Cour d'appel de Paris, 10 décembre 2014, n° 14/04463

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 10 déc. 2014, n° 14/04463
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 14/04463
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 28 janvier 2014, N° 14/04472

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 7

ORDONNANCE DU 10 DECEMBRE 2014

(n°37 , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 14/04463, 14/04472, 14/04483, XXX

14/04463 : Ordonnance rendue le 29 janvier 2014 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris

14/04472 : Recours contre les conditions de visite domiciliaire et de saisies du 30 janvier 2014 dans les locaux et dépendances sis XXX

14/04483 : Recours contre les conditions de visite domiciliaire et de saisies du 30 janvier 2014 dans les locaux et dépendances sis XXX

XXX : Recours contre les conditions de visite domiciliaire et de saisies du 30 janvier 2014 dans les locaux et dépendances sis XXX

Nature de la décision : Contradictoire

Nous, Dominique PATTE, conseillère à la cour d’appel de PARIS, déléguée par le premier président de ladite cour pour exercer les attributions résultant de l’article L. 16B du livre des procédures fiscales,

assistée de E F, greffier lors des débats et du prononcé de la décision,

Avons rendu l’ordonnance ci-après :

ENTRE :

VIGEO SA

Prise en la personne de son administrateur Mme G H

Ayant son siège social au XXX

L 8030 STRASSEN

XXX

Elisant domicile à la SCP d’avocats AFG

XXX

Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Plaidant par Me Richard FOISSAC du cabinet CMS Francis Lefebvre, avocat au barreau des Hauts de Seine, toque NAN 1701

XXX

prise en la personne de son Gérant M. C D

Ayant son siège social au XXX

Elisant domicile à la SCP d’avocats AFG

XXX

Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Plaidant par Me Richard FOISSAC du cabinet CMS Francis Lefebvre, avocat au barreau des Hauts de Seine, toque NAN 1701

ADVENS SA représentée par son Président M I D

Ayant son siège social au XXX

Elisant domicile à la SCP d’avocats AFG

XXX

Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Plaidant par Me Richard FOISSAC du cabinet CMS Francis Lefebvre, avocat au barreau des Hauts de Seine, toque NAN 1701

GEOCOTON SA représentée par son Président Directeur Général M A B

Ayant son siège XXX

Elisant domicile à la SCP d’avocats AFG

XXX

Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Plaidant par Me Richard FOISSAC du cabinet CMS Francis Lefebvre, avocat au barreau des Hauts de Seine, toque NAN 1701

COMPAGNIE COTONNIERE ' X’ SA

Ayant son siège XXX

Elisant domicile à la SCP d’avocats AFG

XXX

Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Plaidant par Me Richard FOISSAC du cabinet CMS Francis Lefebvre, avocat au barreau des Hauts de Seine, toque NAN 1701

APPELANTES ET DEMANDERESSES AU RECOURS

ET

LA DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES

XXX

XXX

Représentée et plaidant par Me Dominique HEBRARD MINC, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉE ET DÉFENDERESSE AU RECOURS

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 17 septembre 2014, les conseils de toutes les parties ;

Les débats ayant été clôturés avec l’indication que l’affaire était mise en délibéré au 29 octobre 2014 pour mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

Le 29 octobre 2014, le délibéré a été prorogé au 19 novembre 2014. Le 19 novembre, il a été prorogé au 03 décembre 2014. A cette date, il a de nouveau été prorogé au 10 décembre 2014

***

Par requête du 22 janvier 2014, enregistrée le 23, la direction nationale d’enquêtes fiscales a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris aux fins d’être autorisée à mettre en oeuvre le droit de visite prévu à l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales à l’encontre de la société de droit luxembourgeois Vigeo SA, créée en mai 2003, dont le siège social est sis XXX, ayant pour objet social : la prise de participations sous quelque forme que ce soit dans d’autres sociétés luxembourgeoises ou étrangères ainsi que la gestion, le contrôle et la mise en valeur de ces participations, notamment l’acquisition par voie d’apport, de souscription, d’option, d’achat et de toute autre manière des valeurs mobilières de toutes espèces et leur réalisation par voie de vente, de cession, d’échange ou autrement, l’acquisition et la mise en valeur de tous brevets et autres droits se rattachant à ces brevets ou pouvant les compléter, la possibilité d’emprunter et accorder à d’autres sociétés tous concours, prêts, avances ou garantie, et la possibilité d’effectuer toutes opérations commerciales, immobilières, financières pouvant se rapporter directement ou indirectement aux activités ci-dessus décrites ou susceptibles d’en faciliter l’accomplissement.

