, Mme B entretenait les sujets conflictuels pour déclencher des rixes dès que le contexte s’y prêtait (salaire payé le 7 du mois par erreur, etc'). Cela ne s’est pas amélioré suite à son départ pour des problèmes de santé où Mme B n’hésitait à contredire les informations que Mme A nous faisait parvenir et à modifier les emplois du temps nous obligeant à jongler à celui donné par l’employeur à celui qu’elle désirait. ['] Elle dénigrait Mme E surtout avec M. F» ;

En défense, Mme M B N soulève la prescription des faits visés dans ces attestations.

Mme M B N conteste, en tout état de cause, avoir adopté un comportement critique et dénigrant à l’égard de son employeur et soutient, au contraire, avoir été l’objet d’une attitude négative de la part de Mme L A qui souhaitait son départ ; elle produit, en ce sens, les attestations de 3 autres collègues, faisant part de son professionnalisme, de sa bonne volonté et du mauvais climat régnant dans l’officine (Pièces n° 19, 20 et 21).

Motivation :

Suivant l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaire au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance. Cependant, un fait antérieur à deux mois peut être pris en considération s’il est répété ou poursuivi par la suite et, lorsque les faits de même nature se reproduisent, l’employeur peut faire état de précédents, même s’ils n’ont pas été sanctionnés en leur temps, mais depuis moins de trois ans, pour justifier une sanction aggravée.

En l’espèce, il convient de relever que les attestations de Mesdames J H, AE AF et AG AH visent les critiques que la salariée aurait prononcées en présence des clients ; elles relatent toutes trois des faits qui se sont produits entre 2015 et 2016, alors qu’aucun n’a été sanctionné au moment des faits et qu’aucun élément ne vient confirmer que Mme M B N aurait continué de critiquer l’ambiance de travail devant certains clients depuis 2016.

L’attestation de Mme U K dénonce les critiques de la salariée sur la gestion de l’officine et ses regrets de ne plus travailler avec l’ancien propriétaire mais cette déclaration ne comporte aucune date, ni de propos plus précis quant aux critiques qui auraient été énoncées.

Enfin, les attestations de Mme I G et M. R AD visent essentiellement les faits commis début janvier 2017, lorsque Mme M AQ N a modifié les emplois du temps établis par Mme L A, des faits qui ont déjà été sanctionnés par un avertissement, sans que les éléments produits aux débats établissent que ces agissements se sont répétés ou poursuivis au cours de l’année 2017.

Dans ces conditions, les faits dénoncés dans les attestations produites par l’employeur apparaissent soit prescrits, soit déjà sanctionnés et ne peuvent justifier à eux seuls le grief invoqué à l’appui du licenciement.

En outre, l’ensemble des éléments soumis à la cour par les parties établit que les relations entre Mme M B N et Mme L A étaient tendues ; les différentes attestations produites aux débats ne sont toutefois pas contemporaines du licenciement dans la mesure où la plupart d’entre elles émanent de salariés qui relatent des faits commis en 2015 ou 2016.

Les salariés, présents au moment du licenciement qui témoignent d’un comportement critique et négatif de la salariée, Mme I G, Mme AG AH et M. R AD ont, quant à eux, conservé un lien de subordination avec l’employeur susceptible d’affecter la valeur de leur propos, étant relevé que Mme M B N produit divers échanges de SMS qui attestent, au contraire, d’une ambiance sympathique entre elle et ses collègues et le témoignage d’une autre salarié qui contredit les affirmations de ces 3 salariés.

Dans ces conditions, à défaut de déclarations sérieuses et précises sur des faits commis postérieurement aux années 2015 et 2016, corroborées par d’autres éléments que les seules attestations de salariés, la matérialité d’une attitude dénigrante et critique de la part de la salariée à l’encontre de Mme L A n’est pas établie.

Le premier grief invoqué par l’employeur n’est pas établi.

2) Des agissements graves vis-à-vis des collègues et salariés de l’officine

— Aux termes de la lettre de licenciement, l’employeur reproche à Mme M B N d’avoir, « le 13 octobre 2017 », une nouvelle fois adopté un comportement critique à l’égard de son « collègue pharmacien », comportement « malheureusement répétitif et inacceptable » à l’égard de ce collègue.

L’employeur vise l’attestation de M. R AD, laquelle dénonce le comportement « dénigrant » de la salariée, lequel a atteint son apogée le 7 février 2017.

