Cour d'appel de Paris, 13 octobre 2006, n° 05/13815

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 13 oct. 2006, n° 05/13815
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 05/13815
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 17 mai 2005, N° 04/06668

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

4e Chambre – Section B

ARRÊT DU 13 OCTOBRE 2006

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 05/13815

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mai 2005 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 04/06668

APPELANTS

Monsieur Z A

XXX

XXX

représenté par Maître OLIVIER, avoué,

assisté de Maître Randy YALOZ, avocat au Barreau de Paris, E766.

Madame G H E I

XXX

LA HAVANE

CUBA

représentée par Maître OLIVIER, avoué,

assistée de Maître Randy YALOZ, avocat au Barreau de Paris, E766.

SARL LEGENDE LLC,

société de droit américain,

agissant poursuites et diligences de son représentant légal.

Ayant son siège Suite XXX

Wilmington

County of Newcastle

XXX

XXX

représentée par Maître OLIVIER, avoué,

assistée de Maître Randy YALOZ, avocat au Barreau de Paris, E766.

INTIMÉES

Société A NOUS PARIS,

en la personne de ses représentants légaux.

Dont le siège social est XXX

XXX

représentée par la SCP GARNIER, avoués à la Cour,

assistée de Maître Bruno SAUTELAT, avocat au Barreau de Paris,

XXX,

en la personne de son gérant.

Dont le siège est XXX

XXX

défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire, après rapport oral prévu par l’article 31 du décret n°205 1678 du 28 décembre 2005, a été débattue le 6 septembre 2006, en audience publique, devant Madame PEZARD, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat, en application de l’article 786 du NCPC, a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Madame PEZARD, président,

Madame REGNIEZ, conseiller,

Monsieur MARCUS, conseiller,

GREFFIER, lors des débats : L. MALTERRE-PAYARD

ARRÊT :

— réputé contradictoire.

— prononcé publiquement par Madame PEZARD, président.

— signé par Madame PEZARD , président et par L.MALTERRE- PAYARD, greffier présent lors du prononcé.

La cour est saisie de l’appel interjeté par Monsieur Z A, Madame G H E I et la société de droit américain LEGENDE LLC à l’encontre du jugement réputé contradictoire rendu le 18 mai 2005 par la troisième section de la troisième chambre du tribunal de grande instance de Paris qui a :

— rejeté les exceptions d’irrecevabilité,

— dit que la représentation figurant en page 43 du magazine Hors Série NOËL 2002 du journal 'A Nous Paris’ constitue une parodie de l’oeuvre de D E GUTTIEREZ, dit X,

— débouté Monsieur Z A, Madame G H E I et la société LEGENDE LLC de l’ensemble de leurs prétentions,

— débouté la société par actions simplifiées A NOUS PARIS de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive,

— condamné solidairement Monsieur Z A, Madame G H E I et la société LEGENDE LLC à verser à la société A NOUS PARIS la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux entiers dépens.

* *

*

Il convient de rappeler que:

Monsieur D E F, dit X est l’auteur d’une photographie réalisée le 6 mars 1960 à la Havane (Cuba), intitulée 'Guerillero Heroico’ représentant Ernesto C, dit B C.

Dans son numéro Hors Série Noël 2002, diffusé gratuitement dans le métro durant la semaine du 9 au 15 décembre 2002, la société A NOUS PARIS a diffusé dans son journal éponyme une représentation du visage de B C, dénaturée sous la forme d’un singe.

Par acte du 7 février 2003, Monsieur Z A, Madame G H E I et la société LEGENDE LLC ont saisi le tribunal de grande instance de Paris afin de faire constater une contrefaçon et obtenir l’indemnisation de leur préjudice ainsi qu’une mesure d’interdiction.

* *

*

Le 21 mai 2003, les appelants se sont désistés de leur action à l’encontre de la société ODYSSEE ON LIGNE.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 2 juin 2006, Monsieur Z A, Madame G H E I et la société LEGENDE LLC, appelants, demandent à la cour de:

'- donner acte du désistement de l’action des appelants à l’encontre de la société ODYSSEE ON LINE,

— déclarer les appelants recevables et bien-fondés en leurs demandes et d’y faire droit,

— débouter les intimés de l’ensemble de leurs moyens, prétentions, demandes et conclusions,

A titre principal,

— infirmer la partie du jugement entrepris qui qualifie la représentation litigieuse de parodie,

