Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 8, 20 mai 2014, n° 13/05463

  • Liquidateur·
  • Sociétés·
  • Dégradations·
  • Immeuble·
  • Cliniques·
  • Extensions·
  • Bail·
  • Bâtiment·
  • Préjudice·
  • Mandat

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 8, 20 mai 2014, n° 13/05463
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 13/05463
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Melun, 28 janvier 2013, N° 11/03621
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 15 novembre 2022
Lire la décision sur le site de la juridiction

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 8

ARRET DU 20 MAI 2014

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 13/05463

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Janvier 2013 -Tribunal de Grande Instance de MELUN – RG n° 11/03621

APPELANT

Maître [X] [D]

née le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 3] (21)

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Maître Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assisté de Maître Jean-Pierre FABRE de l’Association FABRE GUEUGNOT SAVARY, avocat au barreau de PARIS, toque : R044, substitué par Maître Timothée DE HEAULME DE BOUTSOCQ, avocat au barreau de PARIS, toque : E1979

INTIMEE

SCI PIERRE DE [Localité 2] agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Maître Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Assistée de Maître Julien MALLET, avocat au barreau de PARIS, toque : A0905 et Maître Michael CAHN de l’AARPI CAHN AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque P418

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 18 Mars 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente

Madame Evelyne DELBÈS, Conseillère

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Céline LITTERI

MINISTERE PUBLIC :

L’affaire a été communiquée au ministère public.

ARRET :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Marie HIRIGOYEN, présidente et par Madame Céline LITTERI, greffière présente lors du prononcé.

La SCI Pierre de [Localité 2] a été constituée en 1964 avec pour objet l’acquisition et l’administration, notamment par voie de location, d’un bâtiment, situé [Adresse 1] (77), à usage d’établissement à caractère sanitaire et social.

Dans le même temps était constituée une société d’exploitation dénommée Centre Chirurgical de [Localité 2] en vue d’exploiter dans le bâtiment, sous l’enseigne [1], une clinique chirurgicale privée.

La SCI Pierre de [Localité 2] a consenti au Centre Chirurgical de [Localité 2] un bail commercial qui a été renouvelé, en dernier lieu, par acte du 17 janvier 1992 et qui s’est poursuivi jusqu’au rachat, en janvier 1998, pour le franc symbolique, de la société d’exploitation par la société France Médical laquelle acquérait aussi la SCI Pierre de [Localité 2].

Par acte du 1er avril 2001, la SCI Pierre de [Localité 2] a consenti un nouveau bail commercial à la société Centre Chirurgical de [Localité 2] pour une durée de 9 ans, moyennant un loyer annuel de 274 408,12 euros.

Par acte du 1er juin 2001, la société Centre Chirurgical de [Localité 2] a conclu avec la société Polyclinique de Seine et Yonne (SPSY) un contrat de location-gérance portant sur le fonds de commerce de clinique chirurgicale, à l’enseigne Clinique [1], en ce compris 'le droit au bail des locaux où est exploité le fonds pour le temps qu’il en reste à courir'.

Par jugement du 13 novembre 2001, le tribunal de commerce de Montereau-Fault-Yonne a ouvert le redressement judiciaire de la société Centre Chirurgical de [Localité 2].

Puis par jugement du 20 mars 2003, le tribunal a arrêté le plan de redressement par voie de cession des actifs de la société Centre Chirurgical de [Localité 2] au profit de M. [U] [N], agissant pour le compte de la société Monterelaise d’Investissement Hospitalier (SMIH), à l’exception du bail, un nouveau bail devant être conclu avec le bailleur de l’immeuble, la SCI Pierre de [Localité 2] .

C’est ainsi que le bail a été résilié par le commissaire à l’exécution du plan le 4 juillet 2003 avec prise d’effet au 20 mars 2003,

La cession de l’entreprise a été régularisée au bénéfice de la société SMIH suivant acte en date du 28 juillet 2003 rappelant que le bail des locaux ne fait pas partie de la reprise et que le cessionnaire s’engage à faire son affaire personnelle de la conclusion d’un nouveau bail .

