Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 28 octobre 2011, n° 07/20128

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 2 - ch. 2, 28 oct. 2011, n° 07/20128
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 07/20128
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 11 novembre 2007, N° 06/09811

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 2

ARRET DU 28 OCTOBRE 2011

(n° , 14 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 07/20128

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Novembre 2007 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 06/09811

APPELANTS

Monsieur N X

XXX

XXX

XXX

Société MEDICAL INSURANCE COMPANY LTD agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal en France la SAS Francois XXX

XXX

XXX

XXX

représentés par Maître Francois TEYTAUD, avoué à la Cour

assistés de Maître Alice GUILLET, avocat au barreau de Paris plaidant pour Maître Bernard PUYLAGARDE, avocat

INTIMÉES

XXX

prise en la personne de ses représentants légaux

XXX

XXX

représentée par la SCP FANET SERRA, avoués à la Cour

assistée de Corinne FRAPPIN, avocat au barreau de Paris, toque R 295, plaidant pour la SCP SELARL BOSSU et substituant Maître LEFEBVRE, toque R 295, avocat au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE ST D prise en la personne de ses représentants légaux

XXX

XXX

représentée par la SCP MENARD SCELLE MILLET, avoués à la Cour

assistée de Maître Corinne FRAPPIN, avocat au barreau de Paris (R 295) plaidant pour la SELARL BOSSU, avocats associés

APPELANTE INCIDENTE ET COMME TELLE INTIMEE

Madame J Y

XXX

XXX

représentée par la SCP ARNAUDY ET BAECHLIN, avoués à la Cour

assistée de Maître HAZAN, avocat au barreau de Paris (C 1234) plaidant pour la SCP Roosevelt et Associes et substituant Maître FAKIROFF, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 30 Juin 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Jacques BICHARD, Président

Marguerite-Marie MARION, Conseiller

Marie-Suzanne PIERRARD, Conseiller désignée pour compléter la Cour en application de l’ordonnance de roulement du 17 décembre 2010 portant organisation des services de la Cour d’Appel de Paris à compter du 3 janvier 2011, de l’article R 312-3 du Code de l’organisation judiciaire et en remplacement d’un membre de cette chambre dûment empêché.

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Guénaëlle PRIGENT

ARRET :

— contradictoire

— rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Jacques BICHARD, Président et par Gilles DUPONT, Greffier.

***

Vu l’action en responsabilité intentée par Madame J Y, à la suite d’une liposuccion et d’une plastie abdominale, à l’encontre du Docteur N X, chirurgien plastique, qui a sollicité la garantie de la société AIG Europe ayant elle-même appelé en garantie la société MEDICAL INSURANCE COMPANY Ltd;

Vu l’ordonnance rendue le 6 février 2004 par le Juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris qui a désigné le Docteur P G en qualité d’expert et rejeté la demande de provision formée par Madame Y ;

Vu l’expertise médicale du 7 juillet 2005 réalisée par le Docteur P G et par le Docteur L F, désigné comme co-expert à la demande du Docteur G ;

Vu l’ordonnance rendue le 31 mars 2006 par le Juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris qui a condamné solidairement le Docteur N X et la société AIG Europe à payer à Madame J Y une somme de 10 000€ à titre de provision ;

Vu le jugement rendu le 12 novembre 2007 par le Tribunal de grande instance de Paris qui a :

— déclaré le Docteur N X responsable des conséquences dommageables du défaut de suivi post-opératoire et du retard apporté au traitement de la perforation intestinale subie par Madame J Y lors de l’intervention chirurgicale du 30 juillet 2001,

— dit que ce défaut de suivi est à l’origine de l’évolution défavorable de l’état de santé de Madame J Y,

— condamné en conséquence le Docteur N X à réparer l’intégralité du préjudice subi,

— dit que la société MEDICAL INSURANCE COMPANY L.T.D. est tenue de garantir les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile du Docteur N X,

— rejeté en conséquence les demandes formées contre la société AIG Europe,

— condamné la société MEDICAL INSURANCE COMPANY L.T.D. à rembourser à la société AIG la somme de 3 812 € au titre des frais avancés pour la défense du Docteur N X, outre la somme de 13 000 € au paiement de laquelle elle a été condamnée pour le compte de qui il appartiendra,

— condamné in solidum le Docteur N X et la société MEDICAL INSURANCE COMPANY L.T.D. au paiement des sommes suivantes :

Madame J Y :