Par ordonnance rendue le 29 janvier 2014 (RDGI 2014/01), ce magistrat, retenant au vu des 38 pièces produites qu’il existe des présomptions selon lesquelles la société de droit luxembourgeois Vigeo SA exercerait sur le territoire national une activité commerciale sans souscrire les déclarations fiscales y afférentes et omettrait de passer en France les écritures comptables correspondantes, se soustrayant ainsi à l’établissement ou au paiement des impôts sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d’affaires, a, sur le fondement de l’article précité, autorisé des agents de l’administration des finances publiques à procéder à des visites et saisies aux fins de rechercher la preuve de la fraude fiscale présumée dans les lieux suivants, où sont susceptibles de se trouver des documents et supports d’information illustrant cette fraude :

locaux et dépendances sis à XXX, XXX, susceptibles d’être occupés par la société de droit luxembourgeois Vigeo SA et/ou la société Advens et/ou la société Izsos et/ou la société Geocoton holding et/ou la société M2A export et/ou la société Enviterre et/ou l’association Patrons sans frontières et/ou la société de droit sénégalais Suneor et/ou la société de droit luxembourgeois Vectea,

locaux et dépendances sis à XXX, susceptibles d’être occupés par la société de droit luxembourgeois Vigeo SA et/ou la société Advens et/ou la société Geocoton et/ou la société Compagnie cotonnière X et/ou la Société d’investissement franco ghanéenne (SIFG),

locaux et dépendances sis à Paris 7e, 250 bis boulevard Saint-Germain susceptibles d’être occupés par I D et/ou Y Z née Denis et/ou la société Diligences et/ou la société Lila et/ou la SCI Lila II.

Ces opérations se sont déroulées le 30 janvier 2014 et ont donné lieu à l’établissement de quatre procès-verbaux. Dans les locaux sis XXX et XXX, des documents papiers et des documents édités à partir de certains ordinateurs ont été saisis ; il a également été procédé à la copie de fichiers contenus sur le disque dur de certains ordinateurs. Aucun document n’a en revanche été saisi au domicile de M. I D, 250 bis boulevard Saint-Germain.

Par déclaration remise au greffe de la cour le 12 février 2014, les sociétés Vigeo SA, M2A export, Advens, Geocoton et X ont interjeté appel de l’ordonnance précitée (dossier n° 14/04463).

Par déclaration distincte déposée le même jour, les sociétés Vigeo SA, Geocoton, X et Advens ont formé un recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisie qui se sont déroulées au XXX à Paris 8e (dossier n° 14/04472).

Par déclaration également déposée le 12 février 2014, les sociétés Vigeo SA et Advens ont formé un recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisie qui se sont déroulées au XXX à XXX 14/04483).

Enfin, suivant déclaration distincte déposée le même jour, les sociétés Vigeo SA et M2A export ont également formé un recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisie qui se sont déroulées au XXX à XXX XXX).

Par conclusions récapitulatives du 15 septembre 2014, reprises oralement à l’audience du 17 septembre 2014, les sociétés Vigeo SA, M2A export, Advens, Geocoton et X nous demandent de :

dire et juger que le juge des libertés et de la détention n’a pas qualifié et défini dans son ordonnance du 29 janvier 2014 en droit la fraude dont l’existence présumée devait être recherchée,

dire et juger que l’administration a fourni au juge des libertés et de la détention des éléments de faits insuffisants et sans portée au regard des infractions recherchées dans sa requête, que ce juge a repris à tort dans son ordonnance du 29 janvier 2014,

dire et juger que le juge des libertés et de la détention n’a pas caractérisé les éléments constitutifs du comportement prétendument frauduleux,

dire et juger, en toute hypothèse, que le juge des libertés et de la détention n’a pas accompli sa mission essentielle de vérificateur du bien-fondé de la demande d’autorisation qui lui était soumise,

En conséquence :

dire et juger que le juge des libertés et de la détention n’avait pas à autoriser la visite domiciliaire dans les locaux,

annuler l’ordonnance entreprise,

condamner l’administration fiscale, la direction nationale d’enquêtes fiscales à payer à chacune d’entre elles la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens qui seront remboursés selon l’article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées à l’audience et développées oralement, la direction nationale d’enquêtes fiscales sollicite la confirmation de l’ordonnance rendue le 29 janvier 2014, le rejet de toutes autres demandes, fins et conclusions et la condamnation des appelants au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens.

