Cour d'appel de Paris, 5 juin 2014, n° 12/21929

  • Sociétés·
  • Mandataire·
  • Commission·
  • Clientèle·
  • Demande·
  • Pièces·
  • Débauchage·
  • Concurrence déloyale·
  • Document·
  • Auteur

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, 5 juin 2014, n° 12/21929
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 12/21929
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 18 octobre 2012, N° 2010070842

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRÊT DU 05 JUIN 2014

(n° , 16 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 12/21929

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 octobre 2012 -Tribunal de Commerce de PARIS – QUINZIÈME CHAMBRE – RG n° 2010070842

APPELANTE

SARL B CONSEILS EN PATRIMOINE FRANCE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège XXX

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Représentée par Me Anne LOISEAU et Me Stéphane DASSONVILLE de BMH Avocats substituant Me Martin HAUSER, avocats au barreau de PARIS, toque : R216

INTIMES

Monsieur P D

XXX, XXX

Représenté par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

Représenté par Me Jean NERET de l’AARPI JEANTET ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : T04

Monsieur J Y

XXX

Représenté par Me Philippe SAVATIC de la SELARL CARAKTERS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0307

Représenté par Me Damien MEROTTO, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS, 46

XXX

ayant son siège XXX

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING – DURAND – LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Représentée par Me Christoph MAURER de la SDE PINSENT MASONS LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : R020

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 06 février 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente

Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère

Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller chargé d’instruire l’affaire

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Emmanuelle DAMAREY

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Madame Emmanuelle DAMAREY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS ET PROCÉDURE

Créée en 2003, la société B Conseils en Patrimoine France (ci-après la société B) est une filiale française du groupe B, acteur européen du conseil et de l’intermédiation en matière de produits financiers, de prévoyance et d’assurance. Son réseau est composé de mandataires indépendants, rémunérés à la commission.

La société FCG Private Finance (ci-après la société FCG), filiale du groupe FCG, a été créée en janvier 2010 et a pour président M. AA X, ancien gérant de la filiale suisse du groupe B. Elle exerce l’activité de conseil et de commercialisation de produits d’assurance et de produits financiers au moyen d’un réseau de mandataires indépendants.

M. P D et M. J Y, qui étaient mandataires de la société B et exerçaient les fonctions de « coordinateur national », ont résilié leur contrat en janvier 2010 et ont rejoint la société FCG.

La société B reproche à la société FCG d’avoir, avec le concours de MM. D et Y, massivement débauché ses mandataires, capté sa clientèle et de s’être livrée à d’autres actes de concurrence déloyale. Elle les a assignés le 24 septembre 2010 devant le tribunal de commerce de Paris afin d’obtenir leur condamnation à lui verser, à titre de réparation, des dommages et intérêts à hauteur de 11 900 000 euros et à cesser les agissements qui sont la cause du préjudice qu’elle prétend avoir subi.

Par jugement rendu le 19 octobre 2012, le tribunal de commerce de Paris :

— s’est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes reconventionnelles de Messieurs D et Y au titre de leurs droits d’auteur et les renvoie à mieux se pourvoir ;

— a déclaré irrecevables les demandes reconventionnelles de MM. D et Y au titre du parasitisme sur les 'uvres dont ils revendiquent un droit d’auteur ;

— a dit la société B recevable en ses autres demandes à l’égard des défenderesses, mais mal fondée ;

— a débouté la société B de toutes ses demandes ;

— a débouté les parties défenderesses de leurs demandes reconventionnelles ;

— a condamné la société B à payer à chacune des parties défenderesses la somme de 2500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu l’appel interjeté par la société B le 4 décembre 2012 contre cette décision.

Vu les dernières conclusions signifiées par la société B le 18 décembre 2013, par lesquelles il est demandé à la Cour de :

— recevoir la société B en son appel à l’encontre du jugement du tribunal de commerce de Paris du 19 octobre 2012 et la dire bien fondée,

— infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris déféré en toutes ses dispositions sauf en ce que :

. le tribunal de commerce s’est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes reconventionnelles de Messieurs D et Y au titre de leurs droits d’auteur et les a renvoyés à mieux se pourvoir ;

. le tribunal de commerce a déclaré irrecevables les demandes reconventionnelles de M. D et M. Y au titre du parasitisme sur les 'uvres dont ils revendiquaient un droit d’auteur ;

. le tribunal de commerce a débouté la société FCG et Messieurs D et Y de leurs demandes reconventionnelles ;

Et statuant à nouveau :

— dire et juger que les attestations de témoins de Messieurs C, G, Z et de Mme F produites par B sont recevables ;

— dire et juger la société B recevable et bien fondée dans l’ensemble de ses demandes à l’encontre tant de la société FCG que de Messieurs D et Y ;

— dire et juger que Messieurs D et Y ont violé leurs obligations contractuelles et engagent leur responsabilité à l’égard de la société B ;

— dire et juger que les actes de comportement déloyal commis par Messieurs D et Y engagent leur responsabilité délictuelle à l’égard de la société B ;

— dire et juger que les actes de concurrence déloyale et parasitaire commis par la société FCG engagent sa responsabilité délictuelle à l’égard de la société B ;

En conséquence :

Au titre des interdictions et mesures de cessation :

— ordonner la cessation par la société FCG dans les huit jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir de toute activité de concurrence déloyale vis-à-vis de la société B sous astreinte de 2 500 € par infraction constatée ;

— ordonner la cessation par Messieurs D et Y dans les huit jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir de tout comportement déloyal vis-à-vis de la société B sous astreinte de 2 500 € par infraction constatée ;

— interdire à la société FCG dans les huit jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir tout débauchage de mandataire du réseau, ou appropriation de la clientèle de la société B sous astreinte de 2 500 € par infraction constatée ;

— interdire à Messieurs D et Y dans les huit jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir de débaucher ou favoriser tout débauchage, pour leur propre compte, directement ou par l’intermédiaire d’un tiers, ou pour le compte d’un tiers, des mandataires du réseau de la société B sous astreinte de 2 500 € par infraction constatée ;

— interdire à la société FCG dans les huit jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, d’exercer par intermédiaire de ses conseillers ses activités commerciales et de prospection dans les bureaux anciennement dédiés aux mêmes activités de la société B à :

. XXX,

. Caluire-et-Cuire (XXX,

. XXX,

. Mulhouse (XXX et,

. XXX

et ce, sous astreinte de 2 500 € par jour de retard et par bureau ;