—  98 460 € en réparation de ses divers préjudices avec intérêts au taux légal à compter du jugement, après déduction de la provision de 10000 € allouées par ordonnance de référé du 31 mars 2006,

—  7 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile comprenant les honoraires de son médecin conseil,

La CPAM de la Seine Saint D :

—  94 575,70 € avec intérêts au taux légal à compter du 18 août 2006 sous réserve des prestations non connues à ce jour ou de celles qu’elle pourrait être amenée à verser ultérieurement à la victime,

— ordonné exécution provisoire,

— condamné in solidum le Docteur N X et la société MEDICAL INSURANCE COMPANY L.T.D. à payer sur le fondement de l’article 700 du 'nouveau’ Code de procédure civile, à J Y la somme de 7 000 € en ce compris les honoraires de son médecin conseil, et à la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE de SEINE SAINT D celle de 1 000 €,

— débouté la société AIG Europe, le Docteur N X et la société MEDICAL INSURANCE COMPANY L.T.D. de leurs demandes au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

— condamné in solidum le Docteur N X et la société MEDICAL INSURANCE COMPANY L.T.D. aux dépens incluant notamment les frais d’expertise judiciaire ;

Vu l’appel relevé le 29 novembre 2007 par le Docteur N X et la société MEDICAL INSURANCE COMPANY L.T.D. ;

Vu l’arrêt rendu le 13 novembre 2009 par cette Cour, qui a :

'confirmé le jugement en ses dispositions relatives à la société AIG Europe et à la garantie du Docteur N X par la société MEDICAL INSURANCE COMPANY L.T.D.,

'Avant-dire droit sur la responsabilité du Docteur N X, ordonné un complément d’expertise confié au Docteur L F, avec pour mission, notamment, de :

— dire si la survenance d’une perforation au niveau de l’intestin grêle et du colon constitue un risque inhérent à la liposuccion dont la patiente devait dès lors être informée,

— décrire et évaluer médicalement les préjudices subis par Mme Y en distinguant les préjudices inhérents à la perforation survenue et ceux résultant d’une prise en charge tardive de cette complication,

— préciser, le cas échéant, si Madame J Y a subi une perte de chance et donner dans ce cas tous éléments permettant de l’apprécier,

— dire si l’état de Madame J Y est susceptible de modification (aggravation ou amélioration) et dans l’affirmative fournir toutes précisions utiles sur cette évolution,

'Sursis à statuer sur les demandes de Madame J Y, de la CPAM de Seine Saint D, du Docteur N X et de la société MEDICAL INSURANCE COMPANY L.T.D. au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et sur les dépens les concernant,

'rejeté la demande de la société AIG au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

'laissé à la société AIG la charge de ses dépens ;

Vu le rapport d’expertise du Docteur L F déposé le 21 mai 2010 ;

Vu les seules conclusions en ouverture de rapport déposées le 11 février 2011 par le Docteur N X et la société MEDICAL INSURANCE COMPANY L.T.D. qui demandent à la Cour de :

— les recevoir en leurs écritures, les disant bien fondées,

— infirmer le jugement en ce qu’il a retenu la responsabilité du Docteur X et l’a condamné à la réparation de la totalité des préjudices subis par Madame Y ainsi qu’au remboursement de l’ensemble de la créance de la CPAM de Seine Saint D,

A titre principal,

— débouter Madame Y de la totalité de ses demandes à l’encontre du Docteur X et la MIC Ltd,

— débouter la CPAM de Seine Saint D de l’ensemble de ses demandes à l’encontre du Docteur X et de la MIC Ltd,

— condamner Madame Y aux entiers dépens,

A titre subsidiaire,

— dire que l’indemnisation des préjudices subis par Madame Y ne pourra donner lieu qu’à une indemnisation partielle,

— ramener ses demandes à de plus justes proportions ;

Vu les seules conclusions en ouverture de rapport déposées le 17 juin 2010 par Madame J Y, appelante incidente, par lesquelles elle demande à la Cour de :

— la recevoir en ses présentes conclusions et la dire bien fondée,

Y faisant droit,

— confirmer la décision entreprise sur le chef du principe de la responsabilité du Docteur X et de la garantie de la société MEDICAL INSURANCE COMPANY L.T.D. (MIC),

Pour le surplus,

— recevoir Madame Y en son appel incident, la dire bien fondée,

Y faisant droit,

— condamner solidairement le Docteur X et la société MEDICAL INSURANCE COMPANY L.T.D. (MIC) au paiement des sommes de :

