Cour d'appel de Papeete, Chambre sociale, 22 décembre 2016, n° 12/00573

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Papeete, ch. soc., 22 déc. 2016, n° 12/00573
Juridiction : Cour d'appel de Papeete
Numéro(s) : 12/00573
Décision précédente : Tribunal du travail de Papeete, 29 août 2012, N° 12/219;F11/00215;12/00141
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

CT


Copie exécutoire

délivrée à :

— Me X,

le 22.12.2016.

Copie authentique

délivrée à :

— Me R. Wiart,

le 22.12.2016.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D’APPEL DE PAPEETE

Chambre Sociale

Audience du 22 décembre 2016

RG 12/00573 ;

Décision déférée à la Cour :
jugement n° 12/219, rg n° F 11/00215 du Tribunal du
Travail de Papeete du 30 août 2012 ;

Sur appel formé par déclaration reçue au greffe du Tribunal du Travail de Papeete sous le n° 12/00141 le 20 septembre 2012, dossier transmis et enregistré au greffe de la Cour d’appel le 5 octobre 2012 ;

Appelante :

La Sna Tuhaa Pae, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Papeete sous le n° 329 B, dont le siège social est sis zone de Motu Uta, BP 1890 – 98713
Papeete, prise en la personne de son gérant, M. Y Z ;

Représentée par Me Christophe ROUSSEAU-WIART, avocat au barreau de Papeete ;

Intimée :

Monsieur A B, né le XXX à XXXC de nationalité française, demeurant à XXX-98713 Papeete ;

Représenté par Me Anne-Laurence X, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 24 juin 2016 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 15 septembre 2016, devant M. BLASER, président de chambre, Mme D et M. E, conseillers, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé publiquement ce jour par Mme D, conseillère, en présence de Mme SUHAS-TEVERO, greffier, lesquels ont signé la minute.

A R R E T,

Par acte sous seing privé du 16 mars 2004, A B a été engagé par la SA Société de Navigation des Australes (SNA) Tuhaa Pae en qualité de directeur d’exploitation de la SNA
Tuhaa Pae et de la SNA Vai Aito moyennant une rémunération brute mensuelle de 400 000
FCP.

Par acte sous seing privé du 1er octobre 2004, il a été engagé par la SA SNA Tuhaa Pae en qualité de directeur d’exploitation de la SNA Tuhaa Pae et de la SNA Vai Aito du 22 mars au 30 septembre 2004 moyennant une rémunération brute mensuelle de 580 000 FCP.

Par avenant du 8 septembre 2008, cette rémunération est passée à 860 000 FCP à compter du 1er octobre 2008.

Par avenant n°2 du 4 mars 2010, a été ajoutée au contrat de travail la clause suivante :

« INDEMNITE DE RUPTURE : Quelque soit le motif de la rupture du contrat à durée indéterminée liant M. A B à la SNA TUHAA PAE, à l’initiative de l’une ou l’autre des parties (démission de l’employé ou licenciement par l’employeur), une indemnité équivalente à 18 (dix huit) mois de salaires bruts (sur la base du salaire brut au moment du départ), non exclusive des autres indemnités légales ou contractuelles, sera allouée à M. A B. »

Par lettre du 5 avril 2011, A
B a écrit au directeur général de la SA SNA Tuhaa
Pae en ses termes :

« Je constate que je n’ai plus ma place dans la société car toutes mes prérogatives de directeur ont été retirées et toute relation continue de travail avec vous est devenue impossible. Dans ces conditions, je me vois contraint et forcé de vous donner ma démission’ ».

Il a saisi le tribunal du travail de Papeete afin d’obtenir la requalification de la démission en prise d’acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par ordonnance rendue le 21 mai 2012, le juge de la mise en état du tribunal du travail de Papeete a rejeté la demande de sursis à statuer formée par la
SA SNA Tuhaa Pae.

