Cour d'appel de Nîmes, 4ème chambre commerciale, 1er décembre 2016, n° 15/01581

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nîmes, 4e ch. com., 1er déc. 2016, n° 15/01581
Juridiction : Cour d'appel de Nîmes
Numéro(s) : 15/01581
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Avignon, 25 février 2015, N° 10/04538
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°

R.G. : 15/01581

CL/PS

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D’AVIGNON

26 février 2015

RG:10/04538

SARL FREDOLIVIA

C/

SCI AVI INVEST

COUR D’APPEL DE NÎMES

4e CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 1er DÉCEMBRE 2016

APPELANTE :

SARL FREDOLIVIA

venant aux droits de la SAS SOCIETE NOUVELLE DU THEATRE,
Anciennement dénommée SOCIETE NOUVELLE DES THEATRES
PEZET,

Poursuites et diligences de son gérant en exercice domicilié XXXsiège social

XXX

XXX

Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL
LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Pierre-françois GIUDICELLI,
Plaidant, avocat au barreau d’AVIGNON

INTIMÉE :

SCI AVI INVEST

Société Civile au capital social de 1.000
C,

immatriculée au Registre du Commerce et des
Sociétés de PARIS sous le numéro D 501 198 584,

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié XXXqualité auditXXX.

XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Cécile BARGETON-DYENS,
Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Bruno BARRILLON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 22 Septembre 2016

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU
DÉLIBÉRÉ :

Mme Christine CODOL, Président de
Chambre,

Mme X Y, Conseillère,

Mme Z A, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Anne-Marie SAGUE, Greffier, lors des débats et Mme Patricia SIOURILAS, Greffier, lors du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l’audience publique du 06 Octobre 2016, où l’affaire a été mise en délibéré au 17
Novembre 2016, prorogé au 1er décembre 2016

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé et signé par Mme Christine CODOL, Président de Chambre, publiquement, le 1er décembre2016, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSÉ

Vu le jugement rendu le 26 février 2015 par le tribunal de grande instance d’Avignon (minute n° 15).

Vu l’appel général de cette décision interjeté le 2 avril 2015 par la « S.A.R.L.
FREDOLIVIA venant aux droits de la SAS Société nouvelle du théâtre anciennement dénommée
Société nouvelle des théâtres PEZET » à l’encontre de la S.C.I. AVI-INVEST prise en la personne de son gérant.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées par la société S.A.R.L. FREDOLIVIA le 27 juillet 2016 et le bordereau de pièces annexé.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées par la société S.C.I. AVI-INVEST le 10 août 2015 et le bordereau de pièces annexé.

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 9 septembre 2016 à effet différé au 22 septembre 2016.

°°°

Le 30 avril 2008, la S.A.R.L. FREDOLIVIA a fait l’acquisition du fonds de commerce de théâtre, café, concert, cinéma, dancing, spectacle, hôtel restaurant, , dénommé le Palace, de la
Société nouvelle du théâtre Palace, exploité dans un immeuble donné à bail commercial le 20 janvier 1992 par le Centre hospitalier d’Avignon, immeuble acheté les 18 et 19 décembre 2007 par la S.C.I. AVI-INVEST .

Le 20 avril 2009, la S.A.R.L. FREDOLIVIA a notifié à la S.C.I AVI-INVEST une demande de renouvellement du bail commercial .

La S.C.I. AVI-INVEST a notifié à la S.A.R.L.
FREDOLIVIA un refus de renouvellement avec offre d’indemnité d’éviction le 20 juillet 2009.

Sur requête de la S.C.I. AVI-INVEST, M. B, expert judiciaire , a été désigné le 6 novembre 2009 par le juge des référés avec pour mission de déterminer l’indemnité d’éviction en cas de perte du fonds, en cas de transfert du fonds, et de fournir tous éléments permettant d’apprécier le montant de l’indemnité d’occupation due par la société S.A.R.L. FREDOLIVIA à compter du 20 juillet 2009.

Par acte d’ huissier du 20 août 2010, la S.C.I.
AVI-INVEST a assigné la S.A.R.L.
FREDOLIVIA devant le tribunal de grande instance d’Avignon aux fins de voir statuer sur le montant des indemnités d’éviction et d’occupation.

L’expert désigné en référé a déposé un pré-rapport d’expertise le 22 juillet 2011.

