Cour d'appel de Paris, Pôle 2 chambre 2, 25 octobre 2013, n° 12/05101

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 2 ch. 2, 25 oct. 2013, n° 12/05101
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 12/05101
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 12 février 2012, N° 10/13434
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 2

ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2013

(n° 2013- , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 12/05101

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Février 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 10/13434

APPELANTS:

SOCIÉTÉ HOSPITALIÈRE D’ASSURANCES MUTUELLES (SHAM)

agissant en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 3]

INSTITUT [1]

agissant en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentés par Maître Bruno REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

assistés de Maître Audrey WERTHEIMER, avocat au barreau de PARIS, toque C536

INTIMÉES:

Madame [Q] [L]

[Adresse 4]

[Localité 1]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2012/018864 du 11/05/2012 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

représentée par Maître Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

assistée de Maître Laureline GALIBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : G95

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LIMOUX

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Localité 2]

assignée et défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

Madame [J] [F] ayant été préalablement entendue en son rapport dans les conditions de l’article 785 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Septembre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Anne VIDAL, Présidente de chambre

Françoise MARTINI, Conseillère

Marie-Sophie RICHARD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Monsieur Guillaume LE FORESTIER

ARRÊT :

— réputé contradictoire,

— rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— Signé par Anne VIDAL, Présidente et par Guillaume LEFORESTIER, Greffier.

***

Mme [L] [L] a été traitée de décembre 2000 à septembre 2001 pour des lésions néoplasiques du sein gauche par le docteur [B], exerçant au sein de l’Institut [1] à [Localité 4]. Postérieurement au traitement ayant comporté une mastectomie gauche, le docteur [B] a réalisé le 5 juin 2003 une reconstruction mammaire par lambeau musculo-cutané de grand droit abdominal. Dans les suites de l’intervention, une nécrose et un écoulement septique sont apparus.

Se plaignant de la persistance de douleurs et d’une gêne fonctionnelle et esthétique, Mme [L] [L] a sollicité le 28 septembre 2007 une expertise médicale en référé, confiée aux docteurs [N], praticien hospitalier expert en accidents médicaux, et [K], spécialiste en chirurgie reconstructrice et esthétique. Dans leur rapport déposé le 30 janvier 2009, les experts ont conclu que les éléments d’information donnés à l’intéressée avant l’intervention avaient été satisfaisants, que les soins avaient été consciencieux, attentifs et conformes aux règles de l’art et aux données actuelles de la science, et que les seules séquelles pouvant être retenues consistaient en des douleurs au niveau de l’abdomen, de la cicatrice abdominale et du nombril à la suite de la nécrose apparue en post-opératoire.

Les 7 et 9 septembre 2010, Mme [L] a introduit une action au fond, entendant rechercher la responsabilité du docteur [B] pour manquement à son devoir d’information et celle de l’Institut [1] du fait d’une infection nosocomiale contractée en post-opératoire, et obtenir leur condamnation avec leurs assureurs respectifs à indemniser ses préjudices.

Par jugement du 13 février 2012, le tribunal de grande instance de Paris a mis hors de cause le docteur [B] préposé de l’établissement ainsi que son assureur la Médicale de France, a écarté tout manquement à l’obligation d’information ainsi que toute faute commise dans l’acte opératoire, mais a dit que l’Institut [1] engageait sa responsabilité du fait de l’infection nosocomiale contractée en post-opératoire, l’a condamné avec son assureur la Société hospitalière d’assurances mutuelles (Sham) à indemniser Mme [L] [L] à hauteur de 35 408 euros avec intérêts légaux à compter du jugement, a dit le jugement commun à la Cpam de Limoux, et a condamné Mme [L] à payer au docteur [B] et la Médicale de France la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et l’Institut [1] et la Sham à payer à Mme [L] [L] une indemnité de même montant à ce titre ainsi qu’aux dépens. L’indemnité de 35 408 euros allouée se détaille ainsi :

Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

— déficit fonctionnel temporaire408 euros

— souffrances endurées5 000 euros

— préjudice esthétique temporaire2 000 euros

Préjudices extra-patrimoniaux permanents

— déficit fonctionnel permanent20 000 euros

— préjudice esthétique3 000 euros

— préjudice sexuel5 000 euros

L’Institut [1] et la Sham ont relevé appel du jugement à l’égard de Mme [L] [L] et de l’organisme social. Dans leurs dernières conclusions signifiées le 2 octobre 2012, ils demandent de confirmer le jugement en ce qu’il a écarté tout manquement à l’obligation d’information dont l’établissement devrait répondre et écarté toute non conformité aux règles de l’art des soins dispensés dans l’établissement, mais de l’infirmer en ce qu’il a retenu la responsabilité de l’établissement en raison de la prétendue survenance d’une infection nosocomiale, de dire irrecevable en ce qu’elle est nouvelle en appel la demande de Mme [L] [L] tendant à l’octroi d’une indemnité spécifique et autonome formulée devant la cour au titre d’un défaut d’information. Ils font valoir que l’infection est secondaire à une nécrose favorisée par une consommation excessive de tabac. En conséquence, ils demandent de prononcer la mise hors de cause pure et simple de l’établissement, de débouter Mme [L] [L] de toutes ses demandes et de la condamner à verser à l’établissement et à son assureur la somme de 3 000 euros chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Formant appel incident, Mme [L] [L] demande aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 3 avril 2013 de confirmer le jugement en ce qu’il a retenu la responsabilité de l’Institut [1] du fait de l’infection nosocomiale contractée mais de l’infirmer en ce qu’il a fixé à la somme de 35 408 euros l’indemnisation lui revenant au titre des préjudices extra-patrimoniaux, entendant obtenir à ce titre le paiement d’une somme de 70 408 euros en y incluant la réparation d’un préjudice moral spécifique lié au défaut d’information à hauteur de 35 000 euros s’ajoutant à l’indemnisation des préjudices liés à l’infection nosocomiale telle que fixée par le tribunal à 35 408 euros. A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour procéderait à une substitution de motifs en retenant une faute technique commise par le chirurgien, elle demande de retenir Ie principe de responsabilité de l’Institut [1] dans les termes du jugement et de dire que l’équipe médicale a commis une faute au décours de l’acte opératoire du 5 juin 2003 du fait d’une disproportion entre le souhait initial de la patiente et le bénéfice attendu d’une telle chirurgie et les rançons cicatricielles qui lui ont été causées, pour lui allouer la somme de 70 408 euros. Elle demande de dire que la somme allouée portera intérêts calculés au taux légal à compter du jugement du 13 février 2012 et capitalisés au 13 février 2013. Elle sollicite une indemnité de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile s’ajoutant à celle allouée en première instance.

La déclaration d’appel et les conclusions des appelants ont été régulièrement signifiées les 9 mai et 27 juin 2012 à la Caisse primaire d’assurance maladie de Limoux, qui n’a pas constitué avocat ni fait connaître le montant de ses débours.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le manquement au devoir d’information n’est plus invoqué par Mme [L] [L] devant la cour qu’au soutien d’une demande d’indemnisation d’un préjudice moral autonome, qui n’avait pas été formulée en première instance. Or, selon l’article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent à peine d’irrecevabilité soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les prétentions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait, ce qui n’est pas le cas. Si l’article 565 du même code précise que les prétentions ne sont pas nouvelles lorsqu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent, en l’espèce le préjudice moral dont il est demandé réparation ne tend pas à la fin initialement poursuivie de l’indemnisation d’un préjudice corporel. La prétention nouvelle ainsi formulée sera en conséquence déclarée irrecevable.

L’article L. 1142-1 I du code de la santé publique issu de l’article 98 de la loi 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, applicable en la cause, dispose, en son premier alinéa, que les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute et, en son second alinéa, que les établissements de santé sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère. Dans ce cas, il appartient au patient de démontrer le caractère nosocomial de l’infection dont il a été atteint.

En l’espèce, il ressort des éléments recueillis par les experts que dans les suites de l’intervention chirurgicale du 5 juin 2003, qui a consisté à prélever une palette cutanée de lambeau de grand droit abdominal en péri-ombilical pour le passer dans la loge mammaire, une température de 39°2 a été notée le 7 juin 2003, une nécrose de la cicatrice abdominale le 15 juin et la mise sous antibiotiques (bristopen) le 16 juin. Lorsque la patiente est sortie de l’établissement le 20 juin 2003, le docteur [B] a mentionné l’apparition au dixième jour d’un écoulement septique par la partie externe gauche de la cicatrice abdominale et l’apparition également d’une nécrose partielle surinfectée de la partie basse de l’ombilic transposé. Revoyant la patiente en consultation, le docteur [B] notait, le 26 juin, la disparition de tout écoulement que ce soit au niveau de la partie externe gauche que de l’ombilic ainsi qu’une nécrose de la moitié de l’ombilic puis, le 26 juillet 2003, une cicatrisation acquise depuis la mi-juillet. Le docteur [T] ensuite consulté le 5 janvier 2004 observait à son tour que les suites avaient été compliquées d’une nécrose ombilicale et que tout était parfaitement cicatrisé.