9 811,29 € au titre de l’incapacité temporaire totale,

26 880 € au titre de l’incapacité temporaire partielle,

28 800 € au titre de l’incapacité permanente partielle,

35 000 € au titre du pretium doloris,

23 000 € au titre du préjudice esthétique,

15 000 € au titre du préjudice d’agrément,

25 000 € au titre du préjudice sexuel,

25 000 € au titre du préjudice moral,

1 500 € au titre des frais d’expertise,

4 406 € au titre des frais restés à sa charge et des frais d’adaptation de son logement,

4 406 € au titre des honoraires de son médecin conseil,

— condamner conjointement et solidairement le Docteur X et la société MIC Ltd au paiement de 8 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile outre aux entiers dépens de première instance et d’appel y compris les frais d’expertise d’un montant de 2 500 € ;

Vu les seules conclusions en ouverture de rapport déposées le 29 avril 2011 par la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE de SEINE SAINT D par lesquelles elle demande à la Cour, au vu du décompte définitif du 24 juin 2009 et de l’attestation d’imputabilité du 4 juillet 2006, de :

— confirmer le jugement entrepris,

— condamner tout succombant à payer à la CPAM de SEINE SAINT D la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du CPC,

— condamner tout succombant aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 16 juin 2011 ;

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR,

Considérant que le 26 juillet 2001, Madame J Y (Madame Y), âgée de 48 ans et ayant déjà subi quatre interventions de chirurgie esthétique réalisées par le Docteur N X (Docteur X), chirurgien plastique, a consulté ce praticien en vue d’une nouvelle plastie abdominale et d’une lipoaspiration des hanches ;

Que le 30 juillet 2001, le Docteur X a réalisé cette intervention à la clinique du Trocadero ;

Que les 31 juillet et 1er août 2001, le Docteur X a revu sa patiente ;

Que le 2 août 2001, Madame Y a présenté des difficultés respiratoires et d’importantes douleurs abdominales ;

Que le 3 août 2001, compte tenu de l’évolution de son état et à l’initiative du Docteur Z, médecin anesthésiste réanimateur, il a été procédé à une scintigraphie s’étant avérée négative, puis à des radiographies d’abdomen sans préparation à la demande du Docteur E, médecin anesthésiste réanimateur ;

Que le 5 août 2001, Madame Y a été transférée en urgence en état de coma dans le service de réanimation de l’hôpital du Kremlin Bicêtre où elle a été opérée d’une péritonite stercorale, d’une perforation au niveau de l’intestin grêle et du colon et a notamment subi une colostomie et une iléostomie ;

Que le 10 août 2001, elle a subi une nouvelle intervention afin de rétablir la continuité digestive par anastomose iléo-iléale ainsi qu’une toilette péritonéale et un drainage ;

Que le 18 août 2001, une autre intervention a été pratiquée liée à une reprise de la péritonite consistant en une résection de stomie, un drainage et une toilette péritonéale ;

Que le 3 septembre 2001, elle a quitté le service de réanimation et a été transférée dans le service de chirurgie générale où elle a séjourné jusqu’au 10 octobre 2001 ;

Que le 17 mars 2002, une fermeture de la colostomie a été réalisée ;

Que Madame Y, présentant des séquelles, a sollicité une expertise en référé ;

Que le Docteur X a sollicité la garantie de la société AIG Europe l’ayant assuré jusqu’au 1er janvier 2002 ;

Que les experts, les Docteurs A et F, ont essentiellement retenu :

— que l’indication opératoire apparaissait parfaitement justifiée au vu des photographies pré-opératoires,

— que s’il était difficile de croire que l’information n’avait pas été satisfaisante dès lors que Madame Y avait été opérée à de nombreuses reprises par le Docteur X, le délai de réflexion avait été raccourci au strict minimum, soit à 3 jours,

— que les radiographies de l’abdomen révélaient la présence d’un pneumo-péritoine, conséquence directe de la perforation d’organes creux, que ni le radiologue ni les anesthésistes-réanimateurs ne semblaient avoir examiné ces radiographies avec suffisamment d’attention et que de ce fait, le diagnostic exact n’avait pas été posé et la patiente était restée en observation 48h de plus,

— que son état s’était aggravé très rapidement et qu’elle avait été transportée comateuse dans le service de réanimation chirurgicale de l’hôpital du Kremlin Bicêtre,

