Cour d'appel de Paris, 28 avril 2003, n° 9999

  • Vie privée·
  • Plainte·
  • Photographe·
  • Information·
  • Trésor·
  • Partie civile·
  • Homicide involontaire·
  • Accusation·
  • Jonction·
  • Ordonnance de non-lieu

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, 28 avr. 2003, n° 9999
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 9999

Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS (1re CH. A)

28 AVRIL 2003

PRÉSIDENCE DE M. X


604

La Cour (…),

À la s urvenu le 31 août 1997, uite de l’ac cident s dans leq

. C F. et uel la prin

cesse Diana S

., MM



A P. ont trouvé la m

ort

, une instructi on a été ouverte, par réquisitoire int

roductif d u 2 septem bre 1997, des chefs d'homicide s et blessures i nvo lontaires et non-assistance à personne en danger

.

Par lettre de son avoc at daté d u même jour

, M

. J E F

., père de l’u

ne des vi

ctimes

, s’est constitué partie civile d

ans cette information Cette lettre énonce aussi :

.

«Sans doute parce que l’action publi que ne peut être exercée que sur pl ainte de la vi ctime

, de son représentant ou de ses a yants droit co

nformé ment aux dispositions de l’article 226-6 dudit Code, ce réquisitoire introductif ne vise pas l’infraction de tentative d’atteinte à l’inti

mité de la vie privée, prévue et réprimée par les articles 226-1 et 226-5 du Code pé

, alors que nal cette infraction me semble constituée, les photo graphes poursuivant le véhicule accidenté ayant à l’évidence l’intention de prendre des photogra phies relatives à l’intimité de la vie privée de C F. et Diana S.

La poursuite de cette infraction est détermi nante, dans la mesure où elle a été continuelle ment commise par les photographes tout au long de la journée, mais également, et surtout, après la sortie du couple de 'Hôtel Ritz, et pendant la poursuite dont le trajet, et notamment le passage par le tunnel de l’Alma, ne s’explique que par cette poursuite.

Les faits constitutifs de cette infraction, en ce qu’ils ont joué un rôle majeur dans l’organisation du départ de l’hôtel et dans la conduite du véhi cule, forment l’élément initial et déterminant de la chaîne causale ayant conduit au décès des trois victimes.

Je vous prie donc de bien vouloir également recevoir la constitution de partie civile de M.

J E F., en sa qualité d’ayant droit de M. C F., du chef de tentative d’atteinte à l’inti mité de la vie privée, sur le fondement de l’article 226-6 du Code pénal, vous remerciant de bien vouloir transmettre la procédure à Monsieur le Procureur de la République en vue de la déli vrance d’un réquisitoire supplétif de ce chef »>. Le 9 octobre 1997, en l’absence de suite donnée

à cette requête, M. E F. a déposé plainte avec constitution de partie civile entre les mains du doyen des juges d’instruction pour le délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée. Rappelant son analyse, il a souligné la connexité des faits objets de cette plainte avec ceux objets de la saisine des juges d’instructions chargés de l’ins truction susvisée et indiqué « qu’il est donc parti culièrement opportun, pour une bonne administration de la justice » que cette plainte soit confiée aux mêmes magistrats par une jonc

La jonction n’a pas été prononcée bien que tion des procédures. it été confiée à l'un des deux magistrats en charge de l’instruction l’instruction de cette plainte a ouverte des chefs d’homicides et blessures involon taires et non-assistance à personne en danger. Le 3 septembre 1999, une ordonnance de non

lieu était rendue dans l’instruction ouverte de ces chefs, M. E F. en a formé appel.

Le 16 juin 2000, par application de l’article 82-1 du Code de procédure pénale, M. E F. a formulé auprès du juge d’instruction saisi de l’information ouverte sur sa plainte, une demande d’audition des photographes dont la présence sur les lieux de l’accident ressortait de la première instruction. Cette demande étant restée sans effet, il a saisi la chambre d’accusation.

Celle-ci a examiné le dossier à l’audience du

15 septembre 2000 au cours de laquelle le minis tère public a pris des réquisitions desquelles il res sort que le magistrat instructeur, après avoir procédé à l’audition de la partie civile le 12 mars 1998, a délivré une commission rogatoire le

15 février 1999, laquelle lui a été retournée le 20 septembre 1999 sans avoir fait l’objet d’un acte d’exécution et que, par la suite, a été versée à la procédure, sans procès-verbal de jonction de piè ces, une copie de l’ordonnance de non-lieu rendue le 3 septembre 1999.