Par ordonnance du 19 septembre 2011, le juge de la mise en état a à nouveau désigné M
B avec la même mission.

M. B, sur cette nouvelle désignation, a déposé un nouveau pré-rapport en date du 19 décembre 2012, suivi d’un additif en date du 15 février 2013.

Par acte d’huissier 10 juillet 2013, la S.A.R.L. FREDOLIVIA a assigné la S.C.I.
AVI-INVEST devant le tribunal de grande instance d’Avignon aux fins que soit constaté qu’elle ne lui devait aucun loyer et que soit déclaré nul le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré par son bailleur.

Ces deux procédures ont fait l’objet d’une jonction administrative.

Par jugement rendu le 26 février 2015, le tribunal de grande instance d’Avignon a :

'prononcé l’annulation du commandement de payer délivré le 21 juin 2013 ;

'débouté la S.C.I. AVI-INVEST de sa demande de résiliation du bail ;

'condamné la S.C.I. AVI-INVEST à payer à la
S.A.R.L. FREDOLIVIA les sommes de :

-700 .000 au titre de l’indemnité principale d’éviction ;

'70. 000 au titre de l’indemnité de remploi ;

-4859,07 euros au titre de l’indemnité pour trouble de jouissance ;

-14 .620 au titre des travaux non amortis ;

-57 .835 au titre des frais de déménagement et de réinstallation ;

'fixé le montant de l’indemnité annuelle d’occupation due par la S.A.R.L. FREDOLIVIA à la
S.C.I. AVI-INVEST à la somme de 55 .424,25 euros ;

'ordonné la compensation entre les sommes dues au titre de l’indemnité d’éviction et celles dues au titre de l’indemnité d’occupation ;

'condamné la S.C.I. AVI-INVEST aux dépens ;

'condamné la S.C.I. AVI-INVEST à verser à la
S.A.R.L. FREDOLIVIA la somme de 3000 au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

'ordonné l’exécution provisoire ;

'rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties.

Dans ses dernières conclusions, la S.A.R.L. FREDOLIVIA demande à la cour de :

'sur le fond,

'l’accueillir en son appel limité ;

'réformer le jugement entrepris s’agissant uniquement des dispositions concernant l’indemnité d’éviction et l’indemnité d’occupation ;

'statuant à nouveau,

'fixer le montant d’un indemnité d’éviction de la société S.A.R.L. FREDOLIVIA à la somme de 1. 632. 425,57 euros se décomposant comme suit :

— indemnité principale d’éviction, perte du fonds :
1.413 465 euros ;

— indemnité de remploi : 141. 466,50 euros,

— indemnité pour trouble commercial : 4859,07 euros,

— travaux non amortis : 14. 620 euros,

— frais de déménagement et de réinstallation :
57. 835 euros ;

'appliquer à l’indemnité d’occupation due par la
S.A.R.L. FREDOLIVIA à la S.C.I.
AVI-INVEST un abattement de 30 % de précarité ;

— ordonner la compensation entre les sommes dues au titre de l’indemnité d’éviction et les sommes dues au titre de l’indemnité d’occupation ;

'confirmer le jugement pour le surplus ;

— débouter la S.C.I. AVI-INVEST de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires ;

'la débouter de son appel incident ;

'à titre infiniment subsidiaire,

'vu l’article 232 du code de procédure civile,

'vu les articles 256 et suivants du code de procédure civile,

'ordonner une consultation judiciaire et désigner pour ce faire tel expert qu’il plaira à la cour avec pour mission, après être s’être fait remettre tous documents utiles à l’accomplissement de sa mission, d’établir la valeur du droit au bail de la société S.A.R.L. FREDOLIVIA ;

'en tout état de cause,

'condamner la S.C.I. AVI-INVEST à payer à la
S.A.R.L. FREDOLIVIA la somme de 20. 000 au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

'condamner la même aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire et ordonner la distraction des dépens d’appel au profit du conseil de la S.A.R.L. FREDOLIVIA.

