Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 2 décembre 2010, n° 09/02558

  • Licenciement·
  • Pierre·
  • Titre·
  • Grossesse·
  • Indemnité·
  • Avertissement·
  • Travail·
  • Congés payés·
  • Employeur·
  • Faute grave

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 8, 2 déc. 2010, n° 09/02558
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 09/02558
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 26 juin 2008, N° 07/07461
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRET DU 02 Décembre 2010

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 09/02558 – MAC

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Juin 2008 par le conseil de prud’hommes de PARIS section encadrement RG n° 07/07461

APPELANTE

1° – Madame B X

XXX

XXX

comparant en personne, assistée de Me Anne-Gaëlle MINOT-SEBILLEAU, avocat au barreau de DES HAUTS DE SEINE, toque : PN708 substitué par Me Nathalie MICAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1235

INTIMEE

XXX

XXX

XXX

représentée par Me Joëlle AKNIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0398

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Octobre 2010, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Pierre DE LIEGE, Présidente

Madame Z A, Conseillère

Madame Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

Greffier : Mademoiselle Sandrine CAYRE, lors des débats

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par Madame Marie-Pierre DE LIEGE, Présidente et par Madame Anne-Marie CHEVTZOFF, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Mme X a été engagée par la SARL Ideal, suivant un contrat de travail à durée indéterminée en date du 18 janvier 1999, en qualité de secrétaire- aide comptable.

À compter du 1er janvier 2001, elle a assumé les fonctions de secrétaire assistante du directeur général-aide comptable et gestion, poste occupé sous la responsabilité directe de M. Y jusqu’en janvier 2004.

À compter du 1er janvier 2004, elle s’est vue confier les fonctions de responsable de la production et de secrétariat général, avec un statut de cadre. Un avenant au contrat de travail a été signé entre les parties, le 2 février 2004.

Au mois de juin 2004, Mme X a été déchargée de la fonction de responsable de production au profit de deux autres salariés compte tenu de la lourde charge de travail résultant de ses fonctions de secrétaire général.

À compter du mois de janvier 2006, elle a assumé les fonctions de responsable du service après-vente, des devis et des recherches de matières.

Le 18 avril 2007, Mme X s’est vu notifier un premier avertissement pour des erreurs multiples générant un préjudice financier et un déficit d’image pour la société.

Devant la persistance des erreurs commises, Mme X a été convoquée, par lettre du 23 avril 2007, à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement.

Par une lettre du 24 avril reçue le 25 avril, Mme X a informé son employeur qu’elle était enceinte depuis la date présumée du 1er avril.

Des erreurs étant toujours commises par Mme X dans le cadre de ses fonctions, une nouvelle convocation à un entretien préalable lui a été adressée le 16 mai 2007.

L’entretien a eu lieu et Mme X s’est vue notifier son licenciement pour faute grave par une lettre du 7 juin 2007.

Contestant le principe même de son licenciement intervenu alors qu’elle bénéficiait de la protection légale en raison de son état de grossesse, Mme X a saisi le conseil de prud’hommes de Paris aux fins d’obtenir diverses indemnités.

Par un jugement du 27 juin 2008, le conseil de prud’hommes de Paris a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse du fait des insuffisances professionnelles de la salariée et a condamné l’employeur à verser à Mme X les sommes suivantes :

—  40'382,10 € au titre du salaire pendant la période de protection outre 4038,21 euros au titre des congés payés afférents,

—  12'275,76 € au titre de l’indemnité de préavis, outre 1272 € au titre des congés payés afférents,

—  5019, 59 € au titre de l’indemnité de licenciement,

—  500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme X a relevé appel du jugement.

Dans des conclusions déposées et soutenues lors des débats, Mme X demande à la cour de constater la nullité du licenciement prononcé en violation des dispositions de protection de la femme enceinte, de fixer à la somme de 4241,92 € le montant de sa rémunération brute mensuelle et de condamner l’employeur à lui verser les sommes suivantes:

—  5019,50 € à titre d’indemnité de licenciement,

—  12'725,76 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 1272 € au titre des congés payés afférents,

—  40'382,10 € au titre des salaires correspondant à la période couverte par la nullité,

—  4038,21 € au titre des congés payés afférents;

—  50'103 € à titre d’indemnité pour licenciement nul.

À titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour jugerait que le licenciement prononcé est simplement dépourvu de cause réelle et sérieuse, Mme X conclut à la condamnation de la SARL Ideal à lui verser les sommes suivantes :

—  5019,50 € à titre d’indemnité de licenciement,

—  12'725,76 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 1272 € au titre des congés payés afférents,

—  40'382,10 € au titre des salaires correspondant à la période couverte par la nullité,

—  4038,21 € au titre des congés payés afférents;

—  50'103 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En tout état de cause, elle sollicite la remise par la société Ideal d’une attestation ASSEDIC rectifiée sous astreinte de 50 € par jour de retard, la condamnation de la société à lui verser une indemnité de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle demande enfin que les condamnations prononcées portent intérêts avec capitalisation sur le fondement de l’article 1154 du Code civil.

