Cour d'appel de Paris, 5 décembre 2013, n° 12/11001

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 5 déc. 2013, n° 12/11001
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 12/11001
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bobigny, 9 mai 2012, N° 10/08149

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 2

ARRET DU 05 DECEMBRE 2013

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 12/11001

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mai 2012 – Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY – RG n° 10/08149

APPELANTE

SA GDF SUEZ représentée par son président en exercice

XXX

XXX

Représentée par Me Laurence TAZE BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0042, avocat postulant

Représentée par Me Tamar KATZ, avocat au barreau de PARIS, toque : G0236, avocat plaidant

INTIME

Syndicat CGT FORCE OUVRIERE DE LA BRANCHE ENERGIE FRANCE DE GDF SUEZ SA (EFFO) représenté par son secrétaire général

XXX

XXX

Représentée par Me Michel GUIZARD, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020, avocat postulant

Représentée par Me Karim CHEBBANI, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 17 octobre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Nicolas BONNAL, Président

Madame Martine CANTAT, Conseiller

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

— contradictoire

— rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur Nicolas BONNAL, Président et par Madame FOULON, Greffier .

Statuant sur l’appel interjeté par la SA GDF SUEZ à l’encontre d’un jugement rendu le 10 mai 2012 par le tribunal de grande instance de Bobigny, qui a :

— déclaré le syndicat CGT Force Ouvrière de la Branche Energie France de la SA GDF SUEZ (EFFO) recevable en ses demandes,

— dit que l’accord du 6 octobre 2008 ne pouvait être opposé aux agents ayant opté pour une réduction collective du temps de travail (RCTT) en ses dispositions concernant la récupération des jours de repos positionnés sur des jours normalement non travaillés,

— constaté que les autres demandes étaient devenues sans objet,

— condamné la SA GDF SUEZ à payer au syndicat EFFO la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société défenderesse aux dépens,

Vu les conclusions signifiées le 15 février 2013 et soutenues à l’audience du 17 octobre 2013 par lesquelles la société GDF SUEZ demande à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré sans objet les demandes du syndicat EFFO tendant à voir déclarer inapplicable le régime conventionnel de la récupération des JNT (jours non travaillés) coïncidant avec un jour férié pour les agents soumis à une «'amplitude élargie'»,

— l’infirmer pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

— déclarer irrecevable la demande du syndicat Energie Europe Force Ouvrière de GFD SUEZ (syndicat EFFO) tendant à faire échec à l’application des dispositions conventionnelles excluant la récupération des JNT qui coïncideraient avec un jour férié chômé autre que le 1er mai ou le 25 décembre,

A titre subsidiaire,

Vu l’accord local du 6 octobre 2008 de l’établissement Energie France,

— constater que les agents travaillant dans le cadre d’une réduction collective du temps de travail (RCTT) sont volontaires,

— constater que les agents ayant opté pour la RCTT ont une durée de travail hebdomadaire fixée à 32 heures et bénéficient d’un JNT par semaine,

— constater que ce jour normalement non travaillé octroyé en vertu de l’adhésion individuelle au dispositif de la RCTT est un jour de repos supplémentaire ne devant donner lieu à aucune récupération en cas de coïncidence avec un jour férié, à l’exception du 1er mai et du 25 décembre,

— constater en tout état de cause que le jour non travaillé n’est pas octroyé au titre d’un aménagement du temps de travail,

Par conséquent,

— dire et juger conformes aux principes en vigueur et pleinement applicables aux agents en RCTT de la société GDF SUEZ prise en son établissement Energie France les dispositions conventionnelles de l’accord local du 6 octobre 2008 de l’établissement Energie France selon lesquelles «'bénéficieront, comme les agents à temps choisi, de la récupération exceptionnelle de deux jours fériés, le 1er mai et le 25 décembre, si ces deux jours surviennent un jour normalement non travaillé pour ces agents'» (page 11 de l’accord local),

— débouter le syndicat Energie Europe Force Ouvrière de GFD SUEZ (syndicat EFFO) de l’ensemble de ses demandes plus amples ou contraires,

— le condamner à lui verser la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— le condamner aux entiers dépens,