Motivation :

Ces faits ont toutefois été sanctionnés par un avertissement le 13 février 2017 et ne sauraient donc être visés à l’appui du licenciement, sauf à ce que l’employeur justifie de ce que le comportement s’est réitéré, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

— L’employeur cite encore l’attestation de M. R AD pour reprocher à la salariée de « prendre à partie certains employés, chacun leur tour [']. Après avoir fait râler Madame G quand elle ne s’amusait pas à mettre à cran Madame H. Puis, elle se « reliait d’amitié ». ['] Son comportement envers Madame G était ambigu, tantôt amical, tantôt pervers. Elle disait que I était une malade mentale » et vise les attestations de Mme J

H et Mme AG AH pour confirmer que Mme M B N avait des rapports difficiles avec Mme I G qu’elle aimait « pousser à bout ».

Motivation :

La lettre de licenciement dans son « 2/ Agissements graves vis-à-vis des collègues et salariés de l’officine » vise seulement les propos tenus à l’encontre de son « collègue pharmacien » et de la « nouvelle préparatrice embauchée » ; ces attestations, dont les propos ne visent ni M. R AD, ni Mme AI AJ ne sauraient donc justifier le grief tel qu’il a été invoqué dans la lettre de licenciement.

— S’agissant du comportement du 13 octobre 2017, journée au cours de laquelle la salariée se serait « une nouvelle fois emportée contre votre collègue pharmacien », l’employeur verse l’attestation de Mme U AK qui déclare avoir consulté les deux pharmaciens pour obtenir un avis sur le renouvellement d’une ordonnance et que Mme M B N lui a dit qu’elle n’avait pas à consulter son collègue puisqu’elle avait déjà donné une réponse.

M. R AD rappelle l’incident dans son attestation en ces termes : « Madame B à qui Mme K avait demandé son avis avant, n’était pas d’accord avec moi, s’est permise d’intervenir devant la patiente (qui est partie vexée) avant d’en remettre une couche derrière après ».

Motivation :

Il se déduit de ces déclarations que la salariée ne s’est pas « emportée » contre son collègue mais a maintenu le refus de renouveler une ordonnance à l’inverse de ce que proposait M. R AD, refus que la patiente a mal pris mais qui n’a pas donné lieu à de propos virulent ou critique à l’encontre de M. R AD.

— Aux termes de la lettre de licenciement, l’employeur reproche également à la salariée son « attitude (') vis-à-vis de la nouvelle préparatrice embauchée » » qu’elle qualifie d’ « inacceptable ».

L’employeur vise les attestations de Mme I G et M. R AD pour prouver que la salariée « sous couvert du fait que cette personne aurait une odeur corporelle, à vos yeux, dérangeante, [a eu] à son égard des comportements humiliants tels que le refus de servir à ses côtés, l’exigence d’ouvrir les portes ou les fenêtres ou de vaporiser après son passage ».

Motivation :

Outre le fait que Mme AI AJ, la salariée concernée, a quitté l’officine en juin 2017 et que le comportement de Mme M B N était donc prescrit au jour de l’engagement de la procédure disciplinaire, la matérialité des faits est remise en cause par l’attestation de la salariée concernée qui déclare ne jamais s’être sentie humiliée, ne jamais s’être entendu dire « que je puais » et ne jamais s’être fait aspergée de déodorant.

— Enfin, l’employeur reproche à la salariée son « attitude méprisante », « beaucoup de vos collègues de travail, et plus spécialement les nouvelles embauchées » se plaignant d’une telle altitude, ayant « l’impression que vous souhaitiez les faire craquer nerveusement et de la surcharge de travail que vous faisiez peser sur elles ».

Motivation :

Aucune des attestations produites aux débats ne permet toutefois de confirmer ces faits, puisqu’elles dénoncent le comportement de Mme M B N à l’encontre de Mme I G et non les pressions qu’auraient subies « les nouvelles embauchées », dont l’identité n’est

précisée ni dans la lettre de licenciement, ni dans les écritures de l’employeur.

L’ensemble des éléments produits aux débats ne permet pas de dire que les critiques dirigées à l’encontre de M. R AD se sont perpétuées après l’avertissement du 13 février 2017, ni de confirmer l’attitude qu’aurait adoptée Mme M AQ N à l’encontre de Mme AI AJ et de ses « nouvelles collègues ».

Le deuxième grief invoqué par l’employeur n’est donc pas établi.