Par jugement rendu le 30 août 2012, le tribunal du travail de Papeete a :

— dit que la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse ;

— alloué à A
B :

* la somme de 38 134 FCP, à titre de rappel de salaire net pour le mois de février 2011

* celle de 3 646 400 FCP, à titre d’indemnité compensatrice de préavis * celle de 353 920 FCP, à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

— enjoint à l’employeur de remettre un certificat de travail ;

— dit que l’employeur devra régulariser la situation de ces chefs auprès de la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française ;

— dit que ces dispositions sont exécutoires par provision de plein droit à hauteur de 2 734 800 FCP ;

— alloué à A
B :

* la somme de 638 120 FCP, à titre d’indemnité légale de licenciement

* la somme de 5 469 600 FCP, à titre d’indemnité pour licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse

* la somme de 150 000 FCP, sur le fondement de l’article 407 du code de procédure civile de la
Polynésie française ;

— rejeté les autres demandes formées par A B ;

— mis les dépens à la charge de A B.

Par déclaration enregistrée au greffe du tribunal du travail de Papeete le 20 septembre 2012, la SA
SNA Tuhaa Pae a relevé appel de cette décision.

Par arrêt rendu le 21 novembre 2013, la cour d’appel de
Papeete a :

— constaté que la SA SNA Tuhaa Pae n’a pas relevé appel de l’ordonnance rendue le 21 mai 2012 par le juge de la mise en état du tribunal du travail de Papeete ;

— déclaré irrecevable la demande d’infirmation de cette ordonnance formée par la SA SNA Tuhaa Pae ;

— déclaré irrecevables les demandes de délivrance d’un certificat de travail et de régularisation de sa situation à l’égard de la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française formée par
A
B ;

— dit n’y avoir lieu à amende civile.

La SA SNA Tuhaa Pae demande à la cour de :

— rejeter les prétentions de A B ;

— confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a déclaré nulle la clause conventionnelle de rupture et, subsidiairement, réduire à 1 FCP le montant de l’indemnité ;

— lui allouer :

* la somme de 3 346 400 FCP, au titre du préavis

* la somme de 1 000 000 FCP, pour rupture abusive du contrat de travail

* la somme de 300 000 FCP, au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 400 000
FCP, au titre des frais irrépétibles d’appel.