Vu les conclusions signifiées le 11 novembre 2012 et soutenues à l’audience du 17 octobre 2013 par lesquelles le syndicat CGT-FO de la Branche Energie France de la SA GDF SUEZ (EFFO) demande à la cour de :

— déclarer mal fondée la société GDF SUEZ en son appel,

— la débouter de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

— confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

— condamner la société GDF SUEZ à lui payer la somme de 3 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d’appel,

— condamner la société GDF SUEZ aux dépens, dont distraction au profit de la Selarl Guizard & Associés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

La cour faisant expressément aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties,

Vu l’ordonnance de clôture du 14 juin 2013,

SUR CE, LA COUR :

EXPOSE DU LITIGE

Un accord national a été signé le 25 janvier 1999 entre les présidents d’EDF et de Gaz de France d’une part et les organisations syndicales d’autre part, notamment le syndicat EFFO.

Le paragraphe 1-1 de cet accord, intitulé «'Un temps de travail réduit pour tous'», mettait en place différents types d’organisation du temps de travail, décrits de la façon suivante :

'- la réduction à 35 h

Le temps de travail à EDF et Gaz de France est réduit à 35 heures avec maintien du salaire. (')

Cette réduction du temps de travail à 35 heures hebdomadaires sera mise en oeuvre dans le cadre d’un fonctionnement des services sur 5 jours a minima.

— La réduction collective à 32 h

Dans les équipes où plus de la moitié des agents sont volontaires, le temps de travail est réduit à 32 heures hebdomadaires, avec maintien a minima d’un fonctionnement sur cinq jours. (')

Le temps de travail des agents concernés par cette réduction collective peut être organisé sur 4 jours par semaine dans le cadre de l’amplitude adoptée. (')

Les agents des équipes concernées qui ne souhaitent pas intégrer le dispositif de réduction collective peuvent rester à 35 heures et opter à tout moment pour les 32 heures.

Dans le cas où les besoins du service rendent nécessaire une augmentation de l’amplitude hebdomadaire, celle-ci donne lieu à une compensation en temps définie en annexe 1.

— Un temps de travail aménagé

Dès lors que l’amplitude de fonctionnement d’une équipe est supérieure à la durée du travail des agents qui la composent (35 heures ou 32 heures), l’équipe est en aménagement du temps de travail.(…)'

L’annexe 1 exposait les compensations de l’aménagement du temps de travail lorsque les besoins justifient un fonctionnement du service sur des amplitudes horaires élargies, c’est-à dire supérieures à l’horaire (35 heures ou 32 heures) de l’équipe.

Le paragraphe 1-2 de l’accord était afférent au temps choisi : «'L’accès au temps choisi à 32 heures ou moins, avec droit de retour à temps plein, est ouvert à tous les agents volontaires, y compris les jeunes embauchés, sans qu’ils aient à justifier d’un motif particulier'».

L’annexe 4 décrivant les modalités de gestion applicables aux agents optant pour le temps choisi prévoyait que les jours fériés ou chômés survenant un jour normalement non travaillé par l’agent ne sont pas récupérés, à l’exception du 1er mai et du 25 décembre.

Cet accord national a été décliné aux différents niveaux locaux, en particulier le 10 juin 2004, puis le 06 octobre 2008 à la suite de la mise en place de la Branche Energie France.

Dans sa première section applicable au sein des BU’s Clients Habitat Professionnels (CHP), XXX, des fonctions de pilotage de la Branche Energie France et de celles de la BU Services à l’Habitat, l’accord local du 06 octobre 2008 signé par le syndicat EFFO reprend les principaux types d’organisation du temps de travail mis en place par l’accord national du 25 janvier 1999, mais avec deux ajouts (qui figuraient déjà dans l’accord local du 10 juin 2004) :

— le premier inséré dans les dispositions relatives à la réduction collective à 32 heures : «''Les agents en RCTT bénéficieront, comme les agents à temps choisi, de la récupération exceptionnelle de deux jours fériés, le 1er mai et le 25 décembre, si ces deux jours surviennent un jour normalement non travaillé pour ces agents'»'';

— le second, dans les dispositions relatives au temps de travail aménagé : «'Les agents en aménagement collectif du temps de travail (jour de RTT fixe) bénéficieront comme les agents à temps choisi, de la récupération exceptionnelle de deux jours fériés, le 1er mai et le 25 décembre, si ces deux jours surviennent un jour normalement non travaillé pour ces agents'».