3) Le défaut d’exécution de ses fonctions

L’employeur reproche à la salariée de ne plus avoir exécuté certaines tâches lorsqu’elle travaillait le samedi ; il reproche à la salariée de ne plus avoir « passer les commandes répartiteurs, vérifier les cartes bancaires, faire la caisse et fermer la pharmacie ».

Au soutien de son grief, l’employeur vise les attestations de Mme I G et M. R AD qui dénoncent ses départs avant l’heure de fermeture, les obligeant à faire la caisse et les commandes de fin de journée et rappellent les modification d’emploi du temps opérées par la salariée et aboutissant à faire travailler M. R AD les samedis.

En défense, Mme M B N rappelle qu’elle a plus de 30 ans d’ancienneté et qu’elle a toujours exécuté toutes ses missions mais reconnaît avoir demandé à Mme L A que la caisse soit confiée à M. R AD les samedis au cours desquels il travaillait, étant prévu qu’elle la vérifie tous les autres soirs de la semaine ; elle produit une photographie d’un échange sur papier libre du 9 mai 2017 pour justifier que sa demande avait été acceptée, dont l’employeur conteste la rédaction.

Motivation :

Dès lors qu’aucun élément n’est produit pour justifier les carences de la salariée en matière de commandes et qu’il existe un doute sur l’autorisation dont aurait bénéficié la salariée pour confier la vérification de la caisse à M. R AD les samedis, la matérialité du grief n’est pas établie.

Le troisième grief invoqué par l’employeur n’est pas établi.

4) Des erreurs professionnelles graves

L’employeur reproche à la salariée d’avoir commis des erreurs médicales inacceptables de la part d’une pharmacienne au cours du mois d’octobre 2017.

La salariée qui conteste certaines des erreurs ainsi invoquées, soutient qu’aucune d’elle n’est, en tout état de cause, suffisamment grave pour justifier son licenciement.

- l’absence d’accompagnement d’une étudiante de troisième année face à un client « spécial »,

Pour prouver la réalité du grief, l’employeur produit l’attestation de Mme AL AM, l’étudiante stagiaire concernée, qui a confirmé, le 14 juin 2018, avoir été laissée seule le 7 octobre 2017 pour servir un client « nomade », lequel souhaitait obtenir des médicaments substitutifs de stupéfiants ; M. R AD confirme être intervenu pour combler « son manque de connaissance pour assumer ce type de situation à risque ».

Mme M B N reconnaît avoir laissé seule cette stagiaire mais soutient lui avoir proposé d’intervenir dès qu’elle aurait fini de servir son patient.

Les propos exacts de la jeune stagiaire dans son attestation établissent que c’est Mme M B N qui « s’est rendue compte et l’a avertie qu’il s’agissait d’une personne qui pratiquait le nomadisme » et qu’ « après m’avoir dit comment faire, elle m’a dit d’aller expliquer au patient que notre pharmacie ne pouvait pas lui délivrer son traitement [']. Elle m’a précisé qu’elle interviendrait si elle voyait qu’il y avait un problème ».

Motivation :

Il apparait donc que la salariée a alerté la stagiaire sur la situation de ce patient, lui a expliqué les démarches à suivre et prévoyait d’intervenir en cas de problème.

Aucun manquement à l’accompagnement de l’étudiante stagiaire dans cette situation ne peut donc être reproché à Mme M B N.

- des erreurs dans la délivrance d’homéopathie,

- une erreur de dilution du 7 octobre 2017,

L’employeur reproche à la salariée d’avoir délivré du 4CH et non du 15 CH contrairement à ce qui était prescrit sur l’ordonnance le 7 octobre 2017.

En défense, la salariée vise l’ordonnance du médecin pour expliquer que la prescription a été faite en granules alors qu’elle a simplement transformé les prescriptions en granules en doses, à la demande du patient qui avait fait remarqué qu’il avait habituellement ces prescriptions sous forme de doses de couleur jaune.

Aucune faute ne peut ainsi être reprochée à la salariée.

- une erreur du 10 octobre 2017,

L’employeur reproche à la salariée d’avoir délivrée une dose 15 CH à la place d’une dose 5 CH le 10 octobre 2017.

Comme le fait justement remarquer la salariée, l’employeur ne produit aucun élément pour justifier de la réalité de l’erreur qui aurait été commise.

Cette faute ne peut donc être reprochée à la salariée.