Il est expressément référé pour l’exposé des moyens des parties aux conclusions précitées.

SUR CE,

Il y a lieu, en application de l’article 367 du code de procédure civile, d’ordonner la jonction des instances n° 14/04463, 14/04472, 14/04483 et XXX, qui seront désormais suivies sous le seul n° 14/04463.

. sur l’appel de l’ordonnance du 29 janvier 2014

Il résulte de l’article L. 16 B I du livre des procédures fiscales que lorsque l’autorité judiciaire, saisie par l’administration fiscale, estime qu’il existe des présomptions qu’un contribuable se soustrait à l’établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d’affaires en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l’administration des impôts, ayant au moins le grade d’inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des finances publiques, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s’y rapportant sont susceptibles d’être détenus ou d’être accessibles ou disponibles et procéder à leur saisie, quel qu’en soit le support.

Selon le II de cet article, le juge saisi d’une demande d’autorisation de visite doit vérifier de manière concrète que cette demande est bien fondée ; celle-ci doit comporter tous les éléments d’information en possession de l’administration de nature à justifier la visite. Le juge motive sa décision par l’indication des éléments de fait et de droit qu’il retient et qui laissent présumer, en l’espèce, l’existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée.

Pour faire droit à la requête de l’administration, le premier juge a, au vu des pièces produites, retenu en l’espèce les éléments suivants :

compte tenu de son objet social (pièce 1-1) et des comptes déposés (pièce 1-15), la société de droit luxembourgeois Vigeo SA exerce une activité dans le domaine financier et a la possibilité d’effectuer des opérations commerciales,

présomptions que, depuis sa création en mai 2003, la société, qui avait son siège jusqu’au 31 décembre 2012 au XXX à Luxembourg, a son siège social dans une adresse de domiciliation au Luxembourg (pièces1-1, 1-2, 1-3, 1-3 bis et 1-4) où elle ne dispose pas de moyens propres nécessaires à la réalisation de son objet social (absence de numéro de téléphone aux deux adresses successives, absence d’effectif),

depuis décembre 2003, M. I D, demeurant professionnellement à XXX, XXX, détient 99,10 % des parts de la société Vigeo SA, la souscription à l’augmentation du capital social ayant été réalisée par des apports en nature représentées par 168 019 actions de la société de droit français Advens dont il est le représentant pour un montant de 3 012 581 €, 500 parts sociales de la société de droit français M2A export pour un montant de 360 679 € et 455 parts sociales de la société de droit français VH 53 pour un montant de 6 825 € ; ainsi le capital social de la société Vigeo SA est composé essentiellement d’apports de titres de sociétés ayant leur siège social au XXX à XXX,

les participations dans des sociétés de droit français, situées à la même adresse, représentent plus du tiers des immobilisations financières de la société Vigeo SA (pièces1-5, 1-6, 1-8, 1-9, 1-10, 1-14 et 1-15),

le montant des participations par elle détenues dans des sociétés de droit français de manière indirecte en 2010 et 2012 s’élevait respectivement à 21 705 253 € et 29 302 116 €,

M. I D, détenant 99,10 % du capital de la société Vigeo SA laquelle détient 99,80 % de la société Advens ( pièces 1-1 et 1-8), contrôle ainsi directement et/ou indirectement la majorité des sociétés appartenant au groupe informel détenu par la société Vigeo par l’intermédiaire de la société Advens, groupe dont il peut être présumé être l’animateur (pièce 2-2),

ainsi, la société Vigeo SA ne disposant pas au Luxembourg de moyens propres, il peut être présumé qu’elle dispose en France de son centre décisionnel et de lieux d’exploitation,

le compte de profits et pertes déposé par la société au titre de l’exercice clos le 31 décembre 2010 mentionne 21 469 950,55 € de produits provenant de l’actif immobilisé ; selon le même document comptable, ladite société a déclaré détenir 389 270,89 € de produits provenant de l’actif circulant ; ces produits constituent des créances sur les sociétés qu’elle détient (pièce 1-15) ; ainsi, la société Vigeo SA, consentant des avances et détenant des créances sur ses filiales, était susceptible d’exercer une activité commerciale,

il peut être présumé de l’ensemble de ces éléments que la société Vigeo SA exerce son activité professionnelle en France où elle est inconnue du service des impôts des entreprises étrangères de la direction des résidents à l’étranger et des services généraux et où elle n’a pas souscrit de déclaration professionnelle en matière d’impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée depuis le 1er janvier 2010.