La SARL Ideal a formé un appel incident.

Aux termes d’écritures reprises oralement lors de l’audience, la SARL Ideal demande à la cour d’infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, de débouter Mme X de l’intégralité de ses demandes, de la condamner, par conséquent, à lui restituer la somme de 29'929,65 € réglée en exécution du jugement rendu et à lui verser une indemnité de 3000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est expressément renvoyé au jugement, aux conclusions respectives des parties visées par le greffier lors de l’audience, pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés.

MOTIFS :

Sur le licenciement :

En application des dispositions de l’article L.1225-4 du code du travail, aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constaté et ce, pendant l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu’elle use ou non de ce droit…

En son deuxième alinéa, ce texte dispose que l’employeur peut toutefois rompre le contrat s’il justifie une faute grave de l’intéressée, non liée à son état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir sous contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement.

Il s’ensuit qu’un licenciement intervenu en violation de ces règles est nul et qu’il appartient à l’employeur de démontrer, outre la réalité de la faute grave justifiant le licenciement, que la faute n’est pas liée à l’état de grossesse de la salariée.

La lettre de licenciement du 7 juin 2007 qui circonscrit le litige est ainsi rédigée :

'… Depuis plusieurs mois et malgré notre précédent avertissement, vous avez commis de nombreuses et graves fautes professionnelles.

Plusieurs erreurs graves sur les devis :

— vous avez inversé les devis de deux ateliers..

— vous avez confondu des prix de prototypes avec des prix de répétition..

— vous n’avez pas donné d’informations suffisantes et précises à un fournisseur qui nous a ainsi adressé un devis trop élevé..

— vous avez effectué un mauvais calcul du prix de vente sur six produits fabriqués en Asie et terminés en Autriche…

Les retards dans la livraison des pierres :

— dans le cadre de la réalisation de l’exposition à New York, j’avais demandé à ce qu’il soit procédé à la fabrication d’une bague poisson caraïbe et d’une bague feuille,… pour ces deux bijoux, les pierres ont été livrées avec deux semaines de retard…

L’absence de contrôle de la qualité des pierres :

— vous avez fait tailler des pierres par un lapidaire et les avez envoyées à l’atelier sans ouvrir les plis et vous assurer de la qualité des pierres….or l’atelier nous a renvoyé les pierres en nous signalant leur mauvaise qualité… nous avons dû assumer le coût des pierres cassées étant dans l’impossibilité de déterminer la responsabilité du lapidaire,

— un collier est revenu à trois reprises entre vos mains pour des réparations… ce qui n’aurait pas dû se produire si le contrôle de la qualité des précédentes réparations avait été fait correctement,

Le défaut d’enregistrement et de suivi des pierres :

— le 16 mai 2007 vous avez reconnu ne pas avoir saisi une pierre tourmaline qui était arrivée le 25 avril 2007… dans un premier temps vous l’aviez perdue et avez porté des accusations sur d’autres salariés. Vous l’avez finalement retrouvée en expliquant avoir confondu avec une pierre rubellite…

— de la même façon, des pierres précieuses provenant des parures de l’une de nos clients les plus importantes… ont été livrées à l’atelier sans que le duplicata du 'confié’ ait été annexé à la fiche.

L’équipe a constaté que les pierres n’étaient pas dans le coffre et était donc dans l’impossibilité de savoir où elles étaient.

— Vous nous avez également dissimulé la perte d’un échantillonier avec des pierres précieuses confiées par un de nos fournisseurs.

Les travaux non exécutés;

— je vous ai demandé de procéder à des recherches de nouvelles matières, pour les boutons de manchettes météorites, les boules de pierres dures et la bague légume, pour certaines depuis très longtemps… je constate aujourd’hui que vous ne m’avez jamais répondu, qu’elles n’ont jamais été faites et qu’elle ne figure même pas dans le document de suivi de production;

les négligences;

— vous avez confondu deux pierres à saisir sur une vague ayant toutes deux la même forme mais d’un poids différent..

— je vous avais demandé de nous proposer une pierre en vue de la faire tailler dans une forme particulière. Celle que vous avez proposée n’était pas adaptée à la retaille, elle a été détruite.

De plus, vous n’avez pas respecté les principes et méthodes de travail de la société en ne prevenant pas vos supérieurs hiérarchiques, comme il est d’usage, et ce au moins à deux reprises.