- une erreur du 15 septembre 2017,

L’employeur reproche à la salariée d’avoir délivré la mauvaise souche d’homéopathie au patient alors que la consultation de l’historique du patient ou le réflexe d’appeler le médecin aurait dû la conduire à éviter une telle erreur, le 15 septembre 2017.

La salariée reconnaît son erreur mais soutient ne jamais l’avoir minimisée, et justifie, au contraire, s’être renseignée sur la prescription de la souche V W.

Cette faute est établie.

- des erreurs commises les 25 mars et 21 juillet 2017,

Bien que figurant dans la lettre de licenciement, l’employeur ne vise plus ses fautes aux termes de ses conclusions, la salariée ayant relevé, à juste titre leur prescription.

- une délivrance non conforme en date du 10 octobre 2017, relatif au mauvais dosage d’un anti épileptique,

L’employeur reproche à la salariée d’avoir régularisé la délivrance d’une boîte de KEPPRA 500, sans l’avoir régularisée auprès de la CPAM et de la Mutuelle, emportant ainsi des conséquences financières pour l’officine.

La salariée explique, sans que ce soit contesté, qu’elle n’est pas à l’origine de la mauvaise délivrance de la boîte de KEPPRA 250 mais qu’elle a seulement régularisé la situation en reprenant cette boîte pour donner à la patiente la boîte de KEPPRA 500 ; elle assure qu’elle ne pouvait pas régulariser la facturation auprès de la sécurité sociale puisque l’ordonnance avait déjà été validée et que seule une demande de remboursement par courrier pouvait se faire.

Elle produit la copie du ticket de caisse pour affirmer avoir informé Mme L A de cet échange.

L’employeur ne répond pas à ces explications.

Motivation :

L’ensemble de ces éléments ne permet pas d’imputer une erreur de délivrance de ce médicament à la salariée, ni l’omission de sa régularisation dès lors que le ticket de reprise a été laissé à destination de l’employeur au sein de l’officine, de sorte que lui ou un autre salarié pouvait procéder à la régularisation étant précisé que l’employeur ne justifie ni n’allègue de l’obligation qui aurait été faite à la salariée de procéder elle-même à la régularisation.

La faute de la salariée n’est pas établie.

- la délivrance d’un antibiotique le 11 mars 2017 à une personne allergique,

L’employeur reproche à la salariée d’avoir délivré un antibiotique à un patient allergique, et déplore la gravité d’une telle erreur qui aurait pu avoir de graves conséquences sur la santé du patient.

M. AN AO, le patient concerné, a attesté le 10 juillet 2018, avoir rappelé à la pharmacienne qui le servait, qu’il souffrait d’allergies afin de s’assurer que le BIMISSILOR, antibiotique prescrit par son dentiste, pouvait lui être administré. Il explique que la pharmacienne lui a confirmé pouvoir prendre cet antibiotique, et avoir, en réalité, fait une importante réaction allergique.

L’employeur insiste sur ce dernier manquement, rappelant les conséquences d’une telle erreur et reproche à Mme M B N son défaut de vigilance dans la distribution d’un antibiotique à un patient allergique mais également, son silence face à l’incident constaté et l’absence de signalisation tant à son employeur qu’auprès de l’agence nationale de santé et du médicament.

En défense, la salariée oppose la prescription disciplinaire des faits, car datant du mois de mars 2017, mais il convient de relever que M. AN AO précise ne pas avoir alerté Mme L A de ces faits au moment de sa réaction allergique car elle avait d’importants problèmes de santé mais les avoir finalement évoqués, accidentellement, le 1er octobre suivant, de sorte qu’au moment de l’engagement de la procédure disciplinaire, les faits n’étaient pas prescrits.

Sur la faute, Mme M B N soutient n’avoir commis aucun manquement dès lors qu’elle a respecté la prescription du dentiste et délivré du BIMISSILOR alors même qu’une allergie à la JOSACINE n’implique pas nécessairement une intolérance au BIMISSILOR.

Elle vise le VIDAL, lequel indique comme contre-indications l’hypersensibilité à la famille des

Imidazolés et à la molécule SPIRAMYCINE mais pas à la molécule de la JOSAMYCINE et produit le courrier en réponse du CHU de Nancy, service de pharmacologie du 19 octobre 2017, aux termes duquel le praticien confirme qu’aucune contre-indication formelle ne figure dans les RCP de BI-MISSILOR / JOSACINE concernant l’utilisation de BI-MISSILOR en cas d’allergie avérée à JOSACINE.

