Cour d'appel de Paris, 16 octobre 2008, n° 07/02874

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 16 oct. 2008, n° 07/02874
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 07/02874
Sur renvoi de : Cour de cassation, 27 avril 2006

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

2e Chambre – Section B

ARRÊT DU 16 OCTOBRE 2008

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 07/02874

Décision déférée à la Cour : Sur renvoi d’un arrêt prononcé par la Cour de Cassation le 28 Avril 2006.

APPELANTES ET DÉFENDERESSES A LA TIERCE OPPOSITION

1°) LA RÉPUBLIQUE DE CHINE

représentée par le MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

prise en la personne de son Ministre Monsieur Z A B

XXX

Taipei

TAIWAN (RÉPUBLIQUE DE CHINE)

représentée par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour

assistée de Me Guillaume SELNET, avocat au barreau de PARIS, toque : J 87

2°) LE COMITÉ DE SAUVEGARDE DES BIENS MEUBLES ET IMMEUBLES DU CONSULAT GÉNÉRAL DE LA RÉPUBLIQUE DE CHINE

prise en la personne de son Président

XXX

XXX

PAPEETE (X)

XXX

prise en la personne de son Président

XXX

PAPEETE (X)

XXX

prise en la personne de son Président

XXX

PAPEETE (X)

XXX

prise en la personne de son Président

XXX

représentées par la SCP GERIGNY-FRENEAUX, avoués à la Cour

assistées de Me Jean-Dominique DES ARCIS, avocat au barreau de PAPEETE

INTIMÉE ET DEMANDERESSE A LA TIERCE OPPOSITION

LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE

représentée par son Excellence l’Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire de la République Populaire de Chine

XXX

XXX

représentée par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour

assistée de Me François FROMENT-MEURICE, avocat au barreau de PARIS,

toque : P 372

INTIMÉE

XXX

XXX

PAPEETE (X)

représentée par la SCP FANET – SERRA, avoués à la Cour

assistée de Me Jean-Marc CAZERES, avocat au barreau de PAPEETE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue, rapport a été fait conformément à l’article 31 du décret du 28 décembre 2005 modifiant l’article 785 du Code de procédure civile, le 11 septembre 2008, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. André DELANNE, Président

Mme Dominique DOS REIS, Conseiller

Mme Christine BARBEROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

A l’audience, Madame Isabelle TERRIER-MAREUIL, avocat Général, a fait des observations orales.

Greffier : lors des débats : Mme Marie-F. MEGNIEN.

ARRÊT :

— contradictoire,

— rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— signé par M. André DELANNE, Président, et par Mme Marie-F. MEGNIEN, Greffier auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

*************

Un conflit politique a opposé, à partir de l’année 1926, le Kuomintang, parti nationaliste dirigé par le général Tchang Kaï Tchek, et le parti communiste de Chine dirigé par Mao Zedong.

En 1944, quatre associations représentant la communauté chinoise partisan du général Tchang Kaï Tchek installée à X ont créé un 'Comité préparatoire des chinois d’outre-mer de X pour la mise en installation d’un consulat général de la République de Chine en l’honneur de la République de Chine’ et, grâce à des dons réunis par une collecte auprès des chinois expatriés à X, le 'Gouvernement de la République de Chine’ représenté par son consul général a acquis des consorts Y, selon acte sous seing privé du 22 juin 1946 réitéré par acte authentique du 25 juin 1946 transcrit le 29 juin de la même année, la parcelle de terre dénommée Arupa située à Papeete (Ile de X) moyennant la somme de 800.000 CFP.

Grâce à une nouvelle collecte de fonds, un immeuble a été édifié sur cette parcelle et un consulat représentant la République de Chine y a été installé, dont la fonction principale a été la délivrance de passeports aux chinois résidant en Polynésie française.

Selon un 'communiqué conjoint’ du 27 janvier 1964, la France et Pékin ont annoncé officiellement l’établissement de relations diplomatiques et, ensuite de cette annonce, les relations diplomatiques ont été rompues entre Taïwan et la France et la République de Chine a fermé, le 2 septembre 1965, son consulat de Papeete.

