Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 24 septembre 2019, n° 18/04652

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nîmes, 5e ch. soc. ph, 24 sept. 2019, n° 18/04652
Juridiction : Cour d'appel de Nîmes
Numéro(s) : 18/04652
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nîmes, 18 décembre 2018, N° R18/00149
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

ARRÊT N°

N° RG 18/04652 – N° Portalis DBVH-V-B7C-HGLB

GLG/ID/CM

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE NÎMES

19 décembre 2018

RG :R 18/00149

SAS SOCIÉTÉ MÉDITERRANÉENNE DE NETTOIEMENT

C/

X

[…]

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5e chambre sociale PH

ARRÊT DU 24 SEPTEMBRE 2019

APPELANTE :

SAS SOCIÉTÉ MÉDITERRANÉENNE DE NETTOIEMENT,

SAS immatriculée au RCS de MONTPELLIER sous le n° 326 180 544, dont le siège social est sis […], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège.

[…]

[…]

Représentée par Me Delphine ANDRES de la SCP LOBIER & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NÎMES

Représentée par Me Delphine ADDE-SOUBRA, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉS :

Monsieur C X

assigné à étude d’huissier

[…]

[…]

Représenté par Me Véronique NOY de la SCP VINSONNEAU PALIES C./NOY V./GAUER G. ET ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de MONTPELLIER substituée par Me Alexia ROLAND Plaidant/Postulant, avocat au barreau de MONTPELLIER,

[…]

représentée par son représentant légal en exercice

[…]

[…]

Représentée par Me Nicolas CHENEVOY de la SCP FIDERE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Représentée par Me Barbara MICHEL, Postulant, avocat au barreau de NÎMES

Affaire fixée en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Monsieur Guénaël LE GALLO, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 786 du Code de Procédure Civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Guénaël LE GALLO, Président

Monsieur Lionel MATHIEU, Conseiller

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

À l’audience publique du 05 Avril 2019, où l’affaire a été mise en délibéré au 18 Juin 2019, prorogé à celle de ce jour.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé et signé par Monsieur Guénaël LE GALLO, Président, publiquement, le 24 septembre 2019, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. C X a été embauché par la Société Méditerranéenne de Nettoiement (SMN), en qualité d’agent de centre de tri, suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er août

2005.

Affecté au marché de gestion globale des déchets sur le site de la société Nestlé Waters Supply Sud à Vergèze, il exerçait en dernier lieu les fonctions de conducteur enlèvement PL coefficient 114 niveau II échelon 3 de la convention collective nationale des activités du déchet. Il était titulaire du mandat de délégué du personnel titulaire depuis le 16 mai 2014.

À compter du 1er octobre 2018, ce marché a été attribué à la société Suez RV OSIS FM, appliquant la convention collective nationale de l’assainissement et de la maintenance industrielle.

Par décision du 31 octobre 2018, l’inspecteur du travail a autorisé le transfert conventionnel du contrat de travail de M. X au profit de la société entrante.

Dans une nouvelle décision du 27 novembre 2018, réformant la précédente, il a autorisé ce transfert en application des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail.

La requête présentée par la société Suez RV OSIS FM au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes en vue de voir ordonner la suspension de la décision du 31 octobre 2018 et enjoindre à l’inspection du travail de rejeter toute demande d’autorisation de transfert du contrat de travail de M. X a été rejetée par ordonnance du 19 décembre 2018, qui a été déférée au Conseil d’Etat.

Par actes des 8 et 9 novembre 2018, M. X a fait assigner ces deux sociétés devant la formation de référé du conseil de prud’hommes de Nîmes afin de voir ordonner la poursuite de son contrat de travail, à titre principal, avec la société Suez OSIS FM, et subsidiairement, avec la société SMN, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ainsi que le paiement de ses salaires, et les voir condamner solidairement à lui payer la somme de 6000 euros en réparation du préjudice résultant de la violation de leur obligation de loyauté, outre 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Considérant qu’il existait une contestation sérieuse sur l’application de l’article L. 1224-1 du code du travail, la formation de référé du conseil de prud’hommes de Nîmes a, par décision du 19 décembre 2018, ordonné la poursuite du contrat de travail de M. X avec la Société Méditerranéenne de Nettoiement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du dixième jour suivant la notification de l’ordonnance, ainsi que la reprise du paiement des salaires, et a condamné cette société à payer au salarié la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts, outre 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, les dépens étant mis solidairement à la charge des deux entreprises.

