Cour d'appel de Paris, 4e chambre, 19 septembre 2001

  • Absence de poursuite à l'encontre du site étranger·
  • Action en contrefaçon et en concurrence déloyale·
  • Atteinte aux droits privatifs sur la marque·
  • Reproduction de la partie verbale, lettres·
  • Application de la loi du 29 juillet 1881·
  • 2) concernant la concurrence déloyale·
  • Numero d'enregistrement 1 206 811·
  • Atteinte à l'image de la société·
  • Adjonction du prefixe pejoratif·
  • Éléments pris en considération

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Communications radiophoniques, telegraphiques ou telephoniques et transmission de messages radiophoniques, y compris diffusion de programmes radiophoniques et de television

nom de rubrique (anti nrj) sur site internet donnant acces, au moyen d’un lien hypertexte, a une page de site suedois

propos diffamatoires ne concernant pas la personne morale mais les prestations radiophoniques proposees par elle

1) creation sur son site d’un lien hypertexte permettant, en cliquant sur les mots (anti nrj) d’acceder a un site etranger denigrant les produits de l’appelant

Commentaire1

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Ecrit à l'origine pour le séminaire LRA 2002-2004 "Panoramas de presse et respect des droits d'auteur : Responsabilités, risques encourus et solutions juridiques" Panoramas de presse à partir de liens hypertextes Droit, usages et recommandations pratiques Emmanuel BARTHE Documentaliste juridique, cabinet BMH Avocats* Bibliographie et ressources Internet NB : les liens (soulignés) noirs sont des renvois à la bibliographie. Les liens bleus sont des liens externes vers des pages ou des sites web. Un exemple anglo-saxon de panorama de presse par des liens : Google News (page …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4e ch., 19 sept. 2001
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Publication : DALLOZ, cahier droit des affaires, No 7, 14 fevrier 2002, p. 643-644, observations Cedric Manara;Communication commerce electroniqueNo 1, janvier 2002, p. 24-26, note Christophe Caron;GAZETTE DU PALAIS,No 107-108, 17- 18 avril 2002, p. 38-44, note LaurenceTellier-Loniewski et Sophie Pradere
Décision(s) liée(s) :
  • TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS 30 JUIN 1999
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : NRJ
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 1206811
Classification internationale des marques : CL38
Liste des produits ou services désignés : Communications radiophoniques, telegraphiques ou telephoniques et transmission de messages radiophoniques, y compris diffusion de programmes radiophoniques et de television
Référence INPI : M20010443
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE Jean-Paul B est titulaire de la marque figurative « NRJ » n° 1.206.811 déposée le 17 juin 1982 pour désigner notamment les communications radiophoniques, télégraphiques ou téléphoniques et la transmission de messages radiophoniques, y compris la diffusion de programmes radiophoniques et de télévision, qui relèvent de la classe 38. Cette marque est exploitée par la société NRJ pour la radio dénommée NRJ et en constitue le logo. Au début de l’année 1998, Jean-Paul B et la société NRJ constataient que la société EUROPE 2, directement concurrente, présentait sur son site INTERNET une rubrique intitulée « ANTI NRJ » donnant directement accès, au moyen d’un lien HYPERTEXTE, à une page d’un site suédois reproduisant la marque susdite au milieu d’un panneau d’interdiction de stationner et comportant, sous l’intitulé "« The (un)official NRJ- Hatepage » (La page (non)officielle de haine à l’égard d’NRJ) un texte en langue anglaise contenant des propos suivants : Cette page est créée pour faire réfléchir les stations de radio comme NRJ à ce qu’elles font. La musique est quelque chose de personnel et, comme nous le savons tous, nous sommes tous des individus avec des opinions et des pensées différentes. Le problème principal que j’entrevois est que presque toutes les stations de radio ou les chaînes musicales comme MTV n’en ont cure et se foutent des minorités musicales ou de la musique que, simplement, elles n’aiment pas et qui ne leur rapporteront pas assez d’argent. Comme vous le voyez, l’argent et le mercantilisme sont les grandes plaies et constituent la raison pour laquelle de nombreuses personnes manquent aujourd’hui d’intelligence musicale parce qu’elles écoutent de la musique commerciale de merde. Oui, j’appelle ça de la musique de merde parce que ce n’est pas artistique et en tout cas pas créatif et personnel. Je pourrais en écrire bien plus long sur cette corruption musicale, mais je pense que c’est suffisant pour que vous vous rendiez compte des dégâts que l’argent peut faire dans la scène musicale. Ce que j’exige de vous qui êtes impliqués dans cette corruption, c’est plus de professionnalisme et de respect à l’égard des musiciens véritablement talentueux au lieu de soutenir des musiciens commerciaux, manipulés et qui ne sont pas des artistes. Haine est un mot fort et c’est rarement une solution à un quelconque problème, mais quand des stations de radio commerciales et corrompues comme NRJ ne font que passer de la musique qui ne stimule pas le cerveau humain, la haine grandit à l’intérieur et on réalise que quelque chose doit être fait pour préserver les éléments artistiques de la musique. Alors pourquoi ne pas mettre votre nom sur la liste qui suit pour montrer que vous vous souciez de l’avenir de la musique et que vous détestez l’attitude musicale de l’une des plus grandes stations de radio commerciales d’aujourd’hui, NRJ. Ne laissez pas l’argent détruire la musique. Soutenez la campagne.