Dans ses dernières conclusions, la S.C.I. AVI-INVEST demande à la cour de :

'vu les dispositions des articles L 145-14, L 145-28, L 145-33 et L 145-34 du code de du commerce,

'réformer le jugement entrepris et statuant à nouveau,

'rejeter l’intégralité des demandes formulées par la S.A.R.L. FREDOLIVIA ;

'fixer le montant de l’indemnité d’éviction due à la S.A.R.L. FREDOLIVIA à la somme de 353. 975 euros ;

'fixer l’indemnité d’occupation due par la S.A.R.L.
FREDOLIVIA à la somme annuelle de 70. 817 euros sur la période du 20 juillet 2009 au 19 juillet 2009 (sic), de 71. 665 euros sur la période du 20 juillet 2010 au 19 juillet 2011, de 76. 569 euros sur la période du 20 juillet 2011 au19 juillet 2012, de 77 .700 euros sur la période du 20 juillet 2012 au 19 juillet 2013, de 76 002 euros sur la période du 20 juillet 2013 au 19 juillet 2014, de 76. 144 euros sur la période du 30 juillet 2014 au 19 juillet 2015 ;

'ordonner la compensation entre la somme due au titre de l’indemnité d’éviction et les sommes dues au titre de l’indemnité d’occupation ;

'partager par moitié entre chacune des deux parties les frais des deux expertises confiées à Monsieur B (en référé et au fond) ;

'condamner la S.A.R.L. FREDOLIVIA à payer à la
S.C.I. AVI-INVEST la somme de 3000 en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d’appel.

Il convient pour plus ample exposé de se référer au jugement entrepris et aux conclusions précitées.

DISCUSSION

Sur la procédure.

Il n’apparaît pas de moyen d’irrecevabilité des appels que la cour devrait relever d’office et les parties n’élèvent aucune discussion sur ce point.

Sur le fond.

Du fait de l’effet dévolutif de l’appel général, la cour confirmera le jugement entrepris en ses dispositions non contestées.

Sur l’indemnité d’éviction

Aux termes des dispositions de l’article L145-14 du code du commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.
Cette indemnité comprend la valeur du fonds de commerce déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagements et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.

Sur l’indemnité principale d’éviction .

Les deux parties s’accordent depuis les opérations d’expertise sur la méthode à utiliser pour le calcul de l’indemnité d’éviction, à savoir la méthode en fonction du nombres de fauteuil, méthode qu’il est d’usage d’utiliser pour les théâtres . Mais la S.C.I. AVI-INVEST estime qu’il convient d’y apporter des correctifs tenant au caractère temporaire de l’exploitation, pendant le festival d’Avignon ; elle considère aussi que le prix du fauteuil retenu par l’expert est trop élevé au regard du chiffre d’affaires ou du bénéficie réalisé. La société
FREDOLIVIA conteste la valorisation retenue par l’expert, calculée uniquement sur la durée du festival, calcul retenu par le tribunal.

L’expert a rappelé les éléments régulièrement retenus, en dehors de la méthode de la jauge ou du fauteuil, pour évaluer un fonds de commerce à savoir le chiffre d’affaires davantage que le bénéfice qui peut dépendre d’autres paramètres, l’emplacement, l’importance des locaux et la qualité de l’immeuble, le matériel, les agencements et installations, la marchandise, le droit au bail.

L’expert a écarté la méthode par comparaison à défaut d’éléments comparables et en nombre suffisant

Il a donc retenu le principe de l’évaluation au fauteuil, en déterminant le prix moyen du fauteuil selon les barèmes qu’il a recueillis et y a apporté des correctifs pour tenir compte de la situation propre du théâtre.

Le local loué comporte cinq salles utilisées comme salles de théâtres pour un nombre de fauteuils fixé par l’expert et sur lequel les parties s’accordent de 782.

Les barèmes utilisés par l’expert sont indicatifs et varient légèrement selon les éditions
Francis Lefevbre, Delmas , Callon , dans une fourchette de 900 à 2000 euros par fauteuil.

Dans son pré-rapport déposé au mois de décembre 2012, l’expert , faisant remarquer que les barèmes ou valeurs proposées sont généralement appliqués lors de transactions à Paris ou en
Ile de France a retenu un montant de 936,25 euros par fauteuil correspondant à la moyenne des valeurs des fourchettes basses des quatre barèmes étudiés, tenant compte de la situation en province, de la fréquentation essentiellement pendant le festival d’Avignon, de la vétusté

du lieu , de la grande superficie et multiplié le nombre de fauteuils par le prix moyen du fauteuil , soit une somme arrondie à 732.000 euros . Dans son précédant pré ' rapport sur ordonnance de référé , l’expert aboutissait au même chiffre par fauteuil et apportait aussi comme correctif le faible chiffre d’affaires.