— que l’hypothèse d’une perforation du grêle et du colon à plusieurs mètres de distance consécutive à une constipation, d’ailleurs niée par Madame Y, ne pouvait être admise et qu’il était certain que les plaies constatées lors de la réintervention à l’hôpital du Kremlin Bicêtre étaient directement liées à la liposuccion,

— qu’il ne s’agissait pas forcément d’une plaie directe par la canule d’infiltration ou le trocart de liposuccion mais qu’il pouvait s’agir d’une plaie par aspiration au niveau de l’intestin ou d’une simple petite moucheture sur la paroi du grêle avec secondairement une perforation,

— qu’il était certain que si le diagnostic avait été fait au 3e jour, à l’examen des radiographies d’abdomen sans préparation, les suites auraient manifestement été beaucoup plus simples et auraient consisté en une banale laparotomie avec suture des plaies et que le recours à un anus artificiel et à une iléostomie étaient directement liés à l’importance de la souillure de la cavité péritonéale,

— que la patiente avait été suivie seulement par divers anesthésistes qui ne s’étaient pas préoccupés des problèmes abdominaux en palpant la paroi et qu’il avait fallu attendre qu’elle soit dans le coma pour prendre une décision,

— que l’absence de diagnostic de la complication en temps et en heure engageait la responsabilité des différents intervenants et plus particulièrement du radiologue, des deux anesthésistes intervenus et du Docteur X, parfaitement tenu au courant plusieurs fois par jour de l’évolution de la situation et qui n’était pas venu examiner personnellement la patiente et prendre connaissance des examens radiographiques ;

Qu’ils ont conclu que le Docteur X avait engagé sa responsabilité en créant une plaie du grêle et du colon à l’occasion d’une lipoaspiration et en ne participant pas activement à la surveillance de la patiente lorsque des complications étaient apparues ;

Qu’après avoir obtenu en référé la condamnation du docteur X et de la société AIG Europe (la société AIG), pour le compte de qui il appartiendra, au paiement d’une indemnité provisionnelle, Madame Y les a assignés en responsabilité ;

Que la société AIG a appelé en garantie la société MEDICAL INSURANCE COMPANY L.T.D. (la MIC) couvrant le praticien à compter du 1er janvier 2002 ;

Que les premiers juges ont estimé qu’en l’absence d’élément sur l’origine exacte de la perforation intestinale, il ne pouvait être caractérisé de faute chirurgicale imputable au Docteur X, que l’absence de prise de décision avant le 5 août 2001 quant à une réintervention ou un transfert de la patiente dans un service plus adapté constituait une faute évidente à l’origine de l’évolution ultérieure, qu’au vu des constatations expertales, rien ne permettait de considérer que l’évolution de l’état de Madame Y aurait été la même si elle avait bénéficié d’une reprise chirurgicale dès le 3 août 2001, qu’en conséquence le Docteur X serait déclaré responsable des conséquences dommageables du défaut de suivi-post-opératoire et que l’indemnisation intégrale des préjudices subis étant acquise, il devenait sans utilité d’examiner le défaut d’information en outre reproché par Madame Y ; qu’ils ont en outre considéré que la société AIG n’avait pas pris la direction du procès et qu’en application de la loi du 30 décembre 2002, la date de la réclamation déterminait la police applicable et que seule la société MIC était tenue avec le Docteur X à la réparation des préjudices subis par Madame Y ;

SUR CE LA COUR,

Considérant que le Docteur X soutient avoir délivré à Madame Y l’information légale sur l’intervention litigieuse, rappelant que celle-ci, qu’il connaît depuis vingt-cinq ans, notamment, pour une intervention de même type en 1994, envisageait cette nouvelle liposuccion dès février 1999 et a ensuite signé le formulaire d’information et le devis ; qu’il conteste toute faute de sa part à l’origine de la perforation qui résulte d’un aléa thérapeutique compte tenu des prédispositions anatomiques de l’intimée ; qu’en raison de la prise en charge de la complication par ses confrères, il n’y avait pas de nécessité de revenir au chevet de cette dernière ;

