Cour d'appel de Nîmes, 5ème chambre sociale ph, 8 juin 2021, n° 18/02582

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Nîmes, 5e ch. soc. ph, 8 juin 2021, n° 18/02582
Juridiction : Cour d'appel de Nîmes
Numéro(s) : 18/02582
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Avignon, 25 juin 2018, N° F17/00184
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°

N° RG 18/02582 – N° Portalis DBVH-V-B7C-HBGP

GLG/ID

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AVIGNON

26 juin 2018

RG :F 17/00184

X

C/

S.A. BRICOMAN

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5e chambre sociale PH

ARRÊT DU 08 JUIN 2021

APPELANT :

Monsieur A X

né le […] à […]

[…]

[…]

Représenté par Me Nicolas PEPIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉE :

SA BRICOMAN

[…]

[…]

Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Franck JANIN de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de LYON

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 24 Février 2021

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Monsieur Guénaël LE GALLO, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Guénaël LE GALLO, Président

Mme Joëlle TORMOS, Conseillère

Madame Corinne RIEU, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

À l’audience publique du 03 Mars 2021, où l’affaire a été mise en délibéré au 18 Mai 2021, prorogé à ce jour

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Guénaël LE GALLO, Président, le 08 juin 2021, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Embauché par la société Bricoman en qualité de manager, catégorie cadre, coefficient 400 de la convention collective nationale du bricolage, suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 5 septembre 2011, M. A X a été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre du 2 mars 2015.

Contestant cette mesure et réclamant le paiement d’heures supplémentaires et d’une indemnité pour travail dissimulé, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Martigues, lequel s’est déclaré incompétent au profit de celui d’Avignon par jugement du 30 mars 2016.

L’affaire ayant été radiée par décision du 14 mars 2017, puis réinscrite à la demande du salarié, le 7 avril 2017, le conseil de prud’hommes d’Avignon a, par jugement du 26 juin 2018, débouté M. X de l’ensemble de ses demandes.

M. X a interjeté appel de cette décision le 6 juillet 2018.

' L’appelant présente les demandes suivantes au dispositif de ses conclusions :

'Constater dire et juger qu’aucune convention de forfait-jours n’a été conclue avec le salarié ; qu’en tout état de cause un tel mode de rémunération est inapplicable ;

Constater dire et juger que la durée légale maximale de travail n’a pas été respectée par la société

BRICOMAN ;

Constater dire et juger que la rémunération au forfait a été utilisée aux fins de mentionner et rémunérer un nombre d’heures largement inférieur aux heures travaillées ;

En conséquence,

Dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamner la société BRICOMAN au paiement de :

' dommages et intérêts 37 800,00 €

pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

' rappel de salaire/heures supplémentaires 76 939,00 €

' incidence congés payés

sur rappel d’heures supplémentaires 10 % 7 693,00 €

' indemnité forfaitaire de travail dissimulé 18 900,00 €

(Art. L 8223-1 c. trav)

' non respect des durées de repos et de travail 10 000,00 €

(Amplitude horaire et temps de repos)

' sommation de communiquer : la convention de forfait jours

Condamner la société BRICOMAN au paiement de 4 000 euros en application de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.

Ordonner l’exécution provisoire.'

Il fait valoir que :

' le forfait jours n’était 'absolument pas applicable puisque d’une part, aucune convention de forfait n’a été établie', et que 'd’autre part, le nombre d’heures réellement effectué dépasse largement le cadre d’untilisation normale du forfait-jours' ;

' 'l’utilisation de la rémunération au forfait a entraîné de nombreux et importants dépassements des durées légales du travail', et 'a eu pour objet et pour effet de mentionner et rémunérer un nombre d’heures de travail largement inférieur aux heures réellement travaillées', ce qui caractérise l’élément intentionnel du travail dissimulé ;

' les faits reprochés ne sont pas établis ni reconnus et ne constituent pas, en tout état de cause, une cause réelle et sérieuse de licenciement, tant 'il est disproportionné de licencier un salarié aussi exemplaire et dévoué pour un unique grief isolé qui ne lui est au demeurant pas imputable car c’est bien la tempête de vent qui a déclenché l’alarme cette nuit du 8/2/15", d’autant qu’il était surmené, qu’il ne travaillait pas le dimanche, qu’il n’a pas été embauché pour effectuer des rondes de sécurité,qu’il appartenait à la société de télésurveillance de faire un intervenir un vigile pour vérifier les lieux, et que 'l’employeur n’a subi aucun dommage, même à considérer que le rideau soit sorti du rail à cause de la tempête'.

' La société Bricoman demande, à titre principal, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter M. X de l’ensemble de ses prétentions, et de le condamner à payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et subsidiairement sur le licenciement, de limiter le montant des dommages et intérêts à la somme de 19 763 euros bruts.