A aucun moment, les experts n’ont qualifié de nosocomiale l’infection post opératoire contractée par Mme [L] [L]. Le dossier médical dont ils ont pris connaissance n’a pas non plus révélé la nature exacte du germe responsable de l’écoulement qui a été observé concomitamment à l’apparition de la nécrose surinfectée. Ce n’est que plusieurs années après l’intervention, à l’occasion d’un examen pratiqué le 17 janvier 2007 par le docteur [H], que celui-ci mentionnera dans un certificat remis à la patiente que les suites opératoires « se sont compliquées d’un hématome avec surinfection à staphylocoque doré de la paroi abdominale » et retiendra que les douleurs abdominales de la patiente prennent leur origine dans les complications post chirurgicales du lambeau réalisé, imputées à « ce qu’il est convenu d’appeler une infection nosocomiale », en ajoutant « c’est en ces termes que Mme [L] souhaite voir reconnaître son état afin d’obtenir réparation ». Or, cet avis n’est corroboré par aucune constatation ni analyse contemporaines de l’intervention, ni exprimé par aucun des autres médecins consultés entre janvier 2004 et juin 2008 par Mme [L] [L].

Il s’ensuit que la preuve du caractère nosocomial de l’infection n’est pas rapportée. C’est donc à tort que le tribunal a retenu la responsabilité de l’établissement de santé en application de l’article L. 1142-1 I alinéa 2 du code de la santé publique, étant ajouté que l’infection dont les effets sont demeurés limités dans le temps ne pouvait en aucun cas être à l’origine des préjudices permanents dont l’indemnisation a été accordée.

Quant aux douleurs mentionnées au titre des séquelles de la reconstruction, les experts ont relevé qu’elles se révélaient à la palpation de l’abdomen au niveau de la fosse illiaque gauche et de la région hypogastrique mais qu’elles étaient mal systématisées par la patiente et ne pouvaient conduire à un diagnostic précis d’autant que les divers examens cliniques, échographiques, radiologiques pratiqués auparavant n’avaient pas révélé de cause objective. Ils ont retracé les consultations ayant eu lieu à ce titre, et notamment le 29 décembre 2004 auprès du docteur M. [V], algologue, lequel a observé que la patiente se plaignait de plusieurs types de douleurs, dans les deux tibias, dans la région sternale, et dans la région pelvienne, dont il n’a pas pu définir l’étiologie. Les expert ont en tout cas pu affirmer que les soins prodigués avaient été consciencieux, attentifs et conformes aux règles de l’art et données actuelles de la science et conclu qu’il n’existait aucun manquement pouvant être reproché à l’Institut [1] en relation directe et certaine avec l’état de l’intéressée. Il en résulte qu’aucune faute technique ne peut engager la responsabilité de l’établissement comme l’a à juste titre retenu le tribunal, y compris au titre des cicatrices inhérentes à l’acte opératoire dont la réalisation a été considérée par les experts exempte de toute critique.

En dénonçant une disproportion entre le bénéfice attendu de l’intervention et les rançons cicatricielles pour solliciter une indemnisation équivalente à celle réclamée au titre des préjudices liés à l’infection nosocomiale et du préjudice moral lié au défaut d’information, ceci « dans l’hypothèse où la cour souhaiterait procéder à une substitution de motifs », Mme [L] [L] dénonce en fait la qualité de l’information reçue quant aux conséquences des actes envisagés. Or, les experts ont décrit toutes les étapes de l’information qui lui a été délivrée depuis l’époque où la mastectomie a été décidée le 25 juin 2001 jusqu’au 9 avril 2003. Au cours des consultations ayant eu lieu dans cet intervalle, la patiente qui avait exprimé son refus d’une reconstruction faisant appel à du matériel prothétique a été informée de la technique de reconstruction par lambeau musculaire du grand droit. A cette occasion le chirurgien a bien précisé quelle serait la rançon cicatricielle. C’est ainsi que les experts ont pu retenir que les éléments d’information donnés à la patiente avant l’intervention avaient été satisfaisants et qu’elle avait eu la possibilité d’accepter ou de refuser les traitements qui lui avaient été proposés. Les premiers juges ont à juste titre entériné ces conclusions en écartant tout manquement au devoir d’information.

Il est équitable de compenser à hauteur de 2 000 euros les frais non compris dans les dépens que les intimés ont été contraints ensemble d’exposer.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

Dit irrecevable comme nouvelle en appel la demande d’indemnisation d’un préjudice moral spécifique lié à un défaut d’information,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a écarté tout manquement à l’obligation d’information dont l’Institut [1] devrait répondre et non conformité aux règles de l’art des soins dispensés,

L’infirme en ce qu’il a dit que l’Institut [1] engageait sa responsabilité du fait d’une infection nosocomiale contractée en post-opératoire et l’a condamné avec son assureur la Société hospitalière d’assurances mutuelles (Sham) à indemniser Mme [L] [L] de son préjudice corporel et à supporter les dépens ainsi qu’une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau,

Déboute Mme [L] [L] de toutes ses demandes,

La condamne aux dépens exposés en première instance et en appel et à verser à l’Institut [1] et à la Société hospitalière d’assurances mutuelles (Sham) la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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