L’expert a porté ce chiffre au fauteuil à 1807,50 euros ( soit la moyenne des valeurs des fourchettes hautes des quatre barèmes étudiés) dans son rapport définitif pour tenir compte, sur un dire de la défenderesse , de l’impact culturel de la ville d’Avignon et de son festival mais il a aussi tenu compte de l’occupation effective du local exclusivement pendant le festival (25jours en moyenne) du nombre de représentations journalières ( 6 par jour et par salle pendant cette période) soit l’équation suivante :

prix du fauteuil ( 1807,50) X 782 fauteuils X 25 jours X 6 représentations , le tout divisé par 365 jours soit 580.876,03 euros.

Le tribunal a estimé que le dénominateur commun devait être de 303 jours , et non 365 jours, pour tenir compte d’une journée de repos par semaine et de 10 jours fériés en moyenne ( 52 +10) ce qui abouti à une somme de 699.735 euros et a accordé par conséquent une indemnité principale de 700.000 euros.

La S.A.R.L. FREDOLIVIA fait valoir pour l’essentiel au soutien de son appel :

— qu’elle avait l’ambition, ce que ne lui interdisait pas le bail, de développer une activité de concerts et autres activités culturelles à l’année ;

— qu’elle fait partie des théâtres ouverts toute l’année ;qu’aucune notion « d’occupation effective » laquelle est inconnue tant en jurisprudence qu’en doctrine, ne doit venir pondérer la méthode d’évaluation dite au fauteuil ;

— que l’absence de stabilité juridique du fait du non renouvellement du bail l’a lourdement pénalisée, les contrats passés avec les professionnels se négociant six mois voire un an ou plus avant leur réalisation ;

— que la bail est « tous commerces » ;

— que l’indemnité doit donc être calculée sur la base du prix de fauteuil retenu par l’expert multiplié par le nombre de fauteuil, sans correctif quant à « l’occupation effective », soit une indemnité totale de 1.413.465 euros ( 1807,50 X 782) ;

— qu’en outre, il est de jurisprudence constante que la valeur de l’indemnité d’éviction ne peut être inférieure à la valeur du droit au bail ;

— qu’elle a communiqué à l’expert trois exemples de valeur de droit au bail à proximité, pour un montant respectif de 1 million d’euros et 1,2 millions d’euros.

La S.C.I. AVI-INVEST réplique pour l’essentiel :

— qu’il est avéré par le rapport extra judiciaire que la société FREDOLIVIA a demandé à M
C qu’elle a exploité les locaux entre 2009 et 2011 pendant exclusivement la durée du festival d’Avignon , soit pendant 22 jours par an ;

— que la méthode dite au fauteuil doit être adaptée du fait qu’il n’est pas possible de comparer un fauteuil dans un théâtre exploité tout au long de l’année avec une clientèle propre , produisant une seule voire deux pièces, avec un fauteuil occupé 22 jours par an et dont la

clientèle est attachée au Festival, n’employant pas de personnel qualifié et permanent, et dont le prix du billet est unique et d’un montant réduit (15 euros) ;

— qu’après analyse de son chiffre d’affaire et son résultat entre 2008 et 2011, son éviction aurait eu pour effet de priver la S.A.R.L. FREDOLIVIA d’un chiffre d’affaire annuel moyen de 120.000 euros et d’un bénéfice moyen de 34.000 euros ;

— que dans d’autres activités, l’indemnité d’éviction est calculée sur un pourcentage du chiffre d’affaires des trois dernières années compris entre 70 et 100 %, ;

— que ramené au chiffre d’affaires qu’il génère sur une année, le fauteuil exploité par la
S.A.R.L. FREDOLIVIA rapporte 151,19 euros par an ( 118.237,50 euros) ;

— que tenant compte de ces éléments, l’indemnité d’éviction doit se calculer sur le prix du fauteuil initialement calculé par l’expert ( 936,25 euros) sur la base de 22 jours par an sur une année de 365 jours, soit 264.776,63 euros , ce qui représente 223 % du chiffre d’affaires annuel moyen des trois derniers exercices.

