Cour d'appel d'Orléans, Chambre commerciale, 7 décembre 2017, n° 16/03758

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Orléans, ch. com., 7 déc. 2017, n° 16/03758
Juridiction : Cour d'appel d'Orléans
Numéro(s) : 16/03758
Décision précédente : Tribunal de commerce de Tours, 20 octobre 2016
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 07/12/2017

la SCP VALERIE DESPLANQUES

la SCP HARDY

ARRÊT du : 07 DECEMBRE 2017

N° : 438 – 17 N° RG : 16/03758

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 21 Octobre 2016

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 196889148778

BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

représentée par Me Valérie DESPLANQUES de la SCP VALERIE DESPLANQUES, avocat postulant au barreau d’ORLEANS

ayant pour avocat plaidant Me Eric NEGRE du barreau de TOURS

D’UNE PART

INTIMÉ : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 195502842917

Monsieur Z X

[…]

[…]

représenté par Me Albane HARDY de la SCP HARDY anciennement BULTEAU, avocat au barreau de TOURS

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL en date du : 29 Novembre 2016.

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 14 septembre 2017

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, du délibéré :

• Monsieur Thierry MONGE, Conseiller faisant fonction de Président,

• Madame Elisabeth HOURS, Conseiller,

• Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller.

Greffier :

• Madame Marie-Hélène ROULLET, Greffier lors des débats et du prononcé.

DÉBATS :

A l’audience publique du 19 OCTOBRE 2017, à laquelle ont été entendus Madame Elisabeth HOURS, Conseiller, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.

ARRÊT :

Prononcé le 07 DECEMBRE 2017 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Exposé du litige :

Monsieur Z X est devenu, le 31 janvier 2014, gérant de la S.A.R.L. la Caverne de Civray nouvellement constituée pour exercer une activité de restauration.

Cette société a contracté auprès de la Banque Populaire Val de France (la BPVF)le 22 mars 2014 un prêt d’équipement de 60.000 euros remboursable en 84 mensualités dont la bonne fin a été garantie par le cautionnement solidaire donné par Monsieur X à hauteur de 78.000 euros pour une durée de 108 mois.

La société la Caverne de Civray a été placée en liquidation judiciaire le 6 octobre 2015 et, après avoir en vain mis la caution en demeure d’exécuter ses engagements, la banque a été autorisée, par ordonnance du 21 janvier 2016, a faire pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes bancaires de Monsieur X.

Le 3 mars 2016, la BPVF a assigné Monsieur X devant le tribunal de commerce de Tours afin d’obtenir paiement de la somme de 51.900,75 euros avec capitalisation des intérêts. Monsieur X s’est opposé à ces demandes en excipant notamment de la disproportion de ses engagements à ses revenus et patrimoine.

Par jugement en date du 21 octobre 2016, le tribunal a retenu que l’engagement de caution souscrit par Monsieur X était disproportionné à ses revenus et que ses ressources actuelles ne lui permettaient pas d’honorer ses engagements. Il a en conséquence débouté la demanderesse de l’ensemble de ses prétentions et l’a condamnée à verser une indemnité de procédure de 1.000 euros.

La BPVF a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 29 novembre 2016.

Les dernières écritures des parties, prises en compte par la cour au titre de l’article 954 du code de procédure civile, ont été déposées :

— le 30 mai 2017 par l’appelante

— le 14 mars 2017 par l’intimé.

La Banque Populaire Val de France, qui conclut à l’infirmation du jugement déféré, demande à la cour de condamner Monsieur X à lui payer la somme de 51.900,75 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 9,20% sur 39.488,35 euros et au taux légal sur 2.412,40 euros, montant de l’indemnité de 8%, à compter du 9 janvier 2016, d’ordonner la capitalisation des intérêts, de dire que les frais de saisie conservatoire seront à la charge de Monsieur X et de condamner ce dernier aux dépens dont distraction au profit de la SCP Valérie DESPLANQUES.

Elle soutient que le tribunal a à tort refusé de tenir compte, dans les ressources de la caution, des revenus escomptés de l’activité commerciale et de ce que Monsieur X partageait ses charges avec sa compagne qui travaille et qu’il a également à tort pris en considération le cautionnement à son montant initialement consenti à hauteur de 78.000 euros alors que Monsieur X n’était appelé qu’à hauteur de 51.900 euros, montant parfaitement proportionné à ses ressources. Elle fait de plus valoir que si l’intimé a communiqué ses ressources de l’année 2015, il ne justifie pas de ses revenus de mai 2016, ni de ceux perçus depuis cette date, ce qui doit conduire à retenir qu’il peut aujourd’hui honorer ses engagements. Elle affirme par ailleurs qu’elle n’était pas débitrice d’un devoir de mise en garde puisque Monsieur X, qui créait certes sa première société, était cependant cuisinier depuis 10 ans et était ainsi une caution particulièrement avertie de l’activité de restauration et, qu’en tout état de cause, il n’était pas dans une situation de surendettement lors de la souscription de l’engagement. Elle rappelle que le contrat prévoyait expressément que l’exigibilité des créances à l’égard de l’emprunteur entraînerait de plein droit l’exigibilité de la dette de la caution et s’oppose à l’octroi de délais de grâce.

Monsieur X conclut à titre principal à la confirmation du jugement déféré. A titre subsidiaire et s’il était fait droit à la demande en paiement formée à son encontre, il réclame condamnation de la banque à lui verser 51.049,48 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement du prêteur à son devoir de mise en garde. A tire infiniment subsidiaire, il demande à la cour de juger qu’il n’est redevable que de l’échéance de remboursement impayée exigible au jour du prononcé de la liquidation judiciaire, soit 822,22 euros. A titre plus infiniment subsidiaire, il sollicite l’octroi d’un délai de paiement de 24 mois et ,en tout état de cause, réclame condamnation de la banque à lui verser une indemnité de procédure de 2.500 euros ainsi qu’à supporter les dépens dont distraction au profit de Maître Albane HARDY, membre de la SCP HARDY anc. BULTEAU.