Par lettre du 10 septembre 1965, le consul de Taiwan a informé le gouverneur de X que son gouvernement avait désigné sept personnes à l’effet de constituer un 'comité de sauvegarde pour prendre soin de l’ensemble des biens meubles et immeubles dépendant du consulat général de la République de Chine’ à Papeete.

Ce comité a présenté au tribunal de première instance de Papeete, le 27 décembre 1977, une requête en revendication de la propriété de l’ancien consulat à l’encontre du 'Gouvernement de la République de Chine'.

Par jugement du 19 avril 1978, la chambre des terres de ce tribunal a dit que la parcelle de 39 ares 85 centiares dépendant de la terre Arupa et ayant fait l’objet de l’acte du 25 juin 1946 et l’immeuble qui y était édifié appartenaient au Comité de sauvegarde des biens meubles et immeubles du consulat général de la République de Chine et a ordonné la transcription de ce jugement à la conservation des hypothèques, formalité qui a été effectuée le 22 novembre 1978.

Suivant déclaration conjointe du 12 janvier 1994, la France a officiellement reconnu que la République populaire de Chine était l’unique gouvernement légal de la Chine en ces termes 'La partie française a confirmé que le gouvernement français reconnaît le gouvernement de la République populaire de Chine comme l’unique gouvernement légal de la Chine et Taïwan comme partie intégrante du territoire chinois'.

Au mois de septembre 1997, le maire de Papeete a ordonné la démolition de l’immeuble édifié sur la parcelle Arupa en raison de son insalubrité et la parcelle n’a pas été reconstruite depuis lors.

C’est dans ces conditions que, par requête du 1er septembre 2003, la République populaire de Chine a formé, à l’encontre du 'Comité de sauvegarde’ et de la République de Chine, tierce opposition contre le jugement du 19 avril 1978, afin de s’entendre dire propriétaire de la parcelle de terre Arupa.

Par jugement du 20 octobre 2004, le tribunal civil de première instance de Papeete a :

— dit la procédure régulière en la forme,

— reçu la République populaire de Chine en sa tierce opposition à l’encontre du jugement du 19 avril 1978,

— rétracté ce jugement en ce qu’il avait ordonné la reconnaissance de propriété de la parcelle de 39 a 85 ca de la terre Arupa, sise à Papeete, au bénéfice du Comité de sauvegarde des biens meubles et immeubles du consulat général de la République de Chine,

— dit que la République populaire de Chine était propriétaire de la parcelle susdite,

— condamné le Comité de sauvegarde des biens meubles et immeubles du consulat général de la République de Chine aux dépens.

La République de Chine a relevé appel de ce jugement dont elle poursuit l’infirmation, priant la Cour, par dernières conclusions signifiées le 12 août 2008, de :

— dire nul et de nul effet le jugement dont appel en ce qu’il a statué hors de la seule demande de rétractation dont il pouvait être saisi, en déclarant supplémentairement la 'RPC’ propriétaire de la parcelle d’Arupa,

— déclarer en outre irrecevable la tierce opposition formée par la République populaire de Chine à l’encontre du jugement du 19 avril 1978,

— dire que cette irrecevabilité découle de la prétention de la 'RPC’ d’être un ayant droit de la 'Chine historique’sur la parcelle d’Arupa, et donc d’être propriétaire de cette parcelle et qu’elle s’impose, en outre et surtout, en ce que le jugement du 19 avril 1978 constitue un contrat judiciaire insusceptible de tierce opposition,

— à la bonne fin de la décision sur le fond, constatant que la République de Chine dont le gouvernement siège dans l’Ile de Taïwan, est un Etat autonome capable d’ester en justice, et de détenir, exercer et transférer des droits réels sur le territoire français de X, et dire, à titre principal que la République de Chine détenait en 1978, dans les circonstances et qualités soumises à la Cour, les droits de l''Etat chinois historique’ qui, en 1946, a procédé en qualité de prête-nom des associations chinoises donataires, à l’acquisition de la parcelle litigieuse ; que cette qualité de prête-nom a été confirmée à son profit en 1950 lors de la construction du consulat général,

— dire, en conséquence, qu’une simulation est intervenue aussi bien en 1946 qu’en 1950 et que la République de Chine a bien été le propriétaire, ne serait-ce qu’apparent, de la parcelle d’Arupa,