Ce comportement déloyal a par ailleurs entraîné la perte de confiance que nous avions placée en vous.

— Enfin, vous avez copié sans autorisation des documents appartenant à l’entreprise en les transférant sur une clé USB, violant ainsi tant la loi que les obligations mises à votre charge par votre contrat de travail'

S’agissant de ce dernier grief, il n’est pas contesté que Mme X a copié sur une clé USB des documents propres à l’entreprise, ces documents étant susceptibles de pouvoir lui permettre d’assurer sa défense dans le contentieux l’opposant à son employeur.

C’est en vain que celui-ci considère que cette démarche confirmée par le refus de restituer la clé comportant les documents en question est de nature à caractériser une faute grave justifiant le licenciement, ce motif constituant tout au plus une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Par ailleurs, si dans les écritures, la SARL Ideal fait état de ce qu’elle n’a jamais eu à déplorer une attitude fautive de la part de sa salariée en huit années de travail, qu’elle a toutefois constaté à la fin de l’année 2006 que Mme X commettait de plus en plus fréquemment des fautes dans l’exécution de son travail matérialisées par des erreurs sur des devis, des retards dans la livraison des pierres, l’absence de contrôle de la qualité des pierres et des bijoux, le défaut d’enregistrement et de suivi des pierres, des travaux non exécutés, des négligences et absences de respect des principes et méthodes de travail de la société, force est de relever qu’aucun fait précis, antérieur au mois de mars 2007 n’est ni allégué, ni établi, ni n’a été sanctionné aux termes de l’avertissement du 18 Avril 2007.

En effet dans l’avertissement du 18 avril 2007, ont été évoqués quatre faits dont le plus ancien remonte au mois de mars 2007.

Dans la lettre de licenciement, il est fait état d’un ensemble de griefs de même type, d’aucuns ayant été évoqués, soit aux termes de la lettre notifiant l’avertissement du 18 avril 2007, soit lors d’un premier entretien du 4 mai 2007.

C’est en vain que Mme X considère que l’employeur ne peut s’en prévaloir de nouveau pour justifier le licenciement. En effet, dès lors, que l’employeur fait état d’éléments nouveaux postérieurs mais tendant à établir la persistance des comportements reprochés à la salariée, il peut évoquer de nouveau des faits préalablement dénoncés ayant fait l’objet d’une sanction.

S’agissant des griefs relatés dans la lettre de licenciement, Mme X explique, sans les nier, au cas par cas les difficultés qu’elle a rencontrées, et passant par une charge de travail importante sans aide suffisante, force est de constater que des erreurs et des négligences, dont la preuve de plusieurs d’entres elles est établie, ont été effectivement commises par la salariée, sur un laps de temps court, de deux mois et demi environ.

Tout au plus, les erreurs et négligences répertoriées et démontrées sur un laps de temps très court, alors que Mme X, enceinte depuis la date présumée du 1er avril 2007, connaissait de par son état de grossesse même une vulnérabilité physique et psychologique certaine ne peuvent en aucun cas caractériser une faute grave légalement requise pour justifier le licenciement prononcé par l’employeur pendant la période de protection.

C’est à bon droit que Mme X soutient que le licenciement prononcé encourt en conséquence la nullité.

Il s’ensuit que le jugement du conseil de prud’hommes sera confirmé en ce qu’il a alloué à Mme X les indemnités de rupture, un rappel de salaire pour la période de protection.

Au surplus, Mme X qui n’avait fait l’objet d’aucun avertissement ni d’aucune remarque depuis son embauche, en 1999, jusqu’au mois d’avril 2007, est recevable et fondée à réclamer des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la nullité de son licenciement.

Une somme de 50'103 € lui sera allouée en réparation de ce préjudice.

Sur la demande d’indemnité en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :

L’équité commande tout à la fois de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a alloué à Mme X une indemnité de 500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de lui accorder une indemnité de 2500 € sur le même fondement pour les frais exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

Statuant contradictoirement et publiquement,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a alloué à Mme X les sommes suivantes

—  40'382,10 € au titre du salaire pendant la période de protection outre 4038,21 € u titre des congés payés afférents,

—  12'275,76 € au titre de l’indemnité de préavis, outre 1272 € au titre des congés payés afférents,

—  5019, 59 € au titre de l’indemnité de licenciement,

—  500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’infirme pour le surplus;

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

Prononce la nullité de licenciement,

Condamne la SARL Ideal à verser à Mme X les sommes suivantes :

—  50'103 € à titre de dommages-intérêts pour la nullité du licenciement,

—  2500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la SARL Ideal aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 2 décembre 2010, n° 09/02558