Il détaille ses revenus et charges lors de la souscription du cautionnement pour démontrer qu’il ne pouvait pas prendre en charge les échéances mensuelles du crédit souscrit par la société dont il était le gérant, explique les résultats prévisionnels de cette société pour prouver que les revenus escomptés ne suffisaient pas pour lui permettre de rembourser les emprunts et affirme qu’il ne dispose pas aujourd’hui de ressources lui permettant d’honorer ses engagements. Il soutient qu’il était une caution non avertie, puisqu’il venait de créer sa première société dont l’exploitation n’était pas commencée au moment de la souscription du prêt et fait valoir que son engagement disproportionné rendait la banque débitrice d’une obligation de mise en garde. Il rappelle enfin que l’article L 643-1 du code de commerce, qui prévoit que le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire rend les créances non échues exigibles, ne s’applique pas, sauf clause contraire, à la caution,et il soutient que la clause contenue dans l’acte de caution pour prévoir que l’exigibilité de la dette principale entraînerait l’exigibilité des engagements de la caution est insuffisamment précise.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

Attendu qu’aux termes de l’article L 341-4 du code de la consommation, le créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ;

Attendu que la simple lecture de ce texte, qui prévoit expressément que l’existence d’une disproportion doit être vérifiée, lors de la conclusion du contrat de cautionnement, conduit à retenir que les premiers juges ont, à bon droit, recherché si Monsieur X disposait de revenus et d’un patrimoine lui permettant de s’acquitter d’une somme de 78.000 euros et à écarter la demande sans fondement de la BPVF tendant ne voir prendre en considération que la somme appelée de 51.000 euros ;

Que c’est de même sans pertinence que la BPVF critique les premiers juges qui auraient dû, selon elle, prendre en compte les revenus escomptés de l’opération garantie pour estimer les ressources de Monsieur X lors de son engagement ;

Que la banque cite en effet quelques arrêts de la première chambre civile de la Cour de cassation ayant statué en ce sens mais, qu’après quelques mois de divergence entre cette chambre et la chambre commerciale, la première chambre civile, par un arrêt du 3 juin 2015, s’est ralliée à la position de la chambre commerciale en retenant elle aussi que 'la proportionnalité de l’engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l’opération garantie’ et que, depuis plus de deux années, cette jurisprudence n’a pas varié ;

Que la BPVF n’est donc pas fondée à réclamer la prise en compte de revenus escomptés écartés à bon doit par les premiers juges ;

Attendu que les nombreuses pièces produites par Monsieur X pour justifier de ses charges pour appuyer ses calculs démontrant qu’il ne pouvait rembourser les échéances mensuelles du prêt souscrit par la société la Caverne de Civray sont sans intérêt pour la solution du litige puisque l’intimé n’était pas emprunteur mais caution et, qu’ainsi que l’a rappelé le tribunal, il convient uniquement de vérifier, si à la date de son engagement, ses propres revenus et patrimoine lui auraient permis de verser une somme de 78.000 euros et non de rembourser les échéances mensuelles mises à la charge de l’emprunteur principal ;

Attendu que lors de la souscription du cautionnement, Monsieur X disposait d’un revenu annuel de 15.889,18 euros et n’avait aucun patrimoine immobilier ; qu’il était propriétaire de 45 parts de la société la Caverne de Civray acquises au prix de 5 euros chacune et disposait donc d’un capital mobilier de 225 euros ; qu’il avait auparavant souscrit, auprès de la Caisse d’Epargne, un prêt dont l’encours était de 13.956 euros et qu’il a déclaré à la BPVF ce précédent engagement dans la fiche de renseignements qu’il a remplie ;

Que sa compagne, Madame Y, n’était pas caution du prêt souscrit ;

Qu’une garantie à hauteur de 78.000 euros était dès lors manifestement disproportionnée comme portant l’endettement de Monsieur X à près de six fois l’intégralité de ses revenus annuels et que les premiers juges ont en conséquence à bon droit constaté cette disproportion ;

Attendu par ailleurs que la BPVF reproche sans fondement à Monsieur X de ne pas avoir produit de pièces justifiant de ce que sa situation financière actuelle ne lui permettrait pas de faire face au règlement de la somme sollicitée puisqu’il résulte de la combinaison de l’article 1315 du code de commerce et de l’article L 341-4 du code de la consommation qu’il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution lors de sa conclusion d’établir, qu’au moment où il l’appelle, le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation ;

Qu’il sera surabondamment observé qu’il n’est pas contesté que Monsieur X ne dispose aujourd’hui d’aucun patrimoine et que seul ce patrimoine doit être pris en compte pour vérifier une capacité de la caution à faire face à l’obligation lorsqu’elle est appelée ;

Que la BPVF n’apportant dès lors pas la preuve qui lui incombe de ce que le patrimoine de Monsieur

X lui permet de faire face aujourd’hui à ses obligations, il convient de confirmer la décision déférée, de condamner l’appelante qui succombe aux dépens et de faire application, au profit de l’intimé, des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME la décision entreprise,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE la Banque Populaire Val de France aux dépens d’appel,

CONDAMNE la Banque Populaire Val de France à payer à Monsieur Z X la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

ACCORDE à Maître Albane HARDY, membre de la SCP HARDY anc. BULTEAU, avocat, le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Monsieur Thierry MONGE, Conseiller faisant fonction de Président de la chambre et Madame Marie-Hélène ROULLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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