Cour d'appel de Nîmes, 17 mars 2016, n° 15/04771

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nîmes, 17 mars 2016, n° 15/04771
Juridiction : Cour d'appel de Nîmes
Numéro(s) : 15/04771
Décision précédente : Tribunal de commerce de Nîmes, 13 octobre 2015, N° 2015R00107

Texte intégral

ARRÊT N°

R.G : 15/04771

XXX

PRESIDENT DU TC DE NIMES

14 octobre 2015

RG:2015R00107

SAS DUMEZ SUD

XXX

C/

SAS CANOPEE

SAS SOCIETE MERIDIONALE DU BATIMENT (SMB)

COUR D’APPEL DE NÎMES

4e CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 17 MARS 2016

APPELANTES :

SAS DUMEZ SUD

immatriculée au RCS de Montpellier sous le numéro338 203 631 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège

XXX

XXX

Représentée par Me LANOYL de la SCP CABANES BOURGEON MOYAL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

XXX

immatriculée au RCS de MONTPELLIER sous le numéro 539 592 295

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège

XXX

XXX

Représentée par Me LANOY de la SCP CABANES BOURGEON MOYAL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉES :

SAS CANOPEE

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés es qualités audit siège social

XXX

XXX

Représentée par Me DELRAN de la SCP DELRAN-SERGENT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

SAS SOCIETE MERIDIONALE DU BATIMENT (SMB)

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège social

XXX

XXX

Représentée par Me DELRAN de la SCP DELRAN-SERGENT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Statuant sur appel d’une ordonnance de référé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Marianne ROCHETTE, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l’article 786 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Gabriel FILHOUSE, Président

Mme Viviane HAIRON, Conseiller

Mme Marianne ROCHETTE, Conseiller

GREFFIER :

Madame Patricia SIOURILAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l’audience publique du 11 Janvier 2016, où l’affaire a été mise en délibéré au 17 Mars 2016

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Jean-Gabriel FILHOUSE, Président, publiquement, le 17 Mars 2016, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSÉ

Vu l’appel interjeté le 20 octobre 2015 par la s.a.s « Dumez sud » et la s.a.s « Vcf management LR » à l’encontre d’une ordonnance de référé prononcée le 14 octobre 2015 par le président du tribunal de commerce de Nimes dans l’instance n° 2015 R 00107.

Vu les dernières conclusions déposées le 08 janvier 2016 par l’appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu les dernières conclusions déposées le 11 janvier 2016 par la s.a.s « Canopée » et la s.a.s « Société méridionale du bâtiment », intimées, et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu l’ordonnance de fixation prise en application de l’article 905 du code de procédure civile en date du 12 novembre 2015 fixant l’affaire à l’audience de plaidoiries du 11 janvier 2016..

* * *

La s.a.s 'Dumez sud’ et la s.a.s 'Vcf management LR’ font partie du Groupe Vinci intervenant dans tous les métiers du bâtiment, du génie-civil, de l’hydraulique et des métiers de spécialités.

Le 10 janvier et 11 avril 2014, elles ont procédé au licenciement avec dispense de préavis, de deux de leurs salariés, M. Y directeur régional et M. X, son collaborateur.

Dans le courant du mois de juillet 2014, M. Y est devenu Président de la 'société méridionale du Bâtiment’ ci-après dénommée 'Smb’ qu’il a rachetée par montage de sociétés et qu’il dirige avec M. Z ancien salarié de 'Vcf Management LR’ que ce dernier a quittée au terme d’une rupture conventionnelle de son contrat de travail intervenue le 30 juin 2014.

Ayant été informée que l’une de ses salariés, Mme B ancienne collaboratrice de M. Y, détenait des parts dans la société 'Canopée’ propriétaire de 100 % des parts de 'Smb', la société 'Dumez sud a procédé à son licenciement le 23 septembre 2014.

Confrontées à la démission de six autres salariés en fin d’année 2014 et début d’année 2015 et ayant appris que M. X et Mme B exerceraient probablement une activité pour la 'Smb', elles ont présumé une collusion entre anciens salariés et d’éventuelles démarches constitutives d’un débauchage abusif de personnel lui-même constitutif d’un acte de concurrence déloyale.

Elles ont donc saisi le Président du tribunal de commerce, pour obtenir sur le fondement des articles 145 et 493 du code de procédure civile, la désignation d’un huissier de justice chargé de procéder à différentes investigations.

Par ordonnance sur requête du 17 août 2015, le Président du tribunal de commerce de Nîmes y a fait droit en désignant la scp 'Roy-Massel-Soyer’ huissiers de justice, avec pour mission de se rendre dans les locaux de l’Ursaff mais également aux sièges des sociétés 'Smp’ et 'Canopée’afin de procéder à différentes vérifications – recherches des déclarations préalables à l’embauche d’anciens salariés de la s.a.s 'Dumez sud’ et la s.a.s 'Vcf management LR', relevé des mentions y figurant et recherches sur les ordinateurs fixes et portables de Messieurs et Madame Y, A, X et B, se trouvant aux sièges des sociétés, avec remise du registre du personnel.