— dire également que la République de Chine, propriétaire apparent de la parcelle de terre litigieuse, a légitimement mis fin à cette simulation et procédé à la reconnaissance au profit du Comité de sauvegarde d’un droit légitime de propriété sur cette même parcelle et l’immeuble qu’elle supportait à l’époque, par l’effet du jugement du 19 avril 1978 qui constitue un contrat judiciaire et un titre de propriété incontestable mettant fin à une simulation imposée par les circonstances et le contexte de l’époque,

— dire subsidiairement que, sur les mêmes fondements et dans les mêmes conditions et circonstances, elle pouvait rétrocéder le bien immobilier dans l’hypothèse où, ayant financé ce bien pour une activité consulaire et par une mise à disposition de fonds à titre de prêt ou de donation, les associations chinoises et le comité de sauvegarde qui les représentait en réclamaient la restitution, dès lors que les activités consulaires avaient cessé,

— dire, enfin, que le Comité de sauvegarde des biens meubles et immeubles du consulat général de la République de Chine avait la qualité requise pour devenir le légitime propriétaire de l’ensemble immobilier contesté qui lui était ainsi restitué en 1978 dès lors que ses membres en avaient financé l’acquisition en 1946, et qu’ils s’étaient regroupés dans une communauté organisée, apte à recevoir la propriété du bien,

— dire très subsidiairement que la cession résultant du jugement du 19 avril 1978 qui aurait été faite 'a non domino’ constitue, au profit du Comité de sauvegarde des biens meubles et immeubles du consulat général de la République de Chine, un juste titre au sens de l’article 2265 du code civil et que ce comité est, en conséquence, devenu le légitime propriétaire du bien litigieux par usucapion,

— à titre encore plus subsidiaire, dire que la République de Chine est demeurée jusqu’à ce jour le propriétaire légitime du bien immobilier litigieux,

— débouter, en conséquence, la République populaire de Chine de sa tierce opposition ainsi que de l’ensemble de ses demandes,

— la condamner à verser à la République de Chine la somme de 50.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 'Comité de sauvegarde des biens meubles et immeubles du consulat général de la République de Chine’ et les associations dénommées 'KOO MEN TONG 1« , 'KOO MEN TONG 2 » et 'KOO MEN TONG d’Uturoa 3", également appelants à titre principal, demandent à la Cour, par dernières conclusions signifiées le 25 août 2008, de :

— dire que contrairement à ce que ne craint pas de soutenir la République populaire de Chine, le comité de sauvegarde des biens meubles et immeubles du consulat général de la République de Chine, et les trois associations appelantes qui le composent, ont intérêt et qualité à agir dans la mesure où l’intimée entend remettre en cause le titre de propriété constitué par le jugement du 19 avril 1978, étant précisé que la fin de non-recevoir à l’instance opposée à ces trois dernières associations pour la première fois en cause d’appel est irrecevable pour tardiveté et en tout état de cause, pour défaut de pertinence,

— les y déclarer en outre bien fondés,

— mettant le jugement du 20 octobre 2004 à néant en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

— débouter la République populaire de Chine de sa tierce opposition au jugement du 19 avril 1978,

— dire que, compte tenu de l’absence de stipulation de délai pour faire tierce opposition dans le code de procédure civile de la Polynésie française, cette tierce opposition est tardive, se trouvant limitée par l’effet de l’article 2265 du code civil dont bénéficie le Comité de sauvegarde, car pour être recevable elle aurait dû être faite au plus tard le 22 novembre 1998, c’est-à-dire dans le délai de vingt ans de la transcription de son juste titre, le jugement du 19 avril 1978, dont il bénéficie,

— subsidiairement, pour le cas où la Cour estimerait que cette tierce opposition n’est pas tardive, dire qu’elle est irrecevable faute pour la République populaire de Chine d’avoir un intérêt légitime à agir, n’ayant jamais eu de possession consulaire à X, la terre Arupa n’ayant toujours servi de consulat qu’à la seule République de Chine à Taïwan,

— plus subsidiairement, dire que la tierce opposition de la République populaire de Chine ne permet pas à la juridiction qui en est saisie de statuer sur la revendication de propriété de la terre Arupa en raison des limites de sa saisine,

