Cour d'appel de Paris, 31 octobre 2013, n° 12/16888

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 31 oct. 2013, n° 12/16888
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 12/16888
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, JEX, 13 septembre 2012, N° 12/81942

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 8

ARRET DU 31 OCTOBRE 2013

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 12/16888

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 septembre 2012 – Juge de l’exécution de PARIS – RG n° 12/81942

APPELANTE

Société FEDERAL STATE UNITARY ENTREPRISE 'F SATELLIT I’ agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

XXX

XXX

XXX

FEDERATION DE RUSSIE

Représentée par la SCP BOLLING – DURAND – LALLEMENT en la personne de Me Frédéric LALLEMENT, avocats au barreau de PARIS (toque : P0480)

Assistée de l’AARPI BELOT MALAN & ASSOCIES en la personne de Me Alexandre MALAN, avocats au barreau de PARIS (toque : P0574)

INTIMEE

Société Z D E INC prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

XXX

XXX

XXX

XXX

Représentée par la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE en la personne de Me Luca DE MARIA, avocats au barreau de PARIS (toque : L0018)

Assistée de la FOLEY HOAG AARPI en la personne de Me Hery Frédéric RANJEVA, avocats au barreau de PARIS (toque : B1190)

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 19 Septembre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Alain CHAUVET, Président

Madame Martine FOREST-HORNECKER, Conseillère

Madame A B, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Emilie GUICHARD

ARRET CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile

— signé par Monsieur Alain CHAUVET, président et par Madame Emilie GUICHARD, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

En vertu d’une sentence arbitrale rendue le 3 décembre 2004 par le tribunal arbitral ad hoc de la Cour d’arbitrage internationale de la chambre de commerce et d’industrie de MOSCOU, revêtue de l’exequatur le 14 mars 2008 par ordonnance du président du Tribunal de grande instance de PARIS confirmée par arrêt de la cour d’appel de Céans du 18 mars 2010, la société Z D E, ci-après « Z », a fait procéder, par acte du 28 février 2008, au préjudice de la société FEDERAL STATE UNITARY ENTREPRISE « F D E I », ci-après « Y », à une saisie conservatoire entre les mains de la société EUTELSAT à hauteur de 42 820 438,44 euros, saisie convertie en saisie-vente par acte du 28 septembre 2010 pour avoir paiement de la somme de 56 330 971,66 euros.

Par jugement du 30 juin 2011, le Juge de l’exécution de PARIS, entre autres dispositions, déclarait irrecevable la demande d’annulation et de mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée entre les mains de la société EUTELSAT SA le 28 février 2008 et limitait les effets de l’acte de conversion du 28 septembre 2010 à la somme totale de 42 870 000 euros.

Par arrêt rendu le 31 janvier 2013, la cour de Céans a confirmé ce jugement sauf en ce qu’il avait limité les effets de l’acte de conversion au principal de la créance, et statuant à nouveau de ce chef, a :

— dit que les intérêts applicables à la condamnation résultant de la sentence arbitrale du 3 décembre 2004 est le taux LIBOR EURO à un an,

— dit que le calcul des intérêts sera effectué en appliquant l’option numéro 3 développée à la pièce n°24 de l’intimée, consultation du cabinet PWC du 16 avril 2012, soit le « Taux à J-2 et base de calcul réel/365 », les intérêts étant dus jusqu’au règlement du principal et recouvrables en exécution de l’acte de conversion du 28 septembre 2010.