Elle fait valoir que « M. B n’a cessé, par le biais de sa place dans la société et de ses amitiés avec Mme F G et Mr H
TEINAURI, d’intriguer contre elle, de s’opposer à sa bonne marche, d’empêcher la révocation des administrateurs dont il ne faisait pas partie, en violation de la loi et des statuts, pour maintenir ses avantages si généreusement octroyés par ses protecteurs » et qu’ « à la suite de la nomination, lors de l’assemblée générale du 23 février 2011, de M. I
J en qualité de Président
Directeur Général succédant à M. H TEINAURI, révoqué, M. B était mis en congé sur sa demande et celle des dirigeants » ; que, «dans le cadre de cette mesure conservatoire, (elle) était en droit de lui interdire « l’accès à la messagerie de la direction de la SNA », de même de lui interdire « de suivre la construction du navire » ; qu’elle « n’a même pas eu à aller jusqu’à la procédure de licenciement, puisque conscient de l’impossibilité de rester dans la société, M. B a préféré prendre les devants et démissionner » ; que « le caractère, clair et non équivoque de la démission de M. B, est révélateur de la crainte légitime qu’il ressentait de fournir des explications sur ses véritables mobiles lors du changement de majorité de la société, de devoir justifier les avantages indus qu’il avait acquis indépendamment de son contrat de travail et de ses véritables motivations quant à ses manoeuvres illicites pour empêcher toute tenue régulière de l’assemblée » ; que
A B n’établit pas que les faits reprochés à son employeur sont suffisamment graves pour faire produire à la prise d’acte de la rupture les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que « la démission de M. BBB est intervenue au lendemain de la révocation de M. Ernest TENAURI, Président
Directeur Général de la société, et protecteur de ce dernier » ; que le salarié « perdait ses responsabilités et avantages généreusement octroyées par l’ancien PDG que le Tribunal a considéré illicite » et que la modification de son contrat de travail qui a augmenté ses responsabilités « ayant corrélativement eu pour effet de lui garantir une sécurité financière et une « assurance tous risques » contre toute rupture » contractuelle, il « pouvait’agir en toute indépendance, et s’est placé dans une situation juridique dans laquelle il exerçait des responsabilités en dehors de celles d’un « directeur exploitation » et de tout contrôle, se considérant intouchable » ; que A B ne peut lui reprocher « le retrait de toutes ses prérogatives de directeur exploitation dès lors qu’il n’exécutait pas celles pour lesquelles il était qualifié et responsable » ; qu’il « faisait tout pour empêcher la tenue régulière des assemblées générales, n’hésitant pas à fomenter une grève', et pour tenter d’acheter des votes', payer des factures indues et des provisions sur deux années pour des prestations non effectuées et qui ne le seront pas’attitude indigne d’un salarié qui se prenait pour le directeur général et administrateur de fait de la SNA
TUHAA PAE » ; qu’il « n’a pas agi avec honnêteté, diligence et loyauté envers la société dans l’intérêt de celle-ci mais plutôt dans son propre intérêt » ; qu’ « il a surtout agi en dehors de ses compétences, et conscient de cela, a manifesté très tôt’une volonté de démissionner; que, « s’agissant de l’organisation et des choix de gestion, M. BBB prenait également des décisions qui sont en dehors de ses fonctions » ; qu’ il a transformé le projet d’un « cargo mixte à passagers» approuvé par le conseil d’administration en 2007 par un projet en « cargo mixte croisière », sans autorisation du conseil d’administration et sans information préalable auprès de l’assemblée générale, et en recourant à un autre architecte naval sans appel d’offre et qu’il a « pris des décisions graves, voire dangereuses pour l’intégrité des passagers, pouvant engager la société au regard de la législation sur la sécurité des transports mixtes des passagers et des carburants dangereux » ; qu’ « aucun élément essentiel du contrat de travail de M. BBB n’a été modifié ou ne portait atteinte à sa qualification de directeur exploitation » ;
que les attestations de Madame G et de
Lionel K ne possèdent pas de valeur probante ; que le salarié ne peut lui reprocher d’avoir, dans le cadre de son pouvoir de direction, modifié « de simples aménagements de travail » tant que cette modification n’a pas de conséquences ni sur sa qualification ni sur sa rémunération » ; qu’il « était
Directeur d’exploitation, c’est-à-dire que l’une de ses missions

principales était de gérer la productivité et la rentabilité du département dont il avait la charge » ;
qu’il « s’occupait » entres autres du suivi de la construction du navire « TUHAA PAE IV » et « était censé le faire en négociant « du mieux des intérêts de la société », ce qui n’a pas été le cas » ; que « « ni sa rémunération, ni sa qualification professionnelle n’ont été modifiées » ; que « sa délégation de signature’ne portait pas sur tous les actes concernant la société, mais uniquement sur ceux relatifs à la construction de ce navire » et qu’ « à partir du moment où il ne traitait plus ce dossier, il était inutile de lui maintenir une délégation de signature ».

Elle ajoute que « le salarié a agi dans l’intention de nuire à la société en n’agissant pas conformément à l’exercice de ses fonctions, en toute indépendance, et de façon malhonnête et déloyale avec ses supérieurs hiérarchiques et les administrateurs de la société dans le but de renverser la majorité en place avec la complicité de l’ancien PDG, révoqué » ; qu’ « en donnant sa démission éclairée, pendant une période de congé, sans modification de son contrat de travail évoqué, et non mis en oeuvre par courrier de la société 15 jours plus tard, M. B a clairement décidé de mettre fin à son contrat » ; qu’il s’est trouvé en situation d’abandon de poste et que la rupture du contrat de travail est abusive ; que l’avenant du 4 mars 2010 n’a pas été établi à cette date mais « très peu de temps avant la révocation de M. TEINAURI, Président du
Conseil d’administration » ; qu’ « il s’agit d’une convention réglementée aux termes de l’article L 225-53 du Code de commerce, dont les dispositions sont d’ordre public, qui fixent la rémunération des directeurs généraux délégués, ce qui était le cas de M. B, Directeur exploitation » ; que celui-ci reconnaît avoir exercé les fonctions de directeur général et que la clause litigieuse, rédigée par lui, n’a pas été acceptée par le conseil d’administration ; qu’elle « n’a'pour objet que d’assurer au salarié une protection contre les risques de licenciement, et, de façon malhonnête, contrariant le principe de l’exécution de bonne foi du contrat conformément à l’article 1134 alinéa 3 du
Code civil » ; qu’elle prive l’employeur de son pouvoir disciplinaire ainsi que de la possibilité de rompre le contrat de travail et offre au salarié cette possibilité dans le seul but de percevoir 18 mois de salaire ;
que « cette clause exorbitante du droit commun relative au versement d’une somme excessive est non exclusive du versement des autres indemnités prévues en cas de rupture du contrat alors que ces dernières ne seraient pas versées si la rupture était imputable aux torts du salarié » et qu’elle est contraire aux dispositions de l’article 12 de la délibération n° 91-2 AT du 16 janvier 1991.

