Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 16 novembre 2010, n° 09/01286

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 10, 16 nov. 2010, n° 09/01286
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 09/01286
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Bobigny, 8 janvier 2009
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 10

ARRET DU 16 Novembre 2010

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 09/01286

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 09 Janvier 2009 par le conseil de prud’hommes de BOBIGNY section commerce RG n° 05/00021

APPELANT

Monsieur F K Y

XXX

XXX

comparant en personne, assisté de Me Olivier BONGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : K.136 substitué par Me Christelle D CARMO, avocat au barreau de PARIS, toque : K136

INTIMEE

Société LE CREDIT C, SA

XXX

XXX

représentée par Me Véronique TUFFAL NERSON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0505 substitué par Me Nicolas DURAND GASSELIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0330

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Septembre 2010, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Marie-Aleth TRAPET, conseiller, chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Brigitte BOITAUD, présidente

Monsieur Philippe LABREGERE, conseiller

Madame Marie-Aleth TRAPET, conseiller

Greffier : Mme Evelyne MUDRY, lors des débats

ARRET :

— contradictoire

— prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, présidente

— signé par Madame Brigitte BOITAUD, présidente et par Mademoiselle Christel DUPIN, greffière présente lors du prononcé.

FAITS, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Monsieur F Y, entré au service du B C en qualité de conseiller commercial particuliers le 27 février 2001, a été licencié pour faute par lettre du 15 octobre 2004, après avoir soumis pour avis à la commission paritaire de recours disciplinaire interne la mesure qui lui avait été notifiée le 20 septembre 2004.

La lettre de licenciement rappelait en ces termes les fautes sanctionnées :

'Il vous est reproché :

— d’avoir, le 9 juin 2004, provoqué le mécontentement d’un client (M. B…), en refusant abusivement d’exécuter l’opération qu’il demandait, entraînant une altercation vous opposant à lui sur la voie publique,

— d’avoir, le 9 juin 2004, abandonné votre poste de travail sans vous soucier de votre arrêté de caisse, ne revenant à l’agence que dans l’après-midi,

— d’avoir, à l’égard de la clientèle, un comportement irrespectueux se traduisant par des réclamations écrites (M. et Mme S…, M. B…), en dépit de plusieurs observations faites par votre hiérarchie et de la sanction dont vous avez fait l’objet le 10 février 2004.'

F Y était dispensé de l’exécution du préavis.

Par jugement du 9 janvier 2009, la section commerce du conseil de prud’hommes de Bobigny, présidée par le juge départiteur, a débouté M. Y de toutes ses prétentions et a rejeté la demande présentée par le B C sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Cette décision a été frappée d’appel par F Y qui demande à la cour de la réformer en disant son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en condamnant le B C à lui verser des dommages-intérêts à hauteur de 23 439 € et l’indemnité conventionnelle de licenciement. M. Y sollicite également la réparation du préjudice subi du fait de sa rétrogradation, ainsi que – pour la première fois devant la cour – des dommages-intérêts pour nullité de la clause de non-concurrence prévue au contrat et une indemnité de 2 000 € au titre des frais irrépétibles.

Le B C conclut au débouté de l’ensemble des demandes présentées par son ancien conseiller et réclame 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour les prétentions et moyens des parties, il est fait référence aux conclusions visées le 27 septembre 2010, reprises et soutenues oralement à l’audience.

Sur la demande afférente à la rétrogradation de M. Y

Monsieur F K Y soutient qu’alors qu’il avait été embauché en qualité de 'conseiller clientèle spéciale particuliers', il se serait 'retrouvé à un poste de guichetier, du jour au lendemain’ en octobre 2003. Cette rétrogradation devrait s’analyser en une sanction nulle, par application de l’article L. 1332-2 du code du travail. En réparation du préjudice subi par ce 'déclassement’ et par la perte des commissions qu’il percevait à titre de conseiller, F Y réclame une somme de 3 814 €.

Le B C conteste la qualification donnée par F Y à un changement de fonctions qu’il avait lui-même sollicité et accepté plus d’un an avant son licenciement. Il souligne par ailleurs le fait que son ancien salarié avait continué, dans ses nouvelles fonctions, à percevoir des commissions sur ventes.