La scp 'Roy-Massel-Soyer’ a réalisé sa mission le 14 septembre 2015 et a conservé sous séquestre les éléments recueillis conformément à ladite ordonnance.

Par exploit du 28 septembre 2015, la s.a.s « Canopée » et la s.a.s « Société méridionale du bâtiment » ont assigné la s.a.s « Dumez sud » et la s.a.s « Vcf management LR » devant le juge des référés du tribunal de commerce de Nîmes en rétractation de l’ordonnance du 17 août 2015, lequel par ordonnance de référé du 14 octobre 2015, a :

— renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu’elles en aviseront et vu l’urgence

— rétracté l’ordonnance du 17 août 2015 et ordonné aux huissiers ayant exécuté les missions de détruire les informations par eux saisies et conservées sous séquestre, sans en communiquer à quiconque le moindre élément,

— dit n’y avoir lieu à dommages-intérêts ni à application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la s.a.s « Dumez sud » et la s.a.s « Vcf management LR » aux dépens liquidés conformément à l’article 701 du code de procédure civile.

La s.a.s « Dumez sud » et la s.a.s « Vcf management LR » ont relevé appel de cette ordonnance pour voir:

— réformer l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

— débouter la s.a.s 'Canopee’ et la s.a.s 'Société méridionale du bâtiment’ de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

— condamner la s.a.s 'Canopee’ et la s.a.s 'Société méridionale du bâtiment’ à leur payer à chacune la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La s.a.s 'Canopee’ et la s.a.s 'Société méridionale du bâtiment’ forment appel incident pour voir :

— confirmer à titre principal, l’ordonnance du 14 octobre 2015 portant rétractation de l’ordonnance sur requête du 17 août 2015n° 2015op01686, – à titre subsidiaire, constater le défaut de motivation de l’ordonnance déférée,

— rétracter l’ordonnance du tribunal de commerce du 17 août 2015 n° 2015op01686,

— dire qu’il ne sera communiqué aucune des pièces saisies aux sociétés 'Dumez sud’ et 'Vcf management LR’ tant celles saisies à la société 'Smb’ que celles saisis à l’Ursaff si besoin,

— communiquer sans délai aux huissiers saisissants scp 'Roy Massel, Nîmes’ et scp 'Mouton Le Floc', l’ordonnance rendue interdisant toute divulgation,

— condamner en toutes hypothèses, la s.a.s 'Dumez sud’ et la s.a.s 'Vcf management LR’ à payer à la société 'Smb’ à titre provisionnel la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive ,

— les condamner également à 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION

Sur la procédure :

Il ne ressort pas des pièces de la procédure de moyen d’irrecevabilité des appels que la Cour devrait relever d’office, et les parties n’élèvent aucune discussion sur ce point. Les appels seront déclarés recevables.

Sur le fond :

Critiquant les motifs retenus dans l’ordonnance de rétractation, la s.a.s 'Dumez sud’ et la s.a.s 'Vcf management LR’ expliquent que la société 'Smb’ était effectivement une entreprise concurrente depuis 1957 mais qu’elle était aujourd’hui dirigée par deux de leurs anciens salariés dont l’un avait été précédemment chargé d’étudier le rachat de 'Smb’ pour le compte du groupe Vinci Construction. Confrontées à un nombre anormalement élevé de démissions et dans la perspective d’une éventuelle action en concurrence déloyale, elles estiment légitime de rechercher les circonstances de l’embauche de leurs anciens salariés par les sociétés intimées d’autant que leurs dirigeants connaissaient parfaitement la structure, l’organisation, le personnel et les conditions d’emploi de leur précédent employeur. Elles précisent que le licenciement des salariés Y, X et B sont précisément liés à la reprise de la société 'Smb’ et que la rupture conventionnelle du contrat de travail de M. A était intervenue le 30 juin 2014 moins d’un mois avant la reprise de la 'Smb'. Enfin, la circonstance que les autres salariés démissionnaires ne figurent pas sur le registre du personnel des sociétés adverses ne rend pas sans objet leur demande puisqu’elles sont à la recherche des circonstances de l’embauche des salariés et d’un démarchage, étant également indifférent qu’il n’existe aucune clause de non-concurrence .

Au visa de l’article 145 du code de procédure civile, il est permis à tout intéressé de demander sur requête les mesures d’instruction légalement admissibles s’il existe un motif légitime de conserver et d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, étant constant en vertu des dispositions de l’article 493 du même code que les mesures d’instruction ne peuvent être ordonnées par voie de requête que lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement.

L’exigence d’un motif légitime oblige le demandeur à prouver que la mesure d’instruction qu’il sollicite est pertinente en vue d’un litige crédible. La requête doit également établir les circonstances susceptibles de justifier qu’il soit procédé de manière non contradictoire.