A B demande à la cour de :

— lui allouer :

* la somme de 12 762 400 FCP, à titre d’indemnité pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse

* la somme de 911 600 FCP, au titre du non respect de la procédure de licenciement

* la somme de 569 750 FCP, au titre du 13e mois

* la somme de 16 563 600 FCP, au titre de l’indemnité de rupture ;

— « condamner la SNA TUHAA PAE à payer l’intérêt légal à compter de la requête introductive d’instance du 26 août 2011 et à l’anatocisme pour toutes les condamnations à intervenir » ;

— confirmer le jugement attaqué pour le surplus ;

— lui allouer la somme de 400 000 FCP, au titre des frais irrépétibles d’appel.

Il soutient que « tout reproche’lié au quorum des assemblées générales -de façon plus générale au problème de majorité des associés et représentants sociaux de la SNA TUHAA PAE- est sans objet pour la double raison d’abord, (qu’il) est salarié de la SNA
TUHAA PAE, qu’il n’est pas membre du

Conseil d’Administration et qu’il est toujours intervenu dans le cadre du lien de subordination qu’il le liait à l’équipe dirigeante » ; que la mise en congé décidée le 24 février 2011 pour une période déterminée et sans qu’une procédure de licenciement n’ait été engagée est une sanction disciplinaire et que « la précipitation avec laquelle cette mise à pied disciplinaire a été irrégulièrement prononcée suffit à rendre équivoque la démission qui a suivi » ; que la lettre du 20 avril 2011 fait clairement apparaître une volonté antérieure ou contemporaine à la démission de procéder à une modification substantielle des conditions de travail ; que la nouvelle direction de la SA SNA Tuhaa Pae a supprimé ses éléments essentiels de travail et l’a même temporairement empêché de travailler, ce que confirme les attestations de Monsieur K et de Madame L ; que le conseil d’administration de la SA SNA Tuhaa Pae l’a mandaté avec son président pour la réalisation de la construction du navire « Tuhaa Pae IV » et que cette mission lui a été retirée « de façon autoritaire, arbitraire et sans discussion préalable » ; que, le 18 mai 2010, l’ancien
Président Directeur Général, Monsieur H
TEINAURI, l’a désigné Monsieur B en qualité de « DPA » et qu’en lui interdisant de communiquer avec le chantier naval Harwood Slipway dès février 2011, en l’empêchant d’accompagner la nouvelle direction à Cebu en février 2011 pour vérifier l’évolution de la construction et sa conformité par rapport aux obligations contractuelles de sécurité et en lui retirant la signature pour ce qui concernait la construction du navire, la nouvelle direction de la SNA
TUHAA PAE l’a privé d’un élément essentiel de ses fonctions et qu’il lui a été impossible de remplir les tâches « qui étaient les siennes sous les instructions de l’ancienne direction de la SNA TUHAA
PAE ».