Estimant qu’en utilisant sans l’autorisation de Jean-Paul B la marque susvisée la société EUROPE 2 COMMUNICATION commettait un acte de contrefaçon caractérisant, pour la société NRJ qui l’exploite, un acte de concurrence déloyale, et que la diffusion des propos discréditant les programme de la radio NRJ constituait pour la société NRJ un acte de concurrence déloyale, Jean-Paul B et la société NRJ ont, par acte du 12 mars 1998, assigné la société EUROPE 2 COMMUNICATION devant le tribunal de grande instance de PARIS pour obtenir réparation de leur préjudice. Par jugement du 30 juin 1999, le tribunal a retenu que la mention « ANTI NRJ » reproduite par la société EUROPE 2 COMMUNICATION sur son site, constituait à l’égard de Monsieur B un acte de contrefaçon de marque, mais a estimé que cet acte de contrefaçon ne constituait pas, à l’égard de la société NRJ, un acte de concurrence déloyale à défaut d’élément distinct. Il a toutefois considéré que le préfixe « ANTI » associé au terme NRJ constituait de la part d’un concurrent direct de la radio NRJ, un élément dénigrant caractérisant un agissement déloyal et a, en conséquence, alloué à chacun des demandeurs une indemnité symbolique d’un franc outre celle de 5.000 francs au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. Il a revanche estimé que la société EUROPE 2 COMMUNICATION ne pouvait être tenue pour responsable du contenu du site auquel elle a permis un accès direct par un lien de connexion HYPERTEXTE, et débouté en conséquence les demandeurs des prétentions qu’ils avaient formulées à ce titre. VU l’appel interjeté de cette décision, le 4 octobre 1999, par la société NRJ et Jean-Paul B ; VU les conclusions du 28 mai 2001 aux termes desquelles la société NRJ et Jean-Paul B réitérant leurs demandes de première instance, poursuivent la réformation de la décision entreprise, d’une part, en ce qu’elle a considéré que la société EUROPE 2 COMMUNICATION ne pouvait être tenue pour responsable du contenu de la page litigieuse du site suédois et que la société NRJ ne pouvait incriminer, sur le fondement de la concurrence déloyale la contrefaçon de marque, la reproduction par la société EUROPE 2 COMMUNICATION dans son propre site de la mention « ANTI NRJ », d’autre part, sur le montant des dommages-intérêts qui leur ont été alloués, demandant à la Cour paiement, chacun, d’une somme de 250.000 francs à ce titre, outre une somme de 25.000 francs chacun pour leurs frais irrépétibles en cause d’appel ; VU les conclusions du 11 juin 2001 par lesquelles la société EUROPE 2 COMMUNICATION, soutient que les propos diffusés sur INTERNET et qualifiés de dénigrants constituent en réalité des faits diffamatoires ou injurieux qui tombent sous le coup de la loi du 29 juillet 1881, et sont en conséquence prescrits, qu’elle ne saurait en tout état de cause être tenue pour responsable de contrefaçon ou de dénigrement n’étant pas l’auteur du site WEB ANTI NRJ édité en anglais où est reproduite la marque que le lien HYPERTEXTE, simple mécanisme qui permet de passer d’un site à un autre, n’a pas pour effet d’intégrer à son site, qu’aucun préjudice n’a de surplus été causé, et demande en conséquence à la Cour, de réformer le jugement déféré en ce qu’il l’a condamnée au titre

