Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 28 juillet 2020, n° 19/03645

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nîmes, 5e ch. soc. ph, 28 juill. 2020, n° 19/03645
Juridiction : Cour d'appel de Nîmes
Numéro(s) : 19/03645
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nîmes, 20 août 2019, N° 19/00124
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°

N° RG 19/03645 -

N° Portalis DBVH-V-B7D-HPTT

TLM/DO

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE NIMES

21 août 2019

RG :19/00124

X

C/

S.A.S. POPPIES-BERLIDON

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5e chambre sociale PH

ARRÊT DU 28 JUILLET 2020

APPELANT :

Monsieur Z X

né le […] à maroc

[…]

[…]

Représenté par Me Eve SOULIER de la SCP EVE SOULIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d’AVIGNON

INTIMÉE :

SAS POPPIES-BERLIDON

[…]

30290 LAUDUN-L’ARDOISE

Représentée par Me Barbara MICHEL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Affaire fixée en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Conseiller faisant fonction de président, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 786 du Code de Procédure Civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Conseiller faisant fonction de président

Madame Corinne RIEU, Conseiller,

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l’audience publique du 04 Juin 2020, où l’affaire a été mise en délibéré au 07 Juillet 2020 et prorogé ce jour ;

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Conseiller faisant fonction de président, le 28 Juillet 2020, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Engagé en qualité d’ouvrier à compter du 02 août 2008 par la société Popies Berlidon , M. X était victime d’un accident du travail le 18 juillet 2017 et placé en suivant continûment en arrêt de travail.

Dans le cadre d’une visite médicale en date du 29 avril 2019, le médecin du travail le déclarait 'apte avec restrictions et aménagement de poste : pas de port de charges lourdes supérieures à 15 kg, pas de station debout prolongée, pas de conduite d’engins. Apte avec à un poste administratif de contrôle (réception)'.

Le 03 juin 2019, dans le cadre de la visite de reprise, le médecin du travail déclarait M. X inapte à son poste et précisait en outre que « son état de santé faisait obstacle à tout reclassement ».

Contestant cet avis, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Nîmes statuant en la forme des référés, aux fins d’entendre confier au médecin inspecteur du travail une mesure de consultation aux frais de l’employeur et renvoyer le dossier à une date ultérieure pour permettre qu’il soit débattu contradictoirement de la mesure d’instruction rendue entre-temps et de débouter l’employeur de toutes ses demandes.

Suivant ordonnance en date du 21 août 2019, le conseil a débouté M. X de toutes ses demandes et l’a condamné à verser à la yy la somme de 50 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 13 septembre 2019, M. X a interjeté appel de cette décision dans des conditions de formes et de délai qui ne sont pas critiquées.

' Par conclusions communiquées par voie électronique le 09 octobre 2019, l’appelant demande à la cour de réformer l’ordonnance entreprise et de :

— Dire qu’il y a lieu de confier conformément aux dispositions de l’article 256 du code de procédure civile une consultation au médecin inspecteur du travail relativement à l’avis du médecin du travail,

— juger que les frais d’expertise seront à la charge de la société Popies Berlidon,

— renvoyer le dossier à telle audience qu’il plaira pour permettre qu’il soit débattu contradictoirement lors de cette audience des expertises et consultation rendues entre-temps,

— débouter le défendeur de toutes ses demandes, fins et conclusions,

— condamner la société Popies Berlidon au paiement de la somme de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

' Par conclusions communiquées par voie électronique le 18 novembre 2019, la société Popies Berlidon demande à la cour de :

— à titre principal, confirmer l’ordonnance, rejeter en conséquence l’ensemble des demandes, fins et conclusions de M. X , et le condamner au paiement de la somme de 1 0000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— à titre subsidiaire, modifier la mission du médecin inspecteur du travail proposé par M. X , dire que les éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail peuvent être notifiés au médecin que la société Popies Berlidon mandatera à cet effet, mettre les frais d’expertise et de consultation à la charge de M. X et réserver les dépens et l’article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour un exposé plus ample de leurs prétentions et moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les dispositions légales, dans leur rédaction applicable au jour de l’avis d’inaptitude critiqué prévoient :

Article L4624-3 :

« Le médecin du travail peut proposer, par écrit et après échange avec le salarié et l’employeur, des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d’aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge ou à l’état de santé physique et mental du travailleur. »

Article L4624-4 :

« Après avoir procédé ou fait procéder par un membre de l’équipe pluridisciplinaire à une étude de poste et après avoir échangé avec le salarié et l’employeur, le médecin du travail qui constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible et que l’état de santé du travailleur justifie un changement de poste déclare le travailleur inapte à son poste de travail. L’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail est éclairé par des conclusions écrites, assorties d’indications relatives au reclassement du travailleur. »

Article L4624-5 :

« Pour l’application des articles L. 4624-3 et L. 4624-4, le médecin du travail reçoit le salarié, afin d’échanger sur l’avis et les indications ou les propositions qu’il pourrait adresser à l’employeur.

