Cour d'appel de Paris, 5 décembre 2013, n° 12/02871

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 5 déc. 2013, n° 12/02871
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 12/02871
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 1er février 2012, N° 2010088842

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRET DU 05 DECEMBRE 2013

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 12/02871

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Février 2012 -Tribunal de Commerce de PARIS, 3e chambre – RG n° 2010088842

APPELANTE

SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE Banque coopérative régie par les articles L 512-85 du Code Monétaire et financier, société anonyme à directoire et à conseil d’orientation et de surveillance, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.

XXX

XXX

Représentée et assistée par Me Michèle SOLA, avocat au barreau de PARIS, toque : A0133

INTIMEE

SAS ACQUITEK

XXX

XXX

Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP SCP FISSELIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Assistée par Me Aurélie SEGONNE-MORAND, avocat au barreau de VERSAILLES

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 Octobre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente

Madame A B, Conseillère

Madame Y Z, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions de l’article 785 du code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Josélita COQUIN

ARRET :

— Contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, président et par Madame Josélita COQUIN, greffier présent lors du prononcé.

****************

Le 23 janvier 2007, la SAS Acquitek, représentée par son gérant en la personne de Monsieur X, a ouvert un compte courant dans les livres de la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Ile de France pour les besoins de son activité professionnelle de représentation et de distribution d’instruments de test et mesure.

Le 20 juin 2010, la société Acquitek a été approchée par la société Glory Equipment LLC d’Abu Dhabi (Emirats Arabes Unis) pour une demande d’achat d’équipements d’une valeur de 6.000 euros.

Le 12 juillet 2010, la société Glory a indiqué à la société Acquitek qu’un règlement de 66.600 euros a été effectué, par erreur, en sa faveur et lui a demandé le remboursement de la somme de 60.600 euros, après déduction de son achat.

Ayant constaté que la somme de 60.600 euros était portée au crédit de son compte, la société Acquitek a donné l’ordre à la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Ile de France de virer la somme de 60.600 euros au profit de la société Glory Equipment le 22 juillet 2010.

Le 29 juillet 2010, la somme de 66.600 euros a été portée au débit du compte de la société Acquitek à la suite du rejet du chèque.

Le 30 juillet 2010, la société Acquitek a déposé plainte auprès des services de police pour escroquerie.

Par courrier du 27 septembre 2010, la société Acquitek a mis en demeure la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Ile de France de lui rembourser la somme de 60.600 euros, avant de l’assigner en paiement par acte d’huissier en date du 7 décembre 2010.

Par jugement en date du 2 février 2012, le tribunal de commerce de Paris a condamné la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Ile de France à payer à la société Acquitek la somme de 60.600 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 2010, ordonné l’exécution provisoire, débouté les parties de leurs autres demandes, condamné la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Ile de France aux dépens.

La déclaration d’appel de la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Ile de France a été remise au greffe de la cour le 15 février 2012.

Dans ses dernières écritures, au sens de l’article 954 du code de procédure civile, signifiées le 24 juillet 2012, la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Ile de France demande de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté la société Acquitek de sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive, son infirmation pour le surplus et à la cour, statuant à nouveau, de :

— débouter la société Acquitek de ses demandes,

— condamner la société Acquitek à lui restituer la somme de 61.045,70 euros qu’elle lui a versée les 14 février et 2 mars 2012 avec intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2012,

— condamner la société Acquitek à lui payer la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Dans ses dernières écritures, au sens de l’article 954 du code de procédure civile, signifiées le 21 juin 2012, la SAS Acquitek sollicite le rejet des demandes de la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Ile de France, la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a condamné la banque à lui payer la somme de 60.600 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 2010 et, sur son appel incident, de condamner la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Ile de France à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, outre sa condamnation aux dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 17 septembre 2013.