Considérant que Madame Y conteste tout aléa thérapeutique estimant que les premiers experts ont relevé que la liposuccion est la cause de la perforation elle-même à l’origine d’un pneumo-péritoine ; qu’elle indique que les opérations antérieures ne l’en dispensant pas, le Docteur X ne justifie pas l’avoir informée des risques encourus et encore moins l’existence d’un accord pour réduire le temps de réflexion ; que de surcroît, le Docteur X, qui n’a pas lui-même consulté les radiographies insuffisamment examinées par ses confrères, reconnaît qu’elle n’a été suivie en post-opératoire que par des médecins anesthésistes réanimateurs ; qu’enfin, elle estime que le défaut de surveillance après l’opération et le défaut de diagnostic de la complication lui ont fait perdre une chance d’échapper à la complication dès lors que la perforation n’a été diagnostiquée que cinq jours plus tard et qu’ainsi le Docteur X a engagé sa responsabilité tant en raison de la faute chirurgicale à l’origine de la perforation que du défaut de surveillance post-opératoire ;

' Sur la responsabilité du Docteur X

Considérant, s’agissant de savoir, à propos de la première intervention du 30 juillet 2001, si les plaies sont consécutives à une maladresse du praticien et pouvaient être évitées par une meilleure attention ou si la survenance d’une perforation au niveau de l’intestin grêle et du colon constitue un risque inhérent à la liposuccion dont la patiente devait être dès lors informée et si le praticien a commis un défaut d’information en relation avec le préjudice subi, il résulte du complément d’expertise du Professeur F que :

— 'La remarque du Docteur X sur l’impossibilité d’avoir fait une plaie de la charnière recto-sigmoïdienne par action directe du trocart de lipoaspiration qui aurait dû être alors positionné de façon quasiment verticale antéro-postérieure ce qui ne correspond pas aux bonnes pratiques est effectivement recevable.'

— '(…) Du compte rendu opératoire ou de l’exposé du Docteur X lors de la réunion d’expertise contradictoire il n’apparaît d’éléments anormaux par rapport à la conduite habituelle de ce type d’intervention.'

— 'Cependant force est de constater que l’accident de perforation est survenu au décours de cette intervention et qu’on ne peut trouver d’autres causes que la lipoaspiration.'

— '(…) Les perforations abdominales sont un risque bien connu et répertorié des lipoaspirations et devraient faire l’objet d’une information vis-à-vis des patientes. Le risque de perforation du grêle est effectivement plus fréquent que celui de la charnière recto-sigmoïdienne car même en laissant la canule de lipoaspiration pratiquement tangentielle à la paroi’ (comme le Docteur X indique l’avoir fait)'une inclinaison de quelque degré présente le risque de passer à travers les couches musculaires abdominales et d’embrocher l’intestin grêle sous-jacent.'

— 'Ce risque est particulièrement aggravé si la poussée de la sonde de lipoaspiration s’effectue de façon contemporaine à une poussée abdominale ou un épisode de toux mal contrôlé par l’anesthésiste, le risque de passage à travers la paroi et alors de plaie du grêle sous-jacente devient important.'

— 'Lorsque ces deux éléments coïncident on pourrait assimiler ces perforations à un aléa thérapeutique, lorsqu’ils ne coïncident pas cet accident se rapproche plutôt d’une maladresse.'

— 'Les éléments d’analyse et de surveillance rapportés par le dossier ne permettent pas à l’expert de mettre en évidence une anomalie anesthésique lors de l’intervention.'

— 'L’analyse du compte rendu opératoire du Kremlin-Bicêtre met en évidence une perforation non pas de la charnière recto-sigmoïdienne mais de la surface antérieure du sigmoïde au-dessus de la charnière sigmoïdienne d’une part, d’autre part une lésion du grêle à environ 1 mètre de la valvule iléo-coecale.'

— 'Ces deux zones sont anatomiquement proches l’une de l’autre bien que le grêle soit un organe particulièrement mobile, la localisation décrite correspond habituellement au grêle situé à la partie supérieure du petit bassin ce qui rend vraisemblable la plaie simultanée de ces deux organes à l’occasion d’un mouvement du trocart de lipoaspiration.';

Que cependant, l’expert note également que 'certaines conformations anatomiques en particulier chez les femmes avec une lordose accentuée peut mettre le promontoire c’est-à-dire la partie antérieure de la jonction entre la colonne vertébrale et le bassin à proximité du pubis ce qui peut l’exposer à un risque de perforation lors des mouvements de retour de la sonde d’aspiration.' et que 'Ce risque est d’autant plus grand qu’il existe (en l’espèce) une ensellure lombaire importante qui se voit sur les photos préparatoires de profil de la patiente.'