Entre temps, par acte du 20 avril 2012, Z avait fait pratiquer une saisie-attribution de toutes créances entre les mains de la société EUTELSAT, mesure contestée par Y devant le juge de l’exécution de PARIS, lequel, par jugement du 14 septembre 2012, a :

— débouté la société FEDERAL STATE UNITARY ENTERPRISE « F D E I » de l’intégralité de ses demandes,

— condamné la société FEDERAL STATE UNITARY ENTERPRISE « F D E I » à payer à la société ORlON D E INC la somme de 15 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

La société FEDERAL STATE UNITARY ENTREPRISE 'F D E I’ a interjeté appel de ce jugement, par déclaration reçue au greffe le 18 septembre 2012. Par dernières conclusions du 11 septembre 2013, elle demande à la cour de :

A titre principal :

— ordonner le sursis à statuer en attendant que la cour d’appel de PARIS se prononce sur la demande de révision de l’arrêt d’exequatur du 18 mars 2010 qui fonde la saisie contestée,

— ordonner le sursis à statuer en attendant l’issue de la procédure pénale engagée sur la base de la plainte pénale avec constitution de partie civile en date du 1er juin 2013,

A titre subsidiaire :

— infirmer la décision dont appel, et statuant à nouveau,

— sur la nullité de l’acte de saisie : déclarer nul en la forme l’acte de saisie du 20 avril 2012, et subsidiairement en ce qu’il porte sur des actifs déjà saisis par voie de saisie antérieure couvrant les dividendes,

— sur l’immunité d’exécution dont bénéficie Y, déclarer nulle la saisie et en ordonner mainlevée en tant qu’elle porte sur des actifs soumis à immunité d’exécution,

Dans tous les cas,

— débouter Z de l’ensemble de ses prétentions, fins et conclusions

— la condamner à payer à Y la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de première instance et d’appel.

Par dernières conclusions du 4 septembre 2013, la société Z D E INC, intimée, demande à la cour de débouter l’appelante de toutes ses demandes, fins et prétentions et de la condamner, en application de l’article 700 du Code de procédure civile, à lui payer la somme de 25 000 euros, ainsi qu’aux entiers dépens.

SUR CE, LA COUR

Qui se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, à leurs écritures et au jugement déféré,

Sur la demande de sursis à statuer

' dans l’attente du résultat du recours en révision

Considérant que Y sollicite qu’il soit sursis à statuer, exposant qu’elle se trouve confrontée à la revendication des actions EUTELSAT par une société X, devenue HFC, partenaire d’un contrat tripartite conclu le 11 juillet 2002 avec elle-même et Z, dont les effets auraient été dissimulés à l’arbitre, mais en vertu desquels HFC et Z se seraient frauduleusement entendues pour que l’une perçoive les 42 millions d’euros objet de la sentence, tandis que l’autre revendiquerait les actions EUTELSAT comme sa propriété, les deux condamnations la frappant dès lors cumulativement et non plus alternativement, comme prévu au contrat du 11 juillet 2002, et qu’elle a pour ce motif engagé une action en révision de l’arrêt confirmant l’exequatur ;

Mais considérant qu’en application de l’article R 121-1 du Code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution ne peut suspendre l’exécution du titre servant de fondement aux poursuites ; qu’un éventuel sursis à statuer doit donc être examiné avec la plus grande circonspection ; que, par ailleurs, Y expose avoir obtenu du président du Tribunal de commerce de Paris, par ordonnances du 19 juillet 2013, le séquestre des actions et des dividendes saisis par Z jusqu’à ce qu’il ait été statué sur les prétentions de HFC sur les titres EUTELSAT ; que la demande sera donc rejetée ;

' dans l’attente de l’issue de la procédure pénale

Considérant que cette demande ne peut qu’être rejetée, les dispositions de l’article 4 du Code de procédure pénale n’étant pas applicables à une procédure d’exécution en cours, fondée sur un titre exécutoire ;

Sur l’immunité d’exécution

Considérant que Y soutient que les actions qu’elle détient dans la société EUTELSAT seraient la propriété de l’Etat russe et non la sienne et insaisissables en raison de l’immunité d’exécution dont elle bénéficierait au regard de la qualité qu’elle revendique d’émanation de l’Etat russe ; qu’à ce titre elle fait valoir qu’elle est directement contrôlée par l’Etat, se trouvant sous la tutelle de l’Agence fédérale des Télécommunications ; que ses dirigeants sont nommés par l’Etat ; qu’elle n’a pas de patrimoine propre, ses statuts précisant que « les biens de l’entreprise sont la propriété de la Fédération » ;