Le médecin du travail peut proposer à l’employeur l’appui de l’équipe pluridisciplinaire ou celui d’un organisme compétent en matière de maintien en emploi pour mettre en 'uvre son avis et ses indications ou ses propositions. »

Article L4624-6 :

« L’employeur est tenu de prendre en considération l’avis et les indications ou les propositions émis par le médecin du travail en application des articles L. 4624-2 à L. 4624-4.

En cas de refus, l’employeur fait connaître par écrit au travailleur et au médecin du travail les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite. »

L’article L. 4624-7 du code du travail, modifié par la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, dispose :

« I.-Le salarié ou l’employeur peut saisir le conseil de prud’hommes en la forme des référés d’une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4. Le médecin du travail, informé de la contestation par l’employeur, n’est pas partie au litige.

II.-Le conseil de prud’hommes peut confier toute mesure d’instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent pour l’éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence. Celui-ci, peut, le cas échéant, s’adjoindre le concours de tiers. A la demande de l’employeur, les éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail peuvent être notifiés au médecin que l’employeur mandate à cet effet. Le salarié est informé de cette notification.

III.-La décision du conseil de prud’hommes se substitue aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestés.

IV.-Le conseil de prud’hommes peut décider, par décision motivée, de ne pas mettre tout ou partie des honoraires et frais d’expertise à la charge de la partie perdante, dès lors que l’action en justice n’est pas dilatoire ou abusive. Ces honoraires et frais sont réglés d’après le tarif fixé par un arrêté conjoint des ministres chargés du travail et du budget. »

En l’espèce, à l’examen des écritures des parties et des pièces communiquées, il est constant que :

— ensuite d’un accident du travail, M. X était arrêté du 18 juillet 2017 au 25 mars 2019,

— à l’occasion de la visite de reprise organisée le 27 mars 2019, le médecin du travail concluait comme suit : « pas d’avis à ce jour, prévoir une étude de poste »,

— M. X était absent pour maladie du 29 mars au 31 mai 2019,

— le médecin du travail effectuait l’étude de poste le 17 avril 2019,

— le 29 avril 2019, M. X était examiné par le médecin du travail à la demande de ce dernier ; il concluait à une aptitude avec restrictions et aménagements de poste : «  pas de port de charges lourdes de plus de 15 kgs, de station debout prolongée, de conduites d’engins » et ajoutait «  apte à un poste administratif, de contrôle (réception) ».

— le 16 mai 2019, la société Popies Berlidon écrivait au médecin du travail en lecture de ce dernier avis en lui indiquant que 'malheureusement, le poste qu’occupe M. X ne s’accommode pas de telles restrictions. En effet, il nous est impossible de lui éviter le port de charges à ce poste, ainsi que la conduite d’engin. Les impératifs de production ne nous permettent pas de respecter de telles restrictions. Pour ces motifs, il nous est impossible de donner une suite favorable à vos suggestions. Aucun poste administratif n’est actuellement ouvert. N’ayant pas les compétences médicales requises pour apprécier l’état de santé de M. X , nous vous demandons de nous préciser ce qui, selon vous, doit être envisagé pour notre salarié. Par ailleurs, nous avions actuellement les postes suivants disponibles : conducteur de ligne en finition/ au pétrin/ conditionnement et opérateur de conditionnement. Nous vous remercions de bien vouloir nous indiquer si l’un de ces postes serait envisageable au regard des restrictions citées. Enfin, votre confrère, Mme Y avait également évoqué que les gestes répétitifs lui semblaient difficilement envisageables pour lui, qu’en pensez-vous ''

— à l’issue de l’arrêt maladie, M. X étai reçu le 03 juin 2019 par le médecin du travail dans le cadre de la visite de reprise, qui concluait son avis comme suit :

« inapte – l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

Pour contester l’avis d’inaptitude à son poste de 'préparateur matière', M. X communique un seul élément médical, à savoir une lettre du professeur de médecin Demortiere, en date du 03 octobre 2018, et se prévaut de ce qu’il considère caractériser une contradiction entre les avis des 29 avril et 03 juin 2019.