En l’espèce, la s.a.s 'Dumez sud’ et la s.a.s 'Vcf management LR’ ont motivé leur demande par l’éventualité 'd’une action en concurrence déloyale devant le tribunal de commerce de Nîmes compte tenu d’un nombre anormalement élevé de départs de salariés qualifiés et au regard des circonstances de fait, laissant supposer l’existence d’un débauchage abusif de la part de la s.a.s ' Canopee’ et la s.a.s 'Société méridionale du bâtiment''

Elles ont demandé la désignation d’un huissier de justice avec mission de se rendre à l’Urssaf et au siège social des sociétés 'Canopee’ et ' Smb', pour vérifier si une déclaration préalable à l’embauche avait été effectuée par l’une ou l’autre pour les salariés X, B, Betton, Merle, Becker, Ballester, Pisano, Anger et relever dans l’affirmative les mentions des déclarations préalables à l’embauche (date de la déclaration, date de début du contrat, nature du contrat de travail au besoin par photographies ou par remise de copie) mais pour rechercher également sur les ordinateurs fixes et portables utilisés par les consorts Y, A, X et B tous dossiers, fichiers, correspondances et autres documents en rapport avec les faits litigieux, à l’aide de mots-clès.

Mais, il est constant que le débauchage même massif n’est pas en soi constitutif d’un acte de concurrence déloyale dès lors, et cela n’est pas contesté, qu’aucun des salariés désignés par les appelantes, licenciés comme démissionnaires, n’était assujetti à une clause de non-concurrence.

Il convient d’observer que 3 des salariés désignés dans l’exposé de la situation par les demanderesses avaient été licenciés le 10 janvier, le 11 avril, le 23 septembre 2014 et que la relation de travail d’un quatrième avait fait l’objet d’une rupture conventionnelle au mois de juin 2014 de sorte qu’ils étaient libres de tous engagements vis-à-vis de leur ancien employeur .

Deux des autres salariés cités ont effectivement donné leur démission courant 2014 et quatre autres l’ont fait entre février et juin 2015 après avoir occupé des fonctions d’ingénieurs méthodes et d’études de prix pour deux d’entre eux, d’assistant de chef de chantier, de conducteur de travaux, de maçon pour les autres, la fonction du dernier n’étant pas précisée. Seulement quatre d’entre eux avaient travaillé pour la s.a.s 'Dumez'. Les intimées admettent le recrutement de deux d’entre eux après quelques mois d’inactivité de l’un et après le terme d’une relation de travail conclue avec une entreprise tiers, pour l’autre.

A supposer comme le suspectent la s.a.s 'Dumez sud’ et la s.a.s 'Vcf management LR’ qu’il y ait eu débauchage ce qui est contesté par les intimées, il ne peut cependant être considéré comme massif pour une société qui selon la propre documentation produite par les appelantes, est intégrée dans une direction déléguée du groupe Vinci construction comprenant 14 filiales représentant 1050 à 1100 salariés dont la plus importante était 'Dumez sud’ .

Par ailleurs, la requête n’établit pas quel serait le risque de dépérissement des preuves constituées des déclarations préalables à l’embauche qui justifierait une dérogation au principe du contradictoire. Elle ne caractérise pas davantage la nécessité d’effectuer des recherches sur les ordinateurs fixes et portables, au regard d’un débauchage prétendu de 6 personnes dont il n’est pas établi à l’évidence qu’il aurait désorganisé voire simplement perturbé les sociétés appelantes.

En conséquence de ce qui précède, la démonstration n’est pas faite d’un motif légitime ni de la nécessité de contrevenir au principe du contradictoire. La décision déférée sera confirmée dans toutes ses dispositions.

La société 'Smb’ soutient l’existence d’un préjudice d’ores et déjà subi du fait de l’engagement d’une procédure sur requête illégitime dont les conséquences ne sont pas négligeables notamment vis-à-vis des anciens salariés et d’elle-même, ayant subi l’intrusion d’un huissier de justice dans des locaux qu’elle partage avec une autre société promoteur et partenaire privilégiée .

Mais elle ne démontre pas la réalité d’un préjudice personnel occasionné par l’engagement de la procédure qui consisterait notamment dans un déficit d’image à l’égard de ses partenaires.

La demande en dommages-intérêts à titre provisionnel sera donc rejetée.

Sur les frais de l’instance :

La s.a.s 'Dumez sud’ et la s.a.s 'Vcf management LR’ qui succombent, devront supporter les dépens de l’instance et payer à la s.a.s ' Canopee’ et la s.a.s 'Société méridionale du bâtiment’ une somme équitablement arbitrée à 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Reçoit les appels en la forme.

Au fond,

Confirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions

Rejette la demande en dommages-intérêts formée par la société 'Smb'.

Dit que la s.a.s « Dumez sud » et la s.a.s « Vcf management LR » supporteront les dépens de première instance et d’appel et paieront à la s.a.s ' Canopee’ et la s.a.s 'Société méridionale du bâtiment’ une somme de 2000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.

La minute du présent arrêt a été signée par Monsieur FILHOUSE, président, et par Madame Patricia SIOURILAS, greffière présente lors de son prononcé.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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