Considérant cependant que Y ne justifie en cause d’appel d’aucun moyen ni élément nouveau de nature à remettre en cause la solution retenue par le premier juge à l’issue d’un examen approfondi des pièces produites et des moyens des parties, par des motifs justement tirés des faits de la cause et des textes applicables, et que la Cour adopte, étant encore observé que :

— si les états étrangers et les organismes qui en constituent l’émanation bénéficient de l’immunité de juridiction dans la mesure où l’acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature et sa finalité, à l’exercice de la souveraineté de ces états, ce que revendique Y, il est par ailleurs nécessaire de caractériser, pour déterminer la qualité d’émanation, tant l’absence de patrimoine propre que l’absence d’autonomie structurelle, organique et décisionnelle de l’organisme par rapport à l’état considéré,

— en l’espèce, ainsi que l’a relevé le premier juge, les statuts de Y prévoient que les biens qui lui sont affectés par l’Etat sont néanmoins « sous gestion économique de l’entreprise », et que celle-ci bénéficie de la possession, de l’usage et de la disposition de ces biens, sous la seule réserve de certains actes de dispositions requérant l’approbation préalable de l’Etat,

— ainsi la preuve de la confusion des patrimoines de la FEDERATION DE RUSSIE et de la Y n’est pas formellement rapportée, pas plus que ne l’est celle d’un contrôle étatique permanent dans le fonctionnement quotidien de l’entreprise qui pourrait caractériser une émanation,

— c’est vainement que Y fait valoir que les actions qu’elle détient dans EUTELSAT relèveraient d’un statut particulier dérogatoire d’abord en vertu d’un décret n° 14 du 5 janvier 1995, en tant qu’appartenant selon elle à la Fédération de Russie, ensuite en vertu d’un article 6-2 sur les entreprises unitaires d’Etat qui prévoit que seul l’Etat peut autoriser la vente de tels biens, dès lors qu’ il résulte de l’article 8 des statuts de la société EUTELSAT, société de droit français, que « La propriété des actions résulte de leur inscription au nom du ou des titulaires sur les registres tenus à cet effet au siège social », Y ne contestant pas être le propriétaire ainsi désigné, et étant par ailleurs observé que Y, qui n’en explique pas les raisons, s’est passée tant de l’autorisation que de la présence de l’Etat russe lors de la conclusion du contrat du 4 octobre 2001, se comportant en propriétaire à part entière,

— enfin, à supposer même que Y puisse être considérée comme une émanation de la FEDERATION DE RUSSIE, force est de constater qu’ayant contracté envers Z par acte du 4 octobre 2001 l’obligation « irrévocable et inconditionnelle » de lui céder vingt millions d’actions de la société EUTELSAT, l’appelante, en prenant l’engagement par la clause d’arbitrage insérée audit acte, ainsi rédigée : « La sentence arbitrale sera définitive et aura force obligatoire pour les deux parties et fera l’objet d’une exécution volontaire par chacune des parties », d’exécuter volontairement cette sentence, a renoncé à toute immunité d’exécution dont elle aurait pu se prévaloir, l’acceptation du caractère obligatoire de la sentence qui résulte de celle de la convention d’arbitrage opérant, sauf clause contraire, une renonciation à l’immunité d’exécution ;

— la plainte pour faux et usage de faux qu’a cru devoir déposer Y le 1er juillet 2013, dix ans après sa signature, contre « l’Avenant n°1 » du contrat contenant son engagement d’exécution volontaire n’est pas de nature à en faire disparaître la portée en la présente instance ;

Que, pour ces motifs et ceux adoptés du premier juge, le jugement sera confirmé de ce chef ;