Motivation :

Il convient toutefois de relever que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, vise seulement le défaut d’information de la titulaire de l’officine et non une carence à l’égard de l’agence nationale de santé et du médicament.

La cour relève que le praticien du CHRU consulté par la salariée précise qu’il convient de faire preuve de prudence car « il est clairement stipulé que l’administration de josamycine doit se faire avec prudence chez les patients présentant une hypersensibilité connue à l’érythromycine ou à d’autres antibiotiques de la famille des macrolides » alors que la salariée a délivré l’antibiotique en assurant au patient qu’il pouvait le prendre.

Enfin, si la salariée reconnait ne pas avoir averti Mme L A de cet incident, elle se justifie en rappelant que cette dernière était en arrêt maladie au moment des faits et prouve avoir mis à jour le dossier du patient en faisant mention de cette nouvelle allergie connue.

Il apparaît donc qu’il ne peut être reproché à la salariée une erreur de délivrance comme l’invoque l’employeur dans la lettre de licenciement puisqu’elle a délivré le médicament tel qu’il a été prescrit par le dentiste, sans qu’il y ait de contre-indication formelle, mais qui nécessitait une information spécifique du patient sur le risque possible d’une réaction allergique.

Il y a lieu de noter que M. AN AO n’a pas dû faire l’objet d’une hospitalisation.

Motivation :

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’employeur justifie de l’existence d’un climat conflictuel entre Mme M B N et Mme L A sans que les éléments produits aux débats ne permettent d’imputer à la salariée une attitude dénigrante et critique envers son employeur, concomitante au licenciement.

Les relations entretenues entre la salariée et ses collègues n’apparaissent pas non plus de nature à justifier un licenciement, la répartition des missions entre eux ayant pu créer un désaccord sur l’organisation du travail le samedi en début d’année 2017, mais sans qu’aucune attitude critique ou négative précise et contemporaine au licenciement ne soit prouvée.

A l’analyse de l’ensemble des éléments produits aux débats, il apparaît que seules peuvent être reprochées à la salariée une erreur dans la délivrance d’un traitement homéopathique le 15 septembre 2017 et la délivrance d’un médicament, sans qu’il y ait de contre-indication formelle, mais qui nécessitait une information spécifique du patient sur le risque possible d’une réaction allergique.

Cependant, bien qu’établis, ces griefs ne suffisent à caractériser l’existence d’une faute justifiant le licenciement d’une salariée qui, disposait de plus de 13 ans d’ancienneté, n’avait reçu aucun rappel à l’ordre, ni sanction relative à son comportement, avant l’unique rappel à l’ordre du 13 février 2017 relatif à la répartition des tâches entre elle et l’autre pharmacien le samedi.

Le licenciement doit, en conséquence, être dit sans cause réelle et sérieuse et le jugement infirmé en ce qu’il avait dit le licenciement fondé et débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts.

Mme M B N sollicite 45 734,23 euros au titre de son préjudice ; elle justifie du préjudice financier qu’elle a subi par la production de son relevé de carrière et son nouveau contrat de travail à durée déterminée à temps partiel, lesquels établissent qu’elle subit une perte de revenu pour le calcul de son droit à retraite à taux plein.

L’employeur sollicite à titre principal le débouté de la salariée et ne conteste pas, à titre subsidiaire, le montant des dommages et intérêts demandés.

Dans ces conditions, il convient de fixer le préjudice de Mme M B N à la somme de 45 734,23 euros.

Sur les frais irrépétibles,

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.

La société PHARMACIE PRINCIPALE, succombant à l’instance, sera condamnée aux dépens d’appel.

L’équité commande, en outre, de condamner la société PHARMACIE PRINCIPALE à payer à Mme M B N la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles et de la débouter de ce chef de demande.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Nancy rendu le 17 septembre 2019, seulement en ce qu’il a dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse,

Le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Dit le licenciement prononcé à l’encontre de Mme M B N sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société PHARMACIE PRINCIPALE à payer à Mme M B N la somme de 45 734,23 euros (quarante cinq mille sept cent trente quatre euros et vingt trois centimes) à titre de dommages et intérêts,

Y ajoutant,

Condamne la société PHARMACIE PRINCIPALE aux dépens d’appel,

Condamne la société PHARMACIE PRINCIPALE à payer à Mme M B N la somme de 2 500 euros (deux mille cinq cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société PHARMACIE PRINCIPALE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été

préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-2ème sect, 11 mars 2021, n° 19/03084