de la contrefaçon et de concurrence déloyale et de lui allouer la somme de 30.000 francs au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

DECISION I – SUR LA PRESCRIPTION : Considérant que pour s’opposer aux prétentions de la société NRJ et de Jean-Paul B, la société EUROPE 2 COMMUNICATION prétend principalement que les faits incriminés constituant des faits diffamatoires ou injurieux sont exclusivement soumis aux dispositions de la loi du 29 juillet 1881 ; que leur première diffusion remontant au mois de novembre 1997, ces faits ont prescrits ; Mais considérant que les appréciations, même excessives, touchant les produits, les services ou les prestations d’une entreprise industrielle ou commerciale n’entrent pas dans les prévisions de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 dès lors qu’elles ne concernent pas la personne physique ou morale ; que les propos tenus sur le site suédois dont les termes ont été ci-dessus rappelés visent bien les prestations radiophoniques proposées par la société NRJ et non la société elle-même ; Que l’intimée n’indique d’ailleurs pas en quoi les propos tenus caractériserait une diffamation ou une injure à l’égard de la personne même de la société NRJ ; Considérant dès lors que l’exception de prescription opposée doit être écartée, la loi du 29 juillet 1881 n’ayant pas lieu de s’appliquer ; II – SUR LES FAITS DENONCES : Considérant que si le lien HYPERTEXTE constitue un simple mécanisme permettant à l’utilisateur en cliquant sur un mot ou un bouton de passer d’un site à un autre, et si la création au sein d’un site d’un tel lien permettant l’accès directe à d’autres sites n’est pas, en soi, de nature à engager la responsabilité de l’exploitant du site d’origine à raison du contenu du site auquel il renvoi, lequel, comme l’indique à juste titre le tribunal, dispose d’une totale autonomie lui permettant d’évoluer librement, au besoin quotidiennement, sans que le site d’origine ait à intervenir, il en est toutefois autrement lorsque la création de ce lien procède d’une démarche délibérée et malicieuse, entreprise en toute connaissance de cause par l’exploitant du site d’origine, lequel doit alors répondre du contenu du site auquel il s’est, en créant ce lien, volontairement et délibérément associé dans un but déterminé ; Considérant, en l’espèce, qu’en créant au sein de son site, sous la rubrique « ANTI NRJ », révélatrice en soi de la démarche entreprise et de la connaissance qu’elle avait du site