Le 17 octobre 2000, M. E F. a fait assigner

l’agent judiciaire du Trésor pour voir juger que la responsabilité de l’État est en par les fautes lourdes et le déni de justice commis à l’occasion de l’instruction de la plainte déposée le 9 octobre 1997.

Le 31 octobre 2000, par deux arrêts, la chambre

d’accusation a, d’une part, confirmé l’ordonnance de non-lieu et, d’autre part, ordonné qu’il soit fait retour au magistrat instructeur du dossier ouvert sur la plainte avec constitution de partie civile afin qu’il poursuive sans délai l’information, « la Cour ne pouvant que déplorer l’absence de dili gence depuis près de trois ans »>.

Par jugement du 7 novembre 2002, le Tribunal de grande instance de Paris a débouté M. E F. de ses demandes et l’a condamné à payer à l’agent judiciaire du Trésor la somme de 762,25 € au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le 19 novembre 2002, le juge d’instruction a ordonné le renvoi de trois personnes devant le

Tribunal correctionnel pour des faits prévus et réprimés par les articles 226-1 et 226-2 du Code pénal. L’audience a été fixée au 24 octobre 2003.

La Cour, Vu l’appel formé par M. E F. contre le jugement du

7 novembre 2002; Vu les conclusions du 20 février 2003 par lesquelles, poursuivant l’infirmation du jugement, il demande la condamnation de l’agent judiciaire du Trésor à lui payer la somme de 150.000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu’il a subi du fait de la faute lourde et du déni de justice, outre celle de 15.200 € au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, et sollicite qu’il lui soit donné acte qu’il reversera ces dommages-intérêts à une associa tion Amnesty International; Vu les observations orales du ministère public selon lesquelles, comme il avait été soutenu par écrit en

DIMANCHE 22 AU MARDI 24 JUIN 2003 GAZETTE DU PALAIS


première instance, la responsabilité de l’État est engagée;

Sur ce :

Considérant, en droit, qu’aux termes de

l’article 781-1 du Code de l’organisation judi «( L’État est tenu de réparer le dommage ciaire : causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice. Cette responsabilité n’est engagée que par une faute lourde ou par un déni de jus tice » :

Que constitue une faute lourde toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits tra duisant l’inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi;

Considérant, en l’espèce, que M. E F. invoque à l’appui de sa demande le comportement anormalement déficient des magistrats qui ont été successivement en charge de l’instruction de la plainte qu’il avait déposée pour atteinte à l’inti mité de la vie privée, laquelle, contrairement à ce qui leur était demandé, n’a pas été jointe à l’information ouverte pour homicide involontaire, et dénonce leur attitude caractérisant « une cer taine déloyauté » en ce qu’ils se sont abstenus de toute instruction de la plainte, ce qui a facilité le non-lieu intervenu dans l’autre dossier, et en ce qu’aux seules fins d’éviter une saisine de la cham bre d’accusation, ils ont délivré une commission th rogatoire accompagnée d’instructions orales radi calement contraires en ce qu’elles demandaient aux officiers de police judiciaire de ne pas l’exé cuter;

Considérant qu’aux termes de l’ordonnance de non-lieu prononcée dans l’instruction ouverte du chef d’homicide involontaire, « l’enquête diligentée avait permis d’établir que la présence et des photographes sur les lieux de l’accident faisait A suite à une recherche de prises de vue du couple Diana S.-C E F., de la part de plusieurs jour nalistes, durant toute la journée, recherche diffi cilement vécue par le couple et paraissant avoir eu des conséquences concernant l’organisation de la soirée, les instants précédant l’accident, et éventuellement, la survenance de celui-ci » ;

Qu’ainsi, dès l’origine, il était constant que les deux informations ouvertes étaient connexes; que l’agent judiciaire du Trésor qui l’admet reconnaît aussi que « les résultats de l’une ainsi que son déroulement procédural influaient naturellement om sur la conduite de l’autre » ;

Que, dès lors, si le juge d’instruction n’était pas tenu, procéduralement, de prononcer la jonction sollicitée, avec insistance, par M. E F., la décision de ne pas joindre, mesure d’administration judi ciaire laissée à la discrétion du juge, participe néanmoins à la série de faits invoqués par l’appe lant à l’appui de ses prétentions ;

Considérant que M. E F. est fondé à relever que, pour prononcer le non-lieu dans l’informa tion ouverte du chef d’homicide involontaire, le magistrat instructeur a porté des appréciations sur les faits dénoncés dans la plainte dont il était saisi dans la seconde information;