La Société Méditerranéenne de Nettoiement a interjeté appel de cette décision le 28 décembre 2018.

L’appelante demande à la cour, à titre principal, d’infirmer l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions et de rejeter l’ensemble des demandes formées à son encontre, et reconventionnellement, d’ordonner le remboursement par M. X des sommes qui lui ont été versées en vertu de l’exécution provisoire, de condamner en tant que de besoin la société Suez OSIS FM à relever et garantir le salarié de cette condamnation, ou de la condamner à lui payer directement les sommes réglées à l’intéressé à ce titre, et de condamner tout succombant à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir essentiellement que le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, remettre en cause la décision de l’inspecteur du travail ordonnant le transfert du contrat de travail en application de l’article L. 1224-1 du code du travail, que cette décision produisant immédiatement et de plein droit ses effets, le contrat de travail de M. X a été transféré à la société Suez RV OSIS FM le 27 novembre 2018, que les parties ont d’ailleurs régularisé un contrat écrit prenant effet dès le 1er octobre 2018, sans période d’essai, qu’il importe peu que la société

entrante ait pu modifier certaines modalités d’exécution du marché, dès lors que les conditions requises pour le transfert automatique du contrat de travail sont remplies, à savoir le transfert au nouvel exploitant d’une entité économique autonome constituée par un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre, qu’au surplus la société Suez s’est volontairement placée sous le régime de l’article L. 1224-1 du code du travail en adressant une proposition de contrat de travail à chaque salarié concerné, que seul le juge du fond peut allouer des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et que l’ordonnance déférée ne comporte aucune motivation sur ce point, et enfin que contrairement aux dires de M. X, elle n’a nullement tardé à exécuter cette décision, notifiée le 21 décembre 2018, puisqu’elle a informé les salariés concernés de leur réintégration dès le 3 janvier 2019 et adressé les règlements subséquents le 7 janvier 2019.

Subsidiairement et avant dire droit, si la demande de sursis à statuer présentée par la société intimée, qu’elle estime injustifiée, était néanmoins accueillie, elle demande de rappeler que la décision de l’inspection du travail est exécutoire de plein droit, et en conséquence, d’ordonner la réintégration de M. X dans l’effectif de la société Suez OSIS FM, et de condamner en tant que de besoin cette société à relever et garantir le salarié du remboursement des sommes perçues dans le cadre de l’exécution provisoire, ou à lui régler directement l’intégralité des sommes brutes versées à ce titre.

Considérant qu’il existe un sérieux doute sur l’application de l’article L. 1224-1 du code du travail, que la procédure de référé n’a pas vocation à trancher au fond,, et qu’il est de l’intérêt d’une bonne administration de la justice d’éviter que la cour ne rende un arrêt susceptible d’être remis en cause par la décision administrative à intervenir, la société Suez RV OSIS FM demande dans ses dernières conclusions, à titre principal, de surseoir à statuer jusqu’à la décision du ministre du travail saisi d’un recours hiérarchique, et à titre subsidiaire, d’autoriser la communication de cette décision dans le cadre d’une note en délibéré.

Elle demande par ailleurs de confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a ordonné à la Société Méditerranéenne de Nettoiement de reprendre le paiement des salaires, et y ajoutant, d’ordonner que cette reprise soit effectuée jusqu’à ce qu’une décision administrative définitive intervienne, mais d’infirmer ladite ordonnance en ce qu’elle a rejeté sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner la société SMN à lui payer la somme de 2 000 euros sur ce fondement.