L’annexe 1 de l’accord local reprend mot pour mot les dispositions afférentes aux compensations de l’aménagement du temps de travail sur la semaine prévues dans l’annexe 1 de l’accord national et hormis l’absence des mesures transitoires, l’annexe 4 est identique à celle de l’accord national.

Bien que signataire des accords considérés, le syndicat EFFO a assigné le 04 mai 2010 la société GDF SUEZ pour contester les deux ajouts précités, à la faveur des arrêts rendus les 13 janvier 2009 et 26 octobre 2010 par la chambre sociale de la Cour de cassation, qui a appliqué la règle selon laquelle les jours de repos acquis au titre d’un accord d’aménagement et de réduction du temps de travail ne peuvent pas être positionnés sur un jour férié chômé.

C’est dans ces conditions que le jugement entrepris a été rendu.

La société GDF SUEZ soulève deux fins de non-recevoir liées d’une part au défaut d’intérêt à agir du syndicat au regard des dispositions de l’article L 2262-4 du code du travail et d’autre part au principe de l’estoppel.

En ce qui concerne le régime de récupération des JNT coïncidant avec des jours fériés des agents soumis à un aménagement du temps de travail dit «'amplitudes élargies'», elle indique que ce régime ne fait plus débat entre les parties dans la mesure où elle s’est conformée à l’arrêt rendu le 26 octobre 2010 par la Cour de cassation.

En ce qui concerne la réduction collective du temps de travail à 32 heures (RCTT), elle expose qu’elle peut être définie comme un temps partiel individuel mis en place collectivement, qui ne saurait être assimilé à un dispositif d’aménagement du temps de travail dès lors que les salariés ayant opté volontairement pour la RCTT au sein d’une équipe ne voient pas leur durée de travail ni leurs horaires varier d’une semaine à l’autre ou d’un cycle à l’autre afin de répondre à des impératifs de variation d’activité et/ou de fonctionnement de service, qu’ils travaillent de façon identique d’une semaine à l’autre et qu’ils bénéficient d’un jour non travaillé (JNT) préétabli.

Elle précise notamment que ce dispositif de réduction du temps de travail est au choix exclusif des salariés et qu’il s’impose à l’employeur dès lors qu’une majorité des salariés d’une équipe a voté en faveur d’une telle modalité.

Elle soutient que dans ces conditions, le régime de récupération d’un JNT octroyé dans le cadre de la RCTT et coïncidant avec un jour férié est calqué sur celui du temps partiel individuel, dès lors qu’un jour fixe normalement non travaillé est déterminé pour chaque agent au sein de l’équipe concernée, et rappelle que selon une jurisprudence constante, le salarié à temps partiel n’est indemnisé que si le jour férié tombe un jour où il aurait dû normalement travailler, sauf dispositions conventionnelles plus favorables comme c’est le cas en l’espèce pour le 1er mai et le 25 décembre.

Elle considère qu’une distinction entre JNT et jour de réduction du temps de travail (X) est belle et bien faite par les dispositions conventionnelles puisque le vocable de «'jour normalement non travaillé'» est expressément réservé par l’accord du 06 octobre 2008 au dispositif de la RCTT (p. 11 de l’accord) alors que pour le dispositif de temps de travail aménagé, référence est faite à un jour RTT fixe (p. 12 de l’accord).

Elle ajoute que ce jour non travaillé du dispositif de la RCTT n’a donc pas vocation à compenser un temps de travail supérieur à la durée légale ou conventionnelle dans la mesure où les agents travaillent à hauteur de 32 heures hebdomadaires en vertu d’une adhésion individuelle et volontaire au dispositif, tandis que les JNT des agents soumis à une amplitude élargie sont octroyés en contrepartie de la sujétion de service à laquelle ils sont soumis dans le cadre des amplitudes horaires imposées à leur service de rattachement.