Que dès lors, si un lien de causalité est établi entre la perforation et le geste chirurgical, une constipation chronique étant écartée, en l’absence d’élément sur l’origine exacte de la perforation intestinale, il ne peut être caractérisé de faute chirurgicale commise par le Docteur X ;

Considérant, s’agissant de l’information relative aux risques encourus à l’occasion de l’abdominoplastie pratiquée, qu’il appartient au Docteur X d’apporter la preuve que celle-ci a bien été dispensée à Madame Y ;

Qu’en l’espèce, tant l’ancienneté des relations de soins que le fait que le Docteur X ait déjà pratiqué une intervention du même type en 1994 sur Madame Y ne dispensaient pas l’appelant de donner une information spécifique à l’occasion de chacune de ses interventions ;

Que par ailleurs, le Docteur X ne communique aucune pièce de nature à établir que l’opération litigieuse était envisagée dès la consultation du 23 février 1999 ;

que s’il produit la notice de consentement éclairé et le devis, signés l’un et l’autre le 26 juillet pour une intervention le 30, force est de constater que la rubrique '1- je vous confirme que vous m’avez exposé les risques inhérents à toute intervention et ceux particulier à l’opération de ….' n’est pas renseignée ; qu’enfin aucun autre élément ne permet de retenir que cette information du risque de perforation a été portée à la connaissance de Madame Y d’une manière ou d’une autre ;

Considérant, s’agissant du suivi post-opératoire qu’il résulte des constatations des premiers experts qui ne sont remises en cause par aucune pièce médicale probante :

— qu’au vu des radiographies de l’abdomen, les plaies auraient dû être diagnostiquées dès le troisième jour par les praticiens ayant pris en charge Madame Y,

— que l’intéressée aurait alors seulement subi une laparotomie avec suture des plaies,

— que malgré l’apparition de complications, le Docteur X n’a pas assuré personnellement la surveillance de sa patiente ;

Qu’en effet, s’il ressort de la seconde expertise que 'après l’intervention (du 30 juillet 2001) les soins ont été diligents et attentifs de la part du Docteur X qui est parti en congrès le 1er août après avoir vu sa patiente dont l’état était satisfaisant et dont la sortie était programmée', celui-ci, alors qu’il a été régulièrement informé de l’évolution de sa patiente, ne conteste pas avoir laissé aux deux médecins anesthésistes-réanimateurs l’initiative des soins post-opératoires à compter du 1er août et des complications ultérieures, n’a pas jugé utile de leur donner des instructions complémentaires (p. 17 de ses conclusions), s’est abstenu de se rendre au chevet de sa patiente et de procéder à une lecture attentive des radiographies ordonnées dès les premiers signes de dégradation, alors que cette précaution aurait permis de poser rapidement le diagnostic d’un pneumopéritoine et de procéder à la seconde intervention qui se serait limitée à 'une banale laparotomie avec suture de plaie’ selon le premier rapport d’expertise ;

Qu’en conséquence les premiers juges ont justement retenu à l’encontre du Docteur X un défaut de suivi de Madame Y en post-opératoire ouvrant droit à réparation des préjudices consécutifs au retard de diagnostic de la complication, étant observé de surcroît par les premiers experts, que la pose d’un anus artificiel et la réalisation de l’iléostomie ne s’imposaient pas au 3e jour post-opératoire et sont directement liés à l’importance de la souillure de la cavité péritonéale ;

Que par ailleurs, c’est à tort que le Docteur X affirme ne devoir supporter qu’une partie minime des préjudices en cause au motif qu’il était en congé et que la surveillance de Madame Y était effectuée par les anesthésistes ; qu’en effet, le suivi post-opératoire lui incombant, il lui appartenait de reprendre personnellement ce suivi dès l’indication d’une dégradation de son état, ce qui exclu, à l’égard de Madame Y, tout partage de responsabilité avec les deux médecins anesthésistes-réanimateurs d’ailleurs non attraits dans la cause ;

Considérant qu’il résulte donc de ce qui précède que les fautes relevées à l’encontre du Docteur X ont fait perdre à Madame Y une chance d’éviter le dommage subi à hauteur de 95 % ;

' Sur les préjudices de Madame Y

Considérant qu’il résulte des rapports d’expertise des 6 février 2008 (1re expertise) et 21 mai 2010 (complément d’expertise) les éléments suivants :

ITT

— du 3 août 2001, date à laquelle l’origine de la complication a été établie au 17 mai 2002, soit 2 mois après la fermeture de la colostomie (1re expertise)