Il souligne également que le paiement d’un 13e mois constituait un usage d’entreprise ; que l’avenant du 4 mars 2010 a été rédigé après qu’il ait été mandaté par la SA SNA Tuhaa Pae pour la construction et le financement du navire ; que, bien que son application ne soit pas limitée au changement de l’équipe de direction, il inclut cette possibilité; qu’il est justifié par ses fonctions au sein de l’entreprise et qu’il ne porte pas atteinte au droit de licencier de la SA SNA Tuhaa Pae ; qu’il n’a jamais exercé les fonctions de directeur général, ni de directeur général délégué ; que la SA SNA
Tuhaa Pae a tenu des propos vexatoires le concernant et nui à sa réputation ; que la mise en congé d’office et la privation de travail ont été soudaines ;
qu’il est resté près de vingt-quatre mois sans retrouver d’activité et que la SA SNA Tuhaa Pae l’a privé de toute chance d’emploi auprès des armateurs locaux ; qu’il a été « victime d’une mise en congés d’office accompagné d’un dénigrement auprès de ses contacts et collaborateurs étrangers » et que l’indemnité conventionnelle ne répare pas la totalité du préjudice qui lui a été causé.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 juin 2016.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la recevabilité de l’appel :

La recevabilité de l’appel n’est pas discutée et aucun élément de la procédure ne permet à la cour d’en relever d’office l’irrégularité.

Sur le rappel de salaire, la prime de 13e mois et le certificat de travail :

La lecture des éléments versés aux débats démontre que les premiers juges ont analysé de façon précise, sérieuse et exacte les faits de la cause et qu’ils leur ont appliqué les principes juridiques adéquats.

C’est donc par des motifs pertinents que la cour adopte purement et simplement qu’ils ont :

— rejeté la demande en paiement d’une prime de 13e mois considérant que A B ne rapporte pas la preuve d’un usage d’entreprise ;

— alloué à A
B la somme de 38 134 FCP, au titre du salaire de février 2011 ;

— enjoint à la SA SNA Tuhaa Pae de délivrer un certificat de travail.

Sur la rupture du contrat de travail :

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

Lorsque le salarié remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifiaient ou dans le cas contraire d’une démission.

Le 5 avril 2011, A B a écrit la SA SNA Tuhaa Pae une lettre de démission ainsi rédigée :

« Suite à l’Assemblée générale qui a révoqué et remplacé une partie des administrateurs et au C.A.
qui vous a nommé Directeur Général à la date du 23 février 2011, j’ai été mis dès le lendemain en congés d’office par décision unilatérale, mon bureau sert de logement au nouveau Président du C.A.
de la société qui y a installé son couchage et sa télévision, les serrures ont été changées et le matériel informatique contenant mes données personnelles a été immédiatement saisi. Vous m’avez aussitôt signifié ne plus avoir de délégation de signature, plus d’accès à la messagerie et l’interdiction formelle de suivre la construction du nouveau navire, je n’ai donc désormais plus aucune des attributions de directeur qui étaient les miennes dans la société.

Vous avez réhabilité deux employés précédemment licenciés par l’ancienne direction pour justes motifs : M. M N dit TUPERE pour indiscipline, injures et menaces et M. O
P cité à comparaître devant le tribunal correctionnel pour détournement de fonds et abus de confiance. Ceux-ci nommés membres au nouveau conseil d’administration sont animés d’un esprit de revanche à mon égard. En effet, il m’est tout à fait impossible d’envisager toute collaboration avec les personnes dont les comportements sont contraires aux notions d’éthique et de morale que j’ai toujours eues dans l’exercice de mes fonctions.

Vous me mettez en cause dans les actions judiciaires qui vous opposent aux associés avec lesquels vous êtes en conflit, ceci ne nous permettant pas de travailler ensemble en toute confiance et dans une ambiance sereine.

Vous n’approuvez pas la politique déjà menée par l’ancienne direction et vous êtes en désaccord sur l’organisation de la société, les choix de gestion, la conception et l’exploitation du nouveau navire en phase finale de construction. De plus, vous êtes opposés au concept directeur du projet qui prévoit le développement de l’activité de croisières maritimes aux îles Australes, pourtant très attendu par la population et les élus. C’est justement cela qui nous a valu l’obtention rapide des avantages de la défiscalisation locale et ce serait indéniablement une source d’importants revenus complémentaires pour la société.