Elle fait encore observer qu’un salarié à temps partiel ne saurait prétendre à une indemnisation et/ou à une compensation lorsque le jour férié a coïncidé avec le jour où il ne travaille pas habituellement, qu’en effet, compenser un jour férié coïncidant avec un jour normalement non travaillé reviendrait à rémunérer le salarié pour un jour qui, en l’absence d’une telle coïncidence, n’aurait donné lieu à aucune rémunération particulière, alors que de surcroît, les agents ayant opté pour une RCTT bénéficient déjà d’une prime d’aide à la réduction du temps de travail.

Elle répond enfin qu’aucune inégalité de traitement n’est à déplorer au sein de son établissement Energie France, la différence de régime de récupération des jours fériés selon qu’ils coïncident avec un X ou un JNT étant parfaitement et objectivement justifiée.

Pour faire échec aux moyens d’irrecevabilité soulevés par la société GDF SUEZ, le syndicat EFFO invoque les difficultés d’interprétation de l’accord local du 06 octobre 2008, qui ont conduit l’employeur à opérer ultérieurement une distinction entre les JNT et les X, puis en cours d’instance à suspendre l’application de certaines dispositions de l’accord local compte tenu de l’arrêt de la Cour de cassation en date du 26 octobre 2010.

Il relève que c’est précisément parce qu’il est partie à la convention en cause qu’il a un intérêt légitime à agir et fait observer que les accords considérés ont été conclus avant la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation rendue spécifiquement dans le cadre de l’application du statut des personnels des industries électriques et gazières.

Sur le fond, il se prévaut de la jurisprudence précitée de la Cour de cassation pour conclure que les JNT ne peuvent être positionnés sur un jour férié chômé, en soutenant que la distinction entre les X et les JNT n’est pas fondée dans la mesure où ceux-ci constituent également des jours de repos acquis au titre d’un accord d’aménagement et de réduction du temps de travail, de sorte qu’une telle distinction conduit à une inégalité de traitement entre les deux catégories de salariés.

Il considère encore que la RCTT ne peut aucunement être assimilée au régime du temps partiel individuel parce qu’elle constitue incontestablement un dispositif issu d’un accord de réduction du temps de travail.

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes

L’article L 2262-4 du code du travail dispose : «'Les organisations de salariés et les organisations ou groupements d’employeurs, ou les employeurs pris individuellement, liés par une convention ou un accord, sont tenus de ne rien faire qui soit de nature à en compromettre l’exécution loyale. Ils ne sont garants de cette exécution que dans la mesure déterminée par la convention ou l’accord.'»

A titre liminaire, la cour relève qu’en vertu d’un usage en vigueur au sein d’une partie de l’entreprise instaurant la récupération des jours de repos coïncidant avec des jours fériés chômés, les accords national et local respectivement signés les 25 janvier 1999 et 06 octobre 2008 n’ont pas été intégralement appliqués jusqu’au 1er janvier 2010, date d’effet de la dénonciation de cet usage par l’employeur, formalisée par note du 28 juillet 2009.

En qualité de signataire de l’accord local du 06 octobre 2008, le syndicat a un intérêt légitime à agir dès lors que les deux dispositions contestées de l’accord local suscitent des difficultés d’interprétation, notamment au regard de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation des 13 janvier 2009 et 26 octobre 2010 (pièces n° 10 et 11 de l’intimé), difficultés que la société GDF SUEZ elle-même a énoncées à plusieurs reprises, d’abord dans sa note précitée du 28 juillet 2009 (pièce n° 4 de l’intimé), puis dans deux courriels en date des 08 et 27 septembre 2011.

Conformément à la teneur de ces courriels, qui évoquent des décisions de justice défavorables et «'l’attente d’une posture plus précise de l’entreprise'», la société GDF SUEZ a pris la décision, portée à la connaissance des syndicats, de se conformer à la décision rendue le 26 octobre 2010 par la Cour de cassation, et ce rétroactivement à compter du 26 octobre 2010, en prévoyant désormais la récupération des JNT octroyés dans le cadre d’une amplitude élargie coïncidant avec des jours fériés tout en précisant que ce report ne s’appliquait qu’aux JNT générés dans le cadre d’un aménagement de travail, et non à ceux résultant de la RCTT et du temps choisi.

