Cour d'appel de Paris, 10 décembre 2014, n° 12/01422

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 10 déc. 2014, n° 12/01422
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 12/01422
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 25 septembre 2011, N° 10/06409

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 10 Décembre 2014

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 12/01422

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 26 septembre 2011 par le conseil de prud’hommes de PARIS – section encadrement – RG n° 10/06409

APPELANTE

Madame C X

XXX

XXX

comparante en personne, assistée de Me Brigitte BEZIAN, avocate au barreau de PARIS, B0009

INTIMEE

SOCIETE LES LABORATOIRES CHAIX ET DU MARAIS (CDM LAVOISIER)

XXX

XXX

représentée par Me Carole BERNARDINI, avocate au barreau de PARIS, E0399

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 22 Octobre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Christine ROSTAND, Présidente de la chambre

Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller

Madame Aline BATOZ, Vice présidente placée

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Marion AUGER, lors des débats

ARRET :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Christine ROSTAND, président et par Mme Marion AUGER, greffier présent lors du prononcé.

Mme C X a été engagée par la société Laboratoires Chaix et du Marais Lavoisier le 2 avril 2007, en qualité de chef de projet pour affaires réglementaires, affaires pharmaceutiques et veilles réglementaires.

En dernier état, Mme X percevait un salaire mensuel brut moyen de 3.882 €.

La convention collective applicable dans l’entreprise est celle des Industries Pharmaceutiques.

Soutenant que son employeur ne lui fournissait pas de travail, Mme X a saisi le 6 mai 2010, aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail, le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 26 septembre 2011, l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes.

Mme X a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 1er décembre 2011.

Mme X a régulièrement relevé appel de cette décision et, à l’audience du 22 octobre 2014, reprenant oralement ses conclusions visées par le greffier, demande à la cour d’infirmer le jugement déféré, de prononcer la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur, de dire que la prise d’acte de la rupture, postérieure à la demande de résolution judiciaire, produit les effets d’un licenciement nul, à défaut sans cause réelle et sérieuse, et de condamner la société Laboratoires Chaix et du Marais Lavoisier à lui verser les sommes suivantes, avec intérêts de droit à compter du jugement :

—  11.646 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 1.164 € au titre des congés payés afférents,

—  4.658 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

—  46.584 € à titre d’indemnité pour licenciement nul, à défaut pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  23.292 € au titre du préjudice lié au harcèlement moral,

—  23.292 € au titre du préjudice subi pour privation du droit aux Assedic.

Mme X sollicite en outre la condamnation de la société Laboratoires Chaix et du Marais Lavoisier à lui verser la somme de 3.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

La société Laboratoires Chaix et du Marais Lavoisier a repris oralement à l’audience ses conclusions visées par le greffier et demande à la cour de confirmer le jugement déféré, y ajoutant, de dire que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail en date du 5 décembre 2011 doit s’analyser en une démission, de condamner en conséquence Mme X à lui verser la somme de 11.646 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, ainsi que la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, développées lors de l’audience des débats.

MOTIFS

La prise d’acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu’il reproche à l’employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail en sorte qu’il n’y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire introduite auparavant.

Il appartient alors au juge de se prononcer sur la seule prise d’acte en examinant l’ensemble des manquements de l’employeur invoqués par le salarié.

La cour examinera par conséquent, la seule prise d’acte.

En cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse , si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission.

Il appartient au salarié d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur.

En l’espèce, Mme X fait valoir qu’elle a subi des faits de harcèlement moral.

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L.1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, Mme X invoque le fait que son employeur ne lui confiait plus, à compter du mois d’août 2009, que des tâches administratives du niveau d’une assistante administrative, ne correspondant pas à ses fonctions, et ne lui fournissait du travail qu’à hauteur de 2 à 3 heures par jour.

Elle soutient que cela a entraîné un sentiment de dégradation, d’inutilité et de démotivation entraînant un état anxieux et dépressif.

Mme X expose en outre que le 9 décembre 2010, elle a reçu une lettre de mise en garde, son employeur lui reprochant son comportement arrogant et comminatoire ; que le 14 janvier 2011, une réunion des cadres a été organisée sans qu’elle y soit conviée ; et que le 26 janvier 2011, elle a reçu une nouvelle lettre d’avertissement alors qu’elle se trouvait en arrêt maladie.

Pour étayer ses affirmations, Mme X produit notamment ses échanges d’emails avec M. A Z, pharmacien responsable, en date de novembre 2010, afin de lui signaler qu’elle n’avait pas assez de travail, et que les tâches qu’on lui demandait de faire ne correspondaient pas à sa fonction, ainsi que des tableaux décrivant son emploi du temps de mai à novembre 2010, et le résumé de ses activités du 29 novembre au 23 décembre 2010, adressé par email à M. Z.