Les sociétés appelantes font en premier lieu valoir que pour pouvoir présumer qu’une société étrangère se soustrait à ses obligations fiscales en France, encore faudrait-il établir au préalable qu’elle est effectivement susceptible d’avoir des obligations à ce titre en application de la réglementation fiscale applicable. Elles soutiennent qu’au cas particulier, la société Vigeo SA étant une société fiscalement domiciliée au Luxembourg, il était nécessaire de s’assurer que la convention fiscale liant la France au Luxembourg ne faisait pas obstacle à une telle imposition ; que, précisément, en application de l’article 4 de cette convention, en l’absence d’établissement stable de Vigeo situé en France, la France ne peut imposer une société luxembourgeoise à raison des bénéfices qu’elle réalise. Les appelantes estiment donc que la fraude présumée est insuffisamment qualifiée au plan juridique.

Cependant, ainsi que l’observe justement la direction nationale d’enquêtes fiscales, la discussion sur l’application de la Convention fiscale franco-luxembourgeoise ne relève pas du magistrat appelé à se prononcer sur l’autorisation de visite mais du juge de l’impôt. De même, la discussion relative à l’existence d’un établissement stable en France relève de ce juge, celui de l’autorisation devant pour sa part rechercher seulement s’il existe des présomptions de fraude justifiant l’opération sollicitée.

La circonstance que l’ordonnance ne fasse pas référence à l’existence présumée d’un établissement stable est donc dénuée de portée.

Le premier juge a, en l’espèce, retenu au vu de l’ensemble des pièces jointes à la requête qu’il pouvait être présumé que la société Vigeo SA exerçait sur le territoire français une activité taxable sans y respecter ses obligations fiscales déclaratives et comptables, dès lors qu’elle ne disposait pas de moyens propres d’exploitation au Luxembourg, qu’il pouvait être présumé que son centre décisionnel se situait en France et qu’il pouvait être présumé qu’elle y exerçait une activité commerciale, caractérisant ainsi l’agissement de fraude présumée d’exercice d’une activité professionnelle sans respecter les obligations déclaratives fiscales et comptables.

Le moyen tiré de l’insuffisance de qualification en droit de la fraude présumée ne peut dès lors être accueilli.

Les sociétés appelantes font ensuite valoir que les éléments de fait soumis par l’administration et retenus par le premier juge sont insuffisants et sans portée au regard des infractions recherchées ; qu’en effet, selon la requête, la société Vigeo SA exercerait sur le territoire national une activité commerciale sans souscrire les déclarations fiscales y afférentes et omettrait de passer en France les écritures comptables correspondantes, alors qu’il n’existe ni dans les pièces produites ni dans le corps de l’ordonnance le premier soupçon de l’exercice d’une quelconque activité commerciale, que ce soit au Luxembourg ou en France, par cette société. Elles ajoutent que l’examen de ces pièces, qui portent toutes en en-tête la mention 'affaire D I', démontre que l’objectif réellement poursuivi était celui du contrôle fiscal de ce dernier, actionnaire principal de la société Vigeo SA.

Il convient en premier lieu de relever que la mention figurant en en-tête des pièces produites par l’administration ne saurait à elle seule impliquer que celle-ci aurait commis un détournement de procédure pour parvenir au seul contrôle de M. I D, alors que ce dernier est associé quasi unique. Au demeurant, aucune pièce n’a été saisie au domicile personnel de l’intéressé.

