Cour d'appel de Paris, 27 mai 2014, n° 13/06765

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 27 mai 2014, n° 13/06765
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 13/06765
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Bobigny, 17 juin 2013, N° 12/02297

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 3

ARRÊT DU 27 Mai 2014

(n° , 4 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 13/06765

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Juin 2013 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 12/02297

APPELANTE

SAS PARIS PORTES

XXX

XXX

représentée par Me Marc SPORTES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0023 substitué par Me Sandrine MENDES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0023

INTIME

Monsieur F B

XXX

XXX

comparant en personne,

assisté de Me Houria Y, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS, toque : C

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Mars 2014, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame D E, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Bernadette LE GARS, Présidente

Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller

Madame D E, Conseillère

Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats

ARRET :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

— signé par Madame Marie-Bernadette LE GARS, Présidente et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur F B a été embauché à compter du 1er août 1999 par la société Paris Portes en qualité d’ouvrier sur machines.

La relation de travail s’est poursuivie sans incident disciplinaire jusqu’au 6 avril 2012, date

de la notification verbale par la société Paris Portes d’une mise à pied conservatoire.

Convoqué par lettre du 11 avril 2012 à un entretien prélable à un éventuel licenciement, Monsieur B a été licencié par lettre du 27 avril 2012 aux motifs suivants :

'… Lors de la réunion du personnel du 4 avril 2012 ayant pour objet la mise en place des pauses journalières au sein de la société pour le personnel travaillant en journée continue, vous avez cru bon revendiquer sur un ton pour le moins virulent que vous étiez ' un bon musulman ' et qu’effectuer votre prière quand bon vous semble ne revenait pas à ' voler de l’argent à un juif ' alors que vous savez pertinemment que je suis de confession juive, et ce devant l’ensemble des salariés assistant à la réunion.

Vous avez cru bon perdurer dans vos errements en dépit du fait que je vous ai rappelé que ladite réunion n’était pas le lieu pour de tels propos, jusqu’à l’intervention d’autres salariés …

Compte tenu du contexte, vos propos à l’encontre de votre hiérarchie, en parfaite connaissance des convictions religieuses de cette dernière, constituent des propos à connotation raciste pour le moins insultants et injurieux qui ne peuvent être laissés sans sanction.

De surcroît, vos agissements constituent un acte d’insubordination à l’égard de votre Direction au vu et au su de l’ensemble du personnel, votre lieu de travail et encore moins ladite réunion n’étant le lieu pour proclamer de tels propos à l’encontre de votre hiérarchie. '

Monsieur B a contesté, par lettre du 2 mai 2012, les motifs de son licenciement.

Suite à la demande d’intervention de Monsieur B, l’inspecteur du travail a interrogé la société Paris Portes sur les conditions du licenciement de Monsieur B et la société Paris Portes a répondu à l’inspection du travail le 21 mai suivant.

*****

Monsieur B a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny de diverses demandes.

Par jugement du 18 juin 2013, le conseil de prud’hommes de Bobigny a :

— dit que le licenciement de Monsieur B était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— condamné la société Paris Portes à payer à Monsieur B les sommes suivantes :

* 13 000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 4 125 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 412, 50 € au titre des congés payés y afférents,

* 5 443 € à titre d’indemnité de licenciement,

* 1 215, 20 € à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied et 121, 52 € au titre des congés payés y afférents,

* 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— le tout, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement

— ordonné la remise par la société Paris Portes de documents sociaux conformes,

et a débouté les parties du surplus de leurs demandes.

La société Paris Portes a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

*****

Par conclusions visées au greffe le 26 mars 2014, au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, la société Paris Portes conclut à l’infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de :

— dire justifié le licenciement pour faute grave notifié le 27 avril 2012,

— débouter Monsieur B de toutes ses demandes,

— condamner Monsieur B au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

*****

Par conclusions visées au greffe le 26 mars 2014, au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Monsieur B sollicite la confirmation du jugement déféré sur l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et la condamnation de la société Paris Portes au paiement des sommes suivantes :

* 30 000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 4 125 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 412, 50 € au titre des congés payés y afférents,

* 10 752 € à titre d’indemnité de licenciement,

* 1 617, 50 € à titre de rappel de salaire et 161, 75 € au titre des congés payés y afférents,

* 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle sollicite, en outre, la confirmation du surplus du jugement entrepris.

