Cour d'appel de Paris, 16 octobre 2009, n° 08/13761

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 16 oct. 2009, n° 08/13761
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 08/13761
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 3 juin 2008

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 16 OCTOBRE 2009

(n° 250, 05 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 08/13761

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juin 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 06/10893

APPELANTE

Société de droit étranger DOWNEY HOLDINGS

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

ayant son siège Centurion Management Services Limited

XXX

XXX

représentée par la SCP LAMARCHE-BEQUET- REGNIER-AUBERT – REGNIER – MOISAN, avoués à la Cour

assistée de Me Agathe QUERMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : G 0735

INTIMÉE

VILLE DE PARIS

représentée par son Maire en exercice

XXX

XXX

représentée par Me Chantal BODIN-CASALIS, avoué à la Cour

assistée de Me Jean- François JOFFRE, avocat au barreau de PARIS, toque : E 47

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Septembre 2009, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Sophie DARBOIS, conseillère, chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Alain GIRARDET, président

Madame Sophie DARBOIS, conseillère

Madame Dominique SAINT-SCHROEDER, conseillère

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Christelle BLAQUIERES, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

ARRÊT : – contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur Alain GIRARDET, président et Mademoiselle Christelle BLAQUIERES, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu l’appel formé le 9 juillet 2008 à l’encontre de la Ville de Paris par la société de droit panaméen DOWNEY HOLDINGS du jugement rendu le 4 juin 2008 par le tribunal de grande instance de Paris qui, après avoir mis hors de cause M. B C, a :

— dit que la sculpture en bois d’ébène intitulée «EVE» appartenant à la société DOWNEY HOLDINGS présentée pour authentification par l’Etude Z au Musée X, est un faux contrefaisant les droits d’auteur d’D X, dont la Ville de Paris est titulaire,

— confisqué ladite oeuvre au profit de la Ville de Paris et autorisé celle-ci à faire procéder à sa destruction aux frais de la société DOWNEY HOLDINGS passé le délai de trois mois suivant la signification du jugement,

— dit que le jugement sera opposable à la société Z et à la compagnie d’assurance la garantissant,

— condamné la société DOWNEY HOLDINGS à payer à la Ville de Paris la somme de un euro à titre de dommages et intérêts,

— condamné la société DOWNEY HOLDINGS aux dépens et à payer à la Ville de Paris la somme de 4 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 3 juin 2009 par lesquelles l’appelante demande à la cour, par voie d’infirmation, de :

— dire la Ville de Paris mal fondée en ses demandes,

— l’en débouter,

— ordonner la mainlevée de la saisie-contrefaçon diligentée entre les mains du Musée X le 27 juin 2006,

— condamner la Ville de Paris aux dépens de première instance et d’appel et à payer à la société DOWNEY HOLDINGS les sommes de 100 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 9 juin 2009 par lesquelles l’intimée demande à la cour de :

— déclarer la société DOWNEY HOLDINGS non fondée en son appel,

— l’en débouter ainsi que de l’ensemble de ses demandes,

— en conséquence, confirmant dans cette mesure la décision entreprise, au visa des articles L. 332-1 et suivants et L. 335-7 du code de la propriété intellectuelle, dire que les actes de contrefaçon des droits patrimoniaux et moraux de la Ville de Paris sur l’oeuvre de X sont établis et prononcer la confiscation de la sculpture contrefaisante,

— infirmer, en revanche, la décision entreprise sur le préjudice,

— recevant la Ville de Paris en son appel incident sur ce point, condamner la société DOWNEY HOLDINGS à lui payer la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi, ainsi que les frais de saisie-contrefaçon,

— condamner la société DOWNEY HOLDINGS au paiement de la somme de 5 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

SUR CE, LA COUR,

Considérant que, par acte authentique en date du 9 octobre 1978, Mme H I Y veuve X a consenti à la Ville de Paris une donation portant sur la nue propriété de divers biens, droits immobiliers et sculptures de son défunt mari, D X, artiste peintre et sculpteur, à charge pour la Ville de Paris de créer un Musée X dans l’immeuble compris dans la donation, XXX à Paris 6e ;

Que, selon testament olographe en date du 18 août 1979, Mme Y veuve X, elle-même peintre, a également institué la Ville de Paris légataire universelle de sa succession comprenant, notamment, 'les droits patrimoniaux d’exploitation concernant l’oeuvre de X', sous condition de création du Musée X ;

Que le Musée X a été inaugurée le 19 avril 1982 ;

Que, le 11 mai 2006, l’Etude Z a déposé au Musée X, pour avis et authentification, une sculpture en bois d’ébène représentant un torse de femme ;

Que la conservatrice du musée, Mme E A, ayant estimé que cette pièce était fausse et n’était que la réplique inversée d’un torse de femme de X répertorié dans le catalogue raisonné de l’artiste sous le numéro 522 dont elle constituait une imitation grossière, la Ville de Paris, autorisée par ordonnance rendue le 16 juin 2006 par le délégataire du président du tribunal de grande instance de Paris, a fait procéder à une saisie-contrefaçon de l’oeuvre litigieuse les 21 et 27 juin 2006 entre les mains du Musée X puis a, par acte d’huissier du 18 juillet 2006, fait assigner la société DOWNEY HOLDINGS, propriétaire de l’oeuvre, en contrefaçon, sur le fondement des articles L. 332-1 et suivants et L. 335-7 du code de la propriété intellectuelle, et l’Etude Z aux fins d’opposabilité, sollicitant la remise de la figure en bois aux fins de destruction et l’indemnisation de son préjudice ;