La valeur d’un fonds de commerce est basée sur la capitalisation des bénéfices escomptés.
C’est en ce sens qu’est utilisée dans les théâtres la méthode de la jauge ou du fauteuil, considéré comme un outil, permettant d’évaluer le public que le théâtre est en capacité d’accueillir.

Il est entendu que la clientèle est davantage attirée par la pièce qui s’y joue que par l’infrastructure si bien que le fait que durant le festival ce soit la clientèle du festival qui fréquente le Palace importe peu.

La spécificité d’Avignon permet au théâtre exploité par la société FREDOLIVIA d’accueillir un public nombreux pendant les 25 jours que dure en moyenne le festival Off, pour un prix de la place toutefois relativement bas , de l’ordre de 15 euros par place, la société
FREDOLIVIA ne prétendant pas accueillir les représentations du festival In, d’une durée généralement légèrement inférieure en nombre de jours, et dont le prix de la place est plus élevé .

Cette activité intensive pendant le festival n’empêche pas le théâtre d’accueillir du public en dehors de cette période, comme le font d’autres théâtres d’Avignon, étant précisé que le bail consenti permettait au bailleur d’élargir le champ de son activité vers d’autres catégories de spectacle.

Malgré le temps écoulé , aucune activité n’a toutefois été programmée, l’appelante expliquant ceci par le caractère précaire du bail du fait du non renouvellement et du délai nécessaire pour négocier avec les professionnels du spectacle, ce qui en partie peut expliquer ceci, phénomène qui ne se retrouve pas durant le festival car les salles sont très recherchées .

L’expert extra judiciaire contacté par la S.A.R.L.
FREDOLIVIA , M C, a fait savoir qu’outre des spectacles hors festival organisés par la
S.A.R.L. FREDOLIVIA en 2012 ( mais ceci n’est pas documenté), les autres théâtres d’Avignon organisaient plusieurs séances par an, de l’ordre de 42 à 185 par an.

Aucune pièce n’est produite sur les projets de programmation et sur les délais de négociation, mais compte tenu d’une potentialité qui n’a aucune raison d’être inférieure à celle des autres théâtres d’Avignon, il doit être considéré que le théâtre le Palace, bien placé en ce qu’il est dans la rue principale d’Avignon, est en mesure d’accueillir des spectacles en dehors du festival.

L’expert contacté par la S.A.R.L. FREDOLIVIA note que les activités liées à la formation ou à congrès peuvent sans difficulté être entreprises au vu de la consistance des lieux et chiffre à 85.930 euros le nombre de tickets vendus pendant le festival et à 121.200 le nombre de tickets pouvant être vendus.

Les constatations techniques de cet expert , M C, ne sont pas contestées.

L’expert immobilier contacté par la S.C.I. AVI-INVEST confirme le bon emplacement du local, mais applique une méthode liée uniquement à la rentabilité qui n’a pas été retenue par l’expert et les parties .

Enfin, pour répondre aux dires des parties, l’expert conclut à juste titre qu’il a adapté sa méthodologie au cas d’espèce, non sur la base d’un texte ou d’une jurisprudence, mais suivant les usages de la profession comme le prescrit l’article L145-14 du code de commerce.

Ainsi, il n’y a pas lieu de retenir la méthode revendiquée par la S.C.I. AVI-INVEST dans ses conclusions, tirée du chiffre d’affaire réalisé sur une courte période de l’année pour proposer une évaluation basse sur uniquement 25 jours. Ce mode de calcul ne permet pas de tenir compte de la capacité théorique du théâtre en fonction de sa capacité d’accueil, au nombre de fauteuil, corrigée par d’autres paramètres ( implantation géographique et locale, vétusté, grandeur du Palace plus difficile à remplir).

Par ailleurs, la fréquentation plus intensive pendant le festival, et celle théorique nettement plus réduite le reste de l’année, ne répond pas à la notion « d’occupation effective » dénoncée par la S.A.R.L. FREDOLIVIA, mais découle de l’implantation du théâtre en province, dans une localité certes connue comme capitale du théâtre, à une échelle nationale et internationale, mais dont l’activité théâtrale en dehors de la période du festival est sans rapport avec celle de Paris.

Il ne peut donc être pratiqué , contrairement à ce que souhaite la S.A.R.L. FREDOLIVIA, un prix du fauteuil correspondant au barème haut durant la période de l’année hors festival.