S’agissant du moyen selon lequel il n’existerait pas trace d’une quelconque activité commerciale de la société Vigeo SA, il y a lieu d’observer, ainsi que le relève la direction nationale d’enquêtes fiscales, que cette société est commerciale par la forme et que son objet social comporte la possibilité d’effectuer toutes opérations commerciales, immobilières, financières pouvant se rapporter directement ou indirectement aux activités précédemment décrites (prise de participation). Par ailleurs, les comptes publiés par la société mentionnent des produits provenant de l’actif circulant, constituant des créances sur des sociétés qu’elle détient, ce qui permettait de présumer que cette société consentait des prêts à ses filiales moyennant rémunération et était donc ainsi susceptible d’exercer une activité commerciale, nonobstant l’argumentation développée par les appelantes.

Celles-ci soutiennent encore que les présomptions à l’appui de l’exercice d’une activité commerciale ne reposaient sur aucun élément sérieux au regard de l’activité de la société Vigeo SA,, de l’existence d’administrateurs parfaitement habilités à prendre les décisions juridiques pour son compte et de l’absence totale de tout indice laissant présumer que la gestion de ladite société aurait pu être opérée de France et notamment du siège des filiales françaises, enfin au regard de la position des autorités fiscales luxembourgeoises.

L’indication du nom des trois administrateurs luxembourgeois figurait toutefois dans la requête, de sorte que le juge des libertés et de la détention en était informé. Or, il résulte des pièces produites que ces trois administrateurs sont domiciliés au siège social actuel de la société de même que le commissaire aux comptes la société HRT Révision SA. Ils étaient auparavant domiciliés à l’adresse de l’ancien siège social de la société Vigeo SA, de même que le commissaire aux comptes, dont l’un des administrateurs est le 'manager partner', les deux autre appartenant également au groupe HRT.

Il pouvait donc en être valablement déduit, comme le soutient l’administration, que la société Vigeo SA dispose au Luxembourg seulement d’une adresse de domiciliation et d’administrateurs professionnels mais non du centre effectif de sa direction, lequel se situe en France, lieu de résidence de son manager et associé quasi unique, par ailleurs fondateur et dirigeant du groupe constitué par sa principale filiale, plutôt qu’à son adresse de domiciliation au Luxembourg, ou à celle de l’une ou l’autre de ses autres filiales minoritaires sénégalaises, tunisienne ou suisse.

Les appelantes, se référant à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, font ensuite grief au juge des libertés et de la détention de ne pas avoir rempli son obligation de contrôle de proportionnalité de la mesure autorisée, laquelle implique l’examen des autres procédures disponibles et donc nécessairement la vérification que l’administration ne dispose pas d’autre moyen d’investigation utile, notamment au regard de la Convention fiscale franco-luxembourgeoise.

Les dispositions de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales assurent toutefois les garanties suffisantes exigées par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, aucun texte ne subordonne la saisine de l’autorité judiciaire par l’administration fiscale, pour l’application des dispositions de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, au recours préalable à d’autres procédures de contrôle.

Dès lors, au vu de l’ensemble des pièces produites, le premier juge a valablement considéré qu’il existait des présomptions de la fraude alléguée, justifiant la mise en oeuvre de l’article précité, sans avoir à justifier autrement de la proportionnalité de la mesure ordonnée. Il convient dès lors de confirmer l’ordonnance entreprise.

. sur le recours contre les opérations de visite et saisie du 30 janvier 2014

Les sociétés n’ayant en définitive émis aucune critique à l’encontre du déroulement des opérations de visite et saisie, il y a lieu de rejeter leurs recours sur ce point.

. sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les appelantes succombant, il n’y a pas lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile à leur profit.

Il sera en revanche alloué à la direction nationale d’enquêtes fiscales la somme de 2 000 € à ce titre.

La procédure étant sans représentation obligatoire, les disposition de l’article 699 du code de procédure civile sont inapplicables en l’espèce.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et contradictoirement,

Ordonnons la jonction des instances inscrites sous les n° 14/04463, 14/04472, 14/04483 et XXX, qui seront désormais suivies sous le seul n° 14/04463,

Confirmons l’ordonnance rendue le 29 janvier 2014 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris,

Rejetons les recours formés par les sociétés Vigeo SA, M2A export, Advens, Geocoton et X contre le déroulement des opérations de visites et saisies du 30 janvier 2014,

Disons n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile à leur profit,

Les condamnons à payer la somme de deux mille euros (2 000 €) à ce titre à la direction nationale d’enquêtes fiscales,

Les condamnons aux dépens.

LE GREFFIER

E F

LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT

Dominique PATTE

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