Il n’a pas été conclu de nouveau bail et la société SPSY est demeurée dans les lieux.

Par jugement du 9 novembre 2004, le tribunal de commerce de Montereau-Fault-Yonne a ouvert, sur déclaration de cessation des paiements, une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société SPSY , fixant la date de cessation des paiements au 5 novembre 2004 et désignant la Selarl Archibald, représentée par Maître [X] [D], en qualité de représentant des créanciers et Maître [T] [P], en qualité d’administrateur provisoire.

Par jugement en date du 12 avril 2005, statuant sur requête de Maître [T] [P] et Maître [X] [D], ès qualités, constatant le maintien de l’exploitation par le locataire-gérant après la cession de l’entité, le même tribunal a prononcé la confusion des patrimoines entre les sociétés SPSY et SMIH et leur liquidation judiciaire, a dit qu’une procédure unique sera poursuivie pour les deux sociétés a mis fin à la période d’observation, a autorisé la poursuite d’activité jusqu’au 20 avril 2005. et désigné la Selarl Archibald, en qualité de liquidateur judiciaire.

Puis à la demande du liquidateur judiciaire, par jugement en date du 13 décembre 2005, le tribunal a étendu la procédure de liquidation judiciaire des sociétés SPSY et SMIH à la SCI Pierre de [Localité 2] pour confusion de patrimoine, sous procédure unique.

La SCI Pierre de [Localité 2] ayant relevé appel, la cour d’appel de Paris a, par arrêt du 10 mars 2009, infirmé le jugement et dit n’y avoir lieu à extension à cette société de la procédure collective concernant la société SPSY.

La SCI Pierre de [Localité 2] obtiendra du liquidateur judiciaire la restitution des clefs de ses locaux le 9 mai 2009.

Dans un premier temps, la SCI a déclaré au passif de la liquidation judiciaire de la société SPSY une créance de 584 672,40 euros au titre des loyers dus pour la période du 30 mai 2003 au 30 octobre 2004. Le juge-commissaire a rejeté sa créance par ordonnance du 11 septembre 2007. Par arrêt du 16 octobre 2008, la cour d’appel a infirmé l’ordonnance et admis la créance à titre chirographaire pour son montant déclaré en précisant qu’il s’agissait non de loyers mais d’indemnités d’occupation, fixées au prix de l’ancien loyer.

L’occupation du bâtiment par la société SPSY sans titre ni paiement d’une indemnité d’occupation et le sort ultérieur du bâtiment sont à l’origine sont à l’origine de contentieux.

Ainsi par exploit des 18, 27, 29 juillet 2011, la SCI Pierre de [Localité 2] a assigné devant le tribunal de commerce de Melun la Selarl Archibald, ès qualités de liquidateur judiciaire de SPSY, Maître [P], ès qualités d’administrateur judiciaire de SPSY, et la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires, demandant l’affectation aux comptes de la liquidation de la société SPSY de la somme de 136.746,75 euros dues au bailleur au titre de l’ancien article L.621-32 du code de commerce et correspondant au montant, pour 5 mois, soit la période du 9 novembre 2004 au 12 avril 2005, de l’indemnité mensuelle d’occupation telle que fixée par l’arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 16 octobre 2008 ainsi que la condamnation de Maître [D] ès qualités de liquidateur de la société SPSY, au paiement par priorité de cette somme et de celle de 584 672,40 euros 'après les créances privilégiées'.

Elle sera déboutée de cette demande par jugement du 12 novembre 2012.

