Cour d'appel de Paris, 14 février 2013, n° 11/04777

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 14 févr. 2013, n° 11/04777
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 11/04777
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 24 octobre 2010, N° 09/07409

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 5

ARRÊT DU 14 Février 2013

(n° 10 , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 11/04777

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Octobre 2010 par le conseil de prud’hommes de Paris – Section activités diverses – RG n° 09/07409

APPELANTE

Madame B Y

XXX

XXX

représentée par Me Cécile AIACH, avocat au barreau de PARIS, toque : E1366

INTIMÉE

SAS PENELOPE

XXX

XXX

représentée par Me Jean-Marc SPORTOUCH, avocat au barreau de LYON, toque : 606 substitué par Me Anaïs MASDUPUY, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 janvier 2013, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Z A, Conseillère , chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Renaud BLANQUART, Président

Madame Z-Marie GRIVEL, Conseillère

Madame Z A, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— signé par Monsieur Renaud BLANQUART, Président et par M. Franck TASSET, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame Y a été engagée le 12 décembre 2007 en qualité d’hôtesse d’accueil standardiste par la SAS PENELOPE, moyennant un salaire mensuel brut de 1.321 euros.

La société PENELOPE occupe plus de 1.000 salariés et fournit à ses clients des prestations de standard et d’accueil. Elle a affecté Madame Y au site de la compagnie GENERALI à Saint Denis.

En 2009, elle a perdu ce marché qui a été confié à la société X. Celle-ci a accepté de reprendre les salariés qui travaillaient sur le site.

C’est dans ces conditions que Madame Y, comme d’autres salariés, s’est vu proposer de donner sa démission, ce qu’elle a fait par lettre du 15 janvier 2009, à effet au 27 janvier suivant ; parallèlement, elle a signé avec la société X un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au 28 janvier 2009, avec maintien de son salaire et de son ancienneté.

Madame Y a saisi le Conseil de Prud’hommes de Paris le 4 juin 2009, en soutenant qu’elle avait en réalité fait l’objet d’un licenciement économique déguisé, sa démission lui ayant été imposée.

Par jugement en date du 25 octobre 2010, ce conseil l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes, a débouté la société PENELOPE de sa demande reconventionnelle, et a condamné la salariée aux dépens.

Il a été retenu que la salariée avait été informée de la perte de marché et de la proposition de la reprise de son contrat de travail faite par la société X ; qu’elle a donné sa démission en toute connaissance de cause, et nullement sous la contrainte ; que le nouveau contrat ainsi signé lui a permis de conserver la même affectation, les mêmes fonctions, la même rémunération et la même ancienneté que chez son précédent employeur, sans aucune discontinuité.

Madame Y a interjeté appel de cette décision.

Réprésentée par son Conseil, Madame Y a, à l’audience du 11 janvier 2013 développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier et complétées verbalement, aux termes desquelles, elle demande à la Cour de :

— requalifier sa démission en licenciement.

— prononcer la nullité du licenciement.

— condamner la société PENELOPE à lui payer :

15.987,88 euros au titre de la réparation du préjudice subi du fait de la nullité du licenciement économique (absence de plan de sauvegarde de l’emploi).

1.321 euros au titre de l’indemnité de préavis.

132,10 euros au titre des congés payés sur préavis.

264,20 euros à titre d’indemnité légale de licenciement.

1.321 euros au titre du non respect de la procédure de licenciement.

91,65 euros à titre de rappel de salaire pour le mois de janvier 2009 (absence personnelle).

— subsidiairement, dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et condamner l’employeur au paiement des mêmes sommes de ce chef.

— dire que ces condamnations seront assorties de l’intérêt légal à compter du 2 juin 2009.

— condamner la société PENELOPE à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Elle expose que sa lettre de démission lui a été dictée par son employeur, et qu’elle est exempte de volonté non équivoque compte tenu des circonstances, et notamment des pressions qui ont permis à l’employeur d’obtenir la démission de 8 salariés de la société, cinq autres ayant été licenciés, sur les 17 qui travaillaient sur le site GENERALI ; que l’offre d’embauche de la société X était limitée dans le temps, ce qui était de nature à accroître la pression exercée sur les salariés.

Elle fait valoir qu’il s’agit en réalité d’un licenciement économique déguisé ; que dans les circonstances de perte d’un marché, l’employeur devait mettre en oeuvre une procédure de licenciement, et proposer au besoin aux salariés une modification de leur contrat de travail ; qu’il s’agit donc d’une fraude à la procédure de licenciement économique, alors qu’il s’agissait de la suppression massive de 17 postes d’hôtesses (trois étant en définitive restées dans l’entreprise) ; que les salariées ont ainsi privées du droit qu’elles tenaient de la loi, et qui auraient permis la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi.

Réprésentée par son Conseil ,la société PENELOPE a, à l’audience du 11 janvier 2013 développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles, elle demande à la Cour de :

— débouter la salariée de l’ensemble de ses demandes.

— de la condamner à lui restituer la somme de 32,73 euros sur le fondement du principe de la répétition de l’indu.

— de la condamner au paiement de la somme de 836,66 euros au titre du préavis non effectué.

— de la condamner au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Elle expose que les dispositions de l’article L 1224-1 du Code du travail ne s’appliquaient pas au marché, mais que dès lors que le repreneur acceptait de reprendre les salariées qui travaillaient sur le site, rien ne s’y opposait, sous réserve de l’accord des intéressées ; que c’est dans ces conditions que la salariée a accepté la proposition qui lui était faite par la société X, et qu’elle a adressé une lettre de démission, indiquant qu’elle n’effectuerait pas son préavis en totalité.