— interdire à la société FCG et Messieurs D et Y toute utilisation de matériels, objets, fichiers, dossiers client, documents, imprimés techniques ou commerciaux, supports de formation, de suivi ou de commissions, cartes de visites, tampons, etc., portant la mention, le logo ou le sigle « B » ou « B France » ou des informations appartenant à la société B, en quelque lieu qu’ils se trouvent, dans les huit jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir sous astreinte de 2 500 € par infraction constatée ;

— ordonner la remise à la société B par la société FCG de tout matériel, objet, fichier, dossier client, document, imprimé technique ou commercial, support de formation, de suivi ou de commissions, carte de visite, tampon, etc., portant la mention, le logo ou le sigle « B » ou « B France » ou appartenant manifestement à la société B, en quelque lieu qu’ils se trouvent, dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir sous astreinte de 2 500 € par infraction constatée ;

Au titre des réparations :

— condamner in solidum la société FCG, Messieurs D et Y à payer à la société B la somme de 11 900 000 € à parfaire, en réparation du préjudice subi résultant des fautes délictuelles commises par la société FCG, Messieurs D et Y ; majorée des intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 2010, date de l’assignation introductive, et avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 du code civil ;

— condamner in solidum la société FCG, Messieurs D et Y à payer à la société B la somme de 1 000 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du trouble commercial et du préjudice d’image subis ; majorée des intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 2010, date de l’assignation introductive, et avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 du code civil ;

— condamner in solidum la société FCG, Messieurs D et Y à payer à la société B la somme de 1 000 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi résultant des fautes contractuelles commises par Messieurs D et Y, majorée des intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 2010, date de l’assignation introductive, et avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 du code civil,

Aux fins de publication :

— ordonner aux frais de la société FCG, Messieurs D et Y solidairement, la publication dans cinq journaux nationaux différents d’un communiqué en police « arial » taille 16, dans la limite de 25 000 € HT pour chacune des publications, résumant l’arrêt de la cour à intervenir ;

— dire que la société FCG, Messieurs D et Y devront procéder au règlement du prix des publications de l’arrêt à intervenir sur simple présentation du devis dans un délai de huit jours ouvrés et ce, sous astreinte de 5 000 € par jour ouvrable de retard ;

Subsidiairement, dans l’hypothèse où la cour ne s’estimerait pas suffisamment informée

Aux fins d’expertise et au titre de mesures provisionnelles :

— désigner tel expert qu’il plaira à la Cour de nommer avec pour mission d’évaluer le préjudice financier, commercial et d’image subi par la société B du fait des actes litigieux et, dans le cas où cette mesure d’instruction serait ordonnée,

— condamner in solidum et par provision la société FCG et Messieurs D et Y à verser à la société B une somme de 5 000 000 € à valoir sur le montant définitif des réparations et condamnations à intervenir dans la décision définitive suite à l’évaluation du préjudice financier, commercial et d’image par l’expert nommé par la cour ;

En tout état de cause :

— débouter la société FCG et Messieurs D et Y de l’ensemble de leurs demandes reconventionnelles ;

— condamner solidairement la société FCG et Messieurs D et Y à payer à la société B la somme de 100 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’appelante expose que la société FCG a été constituée avec la complicité de MM. D et Y, qui étaient alors coordinateurs nationaux de la société B, et qu’elle s’est livrée à des manoeuvres de concurrence déloyale à son préjudice. Il en est résulté, selon elle, un départ massif de ses mandataires et une forte baisse de son chiffre d’affaires.

S’agissant de la société FCG, elle soutient que sa responsabilité délictuelle est engagée pour avoir commis des actes de débauchage de ses mandataires, ' 92 d’entre eux l’ayant rejointe entre janvier et mars 2010 -, avoir désorganisé son réseau, s’être livrée à du dénigrement, avoir détourné sa clientèle et utilisé des outils et supports protégés.

S’agissant de MM. D et Y, l’appelante prétend d’abord que leur responsabilité contractuelle est engagée pour manquement à leur obligation de non débauchage, de non démarchage de la clientèle et de confidentialité. Elle soutient ensuite que leur responsabilité délictuelle est engagée en raison de la violation de leur devoir de loyauté.

En ce qui concerne les attestations de mandataires qu’elle a produites, et qui établissent selon elle les actes fautifs reprochés aux intimés, elle reproche au tribunal de ne pas avoir accordé de force probante à ces documents au motif que leurs auteurs étaient dans un lien de dépendance économique avec elle.

En ce qui concerne les dysfonctionnements qui lui sont reprochés et qui justifieraient le départ de nombreux mandataires, elle soutient qu’ils ne sont pas établis et sont fondés sur des pièces qui n’ont aucun caractère probant.

Enfin, s’agissant des demandes reconventionnelles des intimés, la société B fait valoir que MM. D et Y, en invoquant un prétendu parasitisme à propos de l’utilisation des documents de formation dont ils prétendent être les auteurs, soulèvent en réalité une question de droit d’auteur relevant de la compétence du tribunal de grande instance. Elle en conclut que la Cour doit, comme l’a fait le tribunal, rejeter leur demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Vu les dernières conclusions signifiées par la société FCG le 2 décembre 2013, par lesquelles il est demandé à la Cour de :

— confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 19 octobre 2012 en ce qu’il a débouté la société B de l’intégralité de ses demandes,

— le réformer pour le surplus,

En conséquence :

— débouter la société B de l’ensemble de ses demandes,

— condamner la société B à payer à la société FCG la somme de 100 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive,

— condamner la société B à payer à la société FCG la somme de 100 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

L’intimée soutient que la constitution de la société FCG en 2010 s’est faite dans des conditions parfaitement transparentes et loyales et récuse chacun des griefs qui lui sont reprochés par l’appelante.

En ce qui concerne le recrutement des mandataires nécessaire à la mise en place de son réseau, elle indique avoir recouru, en particulier, à de la publicité dans des journaux et conteste avoir débauché de façon déloyale ceux de la société B. Elle précise qu’elle s’est assurée que les anciens mandataires de cette société qu’elle a recrutés avaient respecté leurs obligations contractuelles et souligne qu’ils n’ont d’ailleurs représenté qu’une partie seulement du nombre total de ses propres mandataires.

En ce qui concerne le dénigrement qui lui est reproché, elle prétend que la société B ne démontre pas la réalité de ses allégations et ne produit qu’une attestation sujette à caution.