Par ailleurs, et c’est l’objet de la présente instance, suivant acte du 12 avril 2010, la SCI Pierre de [Localité 2] a engagé une action en responsabilité personnelle contre Maître [X] [D], considérant que celle-ci n’avait accompli aucune diligence pour faire cesser l’occupation illicite du bâtiment alors qu’elle avait qualité pour agir au nom des sociétés SPSY et SMIH, que le fait d’avoir demandé l’extension de la procédure était insuffisant à cet égard et le fait que cette situation ait préexisté à son mandat inopérant. Elle reprochait, en outre, à Maître [D] de ne pas avoir veillé à la sécurité du bâtiment qui était squatté, vandalisé et subissait de graves dégradations. La SCI a assigné en responsabilité solidaire la Selarl Archibald, ès qualités de liquidateur judiciaire de SPSY, et la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires.

Par jugement du 29 janvier 2013, le tribunal de grande instance de Melun a déclaré irrecevables les demandes formées contre la Selarl Archibald à titre personnel, a rejeté la fin de non-recevoir opposée par Maître [D] tirée d’un défaut de qualité à défendre, a condamné la SCI à payer à la Selarl Archibald, ès qualités de liquidateur judiciaire de SPSY, 1 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, a débouté la SCI de ses demandes dirigées contre la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires, a condamné Maître [D] à payer à la SCI la somme de 218 794, 80 euros en réparation du préjudice résultant de l’occupation indue des locaux par la société SPSY pour la période du 12 avril 2005 au 13 décembre 2005 avec intérêts à compter du jugement, la somme de 16 117 euros en réparation du préjudice résultant du manquement de Maître [D] à son obligation d’acquitter les taxes foncières pendant l’exercice de son mandat, 131 276, 88 euros pour la perte de chance de relouer les locaux durant la période comprise entre le mois de mai 2009 et janvier 2012 en raison de l’état de délabrement des locaux imputable à Maître [D], a dit que celle-ci avait manqué à ses obligations en ne prenant pas les mesures nécessaires pour assurer la surveillance des locaux dont elle avait la garde entre février 2006 et mai 2008 et que cette faute est à l’origine de certaines dégradations, a déclaré Maître [D] responsable du préjudice consécutif aux dégradations commises dans les locaux de la SCI durant son mandat, avant dire droit sur le préjudice résultant de ces dégradations, a ordonné une expertise confiée à M. [G], architecte, avec mission d’examiner et décrire les désordres allégués sur la base du procès-verbal établi par Maître [Z], huissier de justice, les 4, 5 et 12 mai 2009, de donner son avis sur les travaux nécessaires à la réfection des lieux, de les évaluer et d’évaluer l’éventuelle moins-value de l’immeuble résultant de ces désordres, a débouté la SCI de ses demandes en réparation du préjudice correspondant à la perte de chance de relouer ses locaux pour la période du 13 décembre 2005 au 9 mai 2009 ainsi qu’à la perte de chance de percevoir les loyers afférents aux locaux anciennement loués au Centre Radiologique de [Localité 2] pendant 16 trimestres à compter du mois de novembre 2007, a condamné la SCI à payer à la Selarl Archibald, ès qualités de liquidateur judiciaire de SPSY, et à la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires, chacun, 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Maître [X] [D] a relevé appel selon déclaration du 19 mars 2013 en intimant la seule SCI.