Elle fait valoir que les conditions de la reprise du marché par la société X et la proposition d’engagement de cette société ont été parfaitement expliquées à toutes les salariées concernées, qui ont ainsi pu se déterminer en toute connaissance de cause, et décider de conserver le même poste plutôt que de s’exposer à une modification de leur contrat de travail consécutive à la perte du marché, ou à la mise en oeuvre par l’employeur de la clause de mobilité contractuelle ; que Madame Y a accepté la proposition qui lui était faite parce qu’elle était intéressante pour elle, et qu’elle ne justifie nullement de la contrainte qu’elle invoque.

Elle souligne que nonobstant la perte du marché GENERALI, elle ne rencontre aucune difficulté financière, et n’aurait donc pas mis en oeuvre de licenciement économique si la salariée avait décidé de ne pas démissionner ; que les salariés qui ont été licenciés l’ont été non pour motif économique, mais pour avoir refusé le poste qui leur avait été proposé par application de la clause de mobilité contractuelle.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère aux dernières écritures des parties, visées par le greffier, et réitérées oralement à l’audience.

DISCUSSION

— Sur la demande de rappel de salaire

Madame Y sollicite le paiement d’une somme de 91,65 euros à titre de rappel de salaire sur le mois de janvier 2009, correspondant à une retenue effectuée sur son bulletin de paie pour absence personnelle.

L’employeur indique qu’il s’agit d’absences et de retard les 12, 16, 22, 23, 26 et 27 janvier, et sollicite reconventionnellement le paiement de 32,73 euros non retenus sur le salaire, correspondant à 3,75 heures de travail non effectuées et payées.

Les absences et retards de Madame Y sont attestés par le relevé d’horaires versé aux débats, et elle ne produit de son côté aucune pièce dont il résulterait qu’elle aurait été présente à ces dates et heures.

Elle sera déboutée de ce chef de demande. L’employeur, qui a volontairement renoncé à effectuer une retenue pour une partie des retards, ne peut se prévaloir des règles régissant la répétition de l’indu, qui supposent qu’une erreur ait été commise.

Il sera débouté de sa demande reconventionnelle à ce titre.

— Sur la démission

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

Il est soutenu par Madame Y qu’en l’espèce, la lettre de démission a été rédigée à la demande de son employeur, et sous la menace de perdre son emploi, de sorte que sa volonté de mettre fin à la relation contractuelle serait équivoque. Elle fait valoir que les pressions exercées par l’employeur sont établies par le nombre de démissions qu’il a obtenues, d’autres salariées qui avaient refusé de démissionner ayant ensuite été licenciées pour faute grave.

Il convient de préciser sur ce point que les licenciements pour faute grave intervenus l’ont été en raison du refus par les salariés concernés d’accepter la nouvelle affectation proposée par l’employeur (dans deux cas, le Conseil de Prud’hommes a retenu que l’employeur avait modifié le contrat de travail, et a déclaré ces licenciements dépourvus de cause réelle et sérieuse).

Il ressort de la lecture de la lettre de démission que celle-ci est rédigée dans des termes dépourvus de toute équivoque. Par ailleurs, elle a été donnée par la salariée le 19 janvier 2009, à effet au 27 janvier 2008. Or Madame Y n’a jamais émis par la suite la moindre intention de se rétracter, ni au cours des dix jours durant lesquels elle a poursuivi son contrat de travail, ni lors de la signature de son nouveau contrat de travail, ni durant les premières semaines de son travail chez X. Ce n’est que près de quatre mois plus tard qu’elle a saisi le Conseil de Prud’hommes et indiqué pour la première fois qu’elle avait agi sous la contrainte afin de solliciter une indemnisation.

Avant même de donner sa démission, elle était informée depuis le mois de novembre 2008 de ce que son employeur avait perdu le marché GENERALI. Il est constant que ces circonstances ne pouvaient qu’avoir un effet sur les conditions de vie et de travail des salariés concernés, et que l’incertitude quant à leur avenir, le risque de voir leurs conditions de travail modifiées, voire de s’exposer à un licenciement, ne pouvait qu’influencer le choix d’accepter ou non l’offre de la société X.

Toutefois ces craintes légitimes ne peuvent caractériser les pressions exercées par l’employeur, qui en tout état de cause se trouvait dans l’impossibilité de conserver ses salariées au même poste, et ne pouvait donc que les en informer lorsqu’elle leur a présenté l’offre du repreneur. Il convient à cet égard de relever que le fait que cet offre d’embauche ait été à accepter dans la semaine n’est pas imputable à la société PENELOPE, et qu’en outre, il s’agit d’une exigence légitime dès lors que la société X devait pouvoir définir le nombre d’embauches qu’elle aurait à mettre en oeuvre.

C’est dans ces circonstances de fait, connues de Madame Y, qu’elle a dû choisir entre rester chez son employeur actuel, et prendre le risque d’une affectation qui ne lui conviendrait pas par le jeu de la clause de mobilité insérée à son contrat, ou changer d’employeur, à ancienneté et salaire constants, avec une définition de poste modifiée.

Elle a choisi de façon tout à fait éclairée la seconde possibilité, et les éléments du dossier ne permettent pas de requalifier la démission en rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur.

Le jugement du Conseil de Prud’hommes sera donc confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de toutes ses demandes.

*

Il ressort de l’ensemble des pièces de la procédure que l’employeur a accepté que Madame Y n’exécute son préavis que pour la partie précédant la signature du nouveau contrat de travail, de sorte qu’il n’est pas fondé à revenir sur cet accord non équivoque quoique tacite. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté la société PENELOPE de sa demande en paiement de la partie du préavis non exécutée.

*

Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de la société PENELOPE la totalité des frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris.

Y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Condamne Madame Y aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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