— plus subsidiairement encore, dire que la tierce opposition de la République populaire de Chine est mal fondée, qu’en effet, celle-ci n’a jamais été propriétaire de la terre Arupa qui a été acquise au nom de la République de Chine, laquelle a accepté valablement que le tribunal en transférât la propriété au Comité de sauvegarde des biens meubles et immeubles du consulat général de la République de Chine, ce que le tribunal a fait par son jugement du 19 avril 1978, ce comité ayant dès sa constitution le 10 septembre 1965, la personnalité morale, étant un groupement pourvu d’une possibilité d’expression collective pour la défense d’intérêts licites, dignes, par suite, d’être juridiquement reconnus et protégés, la Cour devant statuer en se plaçant au jour de la tierce opposition et non au jour du jugement frappé par cette tierce opposition,

— plus subsidiairement, dire que si ce jugement n’a pas valablement transféré la propriété de la terre Arupa au Comité de sauvegarde des biens meubles et immeubles du consulat général de la République de Chine, ce dernier en est devenu propriétaire à compter au plus tard du 20 avril 1998, ce, par application de l’article 2265 du code civil, le jugement du 19 avril 1978 constituant un juste titre translatif de propriété,

— plus subsidiairement, ordonner une enquête et une contre-enquête sur les conditions d’une éventuelle prescription acquisitive par le comité de sauvegarde des biens meubles et immeubles du consulat général de la République de Chine, d’une part, par la République de Chine d’autre part,

— plus subsidiairement, si la Cour considérait que la donation de deniers par les membres de la communauté chinoise de Polynésie française a été faite, non au 'Comité préparatoire des chinois d’outre-mer de X pour la mise en installation d’un consulat général en l’honneur de la République de Chine', mais à la République de Chine pour l’achat de la terre Arupa, dire que la parcelle de terre Arupa de l’ex-consulat de la République de Chine est redevenue, conformément au droit coutumier et au concept du farii-hau, dès sa cessation d’affectation à l’usage de consulat général de la République de Chine, la propriété de la communauté chinoise représentée par le comité de sauvegarde des biens meubles et immeubles du consulat général de la République de Chine,

— plus subsidiairement encore, si le jugement du 19 avril 1978 était mis à néant ou si le comité de sauvegarde des biens meubles et immeubles du consulat général de la République de Chine n’était pas reconnu propriétaire de la terre Arupa, ce, pour une raison quelconque, dire que la République de Chine est toujours propriétaire de la terre Arupa que ce soit par son titre d’achat de 1946 ou que ce soit encore par usucapion, car si même la République populaire de Chine en était devenue propriétaire par sa création le 1er octobre 1949, à partir du 2 octobre 1969 la République de Chine avait le droit d’en disposer comme elle l’entendait, notamment au profit du comité de sauvegarde,

— plus subsidiairement enfin, leur donner acte qu’ils font leur l’intégralité des écritures, demandes, fins et conclusions de la République de Chine,

— compte tenu de ce qui précède, compte tenu du profond désintérêt que la République populaire de Chine a manifesté depuis 1949, soit depuis plus de cinquante ans, pour la communauté chinoise de X, compte tenu enfin du caractère des plus abusifs de la tierce opposition de ladite République populaire de Chine, condamner cette dernière à verser au Comité de sauvegarde des biens meubles et immeubles du consulat général de la République de Chine :

* 50.000 € à titre de dommages et intérêts forfaitaires pour le préjudice moral que lui occasionne ladite action,

* 50.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.

La République populaire de Chine, tierce opposante et intimée, demande à la Cour, par dernières conclusions signifiées le 8 avril 2008, de :

— confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

— débouter les appelants de toutes leurs demandes,

— condamner solidairement les appelants à lui payer la somme de 10.000 € au titre de l’article 407 du code de procédure civile de Polynésie Française.

L’ 'Association philanthropique de Chine’ demande à la Cour, par dernières conclusions signifiées le 12 mars 2008, de:

— dire irrecevable pour cause d’incapacité et de défaut de qualité à agir, l’appel interjeté par la République de Chine,

— en tout état de cause, débouter les appelants de toutes leurs demandes,

— confirmer intégralement le jugement du tribunal de première instance de Papeete du 20 octobre 2004.