Par conclusions n°4 signifiées le 21 février 2014, Maître [D] demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a retenu sa responsabilité, prononcé des condamnations pécuniaires et ordonné expertise, statuant à nouveau, de dire qu’elle n’a pas commis de faute dans l’exécution de son mandat, de dire que la SCI ne justifie pas d’un préjudice en lien causal avec une faute démontrée, de dire n’y avoir lieu à expertise, de débouter la SCI pour le tout, subsidiairement, de modifier la mission de l’expert, de dire n’y avoir lieu à évaluer les travaux éventuellement nécessaires à la réfection des lieux, de donner mission à l’expert d’évaluer la valeur vénale actuelle de l’immeuble et de déterminer si les dégradations qui l’affectent entraînent une diminution de celle-ci compte tenu de la destination possible de l’immeuble dans le cadre d’une opération de revente eu égard à la réglementation applicable notamment en matière sanitaire et d’urbanisme, de condamner la SCI à lui payer 5000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions n°4 signifiées le 14 février 2014, la SCI Pierre de [Localité 2] demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a reconnu la responsabilité de Maître [X] [D], en ce qu’il l’a condamnée à payer la somme de 218.794,80 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l’occupation indue des locaux par la société SPSY pour la période du 12 avril 2005 au 13 décembre 2005, avec intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2013, en ce qu’il l’a condamnée à verser un dédommagement au titre de la perte de chance de relouer ses locaux pour la période du 14 décembre 2005 au 9 mai 2009, avec intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2013, en ce qu’il a ordonné une mesure d’expertise, de l’infirmer pour le surplus, et statuant à nouveau, de condamner Maître [D] à payer à la SCI la somme de 1.255.868 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de revenus sur une période de 41 mois du 14 décembre 2005 au 9 mai 2009, la somme de 252.808 euros du fait des manquements aux obligations fiscales, la somme de 1.999.776 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de chance de relouer les locaux et de percevoir les loyers sur une période de 59 mois à compter de leur restitution jusqu’au mois de mars 2014, la somme de 259.700 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de chance de percevoir, depuis le mois de novembre 2007, les loyers afférents aux locaux loués au Centre Radiologique de [Localité 2], en tout état de cause, de condamner Maître [D] à lui payer la somme de 25.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

— Sur les limites de l’appel.

Les dispositions du jugement relatives aux demandes formées par ou contre la Selarl Archibald et la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires ne sont pas déférées à la cour, seule la SCI Pierre de [Localité 2] ayant été intimée, et celles statuant sur la recevabilité des demandes dirigées contre Maître [D] ne donnent pas lieu à critique.

— Sur les demandes formées contre Maître [X] [D]

La responsabilité de Maître [X] [D] est recherchée à titre personnel à raison des fautes commises dans l’exercice de ses fonctions, grief lui étant fait par la SCI, d’avoir, en qualité de liquidateur judiciaire de la société SPSY, manqué à l’obligation de restituer les locaux au bailleur ce qu’elle aurait dû faire dès le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire de la société SPSY en date du 12 avril 2005, le bail étant résilié à effet du 20 mars 2003, de ne pas avoir, durant son mandat de liquidateur de la SCI Pierre de [Localité 2], à compter du 13 décembre 2005 et jusqu’au 9 mai 2009, procédé au règlement des taxes foncières afférentes à l’immeuble ou négligé de solliciter la minoration de la valeur cadastrale, d’avoir durant la même période, en dépit de son mandat d’administration des locaux en qualité de liquidateur judiciaire de la SCI Pierre de [Localité 2], laissé l’immeuble à l’abandon jusqu’à l’arrêt infirmatif du jugement d’extension sans chercher à le vendre, à le relouer ou à en tirer profit de quelque manière que ce soit et en négligeant sa surveillance et son entretien au point d’avoir remis un bien ayant subi de nombreuses dégradations et perdu de sa valeur, enfin d’avoir au regard de l’ampleur des dégradations, fait perdre une chance au propriétaire de relouer l’immeuble entre les mois de mai 2009 et janvier 2012 et même au-delà, la demande de ce chef étant actualisée jusqu’au jour de l’arrêt à intervenir .

Maître [X] [D] critique le jugement en ce qu’il a retenu, pour partie, les fautes alléguées.