En ce qui concerne le reproche d’utilisation des techniques et du savoir faire de la société B, elle en souligne le caractère, à ses yeux, vague et rappelle que les anciens mandataires de l’intimée pouvaient parfaitement continuer à utiliser leurs propres méthodes de travail.

En ce qui concerne le détournement de clientèle, elle soutient que les mandataires démissionnaires ayant rejoint FCG n’ont entrepris aucune démarche à l’égard des clients de la société B. Elle fait valoir que les compagnies d’assurance Fortuna, Alptis Assurances, Mutuelle Alsace Lorraine et Swiss Life ont toutes attesté qu’aucun client de la société B n’apparaissait dans les contrats par l’intermédiaire de FCG.

Sur le préjudice invoqué par l’appelante, elle soutient qu’il n’est nullement démontré, ni en ce qui concerne la prétendue désorganisation que la société B aurait subie à la suite du départ de certains de ses mandataires, ni en ce qui concerne la perte de valeur alléguée à hauteur de 11 900 000 euros, ni en ce qui concerne l’atteinte à son image.

Vu les dernières conclusions signifiées par M. Y le 30 avril 2013, par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Sur les demandes de la société B France :

— confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 19 octobre en qu’il a débouté la société B France de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

A titre reconventionnel, sur les demandes de M. Y :

— réformer la décision entreprise.

Et statuant à nouveau :

— condamner la société B France à payer à M. Y les sommes suivantes à savoir :

Au titre des commissions d’acquisitions bloquées par la société B :

. La somme de 47 410, 29 € pour le mois de février 2010 outre intérêts à compter du 27 février 2010 et ce jusqu’à parfait paiement,

. La somme de 14 966, 54 € pour le mois de mars 2010 outre intérêts à compter du 31 mars 2010 et ce jusqu’à parfait paiement,

. La somme de 589 € au titre du remboursement de l’extourne du mois de mars 2010 outre intérêts à compter du 31 mars 2010 et ce jusqu’à parfait paiement

Au titre des commissions non versées relatives aux contrats expédiés (bordereaux ASL):

. La somme de 6 307, 27 € au titre des commissions du mois de janvier 2010 intérêts à compter du 31 janvier 2010 et ce jusqu’à parfait paiement,

. La somme de 7 133, 01 € au titre des commissions du mois de février 2010 outre intérêts à compter du 27 février 2010 et ce jusqu’à parfait paiement,

Au titre des commissions bloquées selon la liste des postes ouverts :

. La somme de 34 921, 10 € outre intérêts à compter du 31 mars 2010 et ce jusqu’à parfait paiement

Au titre du compte de réserve :

. La somme de 67 755, 44 € outre intérêts à compter du 27 février 2010 et jusqu’à parfait paiement.

Au titre des commissions dynamiques :

. La somme de 77 851, 26 € outre intérêts à compter de l’arrêt à intervenir et ce jusqu’à parfaite paiement.

— condamner la société B France à payer à M. Y au titre des dommages et intérêts les sommes suivantes :

. la somme de 200 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte à son honneur, à sa probité et aux pressions multiples engagées par la société B France à son égard ;

. la somme de 250 000 € au titre du préjudice professionnel de M. Y ;

— condamner la société B France à payer à M. Y au titre de la réparation du parasitisme économique commis par la société B France :

. la somme de 500 000 € à parfaire correspondant au coût que la société B France aurait dû exposer pour établir, par l’intermédiaire d’un prestataire, les documents élaborés par M. Y et assurer les mêmes formations.

— faire interdiction à la société B France d’utiliser les documents développés par M. Y qui se présentent sous la forme de cours de présentation, de communication , de vente des produits distribués par l’intermédiaire d’B, de programmes d’évaluation de calculs de financements hypothécaires, de programmes de simulations de prêts bancaires, de retraite, de santé ainsi sur les outils de promotion et de vente des produits distribués par l’intermédiaire d’B et ce dès la signification du jugement à intervenir sous peine d’une astreinte de 5 000 € par infraction constatée.

— ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l’article 1154 du Code Civil.

En tout état de cause,

— débouter la société B FRANCE de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

— condamner la société B France à payer à M. Y en cause d’appel la somme de 100000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

M. Y expose que les difficultés de fonctionnement de la centrale administrative de la société OCB sont apparues dès 2004 et qu’elles se sont amplifiées en 2009. Il en est résulté des insuffisances et des retards dans le traitement des dossiers des clients et des difficultés de paiement des commissions dues aux conseillers indépendants. Il souligne que la gérance de la société OCB a été vacante à partir de janvier 2010 et que la société ne lui fournissait pas les outils de travail et la documentation qui lui étaient nécessaires et ajoute que des projets de prise de contrôle par des compagnies d’assurance allaient entraîner une perte de son indépendance. Il indique que cette situation l’a conduit à résilier son contrat en janvier 2010.

A titre principal, il conclut à l’irrecevabilité des demandes de la société B qui sont contraires au principe de non cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle et qui, par ailleurs, ne sont dirigées que contre lui et contre M. D alors qu’elles devraient être dirigées contre tous les conseillers démissionnaires.

A titre subsidiaire, il soutient qu’il n’a aucune responsabilité personnelle dans les griefs que la société B reproche à la société FCG et qu’il était parfaitement libre de rejoindre cette dernière société après sa démission.

A titre reconventionnel, M. Y réclame à la société B le paiement de commissions qu’il estime lui être dues. Il soutient qu’à la suite de son départ, la société a bloqué à titre de rétorsion le versement de différentes commissions [dites d’ « acquisition » des mois de janvier et février 2010 (d’un montant de 62 346,83 euros)] et qu’elle ne lui a pas versé les sommes inscrites sur un « compte de réserve » et qui lui reviennent.

M. Y fait valoir, par ailleurs, que la société B lui a causé un préjudice professionnel et personnel dont il demande réparation à hauteur de 2 500 000 euros, et qu’elle s’est rendue fautive à son égard d’actes de parasitisme économique en continuant à utiliser les documents de formation dont il est l’auteur avec M. D.