Sur la régularité en la forme de l’acte de saisie

Considérant que Y poursuit la nullité de l’acte de saisie en ce que le délai de distance de deux mois prévu à l’article 643 du Code de procédure civile, s’il a bien été mentionné dans la dénonciation de la saisie-attribution qui lui a été adressé, ne figure pas dans l’acte de saisie lui-même, lequel indique au tiers saisi que « le débiteur dispose d’un délai d’un mois pour contester », ce qui lui causerait grief en ce que le tiers saisi pourrait être amené à régler les causes de la saisie avant que le débiteur lui-même ait pu bénéficier des deux mois supplémentaires pour contester, et de façon plus générale en ce que l’absence de cette mention serait de nature à remettre en cause la sécurité du dispositif mis en place par le législateur ;

Mais considérant que c’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a retenu que Y ne pouvait se prévaloir d’aucun grief, l’acte dont elle a été destinataire portant bien la mention des deux mois supplémentaires, même si, ayant formé sa contestation le 30 mai 2012, elle affirme que c’est volontairement qu’elle n’a utilisé qu’un seul des trois mois prévus, dans la crainte d’un paiement prématuré, sans toutefois démontrer en quoi la non-utilisation du surplus du délai -qu’elle impute par ailleurs, de façon contradictoire, au fait qu’elle ne savait pas si l’acte de dénonciation qui allait lui être remis serait bien conforme aux dispositions de la Convention de La Haye-, lui ait causé préjudice, se bornant à la simple affirmation qu’il « ne saurait être contesté que sa situation eût été plus favorable » si ce délai avait été mentionné dans l’acte de saisie, affirmation insuffisante à constituer le grief nécessaire ;

Qu’au surplus, le grief de nature à entraîner la nullité de la saisie doit avoir été réellement éprouvé par la partie qui l’allègue et ne peut résulter de considérations générales ou d’éventualités non réalisées ; que, Y ayant effectivement introduit valablement son recours, il lui appartenait, la charge de la preuve de l’existence d’un grief pesant sur elle, et si le courrier de l’huissier évoqué par le premier juge, selon lequel il n’avait pas établi de certificat de non-contestation, ne lui paraissait pas suffisant, de se rapprocher du greffe afin de démontrer, le cas échéant qu’un certificat de non-contestation aurait été émis prématurément, élément qu’elle pouvait parfaitement obtenir tout aussi bien que son adversaire ;

Que le jugement sera donc confirmé de ce chef ;

Sur l’indisponibilité des sommes objets de la saisie

Considérant que Y soutient encore que la saisie serait nulle en ce qu’elle porte sur des actifs déjà couverts par une précédente saisie effectuée le 28 septembre 2008, laquelle, portant sur les actions EUTELSAT, porterait aussi sur leurs accessoires, en particulier les dividendes associés à ces actions, et reproche au premier juge d’avoir considéré à tort que la saisie des dividendes querellée n’avait pas le même objet ;

Mais considérant que le premier juge a exactement retenu qu’ainsi que le fait remarquer Z, l’indisponibilité des sommes ou actifs précédemment saisis a pour objet de préserver les droits du premier saisissant, et qu’en l’espèce, Z étant à l’origine des deux saisies, rien ne s’oppose à la saisie-attribution des dividendes peu important que la première saisie ait également porté sur eux à titre d’accessoires ;

Considérant, toutes demandes de l’appelante étant rejetées, que le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant que Y qui succombe supportera les dépens d’appel, conservera la charge des frais irrépétibles qu’elle a exposés et versera à Z en application de l’article 700 du Code de procédure civile une somme de 20 000 euros ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement

REJETTE la demande de sursis à statuer ;

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE la société FEDERAL STATE UNITARY ENTREPRISE « F D E I » à payer à la société Z D E la somme de 20 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande ;

CONDAMNE la société FEDERAL STATE UNITARY ENTREPRISE « F D E I » aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,

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