— Sur le manquement à l’obligation de restituer les locaux à compter du jugement de liquidation judiciaire de la société SPSY jusqu’au jugement d’extension de la liquidation judiciaire à la SCI Pierre de [Localité 2]

S’agissant du premier grief, la partie appelante fait valoir que compte tenu de l’introduction d’une procédure en extension de liquidation judiciaire à la SCI, propriétaire de l’immeuble occupé, le liquidateur ne pouvait d’emblée lui restituer le bien, que celui-ci était garni du matériel et mobilier d’exploitation qui devait être réalisé aux enchères par le commissaire priseur, qu’au surplus, la restitution des locaux n’avait aucun sens dès lors que l’extension de la liquidation judiciaire devait permettre la cession de la clinique actifs mobiliers inclus, qu’elle a agi en extension dans l’intérêt des créanciers, compte tenu d’actes anormaux de gestion favorisés par la communauté d’intérêts des trois entités, M. [V], actionnaire principal de la SCI Pierre de [Localité 2] au travers de la société France Médical dont il était le gérant qui détenait 98 % du capital de la SCI, en même temps que le dirigeant des sociétés SPSY et SMIH, et de la confusion des patrimoines, que le jugement ayant accueilli sa requête était exécutoire de droit par provision, qu’il n’a pas été fait de demande d’arrêt de l’exécution provisoire de sorte qu’il a produit son plein effet jusqu’à la décision de la cour d’appel, que dès l’arrêt rendu, les clefs ont été remises, qu’elle n’est pas responsable du délai de jugement, que c’est à tort que le tribunal a considéré qu’il y avait une occupation illicite entre le 12 avril 2005 et le jugement d’extension du 13 décembre 2005, que la résiliation du bail a pris effet au 20 mars 2003 soit à la date de l’arrêté du plan de cession, plus de deux ans avant la désignation du liquidateur judiciaire, que la SCI Pierre de [Localité 2] s’est contentée de cette occupation réalisée pour les besoins de la procédure, désormais dénoncée comme illicite, et a déclaré une créance représentant près de deux ans de loyers, et n’a réclamé aucune indemnité d’occupation, que la situation s’est poursuivie après le prononcé de la liquidation judiciaire, le temps que la cour statue.

Il est acquis au débat que malgré la résiliation, en date du 4 juillet 2003 à effet du 20 mars 2003, du bail des locaux abritant la clinique, dans la suite de l’arrêté du plan de cession des actifs de la société Centre Chirurgical de [Localité 2] au profit de la société SMIH, la société SPSY, ancien locataire-gérant, s’est maintenue dans les lieux.

Il n’est pas contesté que Maître [X] [D], liquidateur judiciaire des sociétés SPSY et SMIH à compter du jugement du 12 avril 2005, n’a accompli aucune diligence en vue de faire cesser cette occupation.

Ni la préexistence au mandat de cette situation manifestement illicite, s’agissant d’une occupation sans titre, ni l’introduction d’une procédure en extension de liquidation judiciaire à la société propriétaire du bâtiment ne sont de nature à exonérer Maître [X] [D] de sa carence fautive durant la période considérée.

Il convient de souligner que loin de se désintéresser de la situation, le gérant de la SCI Pierre de [Localité 2] a, par lettre du 23 janvier 2005, déclaré auprès du mandataire au redressement judiciaire de la société SPSY une créance de 586 672,40 euros qui sera admise par arrêt infirmatif de cette cour du 16 octobre 2008 comme créance d’indemnité d’occupation pour la période du 30 mai 2003 au 30 octobre 2004.

C’est donc par une exacte appréciation que les premiers juges ont tenue Maître [X] [D] pour responsable du préjudice de la SCI Pierre de [Localité 2] résultant de l’occupation indue des locaux par la société SPSY du 12 avril 2005 au 13 décembre 2005.

Quant au préjudice, l’appelante prétend qu’il ne peut consister, comme l’a retenu le tribunal, dans le montant des indemnités d’occupation mais seulement dans la perte de chance de relouer les locaux dans les mêmes conditions laquelle est inexistante dès lors que le bâtiment était impropre à la location du fait de la non conformité aux normes incendie qui a conduit à la cessation d’activité.

Mais, les locaux étant effectivement occupés par l’ancien locataire-gérant sans contrepartie, le préjudice réparable s’entend de la privation d’une indemnité d’occupation soit un préjudice certain que le tribunal a exactement estimé à l’équivalent du montant du loyer soit pour huit mois la somme de 218 794, 80 euros.