Mme X communique en outre un email adressé le 20 octobre 2010 à Mme Y et à elle-même, leur indiquant regretter que l’opération chez Defigraph n’ait pas été soumise à sa validation antérieure, et leur demandant si les modalités d’exécution qu’il avait définies pour ce type d’activité avaient été appliquées, ainsi que sa réponse en date du 21 octobre 2010, dans laquelle elle précise quelles copies ont été faites en interne, et ajoute qu’elle aurait très mal vécu le fait qu’il lui demande de faire une fois de plus une grosse quantité de copies en interne, tâche qu’elle qualifie de dégradante.

Mme X verse par ailleurs aux débats un courrier adressé par son employeur le 9 décembre 2010, lui reprochant le ton arrogant et comminatoire qu’elle emploie dans les échanges d’emails avec M. Z ainsi que passivité dont elle fait preuve dans l’exercice de ses fonctions, soutenant lui fournir du travail mais se heurter à sa mauvaise volonté dès qu’une tâche lui est demandée.

Elle produit également un courrier de son employeur daté du 26 janvier 2011, en réponse à son email envoyé à M. Z le 14 janvier 2011 pour lui reprocher de ne pas l’avoir conviée à la réunion des cadres à Blois, dans lequel il indique qu’elle avait été désignée pour assurer la gestion de la permanence de la communication vis-à-vis des tiers, précisant qu’il se heurte à son attitude vindicative et négative, ainsi qu’à son refus de s’impliquer dans la vie de l’entreprise.

Mme X communique enfin ses avis d’arrêt de travail pour la période du 24 janvier au 8 juillet 2011, ainsi qu’un courrier adressé par le médecin du travail à un confrère afin de lui adresser Mme X, qui présente des épisodes anxio-dépressifs liés principalement à ses conditions de travail (problèmes relationnels avec la hiérarchie, mise au placard, manque de considération et de reconnaissance).

Mme X établit ainsi l’existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre.

L’employeur fait valoir que Mme X adressait de façon quotidienne à son supérieur hiérarchique M. Z des emails au ton comminatoire, lui demandant des comptes, au lieu de répondre aux demandes de celui-ci, et soutient lui avoir fourni du travail correspondant à ses attributions.

Il produit le rapport d’enquête du CHSCT ainsi que le courrier adresssé par Mme X au CHSCT.

La lecture des emails versés aux débats par Mme X démontre qu’elle s’adressait à M. Z sur un ton particulièrement revendicatif et comminatoire, allant parfois jusqu’à remettre en cause ses décisions ou son travail.

Il ressort du rapport du comité d’hygiène et de sécurité, saisi par Mme X dans le cadre de son droit d’alerte, que du travail lui était fourni et que les missions qui lui étaient confiées étaient conformes à sa fiche de fonction, qu’il a pu être constaté que M. Z a fait preuve de patience envers Mme X, et que ses responsables hiérarchiques ont consenti à des aménagements de ses horaires ainsi que de ses congés pour lui permettre de suivre une formation de théâtre, qu’un certain nombre de faits, qui auraient pu être sanctionnés, ne l’ont pas été, et que l’obligation d’assurer une permanence le 14 janvier 2011 en matière de pharmaco-vigilance et d’information médicale pouvait être assurée par Mme X, cette mission faisant partie de ses fonctions.

Le CHSCT a conclu au fait que, après enquête, les faits évoqués par Mme X ne sont pas constitutifs de harcèlement moral.

L’employeur démontre ainsi que les faits matériellement établis par Mme X sont étrangers à tout harcèlement.

Dans ces conditions, la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par la salariée, qui n’apparaît pas fondée sur un comportement fautif de l’employeur, doit produire les effets d’une démission.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme X de l’ensemble de ses demandes d’indemnités compensatrice de préavis, d’indemnité conventionnelle de licenciement, ainsi que de ses demandes de dommages et intérêts au titre du licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, du harcèlement moral et de la privation du droit aux Assedic.

Sur la demande reconventionnelle au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

Aux termes de l’article L.1237-1 du code du travail, en cas de démission, l’existence et la durée du préavis sont fixées par la loi ou par convention ou accord collectif ; à défaut, elles résultent des usages pratiqués dans la localité et dans la profession.

L’article 11 de la convention collective des Industries Pharmaceutiques dispose que la durée du préavis réciproque, sauf faute grave, est en principe et au minimum, pour les contrats de travail conclus avant le 1er juillet 2009, de trois mois pour les salariés classés dans les groupes de classification 5 et suivants.

La société Laboratoires Chaix et du Marais Lavoisier soutient que la qualification de la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par Mme X en démission lui ouvre droit au paiement de l’indemnité compensatrice de préavis, à hauteur de 11.646 €.

Il ressort du contrat de travail de Mme X qu’elle relevait du groupe 7.

Compte tenu des développements qui précèdent, et du montant du salaire mensuel moyen de Mme X, il y a lieu de la condamner à verser à la société Laboratoires Chaix et du Marais Lavoisier la somme de 11.646 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis.

Mme X sera condamnée aux dépens, et chacune des parties sera déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme X à verser à la société Laboratoires Chaix et du Marais Lavoisier la somme de 11.646 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

CONDAMNE Mme X aux dépens,

DEBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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