En conclusion, le prix du fauteuil est habituellement calculé comme l’avait fait l’expert dans son pré-rapport sur l’année entière : prix du fauteuil X nombre du fauteuil.

Il sera procédé de cette manière, selon les usages de la profession, par la cour sur un prix moyen du fauteuil proche de la fourchette basse, soit 940 euros par fauteuil, lequel tient compte:

— du potentiel d’activité intensive durant le festival (25 jours en moyenne par an) , avec 6 représentations par jour ,et beaucoup plus réduit le reste de l’année compte tenu de sa situation en province,

— du prix relativement bas des places durant la période du festival,

— de la fermeture habituelle en semaine (relâche) et la période de congé annuel, commune à tout théâtre,

— de la vétusté du lieu constatée par l’expert,

— de la grande superficie du théâtre doté de plusieurs salles , qu’il est plus difficile de remplir qu’un petit théâtre ne comportant que peu de salles,

— soit une indemnité principale d’éviction de 735.080 euros.

Sut le droit au bail et la demande subsidiaire d’expertise.

Il est exact que, selon une jurisprudence constante et les usages du la profession, l’indemnité d’éviction ne peut être inférieure au droit au bail, laquelle est l’un des éléments d’évaluation du fonds de commerce.

La S.C.I. AVI-INVEST ne répond pas dans ses conclusions sur la valeur minimale par rapport au droit au bail, mais a fait référence dans une note adressée à l’expert au caractère monovalent du local .

La valeur du droit au bail trouve son origine dans l’infériorité du loyer contractuel théorique en renouvellement par rapport à la valeur locative du marché. La méthode par comparaison permet de savoir à quel prix le droit au bail peut être négocié.

Cette recherche se fait soit par comparaison avec d’autres cessions de droit au bail pour des locaux comparables, soit par la différence entre le loyer d’un bail renouvelé, soumis à des règles de fixation , et le loyer que le bailleur pourrait espérer s’il donnait à bail les lieux à un nouveau locataire.

La S.A.R.L. FREDOLIVIA se fonde pour évaluer le droit au bail sur la comparaison avec la vente de trois fonds de commerce pour un montant de l’ordre de 1 million d’euros, mais ne produit aucun élément sur ces ventes qui au surplus, compte tenu de la nature des fonds ( brasserie, café, parfumerie) dont la valeur est calculée sur la chiffre d’affaires ou les recettes, n’intègrent pas dans la valeur du fonds le seul droit au bail.

Du reste, l’expert et les parties ont admis , pour l’évaluation de fonds de commerce en vue de calculer l’indemnité d’éviction, qu’il n’était pas possible de procéder par comparaison avec d’autres droits au bail faute de locaux comparables.

Il y a lieu dès lors de procéder par comparaison des loyers différentiels, c’est à dire de calculer l’avantage que perd le bailleur et qui résulte de l’infériorité du loyer renouvelé par rapport à la valeur locative.

Il n’est pas fait état dans l’acte de cession du fonds au profit de la S.A.R.L. FREDOLIVIA du versement d’un droit au bail ou de pas de porte .

Il convient donc uniquement de prendre en compte le différentiel des loyers.

Deux hypothèses se présentent :

— soit le prix du bail renouvelé est égal à la valeur locative ;

— soit le prix du bail renouvelé est bas et s’éloigne de la valeur locative.

Dans la première hypothèse, le droit au bail est égal à néant puisque le montant du loyer du bail renouvelé est égal à la valeur locative.

C’est la cas des locaux monovalents et du reste l’expert , lorsqu’il a calculé l’indemnité d’occupation, a calculé la valeur locative en considérant que le local était monovalent.

L’article R145-10 du code de commerce dispose en effet que le prix du bail des locaux construits en vue d’une seule utilisation peut, par dérogation aux articles L145-33 et R145-3 et suivants du code de commerce, être déterminé selon les usages observés dans la branche considérée. Ils échappent donc au plafonnement prévu par l’article L145-34 et le droit au bail

est en ce cas égal à néant, puisque le montant du bail renouvelé est égal à la valeur locative calculée selon les usages .

L’expert a ainsi noté lorsqu’il a fixé l’indemnité d’éviction que le caractère monovalent du local commercial n’était pas contesté, les experts privés de chacune des parties l’ayant admis dans leurs rapports respectifs, ce que le cour a pu constater, ces rapports étant versés aux débats.