Le jugement mérite confirmation de ce chef.

— Sur les manquements relatifs aux taxes foncières

Le tribunal a jugé que, la SCI étant redevable de ces taxes, ce sur quoi les parties s’accordent, Maître [X] [D] a manqué à son obligation de procéder au règlement, le préjudice réparable étant fixé à la somme de 16 117 euros, montant des pénalités et majorations de retard dues au 24 novembre 2010 au titre des taxes foncières des années 2006, 2007 et 2008 à l’exclusion de l’année 2009 qui donnait lieu à une mise en recouvrement après la fin du mandat.

L’appelante conteste toute responsabilité personnelle en faisant valoir qu’elle ne disposait pas des fonds disponibles pour régler ces taxes eu égard à leur rang, qu’au demeurant les avis d’imposition ne lui ont pas été transmis par la SCI qui en était destinataire et souligne qu’en toute hypothèse, les taxes litigieuses font l’objet de demandes de dégrèvement qui sont actuellement instruites par le centre des impôts de Fontainebleau ainsi qu’il résulte d’une lettre du 15 janvier 2013 de sorte que la SCI ne peut justifier d’un préjudice actuel et certain.

Tandis que la SCI forme appel incident pour obtenir réparation à hauteur de l’entière imposition soit 252 808 euros, soulignant que le liquidateur judiciaire est encore fautif pour ne pas avoir sollicité les dégrèvements qu’appelait la situation du bien.

La créance fiscale en cause, née au cours des opérations de liquidation judiciaire, faisant partie de celles qui doivent être payées par priorité, la carence de Maître [X] [D] qui ne démontre pas ne pas avoir disposé des fonds nécessaires, la constitue en faute.

Si on ne peut faire grief à Maître [X] [D] de ne pas avoir entrepris des démarches en vue de la minoration de la valeur locative de l’immeuble auxquelles sa mission ne l’obligeait pas, les mêmes démarches entreprises par le gérant de la SCI n’affectent pas le caractère certain du préjudice né de la carence caractérisée au regard de l’obligation du paiement des charges et taxes.

L’impôt dû n’est pas un préjudice réparable. C’est donc à juste titre que les premiers juges ont limité la réparation aux pénalités et majorations de retard en excluant l’année 2009.

Le jugement sera encore confirmé sur ce point.

— Sur la responsabilité du chef de la situation de l’immeuble du 13 décembre 2005 au 9 mai 2009

Sur la perte de chance de louer les locaux durant cette période

Déboutée de sa demande de ce chef, la SCI forme appel incident et réclame l’allocation de la somme de 1 255 868 euros pour la perte de la chance de louer les locaux durant cette période allant du jugement d’extension de la procédure de liquidation judiciaire à son égard à la restitution des lieux suivant l’arrêt infirmatif.

Cependant, la SCI ayant relevé appel du jugement d’extension, seule une occupation précaire pouvait être envisagée qui était incompatible avec les caractéristiques et l’usage du bâtiment.

C’est donc par une juste appréciation que les premiers juges ont considéré qu’il ne pouvait être reproché à Maître [X] [D] de ne pas avoir vendu ou loué le bien dans l’attente de la solution de l’appel et qu’ils ont rejeté la demande.

Sur le défaut de préservation de l’immeuble

Le tribunal a considéré que Maître [X] [D] était responsable d’un défaut de surveillance de l’immeuble de février 2006 à mai 2008 dont les conséquences quant à l’état du bien devaient être déterminées par voie d’expertise et au vu du procès-verbal de constat de Maître [Z], huissier de justice, les 4, 5 et 12 mai 2009 de manière à fixer le préjudice à la mesure des dégradations imputables à la carence du liquidateur judiciaire.

L’appelante conteste avoir commis une quelconque faute. Elle affirme avoir tout mis en oeuvre pour préserver les actifs, souligne qu’il n’a pas été établi d’état des lieux qui pourrait caractériser par comparaison une détérioration pendant la période du mandat et proteste contre la mesure d’expertise ordonnée.