Elle soutient que l’article L. 1224-1 n’est pas applicable en l’espèce en raison de l’absence d’autonomie de l’activité qui était jusqu’alors exercée par la société SMN sur le site, de l’absence de transfert d’une entité autonome compte tenu de la différence sensible des prestations réalisées dans le cadre du nouvel appel d’offres, allant bien au-delà de la simple gestion des déchets, et de l’absence de reprise d’éléments corporels et incorporels significatifs et nécessaires à l’activité, que la société SMN est manifestement de mauvaise foi puisqu’après avoir invité les salariés affectés sur le site à démissionner, s’engageant à reclasser au sein du groupe Nicollin, auquel elle appartient, ceux qui refuseraient la proposition de contrat de travail faite par le nouvel exploitant, elle a prétendu tardivement que les contrats de travail avaient été automatiquement transférés au nouvel exploitant afin de se dédouaner de ses obligations.

M. X demande, à titre principal, de dire que les dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail sont applicables, et en conséquence, d’infirmer l’ordonnance déférée, d’ordonner la poursuite de son contrat de travail avec la société Suez RV OSIS FM sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de condamner cette société à assurer le paiement de son salaire depuis le 31 octobre 2018, date de la décision de l’inspecteur du travail autorisant le transfert, ainsi qu’à le relever et garantir du remboursement des sommes versées par la société SMN au titre de l’exécution provisoire en remboursant directement lesdites sommes à cette société.

Subsidiairement, il demande d’ordonner la poursuite de son contrat de travail avec la Société

Méditerranéenne de Nettoiement sous la même astreinte, et d’enjoindre à cette société d’assurer le paiement de son salaire depuis la décision d’autorisation du transfert du 31 octobre 2018.

En tout état de cause, il sollicite la condamnation solidaire des deux sociétés à lui verser la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, et de la partie qui succombe à lui payer deux sommes de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

Il expose essentiellement qu’il doit faire face à une situation d’urgence et qu’il existe un trouble manifestement illicite puisqu’aucune des deux sociétés ne considère être son employeur, que la décision administrative n’est pas définitive et que la cour dispose de toute latitude pour apprécier les conditions d’application de l’article L. 1224-1 du code du travail, que ces conditions sont bien remplies en l’espèce, l’activité économique de gestion globale des déchets sur le site de Nestlé Waters Supply Sud, définie à l’identique dans les cahiers des charges successifs, ayant été poursuivie par la société Suez RV OSIS FM, qui a embauché les salariés affectés sur le site, à l’exception de ceux ayant refusé de démissionner, et qui a repris les moyens significatifs et nécessaires à l’exploitation, que les deux sociétés ont mis en place une stratégie concertée en vue de contourner l’application des dispositions légales notamment afin d’éviter la reprise de son ancienneté, et qu’elles ont manifestement manqué à leur obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi, la société SMN n’ayant pas hésité, comme la société Suez, à tenter de lui extorquer une démission, laissant entendre qu’il serait reclassé en cas de refus, avant de se prévaloir tardivement d’un transfert par l’effet de la loi, ce qui l’a épuisé physiquement et moralement au point qu’il a été placé en arrêt de travail à compter du 27 septembre 2018, que la société SMN a tardé à exécuter la décision déférée, qu’elle n’a pas donné suite à sa demande gracieuse de prolongation de la mutuelle jusqu’au jour de l’audience du conseil de prud’hommes, et que la formation de référé est compétente pour allouer des dommages-intérêts provisionnels.

La Société Méditerranéenne de Nettoiement ayant transmis à la cour, le 4 juillet 2019, la décision du ministre du travail du 25 juin 2019, notifiée le 4 juillet 2019, confirmant celle de l’inspecteur du travail du 27 novembre 2018, la société Suez RV OSIS FM a communiqué, le 1er août 2019, son recours en excès de pouvoir formé à l’encontre de cette décision.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Selon l’article R. 1455-5 du code du travail, dans tous les cas d’urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud’hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

L’article R. 1455-6 prévoit que la formation de référé peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

L’article R. 1455-7 dispose que, dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

S’il est constant que la perte d’un marché de prestations n’emporte pas à elle seule transfert automatique des contrats de travail des salariés affectés à ce marché en application des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail, il en est autrement en cas de transfert d’une entité économique

autonome conservant son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise, qu’une telle entité est constituée par un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre, et que le transfert se réalise si des moyens corporels ou incorporels

significatifs et nécessaires à l’exploitation de l’entité sont repris, directement ou indirectement, par un nouvel exploitant.