L’action initiée par le syndicat EFFO n’est donc pas de nature à compromettre l’exécution loyale de l’accord local du 06 octobre 2008, dont les deux dispositions contestées n’ont pas été appliquées jusqu’au 1er janvier 2010 au sein d’une partie de l’établissement Energie France et ont ensuite suivi un sort différent, l’employeur renonçant unilatéralement à appliquer celle relative aux agents en aménagement collectif du temps de travail.

En ce qui concerne le principe de l’estoppel selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui, il est inapplicable en l’espèce dans la mesure où :

— l’accord local du 06 octobre 2008 contient deux dispositions nécessitant une interprétation et dont l’exécution a posé difficulté aux deux parties contractantes,

— l’employeur lui-même a décidé de ne plus appliquer l’une de ces dispositions, en considération de l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 26 octobre 2010.

Ces circonstances, exclusives de toute contradiction, démontrent que le syndicat n’a pas agi par déloyauté et que la société GDF SUEZ n’a pas été trompée sur ses intentions puisque les parties ont toutes deux cherché à tirer conséquence des arrêts rendus les 13 janvier 2009 et 26 octobre 2010 par la chambre sociale de la Cour de cassation, faits juridiques survenus postérieurement à l’adoption de l’accord local.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a déclaré recevable le syndicat EFFO en ses demandes.

Sur les dispositions contestées de l’accord local du 06 octobre 2008

Il apparaît nécessaire de les citer à nouveau :

— la première insérée dans les dispositions relatives à la réduction collective à 32 heures : «''Les agents en RCTT bénéficieront, comme les agents à temps choisi, de la récupération exceptionnelle de deux jours fériés, le 1er mai et le 25 décembre, si ces deux jours surviennent un jour normalement non travaillé pour ces agents'»'';

— la seconde, dans les dispositions relatives au temps de travail aménagé : «'Les agents en aménagement collectif du temps de travail (jour de RTT fixe) bénéficieront comme les agents à temps choisi, de la récupération exceptionnelle de deux jours fériés, le 1er mai et le 25 décembre, si ces deux jours surviennent un jour normalement non travaillé pour ces agents'».

Les parties s’accordent à considérer que la demande du syndicat EFFO relative à cette seconde disposition est devenue sans objet en cours de procédure, la société GDF SUEZ ayant renoncé définitivement à son application, de sorte que le jugement entrepris sera également confirmé sur ce point.

En ce qui concerne la première disposition, la société GDF SUEZ considère que le régime de récupération des jours non travaillés coïncidant avec un jour férié des agents ayant opté individuellement pour la réduction collective du temps de travail à 32 heures (RCTT) doit nécessairement être différencié de celui des agents en aménagement de temps de travail.

La cour constate qu’avant de renoncer à l’application de la seconde disposition critiquée, l’employeur réservait le même sort aux agents en aménagement de temps de travail et aux agents en RCTT quant à la récupération des JNT coïncidant avec des jours fériés

La société GDF SUEZ fonde son argumentation tout d’abord sur l’originalité et la spécificité du dispositif de la RCTT qui peut être défini comme un temps partiel individuel mis en place collectivement.

S’il est exact que ce dispositif est subordonné à l’adhésion du salarié, en revanche sa mise en place reste tributaire du choix des autres salariés : «'Dans les équipes où plus de la moitié des agents sont volontaires, le temps de travail est réduit à 32 heures hebdomadaires, avec maintien a minima d’un fonctionnement sur cinq jours.'»

En outre, il est prévu que dans les cas où les besoins du service rendent nécessaire une augmentation de l’amplitude hebdomadaire, celle-ci donne lieu à une compensation en temps définie conformément à l’annexe 1 de l’accord national du 25 janvier 1999.

Ces conditions de mise en oeuvre participent autant de l’aménagement du temps de travail au sens de l’accord local du 06 octobre 2008 que de sa réduction.