DU PALAIS DIMANCHE 22 AU MARDI 24 JUIN 2003

Qu’ainsi, l’ordonnance de non-lieu é nonc e c « Il n’est pas démontré plus générale

ment du que : rant la journée, jusqu’au démarrage de la M

erced es

, l’existence d’un place de la Concorde

compo rte ment fautif ayant un lien avec l'accident ultéri eu rement survenu, à la charge des photographes

..) « c’est donc p our échapp concernés » (. er a ux

, mais en l'absence de faut photographes e pénal e de leur part, que le conducteur de la Me

rcedes

, à son initiative ou sur ordre qui lui a été d

on

, a démarré vivement de la place de la Conc orde (

…) le comportement de ce conducteur « n’est pas le résultat d’une action pénalement fautive des autres personnes présentes à cet endroit. » (…) « ce comportement de leur part [les photographes), qui les renvoie comme ceux pour lesquels ils agissent aux conditions morales et déontologiques d’exer cice de leur activité, n’est toutefois pas constitutif en l’espèce d’une infraction caractérisée à la loi pénale »> ;

Considérant que, comme le fait exactement valoir M. E F., il en ressort que, pour apprécier les responsabilités pénales dans la première infor mation, il était nécessaire d’examiner la réalité des faits, objets de la seconde, dont l’éventuelle qualification pénale pouvait ne pas être indiffé rente à la première; que, dès lors, contrairement à ce que soutient l’agent judiciaire du Trésor, il n’était pas opportun d’instruire successivement les deux dossiers ;

Considérant que, pourtant, le magistrat chargé de la procédure ouverte sur la constitution de partie civile n’a accompli aucune investigation avant le 15 février 1999, soit plus de seize mois après cet acte, date à laquelle il a délivré une commission rogatoire aux fins «< d’entreprendre des investigations en vue de déterminer de manière complète les éléments de l’infraction et en identifier tous les auteurs, coauteurs et compli ces»; que celle-ci, se référant à la plainte jointe, ne comportait aucune indication précise des dili gences à accomplir;

Qu’il apparaît que cette commission rogatoire est intervenue quelques jours après une lettre du conseil de M. E F. qui, le 10 février 1999, avait écrit au magistrat instructeur pour lui faire remarquer que son inaction dans ce dossier « pou vait se comprendre, dès lors qu’il était envisagé de procéder à la jonction de cette procédure avec le dossier principal » et réitérer, devant l’absence d’acte d’instruction, sa demande de jonction, défaut de quoi il l’informait qu’il envisageait de saisir la chambre d’accusation;

Que cette intervention faisait elle-même suite à la notification du 29 janvier 1999, par laquelle les magistrats chargés du dossier ouvert du chef

d’homicide involontaire l’informaient que l'ins truction leur semblait terminée et qu’ils envisa

geaient de communiquer la procédure au procureur de la République ; le

, il a été répondu Qucette notification de

, par une lettre évoquant

18 février 1999 e les faits caractérisant le délit manière précis re d’atteinte à l’intimité de la vie privée pouvantêt


2003

retenus à la charge des ph

otographes

et rappela

ntla jurisprudence qui retient que ce délit est cons titué dès lors que des ph

otographies

sont prises à travers les vitres d’un véhi

cule p rivé; q u’il était encore mentionné q u’à raison d u caractère indissociable des faits il imp

ortait de p

rocéder à la jonction, et que celle

-ci serait t

out autant jus tifiée «si les magistrats instructeurs estimaient de fait, le délit d’atteinte à l a vie privée est que, établi par leur information principale »> ;

Considérant que cette commission rogatoire n’a été exécutée, les services de po lice qui en pas avaient été chargés la retournant au juge le 20 septembre 1999, c’est-à-dire quelques jours après l’ordonnance de non-lieu rendue dans l’information ouverte du chef d’homicide involon taire, le 3 septembre 1999; que, du 23 février 1999, date du procès-verbal de saisine, au 20 sep tembre, date du rapport de transmission «< pour faire suite aux dernières conclusions de la justice rendues sur le dossier de l’accident du tunnel de l’Alma », les policiers se sont bornés à dresser 4 procès-verbaux relatant les contacts qu’ils ont eus avec le juge mandant; qu’aux termes de ceux-ci le