Vu les dernières conclusions signifiées le 29 avril 2013 par M. D par lesquelles il est demandé à la Cour de :

— confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 19 octobre 2012 en ce qu’il a débouté la société B de l’intégralité de ses demandes ;

— le réformer pour le surplus ;

— condamner la société B à verser à M. D la somme de 285 000€ au titre des commissions lui restant dues ;

— à titre subsidiaire, désigner tel expert qu’il plaira à la cour de nommer afin que celui-ci, sur la base des pièces et des explications fournies par les parties, calcule le montant exact du solde des commissions restant dues à M. D ;

— dire que la provision allouée à l’expert commis sera avancée par la société B ;

— condamner la société B à payer à M. D la somme de 50 000 € pour procédure

abusive ;

— condamner la société B à payer à M. D la somme de 250 000 €, à parfaire, en réparation de son préjudice professionnel ;

— condamner la société B à payer à M. D la somme de 200 000 € en réparation de son préjudice moral ;

— condamner la société B à payer à M. D la somme de 500 000 € en réparation du parasitisme économique perpétré par la demanderesse ;

— faire interdiction à la société B d’utiliser les documents conçus et développés par M. D constitués par des cours de présentation, de communication de vente de produits distribués par intermédiaire de la société B, de programmes d’évaluation de calculs de financements hypothécaires, de programmes de simulation de prêts bancaires, de retraite, de santé, ainsi que les outils de promotion et de vente de produits distribués par l’intermédiaire de la société B et ce, dès la signification du jugement à intervenir sous peine d’astreinte de 5 000 € par infraction constatée ;

— ordonner la capitalisation des intérêts ;

— majorer la condamnation de la société B prononcée par les premiers juges en application de l’article 700 du code de procédure civile et porter celle-ci à la somme de 100000 €.

M. D rappelle qu’il a intégré le groupe B en 1996 et qu’il l’a quitté en janvier 2010 pour rejoindre la société FCG Private Finance SAS qui venait d’être créée. Il indique qu’il a pris cette décision compte tenu, en particulier, de la désorganisation du groupe B et des graves difficultés de fonctionnement de sa centrale administrative qui se traduisaient par des erreurs et des retards dans le paiement des commissions dues aux mandataires et dans le traitement des contrats souscrits par les clients.

Il conteste les fautes délictuelles qui lui sont reprochées et affirme n’avoir ni « pillé » le savoir faire et les méthodes de la société B, ni détourné sa clientèle, ni colporté des rumeurs, ni débauché ses mandataires, ni concouru à la violation par ceux-ci de leur obligation de non concurrence.

M. D, par ailleurs, soutient n’avoir manqué à aucune de ses obligations contractuelles, ni par débauchage de mandataires, ni par appropriation de clientèle, ni par divulgation d’informations confidentielles.

Il évalue au montant de 285 000 euros les commissions qui lui restent dues et réclame les sommes de 50 000 euros pour procédure abusive et de 200 000 euros en réparation du préjudice professionnel qu’il dit avoir subi. Enfin, il soutient avoir créé des documents de formation que la société B continue à utiliser sans son accord et sans lui verser de contrepartie. Il demande à ce titre l’allocation d’une somme de 500 000 euros en réparation du préjudice qui en résulte pour lui.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur l’incident de procédure

La société FCG, M. Y et M. D ont, respectivement, les 23 et 26 décembre 2013 et 2 janvier 2014, signifié des conclusions tendant au rejet des conclusions et des pièces n° 69 à 83 signifiées par la société B le jour de la cloture ; à défaut, la société FCG avait demandé que l’ordonnance de clôture soit révoquée et l’affaire renvoyée à la mise en état. Ils font valoir que ces conclusions comportent, par rapport aux précédentes conclusions de l’appelante, 11 pages de développements nouveaux auxquels il ne leur aura pas été possible de répondre, en violation du principe de la contradiction.

Par conclusions en réponse à cet incident, signifiées le 31 décembre 2013, la société B soutient que ses conclusions au fond n’ont qu’un caractère strictement responsif et que n’y figurent ni demande nouvelle, ni argument nouveau ; elle souligne que d’ailleurs elle a été contrainte à conclure tardivement car la société FCG n’avait elle-même répondu que le 2 décembre 2013 à ses conclusions du 1er juillet 2013.

De l’examen du dossier, il résulte que les conclusions n° 3 que l’appelante a signifiées le 18 décembre 2013 comprennent, de la page 54 à la page 64, des développements nouveaux par rapport à ses précédentes conclusions n° 2 signifiées le 1er juillet 2013. Ces développements consistent en une réfutation des critiques que ses adversaires ont formulées tant en première instance qu’en appel, et selon lesquelles les dysfonctionnements de tous ordres de la société B seraient la cause du départ d’un nombre important de ses mandataires en 2010. Ce faisant, si la société B approfondit, précise et illustre d’exemples sa démonstration selon laquelle elle n’encourait aucun de ces reproches, elle n’avance aucun moyen ni argument nouveaux relatifs aux questions qui sont l’objet même du litige porté devant la Cour, celle-ci ayant non à apprécier la qualité de son fonctionnement interne ou le respect par elle de la réglementation qui lui est applicable, mais à déterminer si les intimés ont commis à son égard des actes de concurrence déloyale.

S’agissant des pièces n° 69 à 83 nouvellement annexées aux conclusions en cause, la Cour constate qu’elles consistent, d’une part, en des documents d’information, extraits du registre du commerce et des sociétés, statistiques, tableau de synthèse de commissions, aucun de ces documents n’apportant d’élément probatoire utile au litige et, d’ailleurs, n’appelant de réponse ; elles comprennent, d’autre part, des attestations de tiers, mais dont il apparaît qu’elles avaient été déjà toutes versées aux débats par la société FCG, s’agissant des attestations de MM. Diss et Le Levrier et de Mme H (pièces n° 28, 29 et 30 annexées aux conclusions de la société FCG signifiéees le 2 décembre 2013), et par M. D, s’agissant des attestations de MM. Klobschinsky et Rappenecker (pièces n° 124 et 126 annexées aux conclusions de M. D signifiées le 29 avril 2013).

Des constatations qui précèdent, il résulte qu’il n’y a pas lieu d’écarter des débats les conclusions n° 3 de l’appelante, avec les pièces qui y sont annexées, et les conclusions en ce sens des intimés seront rejetées.

Sur le débauchage de mandataires reproché à la société FCG

Les collaborateurs de la société B chargés de prospecter la clientèle, de la conseiller et de lui présenter les produits financiers et d’assurance susceptibles d’être souscrits par elle, exerçaient leur activité non comme salariés, mais comme mandataires indépendants, sur la base d’un contrat dit « contrat de mandataire libre ». Ils pouvaient mettre fin à ce contrat à tout moment, sous la seule condition d’un préavis d’une durée d’un mois, et sans être tenus par une clause de non concurrence. Il était donc loisible à ces mandataires, comme beaucoup l’ont fait entre janvier et mars 2010, de résilier le contrat qui les liait à la société B et de rejoindre la société FCG, pour des motifs qu’il leur appartenait seuls d’apprécier et qui, selon leurs attestations, tenaient aux mauvaises conditions de travail et de paiement de leurs commissions. De même, la société FCG pouvait, sans commettre de ce seul fait d’acte de concurrence déloyale, faire à ces mandataires des propositions d’emploi et les recruter.