Elle réplique qu’en sa qualité de manager, M. X était investi de missions et responsabilités importantes impliquant une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps, qu’il occupait le plus haut niveau hiérarchique de l’organigramme à l’exception du directeur et percevait une rémunération parmi les plus élevées du magasin, supérieure de près de 800 euros à la rémunération minimum conventionnelle de son coefficient, qu’il a donc été soumis dès son embauche à une convention de forfait en jours sur l’année, laquelle a été stipulée à l’article 6 de son contrat de travail, conformément aux dispositions de la convention collective nationale du bricolage et de l’accord d’entreprise sur l’aménagement et le temps de travail conclu le 19 novembre 2001 au sein de l’UES Bricoman, qu’en application de l’article L. 3121-43 du code du travail dans sa rédaction applicable, il ne relevait pas des dispositions légales relatives à la durée du travail, et subsidiairement, que sa demande en paiement d’heures supplémentaires n’est pas étayée.

Pour preuve du bien-fondé du licenciement, elle explique que M. X, contacté par la société de télésurveillance pendant sa permanence de fin de semaine suite au déclenchement de l’alarme intrusion du magasin, le dimanche 8 février 2015, s’est abstenu de solliciter l’intervention d’un agent de sécurité et d’en informer le directeur, se contentant d’évoquer les vents très forts, qu’il a persisté à ne pas faire intervenir un rondier après avoir été informé que l’alarme s’était de nouveau déclenchée, que Mme Y, salariée chargée de procéder à l’ouverture du magasin, le lundi 9 février 2015, a constaté que les

rideaux métalliques du Bâti étaient sortis de leurs rails de sorte que la surface de vente était accessible à toute personne extérieure, que M. X, interrogé par le directeur, a d’abord prétendu s’être rendu sur place afin de vérifier que le magasin était sécurisé, avant de se rétracter, et qu’en tout état de cause, ce manquement volontaire et délibéré à ses obligations résultant de l’article 4 de son contrat de travail constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement, peu important que le risque auquel il a ainsi exposé la société ne se soit pas produit.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 20 novembre 2020, à effet au 24 février 2021, l’audience de plaidoiries étant fixée au 3 mars 2021.

MOTIFS DE L’ARRÊT :

' sur les heures supplémentaires et les demandes indemnitaires connexes

L’article L. 3121-40 du code du travail, dans sa rédaction applicable, prévoit qu’une convention individuelle de forfait requiert l’accord du salarié et qu’elle est établie par écrit.

En l’espèce, le contrat de travail signé par les parties le 5 août 2011, à effet du 5 septembre 2011, comporte en son article 6 une clause de forfait annuel en jours au regard du niveau de responsabilités et du degré d’autonomie du salarié dans l’organisation de son emploi du temps, conformément à l’accord d’entreprise du 19 novembre 2001.

M. X n’est donc pas fondé à soutenir que le forfait en jours ne lui était pas applicable en l’absence de convention écrite, ni que 'l’utilisation de la rémunération au forfait a entraîné de nombreux et importants dépassements des durées légales du travail', dès lors qu’en application de l’article L. 3123-48 du code du travail, dans sa rédaction applicable, les dispositions légales relatives à la durée du travail ne lui étaient pas applicables.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de rappel d’heures supplémentaires ainsi que de ses demandes connexes à titre d’indemnité pour travail dissimulé et de dommages-intérêts pour non-respect des durées de travail et des temps de repos.

' sur le licenciement

* sur sa cause

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l’espèce, M. X a été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre du 2 mars 2015, ainsi motivée :

'Suite à l’entretien du 23 février 2015, auquel vous vous êtes présentée, les justifications que vous nous avez fournies ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation sur les faits qui vous sont reprochés.

Par la présente, nous sommes donc contraints de vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse, pour les motifs suivants :

' Négligence lors d’un appel de l’entreprise de sécurité

' Non respect des règles et des procédures internes à l’entreprise

' Manquements à vos obligations contractuelles

En effet, le 8 février 2015, vous étiez de permanence téléphonique sur le magasin d’Avignon. Suite à déclenchement de l’alarme au niveau de la cour bâti du magasin, vous avez reçu un appel d’alerte de la société de télésurveillance.

Vous avez indiqué à la société de télésurveillance que le déclenchement de l’alarme était vraisemblablement lié aux vents violents du jour sans juger opportun de prévenir votre directeur qui était sur Avignon.

Vous n’avez ni prévenu le directeur du magasin ni demander l’intervention d’un rondier pour vérifier et sécuriser le site.

Quelques minutes plus tard, la société de télésurveillance vous a rappelé suite à un nouveau déclenchement de l’alarme.

Une seconde fois, vous n’avez ni prévenu le directeur du magasin ni demandé l’intervention d’un rondier.

Ce n’est que le lundi 09 février 2015 que les dégâts ont pu être constatés, par le permanent du jour, au moment de l’ouverture du magasin.

Ainsi, il s’est avéré que la surface de vente était accessible à toute personne extérieure le désirant.

En effet, les rideaux métalliques du bâti étaient sortis de leur rail.