MOTIFS

Considérant que Monsieur B prétend qu’il se trouvait, au moment de son licenciement, en situation de suspension de son contrat de travail pour accident de travail, ce qu’a retenu le conseil de prud’hommes de Bobigny et que la société Paris Portes conteste ;

Considérant qu’il résulte des pièces versées aux débats que l’arrêt de travail pour accident du travail a été prescrit pour 4 jours à compter du 6 avril 2012 ; que lui a succédé un arrêt de travail pour maladie à compter du 10 avril suivant ;

qu’à compter du 10 avril 2012, la période de suspension du contrat de travail pour accident de travail avait pris fin sans qu’une visite médicale de reprise ne soit nécessaire, l’article R 4624 – 22 du code du travail ne prévoyant de visite médicale de reprise que pour tout arrêt de travail d’une période d’au moins 30 jours ;

que le moyen tiré de la violation des règles protectrices des accidentés du travail sera rejeté ;

Considérant qu’il appartient à la société Paris Portes qui a licencié Monsieur B pour faute grave de démontrer la réalité d’un manquement de Monsieur B rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ;

que la cour examinera les motifs du licenciement tels qu’énoncés dans la lette de licenciement qui fixe les limites du litige ;

Considérant qu’il est reproché à Monsieur B d’avoir tenu, à l’égard du représentant de l’employeur, lors de la réunion du personnel du 4 avril 2012 destinée à réglementer le temps de pause dans l’entreprise, des propos à connotation raciste insultants et injurieux ; qu’après avoir rappelé qu’il était un bon musulman, Monsieur B a ajouté qu’effectuer sa prière quand bon lui semble ne revenait pas à voler de l’argent à un juif alors que Monsieur B savait pertinemment que le représentant de l’employeur était de confession juive ;

Considérant que la société Paris Portes soutient que la faute grave est parfaitement caractérisée, s’agissant de propos antisémites portant atteinte à l’honneur et à la dignité du dirigeant de l’entreprise tenus en présence du personnel, attitude qui s’est poursuivie malgré la mise en garde de l’employeur ;

Considérant que Monsieur B conteste la tenue des ces propos lors de la réunion du 4 avril 2012 ; qu’il prétend que les attestations produites par l’employeur émanent de salariés de l’entreprise et ont été écrites sur les lieux du travail ; qu’un collègue de travail confirme dans un courrier les propos effectivement tenus par Monsieur B qui rencontrait des problèmes de santé en lien avec des difficultés dans l’entreprise ;

Considérant d’une part que la réalité des propos mentionnés dans la lettre de licenciement est établie par les 4 attestations de salariés régulières en la forme versées aux débats par la société Paris Portes ; que le fait que les attestants soient salariés de la société Paris Portes ne retire pas aux attestations leur caractère probant ;

que Monsieur B ne rapporte aucune preuve contraire au soutien de ses dénégations qui ne sont corroborées que par une lettre de Monsieur A adressée à Madame Y qui est sans valeur probante puisqu’elle n’est pas une attestation au sens de l’article 202 du code de procédure civile et qu’elle est contredite par une attestation postérieure versée aux débats par la société Paris Portes ; qu’au surplus, la cour constate que cette correspondance qui figure dans le dossier de Monsieur B n’est pas mentionnée sur le bordereau de communication de pièces et qu’aucun numéro de pièce n’est mentionné sur cette pièce de sorte qu’il n’est pas établi que cette pièce ait été régulièrement communiquée ;

Considérant d’autre part que le caractère raciste et antisémite des propos tenus par Monsieur B le 4 avril 2012 à Monsieur X, représentant de l’employeur, ne fait aucun doute ; que Monsieur B a indiqué que sa façon de faire sa prière comme il le souhaitait ne revenait pas à voler de l’argent à un juif ; que, ce faisant, il a mis en cause la personne de l’employeur identifié par sa religion ; que la référence au vol de l’argent à un juif est antisémite compte tenu du rapport fait entre le vol d’argent et la religion de Monsieur Z ;

qu’il ne s’agit pas de déclarations inopportunes, comme l’a jugé le conseil de prud’hommes, mais de tenue de propos racistes en présence de l’ensemble du personnel de l’entreprise ;

que la tenue de ces propos est constitutive d’une faute grave en ce qu’elle ne permettait pas, eu égard à la nature des propos et à l’impact sur leur destinataire, représentant de l’employeur, le maintien de Monsieur B dans l’entreprise ;

qu’en conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en toutes ses dispositions et Monsieur B débouté de toutes ses demandes ;

Considérant qu’eu égard à la disparité de la situation économique des parties, il convient de rejeter les demandes d’application d’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

— Dit que la faute grave reprochée à Monsieur F B est démontrée ;

— Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

— Déboute Monsieur B de toutes ses demandes ;

— Dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamne Monsieur B aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Textes cités dans la décision

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