La S.A.R.L. FREDOLIVIA remet en cause ce caractère monovalent pour calculer le droit au bail au motifs que le bail étant « tous commerces » , elle aurait pu y développer n’importe quelle activité si le bail avait été renouvelé.

L’expert interrogé sur la valeur du droit au bail par un dire de la S.A.R.L. FREDOLIVIA a du reste répondu qu’il se confondait pour les théâtres avec la valeur du fonds.

Donc, en retenant le caractère monovalent du local, le droit au bail est égal à néant.

La seconde hypothèse, qui tendrait à voir calculer le loyer selon les conditions strictes de l’article L145-34 du code de commerce afin qu’il ne se rapproche pas de la valeur locative est plus favorable à la S.A.R.L. FREDOLIVIA . Il convient dès lors de comparer le loyer renouvelé et la valeur locative.

Concernant le premier paramètre (loyer renouvelé ) il sera retenu, dès lors qu’il n’est pas calculé, le montant du loyer avant le non renouvellement du bail, soit 26163,70 euros l’an en 2009, hypothèse la plus favorable à cette société, car il n’est pas prétendu et il n’apparaît pas que les indices de référence aient baissé.

Sur le second paramètre du différentiel, à savoir la valeur locative, celle-ci a été fixée par l’expert sans que les parties ne critiquent son évaluation à la somme de 61.582 euros l’an mais la SCI AVI-INVEST demande, pour calculer l’indemnité d’occupation, que cette valeur soit par l’effet de l’indexation et d''une majoration de 15 % pour clause de « libre cession et tous commerces » fixée en 2015 à 83.758 euros ( en réalité, 76.144 euros , somme à laquelle il convient d’ajouter l’indemnité de précarité de 10 % déduite par la SCI AVI-INVEST et qui ne doit pas être prise en compte dans le calcul de la valeur locative en cas d’un bail conclu avec un nouveau locataire). Il s’agit donc ici de la fourchette haute de la valeur locative.

Partant de l’hypothèse la plus favorable pour la
S.A.R.L. FREDOLIVIA, ( locaux non monovalents) le différentiel serait celui existant entre :

— le montant d’un loyer de 26.163,70 euros l’an

— et la valeur actuelle revendiquée par l’intimée, soit 83758 euros l’an,

— soit une différence de 57.594,30 euros multipliée par le coefficient applicable pour calculer le droit au bail . Ce coefficient est identique à celui utilisé pour calculer la valeur locative.
L’expert a ainsi appliqué pour fixer la valeur locative lui permettant de calculer l’indemnité d’occupation un coefficient de 5,25 sur une échelle de 4,5 à 6 . Au plus haut du coefficient, le droit au bail serait donc de 6 X 57.594,30 soit 345.565,80 euros

Dans toutes les hypothèses, la valeur du droit au bail est donc inférieure à l’indemnité d’éviction ci-dessus calculée par la cour pour un montant de 735.080 euros.

La cour étant suffisamment éclairée, il n’y a pas lieu d’avoir recours à une consultation. Il ne sera pas fait droit par conséquent à la demande subsidiaire d’expertise sollicitée par la

S.A.R.L. FREDOLIVIA.

Sur l’indemnité de remploi.

Cette indemnité est destinée à couvrir les frais et droits de mutation à régler pour l’acquisition d’un fonds de commerce de même valeur. Elle est généralement forfaitaire et a été estimée par l’expert à 10 %.

Si le montant de cette indemnité varie par définition selon le montant de l’indemnité d’éviction, les parties ne contestent pas le pourcentage appliqué justement estimé par l’expert à 10 %.

L’indemnité de remploi sera donc fixée à 73.508 euros.

Sur l’indemnité de trouble commercial, l’indemnité pour trouble commercial et l’indemnité pour travaux non amortis les frais de déménagement.

Les parties concluent à la confirmation du jugement.

Sur l’indemnité annuelle d’occupation.

L’article L145-28 du code de commerce prévoit que le locataire a le droit de rester dans les lieux. jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction, moyennant paiement d’une indemnité d’occupation déterminée conformément aux dispositions des sections VI et VII ,compte tenu de tous éléments d’appréciation

Elle correspond à la valeur locative du local puisqu’elle est destinée à indemniser le bailleur de l’immobilisation des locaux occupés par le preneur évincé.