Dans ces conditions, on ne saurait reprocher, comme le fait l’appelante, à M. AA X, président de la société FCG, d’avoir, en janvier 2010, approché MM. D et Y pour leur proposer de rejoindre cette société, en faisant valoir qu’ils y bénéficieraient de conditions professionnelles avantageuses et de perspectives favorables d’évolution de carrière, dès lors qu’il n’est ni démontré, ni même allégué, que ces propositions étaient fallacieuses et procédaient d’un dénigrement de la société B.

L’appelante, par ailleurs, met en cause la réunion de promotion que la société B a organisée le 26 janvier 2010 à Lyon, réunion à laquelle ont participé plusieurs de ses mandataires, et à la suite de laquelle certains d’entre eux ont démissionné. Mais comme le tribunal l’a relevé, cette réunion, annoncée par voie de presse, a été tenue sous le nom de la société FCG, sans confusion avec la société B. La société FCG pouvait donc y accueillir toute personne intéressée, et le fait qu’y aient participé plusieurs mandataires de la société B ne saurait être considéré comme un acte de débauchage illicite. A cet égard, l’appelante produit des attestations de deux de ses mandataires ayant participé à cette réunion, lesquels indiquent « J’ai reçu une convocation orale pour participer à une réunion B la veille de cette réunion. Arrivé sur place, la réunion en question est au nom de FCG et non d’B (') » (attestation de M. E ' pièce n° 23) et « Lors d’une réunion le 26 janvier 2010 à l’Hôtel Hilton de Lyon, conviant les mandataires B Lyon (…) » (attestation de M. C ' pièce n° 28). Ces déclarations, cependant, ne sont pas assez explicites, en particulier quant aux circonstances dans lesquelles leur auteur aurait été invité à une réunion faussement présentée comme organisée par la société B, pour qu’on puisse en conclure que la société FCG, qui par ailleurs démontre qu’elle a fait connaître la tenue de cette réunion par voie d’annonces dans la presse, aurait, de façon déloyale, débauché les mandataires de l’appelante en les incitant à résilier leur contrat par des promesses inconsidérées ou des propos dénigrants.

Enfin, le fait que la société FCG ait immédiatement après sa constitution, en janvier 2010, recruté un nombre important de mandataires de la société B ne suffit pas, à lui seul, à établir la concurrence déloyale qui lui est reprochée. Il convient au demeurant d’observer que si la société B a dû faire face entre janvier et mars 2010 à un nombre important de démissions, tous les démissionnaires n’ont pas été recrutés par la société FCG puisque selon les chiffres qu’elle a fournis, sur 154 mandataires ayant démissionné, 92 d’entre eux ont rejoint la société FCG. Il s’avère, de surcroît, que ce mouvement de démission s’est poursuivi après la constitution de la société FCG, 79 mandataires ayant après mars 2010 quitté la société B sans rejoindre la société FCG. Force est de constater, dès lors, que plus de la moitié des mandataires ayant quitté en 2010 la société B n’ont pas rejoint la société FCG et que ce constat confirme que, comme le soutiennent les intimés, ces départs ont pour cause l’insatisfaction et le mécontentement qui régnaient parmi ces mandataires au sein de la société B.

Aucun des éléments relevés ci-dessus, en conséquence, n’établit que la société FCG aurait, par des moyens déloyaux, débauché les mandataires de la société B.

Sur le dénigrement reproché à la société FCG

La société B soutient que la société FCG a répandu, auprès de ses mandataires et de tiers, de fausses rumeurs visant à la dénigrer en suggérant qu’elle allait « perdre sa neutralité », voire « disparaître », et que le fonctionnement de sa centrale administrative était affecté de graves difficultés. Ces rumeurs auraient commencé à être diffusées lors de la réunion organisée à Lyon le 26 janvier 2010 puis relayées auprès de ses clients et partenaires. En ce qui concerne cette réunion, la société B produit des attestations qui comportent les passages suivants : « (') M. X a expliqué qu’B France allait disparaître du fait de son acquisition par la société Signal Iduna » (attestation de M. G ' pièce n° 24), « Au cours de cette réunion, on m’a indiqué que le groupe B serait bientôt contrôlé par la société Signal Iduna, entraînant ainsi la perte d’indépendance du groupe B » (attestation de M. C ' pièce n° 28), « voilà ce qui a été présenté : (') la disparition imminente d’B en France » (attestation de M. Z ' pièce n° 23). Le tribunal a jugé ces témoignages peu probants, « compte tenu du lien de dépendance économique existant entre les parties », puisque leurs auteurs sont tous mandataires de la société B. Au-delà de cette appréciation, force est de constater que les propos rapportés, dont la réalité est par ailleurs formellement contestée par la société FCG dans ses écritures, ne caractérisent pas suffisamment un dénigrement ou une malveillance susceptibles d’engager la responsabilité de leur auteur. Il en va de même de la copie des courriers électroniques que l’appelante produit comme preuve du dénigrement auquel la société B se serait livrée en direction de la clientèle. Ainsi la pièce n° 55 reproduit un courriel qui émanerait d’une cliente de la société B, laquelle affirmerait qu’un concurrent lui aurait dit « qu’B n’allait pas bien et commençait à fermer ses bureaux en France. Est-ce seulement une fausse rumeur de la concurrence ' », et la pièce n° 36 est un courrier interne à la société B, dont l’auteur écrit que de nombreux clients auraient « reçu des informations erronées de la part de conseillers aujourd’hui travaillant pour FCG. Entre autres, B a été racheté, B avait changé de statut et devenu dépendant d’un actionnaire principal… choses habituelles ». Mais on ne saurait déduire des seules rumeurs rapportées par ces courriers la preuve que la société FCG se serait livrée, à l’égard de la société B, à des manoeuvres de dénigrement de nature à engager sa responsabilité.