Tandis que la SCI souligne que le constat d’huissier établi lors de la restitution en mai 2009 atteste de l’état d’abandon et de dégradation inqualifiable dans lequel se trouvaient les locaux, que le rapport [I], daté du mois d’avril 2006, établit leur bon état d’usage, qu’en septembre 2005, une expertise immobilière évaluait l’ensemble immobilier à plus de 3 millions d’euros, qu’une offre d’acquisition était faite le 15 avril 2005 pour 3,7 millions d’euros, qu’aujourd’hui le bien a perdu toute sa valeur, que la dégradation lui cause un préjudice considérable dont Maître [X] [D], qui s’est vue confier la garde d’un bâtiment en bon état abritant alors une clinique de 60 salariés, est seule responsable et qu’elle doit réparer dans son intégralité.

Il est constant que l’immeuble a été occupé à usage de clinique au moins jusqu’au 26 avril 2005, date limite de l’autorisation de poursuite d’activité, et que les clefs ont été restituées le 9 mai 2009.

Des pièces au débat, il ressort que le liquidateur judiciaire a fait appel à une société de gardiennage à compter de mai 2005 jusqu’en janvier 2006, que de février 2006 à mai 2008, aucune surveillance n’a été assurée, que la propriété n’était clôturée que partiellement, que des actes de vandalisme ont été commis, qu’en témoignent notamment les factures de réparations des 26 mars 2007, 27 novembre 2007, 18 juin 2008, que de tels actes ont été rapportés dans un article de la presse locale en avril 2008 dénonçant l’absence de surveillance à l’origine de l’intrusion de squatters et de multiples nuisances pour le voisinage, que le docteur [Y], médecin cardiologue, installé dans des locaux contigus, s’est plaint, par lettre du 13 décembre 2007, des effractions et dégradations commises depuis la fermeture de la clinique, qu’un procès-verbal de constat a été dressé par Maître [Z], huissier de justice, les 4, 5 et 12 mai 2009, qui relate de nombreuses dégradations, que le maire de la commune a fait état dans un courrier du 15 septembre 2010 d’intrusions et de squats dans les locaux de l’ancienne clinique après la fin du mandat du liquidateur judiciaire.

Le défaut de surveillance du bien dont l’administration lui était confiée constitue Maître [X] [D] en faute comme l’ont justement retenu les premiers juges.

Cependant, il est décisif de noter qu’il n’a pas été établi d’état des lieux lors de l’entrée du locataire et que des actes de vandalisme ont été commis au-delà de la fin du mandat du liquidateur judiciaire de sorte que Maître [X] [D] ne saurait être tenue pour responsable de l’état de l’immeuble tel que décrit par Maître [Z] dans son procès-verbal de constat.

Par ailleurs, il ressort du rapport d’expertise de M. [I] que la clinique était menacée de fermeture depuis octobre 1997 pour défaut de conformité aux normes sanitaires et incendie et que seule pouvait être envisagée une reconversion du bâtiment dans le cadre d’une opération impliquant la commune. Cette perspective de reconversion est confortée par la lettre du 16 avril 2009 de la Maison de l’Emploi et de la Formation qui évoque un projet d’intérêt public et par les propositions dont fait état la SCI qui émanent notamment de la SOCOGIM, filiale du groupe VINCI, et visent des projets impliquant un changement d’affectation assorti d’importants travaux de démolition, dépollution et désamiantage. Enfin le maire de la commune dans un courrier du 21 novembre 2012 précise que l’acquisition éventuelle s’entend d’un terrain nu.

Ces éléments contredisent formellement l’objectif, annoncé par la SCI dans ses dernières écritures, de retrouver un locataire dont l’activité soit proche ou connexe de celle logée jusqu’alors dans le bâtiment qui, d’ailleurs, n’est corroboré par aucun projet ou étude sérieuse.