litigieux, un lien HYPERTEXTE donnant directement accès à la page WEB susvisée, la société EUROPE 2 COMMUNICATION a manifestement cherché à mettre à la disposition des visiteurs de son site les propos dénigrant les produits de son concurrent direct situés sur le site suédois ; que ce comportement fautif émanant d’un concurrent direct caractérise en soi un acte de concurrence déloyale commis aux dépens de la société NRJ ; Que la société EUROPE 2 COMMUNICATION invoque en vain l’absence de poursuites, de la part des appelants, à l’encontre du site suédois, laquelle est inopérante ; Considérant par ailleurs que la société EUROPE 2 COMMUNICATION ne pouvait se méprendre sur le caractère illicite de la reproduction sur le site incriminé de la marque figurative « NRJ » incluse dans un panneau d’interdiction de stationner, parfaitement dévalorisante, et a, par la création du lien HYPERTEXTE litigieux instauré de manière délibérée, porté personnellement atteinte aux droits que Jean-Paul B détient sur sa marque ; qu’elle a, de ce fait, engagé sa responsabilité en vertu des dispositions de l’article L 716-1 du Code de la propriété intellectuelle ; que cette atteinte portée par un concurrent direct caractérise pour la société NRJ, qui exploite la marque de manière effective, un acte de concurrence déloyale ; Considérant enfin que la société intimée n’oppose aucun moyen ni ne formule aucune observation sur les faits de contrefaçon de marque résultant de la reproduction sans autorisation de la partie dénominative de la marque NRJ sur son propre site ni sur le caractère dénigrant de l’association à cette dénomination du préfixe péjoratif « ANTI » ; que le jugement entrepris, qui ne suscite aucune critique de la part de l’intimée et qui a fait une exacte appréciation des données de la cause sur ces deux points, doit être confirmé ; Qu’il doit en revanche être réformé en ce qu’il a rejeté le grief de concurrence déloyale formulé par la société NRJ en raison de l’utilisation contrefaisante de la marque, l’acte de contrefaçon justement retenu aux dépens de Jean-Paul B, titulaire de la marque, constituant, comme il l’a déjà été dit précédemment, un acte de concurrence déloyale à l’égard de celui qui l’exploite ; III – SUR LES MESURES RÉPARATRICES : Considérant que les actes de contrefaçon incriminés ont nécessairement porté atteinte aux droits que le titulaire détient sur sa marque en l’avilissant ; Que la société EUROPE 2 COMMUNICATION prétend à tort qu’aucun préjudice n’aurait été causé à la société NRJ du fait des actes de concurrence par dénigrement en raison de la persistance de son audience, alors qu’il est constant que l’existence d’un préjudice, fût-il moral, découle nécessairement des actes déloyaux constatés et résulte, pour celui aux dépens duquel ils ont été commis, des procédés fautifs utilisés par une société concurrente ;

Que les faits perpétrés qui ont perduré de novembre 1997 à mars 1998 ont nécessairement terni l’image qui s’attache tant à la marque qu’aux activités déployées par la société NRJ ; Qu’il convient en conséquence d’allouer une somme de 250.000 francs de dommages- intérêts à chacun des appelants en réparation de leur entier préjudice et d’autoriser la publication du présent arrêt selon les modalités qui seront énoncées au dispositif ci-après ; Considérant que les dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent bénéficier à Jean-Paul B et à la société NRJ, la somme de 25.000 francs devant être allouée à chacun d’eux pour leurs frais irrépétibles en cause d’appel ; que la société EUROPE 2 COMMUNICATION qui succombe doit être déboutée de la demande qu’elle a formée sur le même fondement ; PAR CES MOTIFS : Rejette l’exception de prescription, REFORMANT le jugement entrepris, Dit qu’en reproduisant la mention « ANTI NRJ » dans son propre site et en créant de manière délibérée un lien HYPERTEXTE avec la page d’un site suédois comportant la reproduction de la marque figurative n° 1.206.811 et un texte dénigrant les prestations de la radio NRJ, la société EUROPE 2 COMMUNICATION a commis des actes de contrefaçon de marque aux dépens de Jean-Paul B, lesquels sont constitutifs de concurrence déloyale à l’encontre de la société NRJ, et des actes de dénigrement constitutifs de concurrence déloyale aux dépens de la société NRJ, Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a retenu que la mention « ANTI NRJ » reproduite par la société EUROPE 2 COMMUNICATION sur son site, constituait à l’égard de Monsieur B un acte de contrefaçon de marque ; Dit que cet acte de contrefaçon constitue un acte de concurrence déloyale aux dépens de la société NRJ et un acte de dénigrement ; Condamne la société EUROPE 2 COMMUNICATION à payer à Jean-Paul B et à la société NRJ la somme de 250.000 francs à chacun en réparation et celle de 25.000 francs à chacun au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile pour leurs frais irréparables en cause d’appel. Autorise Jean-Paul B et la société NRJ à faire publier dans deux revues de leur choix aux frais de la société EUROPE 2 COMMUNICATION le présent arrêt, dans les limites d’une somme de 50.000 francs HT par insertion, CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris.

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire, Condamne la société EUROPE 2 COMMUNICATION aux dépens et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.

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