Je constate que je n’ai plus ma place dans la société car toutes mes prérogatives de directeur ont été retirées et toute relation continue de travail avec vous est devenue impossible. Dans ces conditions, je me vois contraint et forcé de vous donner ma démission, et ce à compter de la date de réception par vos soins du présent courrier. Je n’ai pas d’autre choix et vous comprendrez que dans de telles circonstances l’exécution d’un préavis est tout à fait irréaliste.

Vous voudrez bien me régler mon solde de tout compte en incluant l’indemnité contractuelle de

rupture de contrat prévue à l’avenant du 4 mars 2010' ».

La « démission » de A B ne peut qu’être qualifiée d’équivoque puisqu’il estime l’avoir donné « contraint et forcé » et qu’il reproche à son employeur un comportement rendant impossible le maintien du contrat de travail.

Il convient, dès lors, d’examiner si le salarié rapporte la preuve des manquements dont il se plaint.

Si, dans ses dernières écritures, la SA SNA Tuhaa
Pae prétend que la mise en congés permettait au salarié de ne pas perdre le bénéfice de congés non pris, cet argument n’est pas sérieux puisque, dans une lettre du 20 avril 2011, elle fait état de « congés d’office » et d’une attitude du salarié conduisant logiquement à reconsidérer la confiance pouvant lui être accordée et que, dans ses écritures d’appel , elle reconnaît avoir « interdit au salarié de venir travailler au sein de l’entreprise » et avoir « pris une mesure conservatoire à son encontre,'en raison de faits suffisamment graves et condamnables ayant entraîné une perte de confiance parfaitement justifiée ».

Aucun élément ne démontre que A B ait sollicité des congés et les motifs de l’employeur, le caractère déterminée de la mesure ( du 25 février au 13 avril 2011 ) et l’absence d’engagement d’une procédure de licenciement permettent de conclure, comme l’a pertinemment fait le tribunal du travail, que A
B a fait l’objet d’une sanction disciplinaire.

Celle-ci est intervenue de façon brutale sans respect de la procédure prévue par l’article 34 de la délibération n°91-2 AT du 16 janvier 1991 alors applicable selon lequel :

« Aucune sanction ne peut être infligée au salarié sans que celui-ci soit informé dans ce même temps et par écrit des griefs retenus contre lui. Avant de prendre une sanction à l’encontre d’un salarié, l’employeur doit avoir un entretien avec le salarié qui est mis en mesure de s’expliquer sur les faits qui lui sont reprochés. ».

Et elle est intervenue dans des conditions vexatoires puisque
A B a été privé des moyens matériels et de la signature lui permettant de remplir ses fonctions.

Ce comportement consistant de façon arbitraire à ne plus fournir du travail au salarié constitue à lui seul un manquement grave de l’employeur à ses obligations d’autant que A B a été privé de fonctions importantes relatives à la construction du navire « Tuhaa Pae IV » qui lui avaient été régulièrement confiées :

— le 12 mai 2009 par le conseil d’administration en ces termes :

« Le conseil d’administration, connaissance prise de l’exposé de son Président concernant la construction du navire TUHAA PAE IV et du contrat de construction qu’il y aura lieu de signer ainsi que la mise en place du plan de financement pour la construction de ce navire, décide que la société réalisera la construction du navire TUHAA PAE IV, et à cet effet mandate Monsieur H
TEINAURI son Président, ou à défaut Monsieur A B, pouvant agir ensemble ou séparément, pour réaliser cet investissement, négocier au mieux des intérêts de la société et prendre toutes mesures pour la signature du contrat de construction, et signer tout contrat, actes et pièces.

De même, le conseil d’administration donne tous pouvoirs à son Président ou à défaut à Monsieur A B, pour effectuer la mise en place du plan de financement pour la construction de ce navire.