En l’espèce, ni la Société Méditerranéenne de Nettoiement, ancienne exploitante du marché relatif à la gestion globale des déchets sur le site de Nestlé Waters Supply Sud, auquel M. X était affecté, ni la société Suez RV OSIS FM, nouvelle attributaire de ce marché à compter du 1er octobre 2018, ne reconnaissant être l’employeur du salarié, l’existence d’un trouble manifestement illicite est ainsi établie, ce qui justifie la compétence du juge des référés auquel il appartient de se prononcer sur l’application de l’article L. 1224-1 du code du travail, étant observé que la demande de sursis à statuer jusqu’à la décision du ministre du travail présentée par la société Suez RV OSIS FM est devenue sans objet puisque cette décision, confirmant celle de l’inspecteur du travail du 27 novembre 2018, a été transmise à la cour pendant le délai du délibéré.

Nonobstant l’argumentation développée par la société entrante selon laquelle sa réponse à l’appel d’offres émis par la société Nestlé Waters Supply Sud est radicalement différente de celle de la société sortante, notamment en ce qui concerne le respect des normes qualitatives, ce qui l’a conduite à réaliser de lourds investissements, l’examen comparatif de l’ancien et du nouveau cahier des charges révèle que les prestations requises sont identiques, tant dans leur objet que leur domaine d’application, que l’état des lieux est similaire (11 lignes d’embouteillage en 2014 contre 13 en 2018), que les conditions générales d’exécution du marché sont décrites en termes quasiment identiques, et qu’il en est de même en ce qui concerne les moyens matériels conformes à la réglementation que le prestataire s’engage à mettre à disposition (compacteur, bacs roulants, fûts, conteneurs divers, matériel destiné à récupérer les déchets dangereux…), ainsi que les conditions d’entretien, le nettoyage, les pannes et la maintenance, les moyens humains en vue d’assurer la collecte des déchets, le ramassage des zones de regroupement ou zones tampon, la préparation et le reconditionnement, la revente des déchets, le chargement des semis, l’organisation et le rangement de la zone écobase, l’évacuation et le suivi des déchets, et la diffusion des informations, la société Nestlé Waters s’engageant seulement à fournir au prestataire un vestiaire et un bureau, à charge pour ce dernier d’assurer la fourniture de chariots élévateurs et tout autre véhicule pour se déplacer entre les ateliers.

Par ailleurs, il est constant que M. X, comme les sept autres salariés affectés sur le site, s’est vu proposer de démissionner de son emploi et de conclure un nouveau contrat de travail avec la société Suez à compter du 1er octobre 2018, auquel il a renoncé après l’avoir signé, et que cette société a réitéré sa proposition le 20 novembre 2018, comme aux deux autres salariés de la société sortante qui avaient jusqu’alors refusé de démissionner.

La société SMN, ayant son siège social à Montpellier, justifie au surplus par divers éléments que cet ensemble organisé de personnes était dirigé en toute autonomie par M. Y, responsable d’exploitation gérant l’activité sur le site de la société Nestlé Waters Supply Sud situé à Vergèze (30).

À cet égard, il importe peu que le contrat de travail signé par M. X, le 12 juillet 2005, précise qu’il était placé sous la responsabilité de Messieurs Z et A, directeurs d’exploitation, lesquels, aux dires de la société Suez, assuraient la gestion administrative et sociale des salariés affectés au marché sans être présents sur le site, contrairement au responsable

qu’elle a recruté, ce dont elle veut pour preuve sa promesse d’embauche faite à M. B, le 16 novembre 2018, pour une prise de fonction prévue le 18 février 2019, soit postérieurement à la date d’effet du marché à laquelle il convient de se placer pour apprécier si les conditions du transfert sont remplies.