Mais la vente du bien en l’état ne suffit pas à écarter le préjudice de la SCI résultant du défaut de surveillance, limité à la période de février 2006 à mai 2008, lequel consiste en une diminution éventuelle de la valeur vénale de l’immeuble en tenant compte de sa destination .

Si l’évaluation des travaux de rénovation apparaît ainsi inutile, une expertise s’avère nécessaire sauf à modifier en conséquence la mission de l’expert qui devra décrire l’immeuble, évaluer la valeur vénale actuelle de l’immeuble et déterminer si les dégradations qui l’affectent entraînent une diminution de celle-ci compte tenu de la destination possible de l’immeuble.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur la perte de chance de percevoir des loyers entre les mois de mai 2009 et mars 2014 compte tenu de l’état de délabrement des locaux

Ce chef de demande a été soumis au tribunal pour la période allant de mai 2009, époque de la restitution, à janvier 2012. Le tribunal a admis la perte de chance qu’il a fixée, dans un contexte de restriction budgétaire et de conjoncture économique défavorable, à 15 % de la valeur locative, allouant à ce titre la somme de 131 276,88 euros.

L’appelante conclut au débouté de cette demande, portée en cause d’appel à la somme de 1 999 778 euros sur la base de l’indemnité mensuelle d’occupation fixée par l’arrêt de la cour à raison de 59 mois.

Mais la perte de chance réparable doit être certaine et il n’est démontré aucune certitude ni opportunité de relouer les locaux quelqu’ait pu être leur état.

Le jugement sera donc infirmé en ses dispositions portant condamnation de ce chef et la SCI sera déboutée de sa demande

La SCI Pierre de [Localité 2] doit être encore déboutée au même motif de sa demande d’indemnisation des désordres à hauteur de 3 289 000 euros et de sa demande d’indemnisation de la perte de chance de relouer les locaux 'pour la période comprise entre aujourd’hui, date des plaidoiries d’appel et l’arrêt ordonnant la réhabilitation des locaux qui peut être estimée raisonnablement à douze mois’ (425 358 euros) et la période de travaux proprement dite 'qui peut être raisonnablement arrêtée à dix-huit mois correspondant au temps nécessaire à la réhabilitation’ (638 037 euros).

Sur la perte de chance de percevoir les loyers afférents aux locaux annexes de la clinique

Les premiers juges doivent être approuvés pour avoir rejeté ce chef de demande dès lors que les locaux en cause ont été donnés à bail non par la SCI Pierre de [Localité 2] mais par la SCI Pépinière Royale.

— Sur l’article 700 du code de procédure civile

L’équité commande de confirmer les dispositions du jugement et de condamner Maître [X] [D] à payer à la SCI la somme de 8 000 euros en application de ces dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant dans les limites de l’appel

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a condamné Maître [X] [D] à payer à la SCI Pierre de [Localité 2] la somme de131 276, 88 euros pour la perte de chance de relouer les locaux durant la période comprise entre le mois de mai 2009 et janvier 2012 et du chef de la mission de l’expert,

Statuant à nouveau

Déboute la SCI Pierre de [Localité 2] de sa demande relative à la perte de chance de relouer les locaux durant la période comprise entre le mois de mai 2009 et janvier 2012,

Modifie la mission de l’expert en ce que celui-ci devra décrire l’état de l’immeuble, fixer sa valeur vénale actuelle et déterminer si les dégradations qui l’affectent entraînent une diminution de celle-ci compte tenu de la destination possible du bien,

Ajoutant

Déboute la SCI Pierre de [Localité 2] de toutes autres demandes d’indemnisation,

Condamne Maître [X] [D] à payer à la SCI Pierre de [Localité 2] la somme de 8 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Renvoie la procédure devant le tribunal de grande instance de Melun pour la poursuite de la procédure,

Condamne Maître [X] [D] aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile

La GreffièreLa Présidente

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code de procédure civile
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 8, 20 mai 2014, n° 13/05463