L’expert l’a calculée selon la méthode dite de la jauge.

Les parties sont d’accord sur l’indemnité de base fixée par l’expert à 61.582,50 euros .

L’expert l’a diminuée d’une indemnité de précarité qu’il a évalué à 10 % . Le tribunal l’a pour sa part fixée à 20 % La S.C.I. AVI-INVEST entend la voir fixer à 10 % et la S.A.R.L.
FREDOLIVIA à 30 % aux motifs qu’elle aurait dû développer son activité de manière sereine, que les contrats passés avec les professionnels du spectacle se négocient à six mois voire un an avant leur déroulement et que les gens qui contractent avec elle avaient besoin d’une stabilité juridique qu’ils n’ont pas eus, eu égard au caractère précaire de l’occupation.

La spécificité de l’exploitation d’un théâtre nécessitant que des contrats soient effectivement conclus avec les artistes très longtemps à l’avance justifie la fixation de l’indemnité de précarité retenue par le tribunal.

La S.C.I. AVI-INVEST entend voir augmenter l’indemnité d’occupation de 5 % pour tenir compte de la libre cession du droit au bail prévue dans le contrat pour tous commerces et de la possibilité de sous-location.

L’expert avait proposé une majoration de 10 % pour tenir compte de la clause « tous commerces », majoration que le tribunal n’a pas retenue.

Vu la configuration des lieux, constitués essentiellement de salles de spectacle, et de la précarité de l’occupation rendant difficile la sous-location totale et partielle ainsi qu’une cession, il n’y a effectivement pas lieu d’appliquer cette majoration.

La S.C.I. AVI-INVEST demande enfin qu’une révision annuelle de l’indemnité soit prévue.
Cette révision annuelle est laissée à l’appréciation de la juridiction comme l’indemnité d’occupation. La période d’occupation n’a pas connu de retournement de conjoncture justifiant cette révision annuelle. Il sera prévu une révision triennale à compter du 19 juillet 2012 par application de l’indice sur la construction, ce qui était du reste appliqué suivant le contrat.

Par conséquent, le jugement sera confirmé sur le montant de l’indemnité de base de 61.580 euros ( indemnité calculée par l’expert après abattement de 10 % de précarité mais augmentation de 10 % pour la clause tout commerce) .Déduction faite de l’indemnité de précarité de 20 % , l’indemnité d’occupation est d’un montant de 49.264 euros par an ( et non 55.424,25 calculé par erreur par le tribunal)

Sur la compensation.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a ordonné la compensation entre la somme due au titre de l’indemnité d’éviction et les sommes dues au titre de l’indemnité d’occupation.

Sur les frais d’instance.

La S.C.I. AVI-INVEST à l’origine du refus de renouvellement supportera les dépens de première instance en ce compris les frais d’expertise, tant de référé que d’instance au fond .
Le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a condamnée à verser la somme de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Chaque partie succombant partiellement dans son appel supportera ses propres dépens d’appel et sera déboutée de ses demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement, publiquement, en dernier ressort,

Infirme le jugement entrepris quant au montant de l’indemnité d’éviction, le montant de l’indemnité de remploi, le montant de l’indemnité annuelle d’occupation.

Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions.

Statuant à nouveau,

Condamne la S.C.I. AVI-INVEST à payer à la S.A.R.L.
FREDOLIVIA la somme de 735.080 euros au titre de l’indemnité principale d’éviction.

Condamne la S.C.I. AVI-INVEST à payer à la S.A.R.L.
FREDOLIVIA la somme de 73.508 euros au titre de l’indemnité de remploi.

Fixe l’indemnité d’occupation due par la S.A.R.L.
FREDOLIVIA à la S.C.I. AVI-INVEST à la somme de 49.264 euros par an, avec indexation tous les trois ans le 19 juillet sur l’indice du coût de la construction publié par l’INSEE et pour la première fois le 19 juillet 2012 .

Déboute les parties de leurs autres demandes.

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens d’appel, à l’exception des frais d’expertise de référé et au fond qui seront supportés par la S.C.I. AVI-INVEST.

La minute du présent arrêt a été signée signé par Madame Christine CODOL, Présidente, et par Madame Patricia SIOURILAS, Greffier.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code de procédure civile
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Cour d'appel de Nîmes, 4ème chambre commerciale, 1er décembre 2016, n° 15/01581