Considérant que le poste occupé par F Y à compter d’octobre 2003 était identique au précédent dans la classification de la convention collective de la banque, à savoir : 'technicien de la banque, classification D’ ; qu’il est établi que M. Y a continué à percevoir des commissions sur ventes ; que sa qualification et sa rémunération ont été maintenues sans changement, comme l’intéressé le reconnaît au demeurant ;

Considérant que la modification de ses attributions ne saurait quant à elle s’analyser en une sanction, dès lors qu’elle est intervenue à la demande de F Y et avec son accord ;

Considérant qu’il résulte en effet des pièces régulièrement versées aux débats que F Y a postulé, le 22 mars 2003, à un emploi de conseiller on-line (E-B C) offert par la bourse d’emploi de l’entreprise ; que, par courrier du 11 mars 2003, il a porté à la connaissance de son employeur son 'desiderata d’être muté dans la DPP de Paris’ ;

Considérant que F Y a quitté l’agence de PANTIN-EGLISE où il avait été initialement affecté, ayant été nommé chargé d’accueil au sein de l’agence SAINT-DENIS BASILIQUE ; qu’il a ensuite été nommé à l’agence du BOURGET ;

Considérant que ces modifications n’ont pas été imposées à F Y ; qu’elles répondaient aux souhaits de changement qu’il avait exprimés et que son employeur s’est efforcé de satisfaire en fonction des postes disponibles ; que le salarié les avait acceptées comme en font foi les fiches de nomination qu’il a signées ;

Considérant qu’au surplus, F Y n’a jamais contesté ce changement d’affectation avant de saisir la commission paritaire de recours disciplinaire pour récuser la mesure de licenciement envisagée à son encontre un an plus tard ;

Considérant que F Y sera, dans ces conditions, débouté de ce chef de demande;

Sur le licenciement de F Y

F K Y soutient sur les attestations versées aux débats par le B C ne mentionneraient que des faits qui se seraient déroulés en 2003 et se trouveraient dès lors prescrits par application de l’article L. 1332-4 du code du travail.

S’agissant des faits du 9 juin 2004, ils devraient être considérés au regard du contexte rappelé par Mme D E dans son attestation, M. Y ayant lui-même été agressé verbalement par le client avec lequel avait eu lieu l’altercation et auquel il avait demandé de quitter l’agence. Il conteste par ailleurs la valeur probante des courriers versés aux débats par le B C au motif que ces documents ne seraient pas conformes à l’article 202 du code de procédure civile.

S’agissant du comportement irrespectueux qui lui est reproché, F Y estime qu’il est trop vague pour fonder un licenciement, alors surtout que lui-même verse aux débats plusieurs attestations faisant état d’une attitude irréprochable, son tableau de résultats justifiant par ailleurs de la qualité de son travail et des résultats commerciaux obtenus.

F Y estime que l’arrêt de travail qui lui a été délivré pour la période du 9 au 12 juin 2006 interdit à son employeur de lui reprocher un 'abandon de poste’ le 9 juin.

Le B C demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en considérant que les faits fautifs qui lui sont reprochés sont établis, que F Y ne saurait justifier une réaction fautive par le fait qu’il n’aurait pas souhaité occuper ce poste dans une agence où la clientèle était difficile, et que le salarié avait déjà été averti et blâmé antérieurement en raison de son comportement avec des clients.

Considérant que F Y a été mis en garde par son supérieur hiérarchique le 17 octobre 2003, alors qu’il avait 'une nouvelle fois, refusé de prendre le versement d’une des clientes professionnelles [du B C] au motif que ses rouleaux n’étaient pas en plastique', situation qui avait contraint la cliente à remettre les fonds à un autre employé dans un espace non sécurisé de l’établissement bancaire ; que des 'observations’ ont été formulées par courrier du 21 octobre 2003 aux termes duquel le B C, après avoir rappelé l’incident susvisé, écrivait : 'Cet exemple, dont j’ai été témoin, est malheureusement révélateur des ressentis très négatifs formulés par de nombreux clients commerçants à votre égard. Les qualificatifs employés pour définir votre attitude sont : 'trop lent, pas aimable, fait des remarques désobligeantes à la limite de la correction'. Cette situation est très difficile à gérer, d’autant plus que plusieurs commerçants menacent de fermer la totalité de leur comptes en cas de persistance de votre attitude. En conséquence, nous vous adressons les présentes observations en vous engageant vivement à en tenir compte pour l’avenir'.