Sur la désorganisation reprochée à la société FCG

L’appelante soutient que le débauchage déloyal auquel s’est livrée la société FCG a entrainé le départ massif de 154 de ses mandataires, dont 92 ont été recrutés par celle-ci, et qu’elle en a été durablement désorganisée. Mais, la Cour ayant jugé qu’il n’était pas établi que ces départs procédaient de man’uvres déloyales, les difficultés qui en ont résulté ne sauraient être reprochées à la société FCG, sauf à démontrer, ce qui n’est pas le cas, qu’elle a contribué par des actes déloyaux à fortement désorganiser l’entreprise.

Sur le détournement de clientèle

En premier lieu, l’appelante soutient que « les coachs passés chez FCG ont demandé à leurs conseillers de contacter systématiquement la clientèle dont ils s’occupaient pour le compte d’B avant d’être débauchés » et produit une copie d’un courrier électronique qui prouverait ces agissements (courrier électronique de M. L G, mandataire de la société B, adressé le 9 mars 2010 à Mme R F, Responsable Formation B – pièce n° 36). Or, le passage pertinent de ce courrier est ainsi rédigé : « (') j’ai eu un ancien conseiller B qui ne travaille pas pour la nouvelle société mais qui m’a affirmé qu’un coach FCG lui avait demandé de contacter ses anciens clients et de leur dire de faire une demande d’annulation de suivi B, pour ensuite contacter une personne FCG et être rattaché à eux. » Le caractère vague du passage de ce courrier, ' puisque son auteur rapporte des propos qui auraient été tenus par deux personnes non identifiées -, et qui au demeurant ne prend pas la forme d’une attestation en justice, interdit d’y voir un élément probant du détournement reproché à la société FCG.

En second lieu, l’appelante indique qu’à la suite du départ de certain de ses mandataires, des chèques ont été retenus par ceux-ci, des contrats ont été résiliés et des fausses informations ont été données à la clientèle, ces faits constituant selon elle des indices de la volonté de la société FCG de capter ses clients, et elle produit deux pièces à l’appui de ces allégations. La première d’entre elles (pièce n° 53) est un courrier électronique interne à la société B, en date du 15 mars 2010, qui recense les clients, au nombre de six, dont les contrats n’auraient pas été retrouvés ; la seconde (pièce n° 54) est un courrier, en date du 19 mars 2010, par lequel un client de la société B se plaint de ne pas avoir reçu l’attestation d’assurance de son habitation. Force est de constater que ces documents, s’ils démontrent que des incidents sont bien survenus dans la gestion et le suivi de certains dossiers, n’établissent en rien que la société FCG y aurait joué un rôle et que les clients concernés auraient été déloyalement démarchés par elle.

L’appelante n’établit donc pas que la société FCG se serait livrée à des manoeuvres déloyales afin de détourner sa clientèle. Au demeurant, la société FCG a produit des courriers qui lui ont été adressés par quatre compagnies d’assurances travaillant avec la société B et qui écartent de la façon la plus nette l’hypothèse d’un détournement de clientèle. C’est ainsi que les sociétés Fortuna, dont la société B a précisé qu’elle représentait 80 % de son chiffre d’affaires, Alptis, Mutuelle Alsace Lorraine et Swiss Life ont respectivement attesté que « nous n’avons jusqu’à présent pas constaté de captation de clientèle de B Conseils en patrimoine France Sarl de la part de FCG Private Finance SAS» (pièce n° 16), « (') je n’ai pu constater aucun transfert d’adhérents Alptis entre les codes B et FCG Finance sur l’année 2010 (') je n’ai identifié aucun client B radié en 2010 dans le portefeuille FCG à ce jour » (pièce n° 17), « nous n’avons constaté aucun transfert de sociétaires dans l’encaissement FCG pour l’année 2010 (') le portefeuille FCG est composé principalement d’affaires nouvelles et de quelques remplacements de police » (pièce n° 18), « je vous confirme n’avoir constaté à ce jour, au vu des éléments dont je dispose, aucun transfert de contrat, en cours ou résilié, du cabinet B vers le cabinet FCG » (pièce n° 19).

Sur l’utilisation d’outils et de supports protégés

A l’appui de ses reproches, l’appelante soutient, en premier lieu, que le document intitulé « Optimiser vos ressources » élaboré par la société FCG et utilisé par ses conseillers (pièce n° 57) est la copie de son propre document intitulé « La Base » (pièce n° 56) dont il reprend la structure, les schémas, les graphiques et la terminologie. De fait, l’examen comparé de ces documents révèle qu’ils présentent des similitudes, en ce qu’ils ont tous deux pour objet de présenter le savoir faire des sociétés B et FCG et de convaincre leur lecteur de l’intérêt qu’ils auraient à recourir à leur service de conseil ; c’est ainsi qu’ils comportent des questionnaires destinés à déterminer la situation et les objectifs des clients et à les sensibiliser aux problématiques financières et qu’ils présentent, sous une forme synthétique et pédagogique, des données relatives aux caractéristiques et rendements des différents produits et solutions d’épargne proposés. Ces similitudes, cependant, ne sont pas assez marquées pour caractériser une imitation qui serait constitutive de concurrence déloyale. Elles portent en effet sur des éléments qui sont dépourvus de toute originalité et qui procèdent des méthodes et des nécessités propres au conseil financier personnalisé, lequel, d’une part, suppose de connaître la situation patrimoniale, professionnelle et familiale du client ainsi que ses objectifs et ses priorités en matière d’épargne, de retraite, de prévoyance et d’assurance et, d’autre part, tend à sensibiliser ce même client aux solutions d’optimisation financière et patrimoniale qu’offre le marché.

En second lieu, la société B reproche à la société FCG d’avoir imité la structure de son réseau, caractérisé notamment par une organisation pyramidale dont la base est constituée de « junior financial advisors » et de « financial advisors » et au sommet de laquelle se trouve un coordinateur national, et ses méthodes de travail. Mais la Cour observe, d’une part, que cette organisation ne présente pas une originalité telle qu’on puisse considérer que la société FCG s’en est inspirée et, d’autre part, que le reproche tenant à l’imitation des méthodes est vague et non explicité, étant rappelé que les mandataires indépendants pouvaient sans déloyauté continuer à mettre en 'uvre dans une autre structure les méthodes de travail et le savoir faire qu’ils avaient développé auprès de la société B.