30 mars 1999, celui-ci « a indiqué ne pas avoir de nouvelles instructions dans l’immédiat et de met tre le dossier en attente », le 15 juin 1999, il « nous mande de le recontacter le 2 juillet 1999 à l’issue de la décision de la chambre d’accusa tion», le 2 juillet 1999, il « nous indique nous recontacter la semaine prochaine » et le 16 juillet 1999, il « nous prescrit de mettre le dossier en attente, n’ayant de nouvelles instructions dans

l’immédiat »> ;

Que l’inaction des juges qui se sont succédé, les quels, au jour où la chambre d’accusation a sta tué, s’étaient bornés à procéder à une audition de la partie civile et à délivrer une commission roga toire qui n’a fait l’objet d’aucun acte d’exécution, ainsi qu’à joindre l’ordonnance de non-lieu du 3 septembre 1999, sans même verser au dossier d’autres pièces de la procédure suivie dans l’infor mation dans laquelle celle-ci est intervenue, a été relevée par cette juridiction dans son arrêt du 31 octobre 2000 qui énonce que la Cour ne peut "que déplorer l’absence de diligence depuis près de trois ans » ; Considérant que M. E F. fait encore grief aux magistrats instructeurs de ne pas avoir constitué de copie du dossier avant de le transmettre à la chambre d’accusation en violation de l’article 81 du Code de procédure pénale, ce qui, comme il s’en était plaint le 18 septembre 2000 auprès du

, a interdit à son conseil de consulter le dossier de la procédure au cabinet du juge, après magistrat l’audience de cette juridiction du 15 septembre le ministère

, à laquelle il a été informé par ue, contrairement à ce qu’il croyait, ce qui 2000 ressortait de sa demande d’acte du 16 juin 2000, il public q vait été versé au dossier aucune pièce du dos uvert du chef d’homicide si ce n’est l’ordon n’a la réalité de ce sier o manquement n’est pas contestée par l’agent judi nance de non-lieu ; que

ciaire du Trésor ;

44 1825

Considérant qu’il ressort de ces constatations que les magistrats chargés d’instruire les deux informations ouvertes pour des faits connexes ont, tout en refusant de joindre celles-ci, négligé pen dant trois ans d’instruire l’information ouverte sur la plainte de M. E F. ;

Que si une commission rogatoire a été délivrée, ce n’est qu’à raison de l’intervention du conseil de celui-ci et dans des conditions qui autorisent M. E F. à penser que le magistrat entendait éviter, d’une part, la saisine de la chambre d’accusation, et, d’autre part, la jonction d’un dossier dans lequel des investigations étaient, dès lors, en cours, avec le dossier principal dont il considérait l’information terminée et pour lequel il allait ren dre une ordonnance de non-lieu ;

Qu’il ressort de l’arrêt de la chambre d’accusa tion que les actes qui avaient été demandés par la partie civile au magistrat instructeur le 16 juin

2000, étaient justifiés; que c’est donc à tort que celui-ci a refusé de les accomplir;

Considérant que, contrairement ce que sou tient l’agent judiciaire du Trésor et contrairement à ce qu’a retenu le Tribunal, l’attitude des magis trats instructeurs ne peut s’expliquer par le fait que les investigations opérées dans le premier dos sier étaient de nature à faire progresser le second, de sorte que ce serait dans un souci d’efficacité dans la recherche de la vérité que les magistrats auraient privilégié les opérations d’instructions relatives aux faits de blessures et homicides invo lontaires et adopté une stratégie les conduisant à instruire successivement les deux affaires ;

Qu’en effet, d’abord, il a été relevé que le sort de la seconde n’était pas indifférent à la première ; que, contrairement à ce qu’affirme l’agent judi ciaire du Trésor, les résultats des investigations menées du chef d’homicide et blessures involon taires et de non-assistance à personne en danger

n’étaient certainement pas déterminants pour la poursuite de la procédure relative à l’atteinte à la vie privée; qu’ensuite, si les investigations menées étaient utiles aux deux procédures, le refus de joindre celle-ci ne s’explique pas; qu’encore, si tel était le cas, il fallait verser au dossier de la seconde information les pièces de la première qui étaient utiles à l’instruction des faits d’atteinte à

l’intimité de la vie privée, ce qui n’a été opéré qu’après l’introduction de la présente instance; qu’à cet égard, le fait que l’ordonnance de non lieu a été versée au dossier ne suffisait pas à per mettre à l’instruction de progresser en l’absence de toute autre pièce; qu’enfin, alors que les magis trats avaient informé M. E F. de ce qu’ils consi déraient terminée l’information ouverte du chef d’homicide involontaire, puis rendu une ordon nance de non-lieu, ils n’avaient toujours pas fait d’acte dans l’autre dossier, la commission roga toire délivrée n’étant pas destinée à être exécutée pour les motifs ci-dessus énoncés ; Considérant que les faits précédemment consta tés traduisent l’inaptitude du service public à remplir la mission dont il est investi en ce qu’ils laissaient croire à la partie civile qu’il était fait