— rejeter l’exception de parodie,

— confirmer la partie du jugement entrepris qui reconnaît l’intérêt et la qualité d’agir de Madame G H E I ,

— confirmer la partie du jugement entrepris qui reconnaît l’intérêt et la qualité à agir de Monsieur Z A et de la société LEGENDE LLC,

— dire et juger que les actes de la société A NOUS PARIS sont constitutifs de contrefaçon,

A titre subsidiaire,

— dire et juger que la société A NOUS PARIS a commis un acte de parasitisme,

En conséquence,

— condamner la société A NOUS PARIS à verser collectivement aux appelants la somme de 50 000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel subi,

— condamner la société A NOUS PARIS à payer à Madame G H E I la somme de 71 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi, et ce assorti des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 12 décembre 2002,

— interdire la société A NOUS PARIS de reproduire, publier et diffuser la photographie de X,

— condamner la société A NOUS PARIS à publier, à ses frais, l’arrêt dans trois journaux de publication nationale, au choix des appelants, le coût global de ces publications ne pouvant excéder 10 000 euros HT,

— condamner la société A NOUS PARIS à publier dans son journal, à ses frais, les dispositifs de l’arrêt à intervenir aux mêmes lieu et page et dans les mêmes dimensions que la publicité litigieuse,

— condamner la société A NOUS PARIS à verser la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux entiers dépens ;'

La société A NOUS PARIS prie la cour dans ses dernières conclusions signifiées le 28 juin 2006, de :

'-débouter Monsieur Z A, Madame G H E I et la société LEGENDE LLC de l’ensemble de leurs demandes,

— confirmer en son intégralité le jugement,

— condamner solidairement Monsieur Z A, Madame G H E I et la société LEGENDE LLC à verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive en vertu des articles 1382 et 1383 du Code civil,

— condamner solidairement Monsieur Z A, Madame G H E I et la société LEGENDE LLC à verser la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;'

CELA ETANT EXPOSE,

Sur la qualité et l’intérêt à agir de Madame G H E I

Considérant que Madame G H E I verse aux débats la copie certifiée conforme et la traduction en langue française du testament de X, copie certifiée conforme par jugement rendu par le tribunal populaire de la Havane le 29 mars 2002 et sa traduction en langue française déposée le 9 avril 2003 au rang des minutes de Maître Y, notaire associé au Kremlin-Bicêtre (94) ;

Qu’en conséquence, Madame G H E I justifie de sa qualité d’héritière et partant de son intérêt à agir pour la défense du droit moral de son auteur ;

Que la cour confirmera le jugement de ce chef ;

Sur la qualité et l’intérêt à agir de Monsieur Z A et de la société LEGENDE LLC

Considérant que Monsieur Z A est cessionnaire par contrat en date du 25 mai 1995 du droit d’exploitation de la photographie de D E F pour une durée de dix ans ;

Considérant que selon le contrat en date du 14 avril 2002, Monsieur Z A a consenti une licence non exclusive d’exploitation à la société LEGENDE LLC par laquelle il lui garantit l’usage paisible des droits conférés ;

Qu’en conséquence, Monsieur Z A dispose d’une qualité et d’un intérêt certains à agir pour la défense de ses droits ;

Que la cour confirmera le jugement de ce chef ;

Sur l’exception de parodie

Considérant que les appelants demandent l’infirmation du jugement déféré en ce que les premiers juges n’ont pas condamné la société A NOUS PARIS en contrefaçon alors que d’une part, la reproduction litigieuse a pour origine la célèbre photographie du B et que d’autre part, la dénaturation du visage du B en celui d’un singe furieux et hostile dénigre la photographie et ce, dans un seul but commercial ;

Considérant que la société A NOUS PARIS, intimée, estime d’une part que la reproduction en cause est originale et que d’autre part, si elle est considérée comme inspirée de la photographie de X, elle respecte néanmoins les conditions de la parodie, à savoir l’existence d’un travestissement burlesque par la représentation du B sous les traits d’un singe, par la présence d’un pendentif particulier ainsi que du slogan 'CULTURAL (R)EVOLUTION', l’intention de faire rire puisque le singe est un animal comique et qu’il n’existe pas de risque de confusion entre l’oeuvre parodiée et parodiante ; qu’au surplus, le but d’une telle parodie est de montrer que le journal est un observateur de la vie culturelle de la région parisienne, sans intention de nuire ;