En troisième lieu, l’appelante produit trois constats d’huissier d’où il résulterait que la société FCG utilise ses signes distinctifs et des documents et objets lui appartenant, entretenant ainsi une confusion entre les deux entreprises. Aucun de ces constats cependant, n’a relevé d’éléments suffisamment caractérisés pour établir la réalité de ces allégations. C’est ainsi que le constat dressé le 19 mars 2010 dans des locaux situés à Morges, en exécution d’une ordonnance du juge de paix du canton de Vaud (pièce n° 58), a été effectué dans des locaux dont le locataire n’est ni la société FCG, ni M. D, ni M. Y, mais M. AC AD, qui n’est pas présent dans la procédure et qui n’est pas identifié dans les écriture de l’appelante. Le constat du 9 septembre 2010 a été effectué dans les bureaux de M. Y (pièce n° 43) ; l’huissier a relevé la présence de quelques classeurs siglés « B » contenant des documents anciens et les doubles de lettres adressées à la société B, d’une boîte de surligneurs siglés « B » et d’une maquette d’avion, dont M. Y soutient qu’elle est sa propriété personnelle, mais n’a trouvé dans ces locaux aucun document émanant de la société B ou étant sa propriété, ou portant sur ses clients. Le constat du même jour effectué dans des locaux loués par M. A (pièce n° 44), lequel est absent de la procédure, a permis de découvrir de la documentation émanant de la société B et des documents de travail portant des mentions « B », mais aucun élément qui permettrait d’étayer les griefs dirigés contre la société FCG. Enfin, le constat du même jour effectué dans les bureaux de M. I (pièce n° 45), lui aussi absent de la procédure, a permis de découvrir quelques documents siglés « B », une liste de contrats datée de novembre 2009, mais rien qui soit de nature à établir la concurrence déloyale reprochée à la société FCG.

Des constatations qui précèdent, il résulte qu’il n’est pas démontré que la société FCG a commis des actes de concurrence déloyale à l’égard de la société B. Toutes les demandes de ce chef présentées par la société B seront donc rejetées et le jugement entrepris sera confirmé.

Sur le débauchage reproché à MM. D et Y

La société B rappelle qu’aux termes du contrat qu’ils avaient passé avec elle, MM. D et Y ne pouvaient, « pendant la durée du contrat et dans les 24 mois suivant la fin du contrat », débaucher ses mandataires. Elle considère qu’ils ont violé cette interdiction en participant activement à la réunion que la société FCG avait organisé à Lyon le 26 janvier 2010. Mais sur ce point, la Cour a jugé qu’il n’était pas établi que la société FCG avait, par cette réunion, tenté, par des procédés déloyaux, de débaucher les mandataires de la société B, de sorte que la participation de MM. D et Y ne saurait être considérée comme fautive. La société B produit ensuite une attestation d’une de ses collaboratrices qui déclare avoir reçu le 4 février 2010 un appel téléphonique de M. D, lequel lui aurait indiqué « que la nouvelle société FCG était à la recherche de personnel pour sa nouvelle centrale administrative et qu’il aurait aimé pouvoir travailler avec moi sur un poste équivalent à celui que j’occupe actuellement chez B avec des propositions financières très intéressantes » (attestation de Mme R F -pièce n° 27). Si elle était avérée, cette démarche, sur laquelle M. D ne s’explique pas dans ses écritures, constituerait indiscutablement un manquement aux engagements contractuels ci-dessus rappelés ; mais force est de constater qu’il n’en est résulté aucun préjudice pour la société B, puisque l’intéressée n’a pas donné suite à cette proposition et a conservé ses fonctions auprès de la société B.

Sur le démarchage de clientèle reproché à MM. D et Y

L’appelante prétend que MM. D et Y ont demandé à ses anciens mandataires qui avaient rejoint la société FCG de ne pas restituer leurs dossiers clients comme ils en avaient l’obligation, traduisant ainsi leur intention de capter sa clientèle. Mais s’il semble effectivement résulter du dossier que certains mandataires démissionnaires n’auraient restitué leurs dossiers clients qu’avec retard, les pièces n'59, 60 et 61 que l’appelante produit à l’appui de ses allégations ne démontrent pas que MM D et Y aient commis les agissements qui leur sont reprochés : c’est ainsi que la pièce n° 59 est un courrier par lequel Mlle N O déclare avoir restitué ses dossiers clients, la pièce n° 60 est un courrier par lequel Mlle AE-AF AG-AH se plaint auprès de la société B de ne pas avoir perçu ses commissions et dit avoir remis ses dossiers à M. Y, lequel le confirme dans la pièce n° 61. Il n’en résulte donc pas que les intimés se soient livrés à des manoeuvres pour dissuader les mandataires de restituer leurs dossiers clients, ni qu’ils aient tenté de capter la clientèle de la société B.

Sur la violation de l’obligation de confidentialité reprochée à MM. D et Y

La société B reproche à MM. D et Y d’avoir conservé des dossiers et de la documentation qu’ils auraient dû restituer et considère qu’ils ont ainsi contrevenu à l’article 7 de leur contrat, aux termes duquel ils s’étaient engagés « à garder confidentiels les renseignements commerciaux ou autres ayant trait au mandant et à ses produits et dont il aurait eu connaissance ». Mais à supposer ces reproches avérés, ce que contestent les intimés, ils n’en constitueraient pas un manquement à ces stipulations, lesquelles n’obligent pas à la restitution des documents en cause, mais interdisent aux mandataires de divulguer à des tiers les renseignements dont ils auraient eu connaissance dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions.

Des constatations qui précèdent, il résulte qu’il n’est pas démontré que M. D et M. Y ont commis des actes de concurrence déloyale à l’égard de la société B. Toutes les demandes de ce chef présentées par la société B seront donc rejetées et le jugement entrepris sera confirmé.

Sur les demandes de MM. D et Y au titre du parasitisme économique dont la société B se serait rendue fautive

MM. D et Y soutiennent qu’ils sont les auteurs des documents de formation que la société B continue d’utiliser, après leur départ, pour la formation de ses mandataires. Ils considèrent qu’elle commet ainsi un acte de parasitisme économique à leur préjudice puisqu’elle profite, sans leur avoir versé aucune contrepartie, de l’important investissement qu’ont représenté pour eux la conception, l’élaboration et la mise à jour de ces documents. Ils demandent, en conséquence, que la société B soit condamnée à leur verser la somme de 500 000 euros chacun et qu’il lui soit fait interdiction, sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée, d’utiliser les documents en cause.