CELA ETANT EXPOSE,

LA COUR

Considérant que la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Ile de France soutient qu’elle n’a pas manqué à son devoir de vigilance, ni lors de la remise du chèque à l’encaissement en l’absence d’anomalies apparentes affectant sa régularité, ni à l’occasion de l’exécution du virement qui ne présente aucun caractère douteux ; qu’elle n’a pas commis de faute en endossant le chèque, qu’elle a reçu, pour le compte de son client qui en est le bénéficiaire et n’a pas contesté l’écriture sur son compte qu’il a même ratifié tacitement en ordonnant le virement litigieux après avoir constaté l’encaissement du chèque ; qu’elle estime qu’une société commerciale sait qu’un chèque peut être sans provision et que le crédit porté sur son compte l’est sous réserve d’encaissement de la provision du chèque ; qu’elle n’a pas à le lui dire ; qu’elle souligne que le chèque en cause est régulier, même s’il est rédigé en langue anglaise, étant émis en France et tiré sur le compte d’une succursale de la Banco Popular en France à Perpignan ; que la société Acquitek savait qu’il s’agissait d’un paiement par chèque lorsqu’elle a constaté que la somme de 66.600 euros était portée au crédit de son compte avant d’ordonner le virement ; que la banque n’a pas à s’immiscer dans les comptes de sa cliente pour contrôler les mouvements de fonds et qu’elle ne pouvait pas soupçonner un lien entre le virement et le chèque concernant des sociétés différentes avec des montants différents ; que c’est la société Acquitek qui a été gravement imprudente en passant un ordre de virement très rapidement au profit d’une société tierce avec laquelle elle n’avait pas de lien contractuel, sans attendre d’être sûre que le chèque soit provisionné ; que sa faute est exonératoire de toute responsabilité de la banque, à la supposer établie, et qu’il n’y a pas de lien de causalité entre les fautes qui lui sont reprochées et le préjudice, dont l’origine est un virement fait au profit du compte d’un tiers qui n’est pas la société Glory Equipment ;

Considérant qu’en réponse, la société Acquitek fait valoir que la banque a manqué à son devoir de prudence et de vigilance en s’abstenant de vérifier la régularité apparente du chèque, rédigé en anglais par une société française, qu’elle a reçu sans qu’il soit endossé en violation des dispositions de l’article L.131-16 du code monétaire et financier et qu’elle a endossé pour le compte de sa cliente sans avoir de mandat à cette fin ; qu’elle aurait dû l’alerter sur l’encaissement de ce chèque porté au crédit de son compte sous réserve de paiement ; qu’elle a commis une faute en encaissant ce chèque sans contrôle préalable en faisant croire à sa cliente qu’elle disposait de la somme de 66.600 euros sur son compte et en la laissant faire un virement douteux de 60.600 euros en remboursement d’un trop perçu au profit d’une société étrangère sans l’alerter sur le risque pris ; que la banque ne l’ayant pas informée du chèque crédité sur son compte, elle n’a pas ratifié l’opération , ni l’endossement du chèque fait par la Caisse d’Epargne et de Prévoyance ; qu’elle ne pouvait pas savoir qu’il fallait attendre le paiement du chèque par le tiré pour faire le virement ; que la faute de la banque, qui aurait dû faire le lien évident entre les deux opérations, est la seule cause du dommage subi dans la mesure où elle-même n’a commis aucune négligence fautive ;

Considérant qu’il n’est pas contesté que la Caisse d’Epargne et de Prévoyance a reçu directement un chèque d’un montant de 66.600 euros à l’ordre de la société Acquitek, dont le montant en lettres est rédigé en langue anglaise, émis par la SA Ets Renard, domicilié à Perpignan, tiré sur son compte ouvert à la Banco Popular France à l’agence de Perpignan ; qu’il a été endossé par la banque pour le compte de sa cliente bénéficiaire du chèque et porté au crédit de son compte ;