obstacle à l’instruction de sa plainte et que toutes les investigations nécessaires à l’établissement des responsabilités dans la mort de son fils n’étaient pas accomplies, ce d’autant, que loin de se désin téresser de l’affaire ou de faire obstruction à la manifestation de la vérité, M. E F., par l’inter vention de ses conseils, proposait aux magistrats des analyses circonstanciées des faits en s’appuyant notamment sur les pièces de l’instruc tion suivie du chef d’homicide involontaire et dénonçait le « regrettable cloisonnement» opéré entre les deux informations dont il n’a cessé de

réclamer la jonction;

Qu’en particulier, ces faits révèlent un manque ment de l’autorité judiciaire à l’obligation de veiller à l’information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale, rappelée par les dispositions de l’article 1-11 de la loi du 15 juin 2000, ainsi qu’une violation du droit d’accès réel et effectif à un tribunal et du droit de voir sa cause examinée dans un délai raisonnable qui sont garantis à tout justiciable;

Que si, en l’espèce, la procédure a pu se pour suivre, cela n’enlève pas aux manquements relevés leur caractère, dès lors que ce n’est qu’après

l’introduction de l’instance en responsabilité de l’État et la décision de la chambre d’accusation, saisie par la partie civile à la suite du refus du magistrat instructeur d’accomplir les actes qui lui étaient demandés, que l’information a été effecti vement suivie, de sorte que celle-ci est fondée à croire que si elle n’avait pas pris ces initiatives procédurales, l’inaction des juges, pourtant régu lièrement saisis, aurait perduré;

Considérant qu’à cette faute lourde, s’ajoute un déni de justice; qu’en effet, contrairement à ce qu’a retenu le Tribunal, le fait «que par le jeu normal des institutions et notamment de l’appel et de la possibilité de saisine de la chambre

d’accusation, le demandeur a vu ses droits recon nus, et la procédure reprendre dans des conditions régulières » et que, celle-ci ayant suivi son cours, l’affaire est désormais renvoyée devant le tribunal correctionnel qui en connaîtra le 24 octobre 2003,

n’est pas suffisant pour écarter le déni de justice;

Que caractérise celui-ci l’inaction injustifiée des juges pendant près de trois ans qui a entraîné un retard dans l’instruction de l’affaire dont ils étaient saisis, la reprise de la procédure n’étant, au surplus, due qu’aux initiatives du demandeur, et qui a eu pour conséquence de retarder l’examen de l’affaire par le Tribunal, lequel n’interviendra que plus de six ans après le dépôt de la plainte avec constitution de partie civile, ce qui ne cons titue pas, en l’espèce, un délai raisonnable ; Considérant que la responsabilité de l’État est donc engagée ;

Considérant qu’à raison de la perte de confiance en l’institution judiciaire chargée d’élucider les circonstances de la mort de son fils qui a été nécessairement provoquée chez M. E F. par ces défaillances, fussent-elles intervenues dans le déroulement de la procédure ouverte pour atteinte à l’intimité de la vie privée, celui-ci a subi un

JUIN 2003

préjudice moral qui sera intégralement réparé par l’allocation d’une somme de 15.000 €;

Qu’il n’y a pas lieu de donner acte à M. E F. du sort qu’il entend réserver à cette somme, la déci sion qu’il prendra lui appartenant sans qu’il ait à en rendre compte à quiconque;

Considérant qu’il y a lieu de condamner l’agent judiciaire du Trésor à lui payer la somme de 10.000 € pour les frais irrépétibles qu’il a exposés en première instance et en appel;

Par ces motifs:

Réforme le jugement attaqué,

Statuant à nouveau,

Condamne l’agent judiciaire du Trésor à payer à M. E F. la somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts,

Le condamne à lui payer la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du nouveau Code de procé dure civile,

Le condamne aux dépens de première instance et

d’appel, et dit que ces derniers seront recouvrés comme il est dit à l’article 699 du nouveau Code de procédure civile (…).

M. Y, Mme Z, cons.; Mme F G, subst. gén. Mes H I et

K L-M, av.; SCP Annie Baskal et

SCP Jobin, avoués.

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, 28 avril 2003, n° 9999