Le directeur du magasin a également constaté ces dégâts le lundi suite à la remontée d’information du permanent du magasin.

Cette négligence de votre part aurait pu avoir de graves conséquences pour la sécurité des collaborateurs et des marchandises.

Ce fait est d’autant plus grave dans la mesure où vous m’avez indiqué ainsi qu’au directeur régional que vous êtes déplacé le 8 février 2015 pour vérifier l’état du magasin pour reconnaître lors de différents entretiens avoir menti sur votre déplacement.

Nous ne pouvons tolérer ce type de manquements au sein de notre établissement.

Lors de l’entretien du 23 février 2015, vous avez reconnu l’ensemble des faits et avez indiqué avoir menti lors des précédents entretiens de peur d’être sanctionné.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse […]'

Contestée par le salarié dès sa lettre du 4 mars 2015, l’affirmation de l’employeur selon laquelle M. X a reconnu les faits et admis avoir menti pour ne pas être sanctionné n’est corroborée par aucun élément.

Il résulte de l’article 4 du contrat de travail que les missions de M. X comportaient notamment un aspect 'sécurité’ ('le manager est responsable des personnes – collaborateurs et clients – et des biens dans le magasin. Il forme son équipe et vérifie régulièrement que les différentes consignes de sécurité sont connues, comprises et appliquées par les collaborateurs du magasin.')

La fiche de poste du manager mentionne notamment que ce salarié, membre du comité de direction du magasin et à ce titre co-responsable de toutes les décisions prises qui engagent le magasin, 'assure des permanences pour apporter une réponse immédiate aux impératifs commerciaux ou de sécurité exprimés par les clients ou les collaborateurs', 'connaît les règles de sécurité en vigueur dans le magasin, les respecte et les fait appliquer', 'agit immédiatement en cas de situation propice à un accident (…) et informe le permanent et le directeur de magasin.'

En cas de déclenchement d’une alarme en dehors des périodes d’ouverture, les missions du permanent sont les suivantes :

'' En cas de déclenchement d’une alarme, la société de télésurveillance effectue si possible une levée de doute par vidéo.

' A défaut, elle prévient par ordre décroissant le permanent, un membre du comité de direction, ou la société d’intervention pour confirmer la levée de doute et prendre les mesures de sécurité adéquates.

' Si l’alarme intrusion est confirmée, la présence des forces de l’ordre est requise.

' Suite au déclenchement d’une alarme intrusion, le permanent ne rentre jamais seul dans le magasin.

' En cas de défaut d’alarme ou de rupture de la liaison téléphonique, il mandate un gardien sur place ou des rondes fréquentes.'

Précisant que les plannings n’ont pu être retrouvés, Mme Z, assistante administrative, confirme que M. X était de permanence le samedi 7 février 2015, et Mme Y, manager des ventes, atteste avoir constaté le lundi suivant, en ouvrant le magasin, que 'les rideaux métalliques du bâti étaient sortis de leurs rails' et que 'la surface de vente était accessible par toute personne extérieure'.

Les faits ne sont pas contestés par M. X qui ne nie pas avoir été de permanence en cette fin de semaine, ni avoir été appelé à deux reprises par la société de télésurveillance suite au déclenchement de l’alarme, ni avoir pris la décision de ne pas demander l’intervention d’un rondier.

Il établit cependant qu’une 'tempête de mistral' s’est produite le dimanche 8 février 2015, 'd’intensité remarquable' selon météo-france relevant que les rafales avaient 'souvent dépassé les 100 km/h, atteignant 120 à 140 km/h près de la basse vallée du Rhône et du delta du Rhône' et '137 km/h à Avignon' ('ancien record…126 km/h le 13 novembre 2004').

Si elle a été jugée inappropriée, sa décision de ne pas demander l’intervention d’un rondier ni d’informer le directeur du magasin ne constitue pas à elle seule, dans de telles circonstances et en l’absence de tout antécédent disciplinaire pour quelque motif que ce soit, une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le jugement sera donc infirmé.

* sur l’indemnisation

Alors âgé de 52 ans, titulaire d’une ancienneté supérieure à deux ans dans l’entreprise employant au moins onze salariés, M. X percevait un salaire mensuel brut de 3 293,80 euros.

Il ne produit aucun élément sur sa situation postérieure.

En application de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable, son préjudice sera réparé par une somme de 19 763 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud’homale, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement en ce qu’il a débouté M. X de ses demandes à titre de rappel d’heures supplémentaires et congés payés afférents, d’indemnité pour travail dissimulé et de dommages-intérêts pour non-respect des durées légales de repos et de travail,

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Bricoman à payer à M. X les sommes suivantes :

' dommages et intérêts (L. 1235-3 C.T.) 19 763,00 €

' article 700 du code de procédure civile 2 000,00 €

Condamne l’intimée aux entiers dépens.

Arrêt signé par Monsieur LE GALLO, Président et par Madame DELOR, Greffière.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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