Le 03 octobre le professeur Demortiere indique au médecin traitant du salarié ceci :

« Je revois en consultation le 03 octobre 2018 votre patient […]

comme vous le savez, je le suis pour plusieurs problèmes dont des problèmes de cervicalgies sur arthropathie dégénérative qui évolue au plan douloureux avec le temps.

Le dernier scanner et IRM retrouve des discopathies étagées notamment plus importantes à l’étage C3C4 et C6C7 sans véritable compression de l’axe radico médullaire.

Il existe également une arthrose inter apophysaire postérieure sous ces deux étages qui explique actuellement la symptomatologie fonctionnelle douloureuse au niveau des deux épaules et du dos.

Il existe également un tableau de rachis lombaire dégénératif qui lui occasionne des gênes fonctionnelles douloureuses.

Actuellement il est pris en charge en rééducation fonctionnelle.

Je pense qu’au niveau professionnel il est nécessaire qu’il retrouve un reclassement socioprofessionnel avec une inaptitude pour tous les postes où il y a des ports de charges lourdes et des stations debout prolongées. […] ».

En l’état de l’ensemble de ces éléments, la cour dispose des éléments d’information utile pour trancher le litige, la société Popies Berlidon plaidant à juste titre que le juge n’est pas tenu d’ordonner la mesure d’instruction et demandant à la cour de statuer au fond en rejetant les réclamations du salarié.

Il ne sera pas fait droit à la demande de mesure d’instruction.

Il résulte de l’ensemble que :

— d’une part, la visite du 29 avril 2019, effectuée à la demande du médecin du travail et dans le prolongement de l’étude de poste, à une date où M. X était encore en arrêt maladie, ne s’analyse pas en une visite de reprise, mais en une visite s’inscrivant dans le cadre de l’instruction que doit mené le médecin du travail à l’approche de la reprise du travail par le salarié, l’avis rendu à cette date s’analysant en une proposition d’aménagement du poste occupé par le salarié, conformément aux dispositions des articles L. 4624-3 à 5 du code du travail,

— d’autre part, qu’aux termes de son courriel en date du 16 mai 2019, l’employeur a fait usage de la faculté que lui ouvre les dispositions de l’article L. 4624-6 de contester les propositions émises par le médecin du travail,

— de troisième part, que dès le stade de la proposition en date du 29 avril, le médecin du travail soulignait 'l’aptitude du salarié sur un poste administratif ou de contrôle', ce que n’est pas l’emploi occupé par l’intéressé de préparateur matières,

— enfin, que M. X ne présente aucune observations sur les explications fournies par l’employeur et notamment le fait que 'le poste qu’occupe M. X (préparateur matières) ne s’accommode pas de telles restrictions. En effet, il nous est impossible de lui éviter le port de charges à ce poste, ainsi que la conduite d’engins. Les impératifs de production ne nous permettent pas de respecter de telles restrictions',

En l’état de ces éléments, il sera jugé que l’avis d’inaptitude de M. X à son poste de 'préparateur matière', rendu le 03 juin 2019 n’est pas utilement discuté par le salarié. Il sera confirmé.

En revanche, alors que, dans le prolongement de l’avis du professeur Demortiere, le médecin du travail soulignait l’aptitude de M. X sur un poste administratif ou de contrôle, point sur lequel l’employeur s’est contenté, dans son courriel du 16 mai 2019, d’indiquer 'qu’aucun poste administratif n’est actuellement ouvert', avant d’interroger le médecin sur quatre emplois disponibles (conducteur de ligne en finition/ au pétrin/ conditionnement et opérateur de conditionnement), l’avis sera mis à néant en ce qu’il a indiqué que l’état de santé de M. X faisait obstacle à tout reclassement.

L’ordonnance entreprise sera en conséquence infirmé sur ce point et en ce qu’il a condamné M. X au paiement d’une somme de 50 euros au titre des frais irrépétibles exposés par l’employeur.

L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, en la forme des référés, par arrêt contradictoire prononcé en dernier ressort :

Infirme partiellement l’ordonnance déférée,

statuant à nouveau sur le tout,

dit n’y avoir lieu à ordonner une mesure d’instruction confiée au médecin inspecteur du travail,

par décision se substituant à l’avis du médecin du travail en date du 03 juin 2019,

Déclare M. X inapte à son poste de préparateur matières.

Dit n’y avoir lieu à dispenser l’employeur de l’obligation de reclassement.

Rejette les demandes en paiement de somme sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Popies Berlidon aux entiers dépens.

Arrêt signé par Monsieur LE MONNYER, Président et par Madame OLLMANN, Greffière.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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