— ne travaillant pas, Madame Y n’a pas bénéficié d’arrêts de travail (complément d’expertise)

— du 30 juillet 2001 à novembre 2002 date de fins des soins, d’hospitalisation à domicile (complément d’expertise)

—  17 mars 2002, fermeture de la colostomie (complément d’expertise)

ITP

—  16 % du 18 mai 2002 au 16 septembre 2004, date de la deuxième réunion d’expertise du Docteur G

consolidation 16 septembre 2004

souffrances endurées 5,5/7 compte tenu des quatre interventions et du retentissement psychologique

incapacité permanente partielle

—  18 % 'compte tenu des douleurs abdominales constantes, de l’éventration, de la nécessité du port d’une ceinture, les certificats du Docteur H du 6 et du 23 novembre 2009 joints en annexe du rapport ne faisant pas état d’un déficit sensoriel ou intellectuel'

tierce personne : 'la patiente ne nécessite pas de tierce personne'

préjudice d’agrément :

— 'important, la patiente voyageait beaucoup, elle ne le peut plus en raison de ses douleurs, elle ne peut plus sortir, ne peut faire ses courses car on lui aurait dit qu’il ne fallait qu’elle ne porte aucune charge. Elle ne peut avoir aucune activité sportive.' (complément d’expertise)

— 'à apprécier par le tribunal'(1re expertise)

préjudice esthétique : 4,5/7, important, compte tenu de l’éventration et des multiples cicatrices abdominales,

préjudice sexuel : 'la patiente met en avant un préjudice sexuel qui serait à l’origine de la rupture d’avec son compagnon, son importance est de l’ordre de l’évaluation par le tribunal'

frais d’aménagement

— 'La patiente a été exposée à des frais car elle avait auparavant et ne prenait que des bains et maintenant pour des raisons physiques ne peut plus enjamber la baignoire qu’elle a dû faire supprimer et remplacer par une douche’ ;

Considérant qu’il convient, au vu de ce rapport et des pièces produites, d’évaluer les préjudices de Madame Y, actuellement âgée de 58 ans, sans profession, et compte tenu du taux de perte de chance retenu, comme suit, les recours subrogatoires des tiers payeurs s’exerçant désormais poste par poste conformément à l’article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 :

a) – préjudices patrimoniaux

1- dépenses de santé exposés par les organismes sociaux

Considérant que la CPAM sollicite la somme de 94 575,70 € au titre des frais d’hospitalisation, d’appareillage et de transport exposés du 5 août 2001 au 17 mars 20004, en suite de l’intervention du 5 août 2001, que sa demande est justifiée par un relevé définitif de prestations du 24 juin 2009 et une attestation d’imputabilité du 4 juillet 2006;

Que l’indemnisation étant limitée à 95 %, il sera alloué la somme de : 89 846,91 €;

2- frais divers

Considérant que Madame Y sollicite la somme 1 500 € au titre des frais d’expertise et celle de 4 406 € au titre des honoraires de son médecin conseil ;

Qu’il convient de rappeler que les frais de l’expertise judiciaire sont compris dans les dépens et que les honoraires du médecin conseil relevant des frais irrépétibles seront pris en compte à ce titre ;

3- frais d’adaptation du logement et frais restés à charge

Considérant que la part de l’achat de deux ceintures abdominales restant à la charge de Madame Y est établie à hauteur de 60 €, qu’en revanche, elle ne justifie pas, en l’état des pièces produites, des frais engagés pour installer une douche en remplacement d’une baignoire et ne démontre pas que les frais de literie sont en lien avec la complication survenue et ses suites ;

Que l’indemnisation étant limitée à 95 %, il sera alloué la somme de ……. 57,00 € ;

b) – préjudices extra-patrimoniaux temporaires

1- déficit fonctionnel temporaire

Considérant que les premiers juges ont fait une exacte évaluation du déficit fonctionnel temporaire (ITT et ITP à 16 %) ;

Que l’indemnisation étant limitée à 95 %, il sera alloué la somme de … 9 500,00 € ;

XXX

Considérant que ce poste de préjudice, évalué par les experts à 5,5 sur une échelle de 1 à 7 comprend les souffrances tant physiques que morales endurées du fait des opérations subies (4), des soins nécessaires et de la pose de deux anus artificiels et a été justement évalué par les premiers juges à la somme de 30 000 € ;