La société GDF SUEZ se prévaut ensuite de la distinction entre les X et JNT. S’inspirant d’une note aux unités établie le 17 novembre 2005 par le Centre National Expertise Relations Professionnelles (CNERP), elle a annexé à sa propre note précitée du 28 juillet 2009 un rappel des notions de JNT et de X ainsi que de leur régime, dans les termes suivants :

— «'La X constitue une contrepartie à la réduction du temps de travail et est justifiée par une logique d’acquisition : les agents travaillent certaines semaines plus que la durée hebdomadaire, conventionnelle ou légale, de travail (soit plus de 35 heures ou de 34 heures en cas d’aménagement du temps de travail) dégageant ainsi du temps leur ouvrant droit à repos.'»

— «'Si la X de l’agent tombe un jour férié, cela ouvre droit à récupération quelque soit le jour férié concerné.'»

— «'La JNT résulte, elle, d’une organisation du travail, dans le cadre de laquelle les agents ne travaillent jamais plus que la durée hebdomadaire, légale ou conventionnelle, de travail. Les agents ont donc un temps de travail identique chaque semaine et n’acquièrent pas de droit à repos. Ils ne travaillent pas, en raison de l’organisation du temps de travail, un jour donné de la semaine, la durée du travail étant alors répartie sur 4 jours par semaine. Le fait que le jour non travaillé soit «'tournant'» d’une semaine à l’autre à l’intérieur d’un cycle de travail est sans incidence.'»

— «'La coïncidence d’un JNT avec un jour férié n’engendre pas par principe de droit à report pour les agents concernés'», sauf l’exception conventionnelle prévue pour le 1er mai et le 25 décembre.

Cette distinction entre les X et les JNT n’apparaît pas pertinente dans le cadre des dispositions des accords des 25 janvier 1999 et 06 octobre 2008, lesquelles prévoient précisément qu’en principe, les agents ne travaillent pas au-delà de la durée de travail conventionnelle ou légale, et ce quels que soient les types d’organisation du travail décrits.

La société GDF SUEZ rappelle bien cette particularité, tant pour les agents travaillant 35 heures en «'amplitudes élargies'» («'la durée du travail effective des agents dans le cadre du cycle ne dépasse jamais la durée légale ou conventionnelle de référence de 35 heures'» page 4 de ses conclusions) que pour les agents ayant opté pour la RCTT («''ce jour non travaillé n’a donc pas vocation à compenser un temps de travail supérieur à la durée légale ou conventionnelle dans la mesure où les agents travaillent à hauteur de 32H hebdomadaires'» page 13 de ses conclusions).'

C’est pourquoi, contrairement à son argumentation, les dispositions conventionnelles contestées relatives à la récupération des jours fériés (pages 11 et 12) ne distinguent pas réellement entre les JNT et les X. En effet, s’il est introduit une parenthèse bien peu explicite («'jour de RTT fixe'») après «'Les agents en aménagement collectif du temps de travail'», ceux-ci bénéficient tout comme les agents en RCTT de la récupération exceptionnelle du 1er mai et du 25 décembre «'si ces deux jours surviennent un jour normalement non travaillé pour ces agents'». (souligné par la cour)

En réalité, les accords des 25 janvier 1999 et 06 octobre 2008 prévoient la possibilité d’une amplitude élargie de fonctionnement d’une équipe, que ce soit une équipe d’agents travaillant 35 heures ou une équipe d’agents travaillant 32 heures en vertu de la RCTT et c’est dans le cas de cette amplitude élargie que l’équipe est réputée être en aménagement du temps de travail.

La société GDF SUEZ affirme néanmoins que le dispositif de la RCTT ne saurait être assimilé à un dispositif d’aménagement du temps de travail dès lors que les salariés ayant opté volontairement pour la RCTT au sein d’une équipe ne voient pas leur durée de travail ni leurs horaires varier d’une semaine à l’autre ou d’un cycle à l’autre afin de répondre à des impératifs de variation d’activité et/ou de fonctionnement de service, qu’ils travaillent de façon identique d’une semaine à l’autre et qu’ils bénéficient d’un jour non travaillé (JNT) préétabli.