Considérant que F Y n’a jamais contesté ces observations, ni davantage le blâme qui lui a été notifié le 10 février 2004, au double motif :

— qu’il avait, les 2 décembre 2003 et 14 janvier 2004, proféré à l’égard de plusieurs clients de l’agence, des propos injurieux et désobligeants,

— qu’il n’avait pas respecté le règlement intérieur, en adoptant de façon régulière un comportement irrespectueux vis à vis de la clientèle ;

Considérant que F Y n’a pas tenu compte de ces avertissements, en adoptant un comportement inadapté et fautif le 9 juin 2004 ;

Considérant que Mme H I a adressé, le 14 janvier 2003, un courrier au B C rapportant 'l’incident entre un caissier et un client’ dont elle avait été témoin ; qu’elle indiquait : 'le client s’est fait mal recevoir. Il avait une carte d’invalidité', précisant que le guichetier avait 'insulté une autre cliente qui prenait la défense de ce monsieur. Traitant la dame de conne, le caissier nous a menacé de nous faire sortir si on n’était pas contents’ ;

Considérant que F Y ne conteste pas ces faits ; qu’il tente de les justifier par l’attitude agressive à son égard du client qui aurait tenu des propos injurieux comme en atteste Mme D E qui indique : 'Cette personne l’agressait verbalement. M. Y lui a demandé de s’arrêter et de sortir de l’agence, ce qu’il a refusé’ ;

Considérant que, par un courrier du 24 juin 2004, Melle Z, employée du B C, a confirmé à son employeur qui l’en avait sollicitée la manière dont s’était déroulé l’incident du 9 juin 2004 ; qu’elle a rapporté que 'le client n’aimant pas la façon de parler de K lui a proposé de s’expliquer dehors. K a donc suivi le client et a reçu un coup (sur les dires de K et du vigile). C’est alors qu’il a laissé sa caisse et est parti en me laissant les clés mais sans faire d’arrêté de caisse et sans prévenir son supérieur. K est revenu dans l’après-midi mais il est reparti aussitôt car M. A (le directeur de l’agence) n’était pas content de son attitude’ ;

Considérant que le B C fait justement valoir que les modes de preuve ne se limitent pas aux attestations, de sorte que les courriers adressés à l’établissement bancaire par ses clients ou ses employés peuvent être pris en considération par le juge ; que la cour estime, en l’espèce, que ces documents présentent des garanties suffisantes pour emporter sa conviction ; que les quelques divergences de détail perceptibles entre les déclarations des témoins sont dues à la confusion provoquée par l’attitude de M. Y qui, même s’il a été provoqué par un client mécontent, n’a pas adopté le comportement attendu d’un 'chargé d’accueil’ consistant à désamorcer une situation conflictuelle pour éviter qu’elle ne dégénère en violence ; qu’en n’empêchant pas la survenue d’une altercation, alors qu’il se trouvait en position de domination dans l’agence de la banque, entouré de collègues et en présence de clients, F K Y a adopté un comportement fautif, aggravé par son départ de son poste non autorisé par son supérieur hiérarchique ;

Considérant que le souci d’aller rencontrer le Docteur X qui lui a prescrit un arrêt de travail de deux semaines ne suffisait pas à justifier le départ précipité de l’agence de F Y, sans même qu’il prenne le temps de faire son arrêté de caisse ;

Considérant que certaines des attestations versées aux débats par le B C portent sur des faits déjà sanctionnés par le blâme du 10 février 2004 et en toute hypothèse prescrits comme l’observe pertinemment F Y ; que les pièces établissant l’attitude de ce guichetier le 9 juin 2004 suffisent cependant à établir son 'comportement irrespectueux’ à l’égard d’un client retraité – invalide de surcroît – et de la cliente injuriée pour lui avoir marqué son soutien ;