Que l’indemnisation étant limitée à 95 %, il sera alloué la somme de : 28 500,00 € ;

b) – préjudices extra-patrimoniaux permanents

1- déficit fonctionnel permanent (IPP)

Considérant qu’au titre de ce poste de préjudice évalué à 18 %, Madame Y sollicite la somme de 28 800 € et que le Docteur X offre la somme de 20 000€, à déduire le taux de perte de chance ;

Qu’au regard de l’âge de la victime lors de sa consolidation intervenue plus de deux ans après les faits et des douleurs permanentes physiques et psychologiques, il y a lieu de faire droit à la demande ;

Que l’indemnisation étant limitée à 95 %, il sera alloué la somme de : 27 360,00 € ;

2 – préjudice d’agrément

Considérant que les premiers juges ont fait une exacte évaluation de ce préjudice dont le Docteur X ne conteste pas le principe ;

Que l’indemnisation étant limitée à 95 %, il sera alloué la somme de : 14 250,00 € ;

3- préjudice esthétique permanent

Considérant que ce poste de préjudice est évalué par les experts à 4,5 sur une échelle de 1 à 7 compte tenu de l’éventration et des cicatrices abdominales dont le nombre et la taille sont particulièrement invalidantes d’un point de vue esthétique comme cela résulte des photographies jointes au rapport d’expertise ; que les premiers juges en ont fait une exacte appréciation ;

Que l’indemnisation étant limitée à 95 %, il sera alloué la somme de : 14 250,00 € ;

4 – préjudice sexuel

Considérant que les premiers juges ont fait une exacte évaluation de ce préjudice dont le Docteur X ne conteste pas le principe ;

Que l’indemnisation étant limitée à 95 %, il sera alloué la somme de : 14 250,00 € ;

5 – préjudice moral

Considérant que c’est par des motifs pertinents que la Cour adopte que les premiers juges ont débouté Madame Y de se demande de ce chef ;

***

Considérant qu’il résulte de ce qui précède, qu’il sera alloué à Madame Y la somme globale de 108 167 € en réparation de ses préjudices, à déduire les provisions versées ;

'Sur les autres demandes

Considérant qu’il convient de confirmer les dispositions du jugement quant à l’application de l’article 700 du Code de procédure civile au profit de la CPAM étant observé que Madame Y n’en demande pas la confirmation en ce qui la concerne;

Qu’en cause d’appel, l’équité commande de faire application de ce même article 700 dans les termes du dispositif du présent arrêt en prenant en compte, pour ce qui concerne Madame Y, les honoraires de son médecin conseil ;

Considérant que succombant en son appel, le Docteur X devra supporter les dépens ;

PAR CES MOTIFS,

VU l’arrêt de cette Cour rendu le 13 novembre 2009,

LE COMPLÉTANT,

CONFIRME le jugement déféré en ses dispositions relatives à la responsabilité du Docteur N X en suite de l’intervention chirurgicale du 30 juillet 2001 subie par Madame J Y et en ce qu’il a statué sur l’article 700 du Code de procédure civile au profit de la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE de SEINE SAINT D ainsi que sur les dépens comprenant les frais de l’expertise judiciaire,

L’INFIRME pour le surplus dans les limites de l’arrêt du 13 novembre 2009,

STATUANT À NOUVEAU,

DIT que le Docteur N X a manqué à son devoir d’information,

DIT que les fautes retenues à l’encontre du Docteur N X ont fait perdre à Madame J Y une chance d’éviter le dommage subi à 95 %,

EN CONSÉQUENCE,

CONDAMNE in solidum le Docteur N X et la société MEDICAL INSURANCE COMPANY L.T.D. à verser à :

' Madame J Y la somme de 108 167 € en réparation de ses divers préjudices avec intérêts au taux légal à compter du jugement, provisions perçues à déduire,

' la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE SEINE SAINT D, la somme de 89 846,91 € avec intérêts au taux légal à compter du 18 août 2006, sous réserve des prestations non connues à ce jour ou de celles qu’elle pourrait être amenée à verser ultérieurement,

CONDAMNE in solidum le Docteur N X et la société MEDICAL INSURANCE COMPANY L.T.D. à verser à :

' Madame J Y la somme de 8 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

' la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE SEINE SAINT D, la somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

REJETTE toutes autres demandes des parties,

CONDAMNE in solidum le Docteur N X et la société MEDICAL INSURANCE COMPANY L.T.D. au paiement des entiers dépens avec admission de l’Avoué concerné au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 28 octobre 2011, n° 07/20128