Par avis écrit du 6 mai 2008, le ministère public conclut à l’irrecevabilité de l’appel de la République de Chine pour défaut d’intérêt à agir.

* *

CECI ETANT EXPOSE,

LA COUR,

Sur les textes applicables

Considérant que le litige étant relatif à un immeuble situé sur le sol polynésien, il convient d’appliquer tant le code de procédure civile de la Polynésie Française, lequel dispose en son article 1026 : 'Pour les matières non traitées par le présent code, il pourra y être suppléé par les règles du code de procédure civile métropolitain dans sa rédaction en vigueur au 1er mars 2001", que le droit coutumier polynésien ;

Sur la recevabilité de l’appel de la République de Chine

Considérant, en droit, que le droit d’appel appartient à toute partie qui y a intérêt ;

Qu’il s’ensuit que la République de Chine, partie au litige en première instance, est recevable à relever appel du jugement du 20 octobre 2004 qui a fait droit à la tierce-opposition de la République populaire de Chine, et ce, indépendamment de sa situation diplomatique et de son éventuel défaut de capacité juridique en qualité de représentante d’un Etat chinois non reconnu par la communauté internationale et plus particulièrement, par l’Etat français, dès lors qu’elle y a intérêt pour assurer la protection de la propriété de ses anciens ressortissants ;

Qu’en tout état de cause, la partie qui forme une demande en justice contre une autre partie est sans intérêt à contester la qualité ou la capacité de celle-ci pour y défendre, ce qui entraînerait l’irrecevabilité de sa propre action, en sorte que la République populaire de Chine, qui a formé tierce opposition au jugement du 19 avril 1978 en assignant la République de Chine, ne peut contester ni la recevabilité de l’appel de cette dernière ni sa qualité ou sa capacité à ester en justice dans le cadre de l’appel du jugement qui a accueilli la tierce-opposition de son adversaire ;

Qu’enfin, la recevabilité de l’appel du Comité de sauvegarde, titulaire de la personnalité morale depuis 1997, ne peut être contestée, dès lors qu’il était partie au jugement frappé de tierce-opposition et au jugement dont appel ;

Sur la recevabilité des appels des associations Kuo Min Tang, dites Koo Men Tong, 1, 2 et 3

Considérant que, par suite de l’effet dévolutif limité de la tierce opposition, est irrecevable toute intervention forcée ou volontaire de parties qui n’étaient ni présentes ni représentées dans l’instance ayant abouti à la décision dont la rétractation est demandée, en sorte que les interventions volontaires des Associations Kuo Min Tang, dites Koo Men Tong, 1, 2 et 3 seront jugées irrecevables ;

Sur la demande de nullité du jugement entrepris

Considérant que, selon l’article 362 du code de procédure civile de la Polynésie Française, la tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l’attaque ;

Considérant que si l’effet dévolutif de la tierce-opposition est limité à la remise en question, relativement à son auteur, des points jugés qu’elle critique et ne l’autorise qu’à invoquer les moyens qu’il aurait pu présenter s’il était intervenu à l’instance avant que la décision ne fût rendue, en raison toutefois du caractère absolu et exclusif du droit de propriété immobilière, le jugement rendu sur tierce opposition qui fait droit à la revendication immobilière du tiers opposant, celui-ci ayant démontré qu’il était le vrai propriétaire, produit effet à l’égard de toutes les parties en cause, en sorte que les appelants seront déboutés de leur demande d’annulation du jugement déféré ;

Sur la recevabilité de la tierce opposition de la République populaire de Chine

. condition de délai

Considérant que le code de procédure civile polynésien ne prévoit aucun délai pour agir en tierce opposition ;

Que les appelants ne peuvent donc soutenir que la tierce opposition de la République populaire de Chine serait tardive motif pris de la prescription acquisitive exercée par le Comité de sauvegarde depuis 1978 ;

. condition d’intérêt pour agir

Considérant que, selon l’article 363 du code de procédure civile de Polynésie Française, 'Ceux qui veulent s’opposer à un jugement ou une ordonnance auxquels ils n’ont pas été appelés et qui préjudicient à leurs droits peuvent former tierce opposition’ ;