S’agissant des moyens corporels, la société SMN établit qu’elle a vendu à la société Suez le matériel nécessaire à l’exploitation pour un montant H.T. de 113 700,28 €, laquelle a repris en outre ses contrats de location pour une durée de six mois (presse à coffre) ou jusqu’au 31/12/2018 (3 compacteurs), pour un montant H.T. de 40 200 €.

La société sortante ajoute sans être aucunement contredite qu’elle a également laissé sur place du matériel certes en fin de vie et sans valeur marchande, mais nécessaire au bon fonctionnement de l’activité et encore utilisable, composé de 220 bacs métalliques qui ont par la suite été renouvelés.

Si la société Suez RV OSIS FM entend relativiser ces rachats de matériels et locations temporaires effectués en vue d’assurer la continuité des prestations, au regard des importants investissements qu’elle a été conduite à réaliser, il n’en demeure pas moins qu’elle a poursuivi la même activité de gestion globale des déchets de la société Nestlé Waters Supply Sud, ou tout au moins une activité de même nature, sur le même site et dans les mêmes locaux, à l’aide d’un ensemble organisé de personnes et de moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires constituant une entité économique autonome conservant son identité et poursuivant un objectif économique propre.

Les conditions d’application de l’article L. 1224-1 du code du travail étant ainsi réunies, il en résulte que le contrat de travail de M. X a été transféré de plein droit à la société Suez RV OSIS FM, peu important que la société SMN se soit prévalue pour la première fois de ces dispositions dans sa correspondance du 5 octobre 2018, alors que M. Z s’était d’abord engagé, dans son courriel du 12 septembre 2018, à reclasser les salariés qui ne voulaient pas démissionner, et qu’il avait proposé à la société entrante de conclure un accord tripartite.

En conséquence, il sera fait droit à la demande de M. X en vue de voir ordonner la poursuite de son contrat de travail avec la société Suez RV OSIS FM et le paiement de ses salaires par cette société à compter du 31 octobre 2018, date de la première décision de l’inspecteur du travail autorisant le transfert, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai d’un mois à compter de la notification du présent arrêt infirmatif, lequel constitue le titre emportant obligation pour ladite société de rembourser à la société SMN l’ensemble des sommes versées en vertu de l’exécution provisoire attachée à l’ordonnance déférée.

En revanche, ni la collusion frauduleuse arguée par le salarié en vue de contourner les dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail, dont l’application réclamée tardivement par la société sortante a été écartée par l’inspecteur du travail dans sa première décision, ni la réalité des autres manquements reprochés ne ressortant avec évidence des éléments de la cause, la demande de dommages et intérêts provisionnels sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé prud’homal, par mise à disposition au greffe,

Constate que la demande de sursis à statuer jusqu’à la décision du ministre du travail est devenue sans objet,

Infirme l’ordonnance déférée,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Ordonne la poursuite du contrat de travail de M. X avec la société Suez RV OSIS FM et le paiement de ses salaires par cette société à compter du 31 octobre 2018, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai d’un mois à compter de la notification du présent arrêt, lequel constitue le titre emportant obligation pour ladite société de rembourser à la Société Méditerranéenne de Nettoiement l’ensemble des salaires versés en vertu de l’exécution provisoire attachée à l’ordonnance du 19 décembre 2018,

Rejette la demande de dommages et intérêts provisionnels pour exécution déloyale du contrat de travail formée par le salarié à l’encontre des deux sociétés,

Condamne la société Suez RV OSIS FM à payer à M. X deux sommes de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel, et à la Société Méditerranéenne de Nettoiement la somme totale de 1 500 euros sur le même fondement,

La condamne en outre aux dépens de première instance et d’appel.

Arrêt signé par Monsieur LE GALLO, Président et par Madame DELOR, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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