Une telle assertion est contraire aux dispositions conventionnelles relatives au temps de travail aménagé (page 11 de l’accord du 06 octobre 2008) :

«'Dès lors que l’amplitude de fonctionnement d’une équipe est supérieure à la durée du travail des agents qui la composent (35 heures ou 32 heures), l’équipe est en aménagement du temps de travail (ATT)'»

«'Au sein des BU’s CHP, PPE et des fonctions de pilotage de la BEF et de celles de la BU Services à l’Habitat, toutes les équipes sont en aménagement du temps de travail, un fonctionnement des services sur 5 jours étant a minima mis en place du lundi au vendredi, et sur une amplitude hebdomadaire supérieure ou égale à 40 heures.'»

L’annexe 1 de l’accord prévoit donc logiquement des compensations en faveur également des agents travaillant 32 heures dans le cadre de la RCTT, mais sur une amplitude élargie.

Enfin, la société GDF SUEZ manque à rapporter la preuve de la fixité et du caractère préétabli du jour non travaillé, tels qu’allégués dans ses dernières conclusions.

Elle était moins affirmative dans ses conclusions déposées le 14 septembre 2012 où elle indiquait que le jour normalement non travaillé par le salarié «'est, en principe, préétabli'» (page 4 desdites conclusions), avant toutefois de le décrire comme un jour préétabli (page 13) et fixe (page 14).

Mais surtout, il est précisé par l’employeur dans le rappel annexé à sa note précitée du 28 juillet 2009 que «'Le fait que le jour non travaillé soit «'tournant'» d’une semaine à l’autre à l’intérieur d’un cycle de travail est sans incidence'».'

Or, si le jour non travaillé de l’agent ayant opté pour la RCTT à 32 heures n’est pas un jour fixe, il doit être considéré aussi comme un jour de repos acquis au titre de l’organisation collective de la réduction du temps de travail.

Il s’ensuit que les agents ayant opté pour la RCTT à 32 heures sont en aménagement du temps de travail dès que l’amplitude de fonctionnement de leur équipe est supérieure à 32 heures et que les équipes au sein des BU’s CHP, PPE, des fonctions de pilotage de la BEF et de celles de la BU Services à l’Habitat sont nécessairement en aménagement du temps de travail compte tenu d’une amplitude de fonctionnement supérieure ou égale à 40 heures, étant observé que l’employeur ne prétend pas qu’aucune de ces équipes n’a opté pour la RCTT.

Dès lors, les jours non travaillés des agents ayant opté pour la RCTT à 32 heures constituent bien également des jours de repos acquis au titre d’un accord d’aménagement et de réduction du temps de travail et ne peuvent être positionnés sur un jour férié chômé.

En conséquence, le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu’il a dit que l’accord local du 06 octobre 2008 ne pouvait être opposé aux agents ayant opté pour une réduction collective du temps de travail (RCTT) en ses dispositions concernant la récupération des jours de repos positionnés sur des jours normalement travaillés, sauf à préciser que ces dispositions concernent la récupération des jours non travaillés positionnés sur un jour férié.

Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

En application de l’article 700 du code de procédure civile, il apparaît équitable d’allouer la somme de 2 000 € au syndicat EFFO au titre de ses frais irrépétibles engagés en cause d’appel.

La société GDF SUEZ qui succombe en ses prétentions ne saurait obtenir une quelconque indemnité sur ce fondement et devra supporter les dépens d’appel, que la Selarl Guizard & Associés pourra recouvrer directement conformément aux modalités prévues par l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Déclare le syndicat CGT Force Ouvrière de la Branche Energie France de la SA GDF SUEZ (EFFO) recevable en ses demandes ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à préciser que les dispositions de l’accord local du 06 octobre 2008 ne pouvant être opposées aux agents ayant opté pour une réduction collective du temps de travail (RCTT) concernent la récupération des jours non travaillés positionnés sur un jour férié ;

Y ajoutant,

Condamne la SA GDF SUEZ à payer au syndicat CGT Force Ouvrière de la Branche Energie France de la SA GDF SUEZ (EFFO) la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SA GDF SUEZ aux dépens d’appel, que la Selarl Guizard & Associés pourra recouvrer directement conformément aux modalités prévues par l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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Cour d'appel de Paris, 5 décembre 2013, n° 12/11001