Considérant que la persistance de F Y dans un comportement inadapté, en dépit des avertissements qui lui avaient été notifiés, légitimaient le licenciement d’un technicien de la banque en contact direct avec la clientèle ; qu’il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a retenu l’existence d’une cause réelle et sérieuse au licenciement de Monsieur Y et débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts ;

Sur les demandes d’indemnité de préavis et de licenciement

Considérant qu’à l’audience, F Y a renoncé à solliciter le paiement de l’indemnité de préavis, le B C ayant justifié lui avoir réglé à ce titre une somme de 4 697,25 €, le licenciement ayant été prononcé pour motif disciplinaire, sans qu’une faute grave privative des indemnités de rupture soit retenue contre M. Y;

Considérant qu’une somme de 9 367,84 € lui a été versée au titre de l’indemnité légale de licenciement ; qu’il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté F Y de sa demande de paiement de l’indemnité conventionnelle de licenciement, fondée sur l’article 26-2 de la convention collective de la banque, alors que seul est applicable l’article 27-2 aux termes duquel le salarié licencié pour un motif disciplinaire 'perçoit l’indemnité légale de licenciement’ ;

Sur le préjudice né du respect d’une clause de non-concurrence illicite

F Y soutient – pour la première fois devant la cour – que la clause de non-concurrence contenue dans son contrat de travail est illicite, faute pour le B C d’avoir prévu une contrepartie financière ;

Il demande à la cour de considérer que le respect, par le salarié, d’une clause de non-concurrence illicite lui cause nécessairement un préjudice dont il est bien fondée à obtenir réparation. Il sollicite à ce titre le paiement de dommages-intérêts représentant plus d’un an de salaire.

Le B C conclut au débouté de cette demande au motif que F Y n’en a pas respecté les termes et qu’il ne justifie d’aucun préjudice. La banque remarque que son salarié n’est pas resté 'tétanisé par la clause de non-concurrence contenue dans son contrat de travail, puisqu’il a envoyé des courriers de candidature spontanée dans différents établissements bancaires dès le 22 octobre 2004, soit pendant son préavis’ qu’il avait été dispensé d’effectuer.

Considérant que pour être valable la clause de non-concurrence doit prévoir, dans la mesure où elle restreint le champ de sa recherche d’emploi, une contrepartie financière au profit du salarié ;

Considérant que le respect par un salarié d’une clause de non-concurrence illicite lui cause nécessairement un préjudice dont il appartient au juge d’apprécier l’étendue ; que pour s’opposer à la demande de dommages-intérêts de ce chef, l’employeur doit rapporter la preuve que le salarié n’a pas respecté cette clause ;

Considérant que F Y s’était engagé à ne pas démarcher les clients avec lesquels il avait été en relation dans le cadre de ses fonctions, l’interdiction de non-concurrence valant pour dix-huit mois et 'couvrant le périmètre de sa direction d’exploitation’ ;

Considérant que si F Y communique les réponses négatives de huit établissements bancaires à ses sollicitations, la preuve n’est pas rapportée qu’il ait sollicité un poste situé dans sa direction d’exploitation de Saint-Denis / Roissy ; que les courriers ont en effet été adressés au siège parisien du CCF, de la BNP PARIBAS, de la BPN, de la Société générale, de la Banque populaire, de l’Union de banques à Paris, de la Caisse d’Epargne et de la Banque Rotschild ;

Considérant qu’il y a lieu d’évaluer à 2 000 € les dommages-intérêts qui seront dus à F Y en réparation du préjudice subi du fait que l’employeur lui a imposé une clause illicite portant nécessairement atteinte à sa liberté d’exercer une activité professionnelle ;

Sur les demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Considérant que F Y, qui succombe, sera débouté de sa demande ; que l’équité ne commande pas d’accueillir la demande présentée par le B C sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE le B C à payer à Monsieur F Y une somme de 2 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié au caractère illicite de la clause de non-concurrence ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur F Y aux dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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