Considérant que, comme le retient le tribunal, la représentation de l’image de B C dans le grand public correspond à la célèbre photographie réalisée par X ; que dès lors, la reproduction en cause n’est pas originale ; que par ailleurs, si le B a été photographié par de multiples artistes, l’expression du regard et l’inclinaison du visage de la reproduction litigieuse sont propres à la photographie de X ;

Que conformément à la liberté d’expression, l’utilisation d’une illustration dans le seul but commercial et publicitaire n’exclut pas l’exception de parodie au titre de l’article L.122-5 4° du Code de la propriété intellectuelle ;

Que toutefois, il résulte des faits de l’espèce que la société A NOUS PARIS a cherché à attirer l’attention des jeunes lecteurs en créant un choc visuel afin de caractériser la tendance du journal pour mieux le promouvoir ; que le seul fait de transformer le visage d’un homme politique en celui d’un singe, accompagné du slogan 'CULTURAL (R)EVOLUTION’ et d’un pendentif singulier n’a rien de burlesque et n’a pas pour but de faire rire ;

Qu’en conséquence, l’exception de parodie ne peut être accueillie, que le jugement de ce chef sera infirmé et que la société A NOUS PARIS sera condamnée pour contrefaçon ;

Sur le parasitisme

Considérant que les appelants prétendent que la société A NOUS PARIS a usurpé la notoriété de la photographie de X, et ce, à titre lucratif ;

Que toutefois, ils n’apportent pas d’éléments distincts de ceux incriminés au titre de la contrefaçon pour caractériser les agissements de la société A NOUS PARIS;

Qu’en conséquence, la cour ne fera pas droit à la demande ;

Sur les préjudices

Considérant que les appelants soutiennent à l’appui de leur demande en dommages et intérêts au titre du préjudice matériel que l’utilisation de la photographie de X a un fort impact et que la dénaturation en forme de singe ridiculise une oeuvre internationalement connue ;

Qu’en outre, Madame G H E I fait valoir son préjudice moral en raison de l’insulte manifeste à l’image et à la notoriété de X que représentent la dénaturation de la photographie du B ainsi que l’absence de paternité ;

Considérant que la société A NOUS PARIS a diffusé la reproduction litigieuse en page 43 d’un supplément de 48 pages, durant une seule semaine à hauteur de 140 000 exemplaires ;

Qu’en conséquence, le préjudice sera justement réparé par l’allocation de la somme globale de 5 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice matériel subi et de 3 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral ;

Sur les mesures réparatrices

Considérant que la société A NOUS PARIS n’avait pas l’autorisation de reproduire de façon dénaturée la photographie de X et que la reproduction litigieuse ne respecte pas les critères de la parodie ; qu’en conséquence, il sera fait droit à la demande des appelants concernant l’interdiction de la société A NOUS PARIS de reproduire, publier et diffuser la reproduction de la photographie de X ;

Qu’en revanche, les circonstances de l’espèce ne justifient pas la demande relative à la publication ;

Considérant qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de l’intimé tendant à obtenir des dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Considérant que l’équité commande de laisser à celui qui succombe la charge des frais irrépétibles au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile dont le montant s’évalue à 3 500 euros ; qu’il convient, en sus, de condamner la société A NOUS PARIS en tous les dépens de première instance et d’appel ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en ce qu’il reconnaît la qualité et l’intérêt à agir de Monsieur Z A, Madame G H E I et la société LEGENDE LLC ;

Infirme le jugement pour le surplus ;

Et statuant à nouveau,

Condamne la société par actions simplifiées A NOUS PARIS à payer à Monsieur Z A, Madame G H E I et la société LEGENDE LLC la somme globale de 5 000 euros en réparation du préjudice matériel subi du fait de la contrefaçon;

Condamner la société par actions simplifiées A NOUS PARIS à payer à Madame G H E I la somme de 3 000 euros au titre du préjudice moral subi du fait de la contrefaçon ;

Interdit à la société par actions simplifiées A NOUS PARIS de reproduire, publier et diffuser la photographie de X ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne la société par actions simplifiées A NOUS PARIS à verser à Monsieur Z A, Madame G H E I et la société LEGENDE LLC la somme globale de 3 500 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Condamne la société A NOUS PARIS en tous les dépens et admet Maître OLIVIER, avoué, au bénéfice de l’article 699 du NCPC.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel de Paris, 13 octobre 2006, n° 05/13815