Cour d'appel de Paris, 4e chambre section b, 18 février 2005

  • Exploitation d'une marque identique·
  • Syllabe d'attaque différente·
  • Exploitation par un tiers·
  • Similitude intellectuelle·
  • Contrefaçon de marque·
  • Structure différente·
  • Accord implicite·
  • Usage sérieux·
  • Substitution·
  • Contrefaçon

Résumé de la juridiction

Les documents versés aux débats démontrent un usage sérieux par un tiers de la marque internationale SOLEVITA sur le territoire national avec l’accord du titulaire. La production d’un contrat n’est pas nécessaire, l’autorisation pouvant être tacite. Au surplus, les extraits K-bis du registre du commerce attestent des liens étroits existant entre les deux sociétés qui appartiennent au même groupe. Par ailleurs, cet accord implicite est corroboré, d’une part, par un acte signé antérieurement à la demande portant sur une licence de marques et, d’autre part, par un contrat de cession d’une marque française déposée par la société-tiers. L’argumentation selon laquelle l’exploitation en France ne vaut que pour la marque française ne saurait être suivie dans la mesure où lorsque la société allemande a introduit l’instance et où la demande en déchéance a été formée, elle était titulaire de la seule marque internationale. Les deux marques étant identiques, les actes d’exploitation valent pour les deux signes.

La marque SALVITA ne constitue pas la contrefaçon par imitation de la marque SOLEVITA. Les signes ne présentent aucune similitude visuelle ou phonétique. Ils possèdent une structure différente et une syllabe d’attaque différente. La substitution de A au O et la suppression de E suppriment toute similitude intellectuelle.

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4e ch. sect. b, 18 févr. 2005
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Publication : PIBD 2005, 807, IIIM-267
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, 10 décembre 2002
  • 2000/13635
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : SOLEVITA ; SALVITA
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 526910 ; 682956
Classification internationale des marques : CL30; CL32
Référence INPI : M20050057
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Texte intégral

La cour est saisie d’un appel interjeté par la société LIDL STIFTUNG AND CO KG (ci- après LIDL) d’un jugement rendu par le tribunal de grande instance de PARIS le 10 décembre 2002 dans un litige l’opposant à la société REWE ZENTRAL AG (ci-après REWE). La société LIDL est propriétaire de la marque internationale « SOLEVITA » n° 526 910 enregistrée le 28 août 1988, visant la FRANCE et désignant les produits suivants : « jus de fruit, nectars de fruits, boisson aux jus de fruits » produits de la classe 32. La société REWE est propriétaire de la marque internationale « salvita » n° 682956 enregistrée le 14 octobre 1997, visant la France et couvrant les produits suivants « chocolat, cacao, pâtisserie et confiserie », produits de la classe 32. Estimant que ce signe portait atteinte à ses droits sur la marque « SOLEVITA », la société LIDL a, par acte du 26 juillet 2000, fait citer devant le tribunal de grande instance de PARIS la société REWE en contrefaçon pour obtenir notamment paiement de dommages et intérêts ainsi que le prononcé de mesures d’interdiction et de publication. La société REWE avait reconventionnellement formé une demande en déchéance de la marque et conclu au mal fondé de la demande en contrefaçon. Par le jugement entrepris, le tribunal a :

- prononcé la déchéance des droits de la société LIDL sur la partie française de la marque internationale « SOLEVITA » n° 526 910 pour les produits visés dans la classe 32,
- dit que le jugement, une fois passé en forme de chose jugée, sera transmis par le greffier à l’INPI pour inscription de la déchéance sur le registre national des marques,
- débouté la société LIDL de l’ensemble de ses demandes,
- condamné la société LIDL à payer à la société REWE la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,
- condamné la société LIDL aux dépens. La société LIDL, par ses écritures du 8 septembre 2004, prie la cour de :

- la dire recevable et bien fondée en son appel,
- infirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la déchéance des droits de la société LIDL sur la portion française de l’enregistrement international de marque SOLEVITA n° 526 910 pour tous les produits visés dans la classe internationale 32,
- statuant à nouveau, dire la société REWE irrecevable et mal fondée en sa demande en déchéance pour défaut d’usage sérieux,
- dire la société LIDL recevable et bien fondée en sa demande en contrefaçon,
- dire que la marque « salvita » constitue l’imitation de la marque « SOLEVITA »,
- en conséquence, dire que la société REWE s’est rendue coupable de contrefaçon de marque, par application des articles L. 711-4 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle,
- prononcer la nullité de la portion française de l’enregistrement international de la marque « salvita » n° 682956,
- faire interdiction à la société REWE de faire usage de la marque « salvita » seule ou en combinaison avec d’autres mots ou signes, pour désigner des produits identiques ou similaires à ceux couverts par l’enregistrement de la marque « SOLEVITA » et ce, sous astreinte de 150 euros par infraction constatée à compter de la décision à intervenir,
- condamner la société REWE à payer à la société LIDL la somme de 15 000 euros à titrede dommages et intérêts, sauf à parfaire ou compléter,

— ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois revues ou périodiques du choix de la société LIDL et aux frais de la société REWE dans la limite de 3 000 euros hors taxes par insertion,
- condamner la société REWE à payer à la société LIDL la somme de 10 000 euros par application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. Par écritures du 29 septembre. 2003, la société REWE prie la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la déchéance des droits de la société LIDL sur la partie française de la marque internationale « SOLEVITA » n° 526 910 et débouté la société LIDL de l’ensemble de ses demandes,
- dire que la société LIDL est mal fondée en sa demande en contrefaçon de la marque internationale « SOLEVITA »,
- débouter la société LIDL de l’ensemble de ses demandes,
- condamner la société LIDL à payer à la société REWE la somme de 10 000 euros à titre d’indemnité des frais irrépétibles par application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

I – Sur la déchéance Considérant que la société LIDL fait grief aux premiers juges d’avoir, tout en reconnaissant que la marque était exploitée, estimé qu’elle l’était par la société LIDL SNC et qu’il n’était pas établi que c’était avec son accord que la marque SOLEVITA était exploitée, d’avoir refusé de tenir compte de l’annexe du 29 septembre 2000 au contrat de licence conclu entre elle-même et la société LIDL SNC au motif qu’elle avait été conclue postérieurement à l’exploit introductif d’instance, et d’avoir retenu qu’en réalité, c’était la marque française déposée par LIDL SNC qui était exploitée, écartant le contrat de cession portant sur cette marque, signé au cours de la procédure ; Qu’elle soutient, en effet, qu’il importe peu que l’auteur de l’exploitation n’ait pas un titre publié ou même qu’il ne puisse être produit aucun acte, l’autorisation d’exploitation de la marque par un tiers pouvant résulter d’un accord implicite et résulter des circonstances de la cause ; qu’elle ajoute qu’en l’espèce, la preuve de cet accord est bien rapportée, dans la mesure où il est constant que la société française LIDL, constituée à l’origine, sous forme d’une SARL, avec pour associé unique la société allemande LIDL, a été autorisée sous contrat de licence du 3 mars 1995, à exploiter la marque LIDL, puis par avenant des 29 septembre et 13 octobre 2000, la totalité des marques dont est propriétaire la société LIDL (Allemagne) ; Qu’elle expose en outre que :

- la cession en date du 21 janvier 2002 de la marque française SOLEVITA déposée par la société LIDL France corrobore les éléments prouvant que la société française n’exploitait la marque SOLEVITA qu’avec son accord,
- les documents mis aux débats établissent bien que durant la période litigieuse, la marque SOLEVITA a été exploitée pour les produits visés dans la marque internationale,
- il ne peut être valablement soutenu que deux marques ayant été déposées (la marque internationale visant la France et la marque française), elle ne serait pas fondée à

prétendre que l’exploitation vaut pour sa marque internationale ; Considérant que la société REWE qui conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il a été fait droit à la demande en déchéance, en reprenant les motifs du tribunal, insiste en outre sur le fait que la société LIDL ne peut se prévaloir de l’avenant du 29 septembre 2000 et du contrat de cession du 21 janvier 2002 qui ont été conclus après l’introduction de l’instance, et expose que les publicités produites ne comportent pas de date certaine etqu’en présence de deux marques, LIDL (Allemagne), ne peut se prévaloir de l’une, en réalité exploitée par un tiers, pour faire échec à la demande en déchéance portant sur l’autre marque, en fait non exploitée ; Considérant ceci exposé que les pièces versées aux débats (principalement les nombreuses factures en date des années 1997 à 2000 ainsi que des publicités dont la date est déterminable en fonction des jours de promotion qui y sont indiqués) montrent, comme l’avait déjà relevé le tribunal, que des produits revêtus du signe SOLEVITA étaient exploités sérieusement en France, par la société française LIDL ; Considérant que, par ailleurs, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, la société LIDL Allemagne rapporte la preuve par un faisceau d’indices que la marque était exploitée en France avec son accord, étant constant qu’il n’est pas nécessaire, lorsque la marque est exploitée par un tiers, de produire un contrat écrit portant autorisation du titulaire de la marque, l’autorisation pouvant être tacite ; qu’en effet, d’une part, les extraits Kbis, statuts et extrait du Registre de commerce du tribunal d’instance d’HEILBRONN démontrent que des liens étroits existent entre les deux société LIDL, la société française étant une société du même groupe et non pas une société sans rapport avec cette dernière, d’autre part, la société LIDL France passe commande de ses produits auprès de fournisseurs allemands ; que l’absence de toute protestation à une exploitation de la marque en France laisse également présumer que la société LIDL Allemagne avait consenti à l’exploitation de celle-ci ; Considérant que cet accord implicite est corroboré par les actes signés au cours de la procédure, étant souligné que l’un (l’avenant des 29 septembre et 13 octobre 2000 portant sur une licence de toutes les marques propriété de LIDL Allemagne) a été signé avant la demande en déchéance formée le 31 janvier 2001, et que l’autre, le contrat de cession de la marque française déposée par la société LIDL France prouve que cette dernière se reconnaît non pas un droit de propriété sur la marque déposée par elle, (n’étant par ailleurs pas établi qu’elle en aurait avisé la société LIDL Allemagne), mais seulement un droit d’usage ; Qu’ainsi, la société LIDL appelante, rapporte la preuve de ce que la marque internationale a été exploitée sérieusement en France pour son compte par la société LIDL France dans le délai de cinq ans précédant la demande en déchéance ; Considérant que l’argumentation selon laquelle l’exploitation effectuée en France ne vaut que pour la marque française et ne peut être rattachée à la marque internationale visant la France ne saurait être suivie, dans la mesure où lorsque la société LIDL Allemagne a introduit l’instance, et où la demande en déchéance a été formulée, elle n’était titulaire que de la seule marque internationale ; Considérant au surplus que s’agissant de deux marques présentant une absolue identité tant dans les produits désignés que dans le signe, les actes d’exploitation susvisés valent pour les deux signes ; Considérant que le jugement sera donc réformé ;