Considérant que le chèque comporte toutes les mentions légales exigées ; qu’il est daté et signé, tiré sur une banque en France ; que la rédaction en langue anglaise de la somme en lettres figurant sur le chèque n’affecte pas sa régularité, dès lors que c’est une langue d’usage universel et usuelle dans le commerce international, et que la somme en lettres concorde avec la somme en chiffres ; que la banque teneur de compte n’a pas commis de faute en l’endossant pour le compte de sa cliente qui en est le bénéficiaire et en le portant au crédit de son compte ;

Considérant qu’une société commerciale ne peut pas ignorer qu’un chèque est porté au crédit de son compte sous réserve de provision ; que la banque n’a pas à lui rappeler ;

Considérant que la société Acquitek ne peut pas prétendre, sans mauvais foi, avoir ignoré que le paiement revendiqué par la société Glory Equipment avait été fait par chèque, puisque l’échange de mails avec cette société depuis le 20 juin 2010 démontre qu’elle ne lui a jamais communiqué son Iban pour faire un virement ou un swift et qu’elle a vérifié que le paiement de 66.600 euros était porté au crédit de son compte le 21 juillet 2010 en adressant le courriel suivant à la société Glory Equipment: 'we received the payment of 66.600 today’ avant de faire le virement incriminé ; qu’elle n’a pas pu le dire sans avoir consulté son compte pour vérifier que le paiement revendiqué par son cocontractant était fait et le lui confirmer, avant d’engager le processus de remboursement demandé par la société Glory Equipment; qu’elle a ainsi ratifié l’endossement du chèque fait par la banque pour son compte en acceptant le paiement fait par chèque par la société qui lui achète son matériel par son site internet;

Considérant que c’est le 22 juillet 2010 que la société Acquitek a donné, à la Caisse d’Epargne et de Prévoyance, l’ordre de virer la somme de 60.600 euros au profit de la société Glory Equipment sur le compte numéro 664 858 244 001 ouvert à la banque Abu Dhabi Commercial Bank à XXX au nom de XXX ;

Considérant que l’ordre donné à la banque est clair et régulier; qu’elle doit l’exécuter et ne peut pas faire le lien entre le chèque du 1er juillet 2010 de 66.600 euros tiré sur une banque espagnole ayant une agence en France à Perpignan, porté au crédit du compte de sa cliente sous réserve d’encaissement, et le virement de 60.600 euros du 22 juillet 2010 au profit d’une société des Emirats Arabes Unis sur son compte ouvert dans son pays ; qu’elle ignore tout des relations contractuelles entretenues par la société Acquitek dans l’exercice de son activité et n’a pas à contrôler la cause des effets portés au crédit ou au débit du compte de sa cliente, sauf à s’immiscer dans ses affaires ou à suspecter une opération de blanchiment d’argent, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ;

Considérant qu’il n’y a pas de faute de la banque à l’origine d’un préjudice qui lui soit imputable subi par la société Acquitek qui a, seule, pris le risque de passer un ordre de virement international sur le compte d’une société tierce, avec qui elle n’entretenait aucune relation commerciale, sans attendre que le délai d’encaissement du chèque soit écoulé et d’avoir la certitude que le paiement fait par chèque soit validé ;

Considérant qu’en l’absence de faute et de préjudice imputable à la Caisse d’Epargne et de Prévoyance, la société Acquitek est mal fondée en ses demandes à son encontre et doit en être déboutée ; que le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant qu’il est inéquitable de laisser à la charge de la partie appelante le montant de ses frais irrépétibles, qu’il convient de condamner la société Acquitek à payer à la Caisse d’Epargne et de Prévoyance la somme de 1.000,00 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant que la société Acquitek, qui succombe, supportera les dépens de première instance et d’appel ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Déboute la SAS Acquitek de toutes ses demandes à l’encontre de la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Ile de France,

Condamne la SAS Acquitek à payer à la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Ile de France la somme de 1.000,00 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la SAS Acquitek aux dépens de première instance et d’appel, avec pour ceux d’appel distraction au profit de l’avocat concerné dans les conditions de l’article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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