Et à cet effet passer et signer tous actes et pièces, élire domicile, et généralement faire le nécessaire’ » ;

— le 18 mai 2010 en ces termes :

« Je soussigné M. H
TEINAURI, Président du Conseil d’Administration de la S.A.
SNA
TUHAA PAE nomme notre Directeur d’exploitation M. A B en tant que «Personne désignée» (DPA) de la Compagnie en vue de garantir une bonne exploitation du navire en matière de sécurité et de respect de l’environnement et afin de fournir un lien entre le plus haut niveau de la hiérarchie et tout le personnel à bord du navire ou à terre.

La personne désignée aura en plus de ses fonctions normales, la responsabilité de :

' Surveiller les aspects de sécurité et de prévention de la pollution dans l’exploitation du navire

' Veiller à ce que les ressources adéquates et un soutien approprié soient fournis

' Veiller à ce que tous les documents liés au système de gestion de la sécurité soient à jour

La « Personne désignée » (DPA) ainsi nommée a pour tâche de s’assurer :

' Que l’ensemble des moyens nécessaires pour assurer l’exploitation du navire en toute sécurité soit mis en oeuvre à tous les niveaux de la
Compagnie

' Du maintien et du bon fonctionnement du système de management de la sécurité (SMS) et de prévention de la pollution

' Que le lien de communication entre la terre et le bord réponde aux exigences des besoins du SMS de la Compagnie pour une exploitation normale du navire

' Que les incidents et anomalies fassent l’objet d’une analyse pour traitement

' De la collecte les éléments nécessaires pour l’exécution des revues’ ».

En outre, un tel comportement pouvait raisonnablement faire craindre à A B une pérennisation de la mesure qui modifiait de façon substantielle ses conditions de travail, une dégradation considérable desdites conditions, voire des sanctions plus graves.

Et ses craintes étaient légitimes dans la mesure où, dans une lettre du 20 avril 2011, l’employeur fait ressortir son intention de lui retirer toutes responsabilités dans la construction du nouveau navire, où la SA SNA Tuhaa Pae a porté plainte à son encontre et où, dans ses écritures d’appel, elle reconnaît avoir envisagé des sanctions.

Enfin, l’attitude fautive reprochée par l’appelante à A B est d’autant moins établie que, dans le cadre d’une information ouverte du chef d’abus de biens sociaux, celui-ci bénéficiait du statut de témoin assisté et qu’une ordonnance de non-lieu a été rendue le 21 mai 2015.

Dans ces conditions, les manquements de la SA SNA Tuhaa Pae sont suffisamment graves pour qualifier la démission de prise d’acte de la rupture ayant les effets d’un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

La procédure prévue par l’article 13 de la délibération n° 91-2 AT du 16 janvier 1991 alors applicable n’ayant pas été respectée, le licenciement doit être déclaré irrégulier.

Sur l’indemnisation du licenciement :

L’article 13-3 de la délibération n° 91-2 AT du 16 janvier 1991 applicable au moment du

licenciement dispose qu’en cas de non-respect de la procédure de licenciement, « le tribunal saisi accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne saurait être supérieure à un mois de salaire. »

A B ne peut prétendre au paiement d’une indemnité pour défaut de respect de la procédure et d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En effet, l’article 8 alinéa 2 de la loi n° 86-845 du 17 juillet 1986 applicable au moment du licenciement dispose que si le licenciement survient sans observation de la procédure et pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, « le tribunal octroie au salarié une indemnité’qui ne peut être inférieure à un montant fixé par délibération de l’assemblée de la Polynésie française’sans préjudice, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement'».

Cette indemnité ( qui répare donc le préjudice résultant des caractères irrégulier et injustifié du licenciement ) est prévue par l’article 14-1 de la délibération n° 91-2 AT du 16 janvier 1991 applicable au moment du licenciement et ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois précédant la rupture si le salarié a 12 mois d’ancienneté dans l’entreprise.

En l’espèce, A B avait plus d’un an d’ancienneté lorsqu’il a été licencié et il ne lui sera donc pas alloué d’indemnité spécifique pour défaut de respect de la procédure de licenciement.