II – Sur la demande en contrefaçon Considérant que l’appelante soutient que la marque « salvita » est déposée pour désigner des produits similaires à ceux visés par sa marque et que la dénomination constitue une reproduction illicite de la marque « SOLEVITA », en raison d’une longueur comparable (six lettres identiques placées dans le même ordre et selon le même rang), de la même architecture (un radical d’attaque phonétiquement très proche et une désinence VITA strictement identique), un accent tonique portant sur la dernière syllabe de telle sorte que les syllabes d’attaque ne distinguent pas suffisamment les signes (le E de SOLEVITA étant à peine perceptible à l’oreille) ; Considérant que la société REWE soutient au contraire que les produits ne présentent aucune similitude et que les signes en présence sont dénués de tout risque de confusion ; Considérant que dans l’analyse globale des marques qui doit être effectuée pour apprécier le risque de confusion, il doit être tenu compte de nombreux facteurs dont notamment la plus ou moins grande similarité des produits et le caractère fortement distinctif de la marque antérieure ; Considérant qu’en l’espèce, même si les produits en présence devaient être tenus pour similaires, ce qui est contesté, la comparaison entre les signes conduit la cour à dire qu’il n’existe pas de risque de confusion entre les termes en cause, même pour un consommateur d’attention moyenne qui ne les a pas de manière simultanée sous les yeux ou dans un temps proche à l’oreille ; qu’en effet, si les deux signes comportent la même désinence finale – VITA, il subsiste que les dénominations prises dans leur ensemble se distinguent très nettement par les syllabes d’attaque (SOLE – d’une part, et SAL – d’autre part) qui donnent aux marques en cause une structure différente (respectivement, quatre syllabes et trois) ; que visuellement et phonétiquement les deux signes se distinguent par la substitution du A au O et par la suppression du E central qui ainsi que le fait observer exactement la société REWE donne une connotation intellectuelle tout autre aux signes, la marque antérieure pouvant être comprise par référence aux racines latines telle la « vie au soleil », ou comme le dit la société REWE en « suggérant des propriétés intrinsèques aux produits visés, à savoir des jus apportant des vitamines issues d’une exposition des fruits qui les composent au soleil », et l’autre en se référant à un produit « salvateur », et s’agissant de produits alimentaires, à des produits nécessaires pour avoir une vie saine ; qu’il s’ensuit que la demande en contrefaçon sera rejetée sans qu’il soit nécessaire de rechercher si les produits présentent réellement une similarité, une telle similarité, à la supposer établie, n’ayant en l’espèce aucune incidence sur le risque de confusion, compte tenu de la distinctivité respective de chacune des marques ; Considérant que de ce fait, il ne saurait être fait droit aux mesures réparatrices sollicitées par la société LIDL et à la demande en nullité de la marque « salvita » dans sa partie française ; Considérant que le jugement ayant été infirmé sur le prononcé de la déchéance, l’équité commande d’allouer à la société LIDL la somme de 3 000 euros au titre des frais d’appel non compris dans les dépens et de condamner la société REWE aux dépens d’appel ; PAR CES MOTIFS : Réforme le jugement en toutes ses dispositions excepté sur l’article 700 du nouveau Code de procédure civile et sur les dépens ; Statuant à nouveau ; Déboute la société REWE-ZENTRAL AG de sa demande en déchéance de

l’enregistrement international de la marque « SOLEVITA » n° 526 910 en sa partie française ; Déboute la société LIDL STIFTUNG AND CO KG de sa demande en contrefaçon par imitation de sa marque SOLEVITA par la marque « salveta » ; Condamne la société REWE-ZENTRAL AG à payer à la société LIDL STIFTUNG AND CO KG la somme de 3 000 euros au titre de frais d’appel non compris dans les dépens ; Rejette toutes autres demandes ; Condamne la société REWE-ZENTRAL AG aux dépens d’appel ; Autorise la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY, avoué, à les recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.

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