A supposer que MM. D et Y soient les auteurs de ces documents, ce que conteste l’appelante, il resterait à déterminer si les droits que leur reconnaît alors le code de la propriété intellectuelle n’ont pas été cédés à la société B, notamment par l’effet du contrat qui les liait. Comme le tribunal l’a jugé, ce point ne saurait être tranché dans le cadre de la présente instance puisqu’il entre dans la compétence exclusive que l’article L. 331-1 du même code donne aux tribunaux de grande instance à l’égard des demandes relatives au droit d’auteur, « y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale ». C’est donc à bon droit que le tribunal, dont le jugement sera confirmé sur ce point, s’est déclaré incompétent pour connaître des demandes reconventionnelles de MM. D et Y portant sur l’utilisation par la société B des documents de formation dont ils prétendent les auteurs, et les a renvoyés à mieux se pourvoir.

Sur les commissions qui resteraient dues à M. D

Reconventionnellement, M. D demande la condamnation de la société B à lui payer la somme de 285 000 euros au titre de commissions qui lui resteraient dues. Il produit à l’appui de cette demande un tableau, élaboré par ses soins, comprenant plusieurs rubriques sous les intitulés de « commissions bloquées », « remboursement extourne », « commissions non versées », « rétro-commissions », « bonus d’investissement », « bonus d’augmentation » (pièce n° 93). Ce document, dont M. D est l’auteur, cependant, n’est assorti d’aucune indication et d’aucun autre élément objectif, ni sur les opérations qui sont à l’origine des commissions réclamées, ni sur le niveau antérieur et habituel de la rémunération de M. D, qui rendrait plausible le montant de la demande, dont il est par ailleurs indiqué dans les écritures de celui-ci qu’elle procède d’une « extrapolation ». Faute d’être justifiée par des éléments probants, la demande de M. D sera donc rejetée, ainsi que celle tendant à ce que la Cour ordonne une expertise, laquelle ne saurait avoir pour objet de pallier la carence d’une partie dans l’administration de la preuve.

Sur la demande de M. D de dommages et intérêts pour procédure abusive

Si la société B s’est méprise sur l’étendue de ses droits, tant en première instance qu’en appel, il n’apparaît pas qu’elle ait abusé de son droit d’agir en justice, ni fait preuve de légèreté blâmable ou d’acharnement. La demande de M. D sera donc rejetée.

Sur la demande de M. D de dommages et intérêts pour préjudice professionnel

M. D demande l’allocation d’une somme de 250 000 euros en réparation du préjudice professionnel qu’il prétend avoir subi, du fait du non paiement par la société B des commissions qui lui seraient dues et des tentatives de cette même société de le déconsidérer auprès de ses partenaires commerciaux. Ces allégations, cependant, ne sont accompagnées d’aucun élément de preuve ni, comme la Cour l’a jugé précédemment, quant à la réalité et au montant des commissions qui resteraient dues à M. D, ni quant au comportement fautif reproché à la société B. La demande sera donc rejetée.

Sur la demande de M. D de dommages et intérêts pour préjudice moral

M. D soutient que, tant en première instance qu’en appel, la société B a porté contre lui des accusations mensongères et diffamatoires d’où il est résulté une atteinte à sa réputation et à son crédit et il demande à ce titre l’allocation d’une somme de 200 000 euros. Mais il ne résulte pas de la lecture des conclusions de l’appelante qu’elles comportent d’autres arguments que ceux nécessaires à la défense de ses droits. La demande sera donc rejetée.

Sur les commissions qui resteraient dues à M. Y

Reconventionnellement, M. Y demande la condamnation de la société B à lui payer, au titre de commissions qui lui resteraient dues, diverses sommes dont le détail figure dans le dispositif ci-dessus rappelé de ses conclusions. La société B reconnaît devoir la somme de 32 048,40 euros à M. Y, que celui-ci juge très insuffisante. M. Y produit à l’appui de sa demande deux tableaux, élaborés par ses soins, récapitulant les « commissions dynamiques non versées » et les « commissions contractuellement dues » (pièces n° 42 et 43). Ces éléments, cependant, ne sont pas assortis d’indications ou d’autres éléments objectifs, ni sur les opérations qui sont à l’origine des commissions réclamées, ni sur le niveau antérieur et habituel de la rémunération de M. Y, qui rendraient plausible le montant de la demande. Faute d’être justifiée par des éléments probants, la demande de M. Y sera donc rejetée, ainsi que celle tendant à ce que la Cour ordonne une expertise, laquelle ne saurait avoir pour objet de pallier la carence d’une partie dans l’administration de la preuve.

Sur la demande de M. Y de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte à son honneur

M. Y expose que le procès qui lui est fait ne repose sur aucun élément sérieux, que la société B a formulé contre lui des reproches dans des « termes fallacieux, dirimants et afflictifs » et qu’elle a sans ménagement fait procéder dans ses locaux à des constats d’huissier menés avec le concours de la force publique ; il demande à ce titre la condamnation de l’appelante à lui payer la somme de 200 000 euros. M. Y cependant, ne démontre pas, qu’au-delà des désagréments auxquels s’exposent toutes parties à une procédure contentieuse, il a été victime de fautes lui ayant causé un préjudice et ouvrant un droit à réparation. Sa demande sera donc rejetée.

Sur la demande de M. Y en réparation de son préjudice professionnel

M. Y demande l’allocation d’une somme de 250 000 euros en réparation du préjudice professionnel qu’il prétend avoir subi du fait du non paiement par la société B des commissions qui lui seraient dues et de baisse de son chiffre d’affaires qui en est résultée. Il ne justifie cependant le préjudice qu’il allègue par aucun élément de preuve, étant rappelé qu’il n’est pas établi que la société B lui restait devoir des commissions et étant observé qu’on ne saurait déduire du simple constat que son chiffre d’affaires a effectivement baissé en 2010 par rapport à 2009, dont atteste son expert-comptable (pièce n° 44), que la cause en est imputable à des agissements de la société B. Sa demande sera donc rejetée.

Sur les frais irrépétibles

Au regard de l’ensemble de ce qui précède, il serait inéquitable de laisser à la charge des intimés la totalité des frais irrépétibles engagés pour faire valoir leurs droits et la société B sera condamnée à verser à chacun la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

REJETTE la demande tendant à ce que soient écartées des débats les dernières conclusions et les pièces que la société B Conseils en Patrimoine France a signifiées le 19 décembre 2013 ;

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE la société B Conseils en Patrimoine France à payer à la société FCG Private Finance, à M. P D et à M. J Y la somme de 5000 euros chacun ;

REJETTE toutes les demandes autres, plus amples ou contraires des parties ;

CONDAMNE la société B Conseils en Patrimoine France aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente

E.DAMAREY C.PERRIN

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, 5 juin 2014, n° 12/21929