Que c’est dans ces conditions qu’a été rendu le jugement entrepris, le tribunal ayant mis hors de cause M. B C, appelé en intervention forcée par l’Etude Z pour avoir remis ladite sculpture pour le compte de la société DOWNEY HOLDINGS ;

Considérant qu’au soutien de son appel, la société DOWNEY HOLDINGS fait valoir que c’est d’une manière hâtive que Mme E A a affirmé que l’oeuvre remise était une contrefaçon de la sculpture de X intitulée «Torse de femme 1961» alors que cette oeuvre n’est pas signée, qu’elle n’a pas été présentée au musée comme une oeuvre authentique de X mais seulement pour avis en raison des interrogations sur son origine et qu’elle n’est pas destinée à la vente ; qu’elle ajoute que le musée avait déjà examiné ladite sculpture en 2002 sans émettre d’avis et qu’il existe de nombreuses sculptures de X représentant des torses de femme dont il ressort du catalogue raisonné de l’artiste que nombreuses sont celles qui ne sont ni identifiées ni localisées, que le musée pouvait rendre un avis sans effectuer la saisie-contrefaçon de l’oeuvre et que la Ville de Paris réclame des dommages et intérêts alors même qu’elle n’a subi aucun préjudice ;

Considérant, cependant, que, si à la suite d’un examen sommaire -la pièce litigieuse intitulée «EVE» ne lui ayant été confiée que durant 24 heures-, la direction du musée X avait hésité en 2002 sur le statut de cette oeuvre et souhaité la soumettre à l’avis du comité (cf pièces n°11 et 13 de l’intimée, la lettre en date du 16 mars 2005 de l’Etude Z à Mme A annexée au procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 21 juin 2006 et la pièce n° 2 de l’appelante sur l’existence, en 2004, d’un 'comité d’expertise du Musée X'), il reste qu’en mai 2006, Mme A a pu procéder à un examen attentif de cette oeuvre avant d’émettre l’avis, développé dans le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 21 juin 2006, qu’il s’agissait d’un faux élaboré à partir de l’oeuvre authentique intitulée «Torse de femme 1961» inventoriée MZS330 dans les collections du Musée X où elle se trouve et figurant dans le catalogue raisonné de l’artiste sous la référence 522 page 587 ;

Qu’aucun élément objectif ne permet de remettre en cause l’autorité de l’examen de Mme E A, conservatrice du Musée X, dans l’authentification des oeuvres du sculpteur, observation faite que la Ville de Paris a, en outre, communiqué deux attestations de M. F G, conservateur du patrimoine, ancien directeur du Musée X et auteur du catalogue raisonné précité, qui déclare dans la première datée du 18 janvier 2008 qu’il a 'examiné le 12 juin 2006 une sculpture en bois dite «Eve» [qu’il] considère comme une contrefaçon’ et qui expose dans la seconde datée du 5 juin 2009 les motifs de son 'jugement [qui] s’appuie sur l’expérience acquise pendant plusieurs années consacrées à l’oeuvre de X’ ; que l’un et l’autre soulignent la maladresse et la grossièreté du travail d’exécution par opposition aux 'lignes simples et pures', à 'une approche subtile du modelé’ et à 'l’extrême finesse et sensibilité d’exécution’ chez l’artiste ;

Que, par ailleurs, l’appelante ne produit aucun document susceptible de retracer le parcours de la sculpture litigieuse dont elle recherche précisément l’authentification ;

Que, dès lors, c’est à bon droit que les premiers juges ont retenu que l’oeuvre intitulée «EVE» appartenant à la société DOWNEY HOLDINGS est un faux contrefaisant les droits d’auteur d’D X, dont la Ville de Paris est titulaire ;

Considérant, dans ces conditions, qu’abstraction faite de tout autre moyen surabondant, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné la confiscation de l’oeuvre en cause aux fins de destruction ;

Considérant que, formant appel incident, la Ville de Paris demande à la cour de porter à la somme de 20 000 € les dommages et intérêts que le tribunal a limités à la 'somme symbolique de un euro’ en relevant que l’oeuvre n’avait pas été vendue mais seulement présentée à fin d’authentification ;

Considérant que le fait par la société DOWNEY HOLDINGS de présenter aux fins d’authentification au Musée X, par l’intermédiaire de la société de ventes volontaires Etude Z, une sculpture qui s’est révélée être un faux est constitutif pour la Ville de Paris, titulaire des droits d’auteur sur l’oeuvre d’D X, d’un préjudice résultant, notamment, de l’atteinte à la réputation de cet artiste, indépendamment de la mise en vente ou non de cette oeuvre ;

Qu’il y a donc lieu, en infirmant le jugement sur ce point, d’allouer à l’intimée la somme de

5 000 € à titre de dommages et intérêts ;

Considérant que le sens de cet arrêt conduit à rejeter la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par l’appelante ;

Considérant que la société DOWNEY HOLDINGS qui succombe dans son recours, en supportera les dépens et sera condamnée, pour des motifs tirés de l’équité, à verser une indemnité de procédure à l’intimée pour les frais qu’elle l’a contrainte à exposer en cause d’appel, la décision entreprise étant confirmée en ce qui concerne l’article 700 du code de procédure civile, afin de tenir compte des frais de la saisie-contrefaçon engagés, et les dépens ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l’exception du montant des dommages et intérêts accordés ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et ajoutant,

Condamne la société DOWNEY HOLDINGS à payer à la Ville de Paris la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la contrefaçon de l’oeuvre d’D X ;

Déboute la société DOWNEY HOLDINGS de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne la société DOWNEY HOLDINGS à payer à la Ville de Paris, au titre de l’instance devant la cour, la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

Condamne la société DOWNEY HOLDINGS aux dépens d’appel dont recouvrement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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