Considérant, en conséquence, que la République populaire de Chine doit établir en quoi la disposition du jugement du 19 avril 1978 qui a dit que la parcelle de terre Arupa appartenait au Comité de sauvegarde des biens meubles et immeubles du consulat général de la République de Chine a lésé ses intérêts légitimes juridiquement protégés, et ce, indépendamment du bien-fondé de son action ;

Considérant, à cet égard, qu’il est acquis aux débats et non contesté par la République populaire de Chine (cf page 13 de ses écritures) que la parcelle Arupa a été acquise grâce aux fonds collectés auprès de la communauté chinoise de X afin que fût créé un consulat de la République de Chine sur cette parcelle ; que ledit consulat, selon les pièces et attestations produites, avait pour vocation de représenter la seule République de Chine ;

Considérant que, le 27 janvier 1964, la France a, selon un 'communiqué conjoint’ avec Pékin, annoncé officiellement l’établissement de relations diplomatiques avec la République populaire de Chine, que, le 2 septembre 1965, la République de Chine a décidé la fermeture du consulat de Papeete, que ce n’est que suivant déclaration conjointe du 12 janvier 1994 que la France a officiellement reconnu que la République populaire de Chine était l’unique gouvernement légal de la Chine en ces termes 'La partie française a confirmé que le gouvernement français reconnaît le gouvernement de la République populaire de Chine comme l’unique gouvernement légal de la Chine et Taïwan comme partie intégrante du territoire chinois', accordant au mois de septembre 2007 l’exequatur diplomatique au consul général de la République populaire de Chine qui s’est installé dans des locaux provisoires à Papeete ;

Qu’il s’ensuit que, à tout le moins depuis le 2 septembre 1965, la parcelle de terre Arupa a perdu définitivement son statut consulaire ; que, dès lors, la République populaire de Chine n’a aucun intérêt légitime juridiquement protégé à attaquer un jugement qui a tranché un litige relatif à un terrain dépourvu de tout statut consulaire sur lequel elle ne pouvait prétendre à aucun droit au jour du prononcé de cette décision en 1978, les principes d’unicité et de continuité de l’Etat chinois dont elle se prévaut étant inopérants du fait de la coexistence des deux Etats chinois reconnus par la France qui s’est perpétuée jusqu’en 1994, date à laquelle la France a officiellement reconnu que la République populaire de Chine était l’unique gouvernement légal de la Chine, ce qui ne résultait nullement de la rupture des relations diplomatiques intervenue en 1964 qui n’avait pas eu pour effet de retirer à cette date à la République de Chine son statut d’Etat de droit, lequel n’a disparu que par l’effet de la déclaration conjointe de 1994 ;

Considérant qu’il résulte de ces éléments que la République populaire de Chine ne justifie pas du préjudice que lui aurait causé, en 1978, la rétrocession de la terre Arupa au Comité de sauvegarde des biens meubles et immeubles du consulat général de la République de Chine et que, le jugement déféré étant infirmé, sa tierce opposition sera déclarée irrecevable pour défaut d’intérêt à agir, sans qu’il soit nécessaire de répondre aux moyens de fond tirés, notamment, de l’existence légale de la République de Chine, de la prescription acquisitive ou de la simulation ;

Considérant que le Comité de sauvegarde des biens meubles et immeubles du consulat général de la République de Chine, ne démontrant pas en quoi la République populaire de Chine aurait fait dégénérer en abus son droit d’ester en justice, sera débouté de sa demande de dommages-intérêts ;

Qu’il n’y a lieu de prononcer une amende civile à l’encontre de la République populaire de Chine ;

Et considérant que l’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en la cause ;

PAR CES MOTIFS

Dit recevable l’appel de la République de Chine,

Dit irrecevables les interventions volontaires à l’instance des associations Kuo Min Tang 1, 2 et 3,

Infirme le jugement dont appel,

Statuant à nouveau,

Dit irrecevable la tierce opposition formée par la République populaire de Chine contre le jugement du tribunal de première instance de Papeete, chambre des terres, du 19 avril 1978, pour défaut d’intérêt à agir,

Rejette toute autre demande,

Condamne la République populaire de Chine aux dépens de première instance et d’appel et dit qu’ils pourront être recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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