L’article 12 de la délibération n° 91-2 AT du 16 janvier 1991 alors applicable dispose que, sauf en cas de faute grave, le salarié licencié qui possède trois ans d’ancienneté a droit à une indemnité de licenciement qui « ne peut être inférieure à une somme calculée par année de service dans l’entreprise sur la base 'de un dixième de mois’ », « le salaire’servant de base au calcul de l’indemnité » étant « le salaire moyen brut des trois derniers mois. »

L’article 9-1 de la même délibération dispose que, sauf en cas de faute grave :

2°) « si l’ancienneté de services continus chez le même employeur est supérieure à cinq ans :

c) pour les cadres et assimilés, le préavis est fixé à quatre mois. »

L’article 10 de la même délibération dispose que :

« L’inobservation du préavis par l’employeur ouvre droit au profit du salarié, et sauf faute grave de celui-ci, à une indemnité compensatrice dont le montant est égal au salaire dû au titre de la durée du préavis non effectué’ ».

Compte-tenu de son salaire, de son ancienneté et des circonstances du licenciement, il doit être alloué à l’intimé :

— la somme de 3 646 400 FCP, à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

— la somme de 353 920 FCP, à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

— la somme de 638 120 FCP, à titre d’indemnité légale de licenciement;

— la somme de 5 469 600 FCP, à titre d’indemnité pour licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse.

Sur l’indemnité contractuelle de rupture :

L’avenant n°2 du 4 mars 2010 prévoit que :

« Quelque soit le motif de la rupture du contrat à durée indéterminée liant M. A BBB à la
SNA TUHAA PAE, à l’initiative de l’une ou l’autre des parties (démission de l’employé ou licenciement par l’employeur), une indemnité équivalente à 18 (dix huit) mois de salaires bruts (sur la base du salaire brut au moment du départ), non exclusive des autres indemnités légales ou contractuelles, sera allouée à M. A B.
»

Il ne constitue pas une convention réglementée en application des dispositions de l’article 225-38 du code de commerce alors applicable selon lesquelles « Toute convention intervenant entre une société et l’un de ses administrateurs ou directeurs généraux doit être soumise à l’autorisation préalable du conseil d’administration’ » dans la mesure où A B n’était pas administrateur de la SA SNA Tuhaa Pae.

Toutefois, il n’a pas uniquement pour objet de protéger le salarié contre le risque de licenciement, ni de sanctionner l’employeur en cas de cessation du contrat de travail.

En effet, il met également à la charge de l’employeur la réparation du préjudice résultant d’une démission et donc d’une rupture dont elle peut ne pas être responsable.

Il ne s’agit donc pas d’une clause pénale exclusivement destinée à sanctionner un manquement de l’employeur à ses obligations mais d’une clause abusive qui doit être annulée.

Dans ces conditions, le jugement attaqué sera confirmé en toutes ses dispositions.

Il convient, en outre, de dire que les sommes allouées à A B porteront intérêts au taux légal à compter du 26 août 2011, date d’enregistrement de la requête introductive d’instance pour celles en nature de salaires et à compter du présent arrêt pour les autres et d’ordonner, en application des dispositions de l’article 1154 du code civil, la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière à compter du 27 avril 2016, date de dépôt au greffe de la demande, le point de départ des intérêts capitalisés ne pouvant être antérieur à cette demande.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de
A B la totalité de ses frais irrépétibles d’appel et il doit ainsi lui être alloué la somme de 200 000 FCP, sur le fondement de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.

La partie qui succombe doit supporter les dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort ;

Déclare l’appel recevable ;

Confirme le jugement rendu le 30 août 2012 par le tribunal du travail de Papeete en toutes ses dispositions ;

Dit que les sommes allouées à A B porteront intérêts au taux légal à compter du 26 août 2011 pour celles en nature de salaires et à compter du présent arrêt pour les autres ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière à compter du 27 avril 2016 ;

Dit que la SA SNA Tuhaa Pae doit payer à A B la somme de 200 000 FCP, en

application des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

Rejette toutes autres demandes formées par les parties ;

Dit que la SA SNA Tuhaa Pae supportera les dépens d’appel.

Prononcé à Papeete, le 22 décembre 2016.

Le Greffier, P/ Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : C. D

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Cour d'appel de Papeete, Chambre sociale, 22 décembre 2016, n° 12/00573