Cour d'appel de Paris, Pôle 5, 15 décembre 2015, n° 2014/17323

  • Préparatifs sérieux d'exploitation ou de commercialisation·
  • Entrave à l'exploitation d'un titre·
  • Usage à titre de marque·
  • Déchéance de la marque·
  • Disponibilité du signe·
  • Action en déchéance·
  • Droit communautaire·
  • Secteur d'activité·
  • Intérêt à agir·
  • Usage sérieux

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

L’action en déchéance est recevable. Le demandeur a pour projet de faire "renaître" les créations d’un célèbre joaillier par le biais de sa société créée à cet effet. Il a donc tout intérêt à s’assurer au préalable de la disponibilité en France du signe TEMPLIER qui correspond au patronyme de ce joaillier. En l’absence de démonstration d’un usage sérieux du signe Templier à titre de marque, il y a lieu d’en prononcer la déchéance. En effet, seule une attestation vient conforter avec une date certaine, et pour la seule boutique de Lyon, l’allégation selon laquelle des bijoux de fabrication maison sont vendus dans des écrins griffés TEMPLIER. L’apposition du signe TEMPLIER BIJOUX DE COLLECTION PARIS LYON sur certains de ces coffrets conforte l’idée – qui ne peut être par principe exclue – que ces écrins ont en réalité indifféremment présenté des bijoux de création et des bijoux anciens dont les écrins d’origine n’ont pu être conservés, aucune création n’étant de surcroît établie pour l’établissement de Paris. Compte tenu de cette double utilisation des coffrets, il n’apparaît pas que le signe TEMPLIER apposé sur ces derniers ait été utilisé à titre de marque, pour garantir l’identité d’origine du bijou vendu, mais plutôt à titre de nom commercial, garantissant le sérieux du service proposé, étant rappelé que seuls les produits ’Métaux précieux et leurs alliages autres qu’à usage dentaire ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques’ sont visés à l’enregistrement de la marque litigieuse, et non les services y afférents.

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5, 15 déc. 2015, n° 14/17323
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 2014/17323
Publication : Propriétés intellectuelles, 61, octobre 2016, p. 471-473, note de Julien Canlorbe ; PIBD 2016, 1045, IIIM-196
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 9 juillet 2014, N° 13/05733
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, 10 juillet 2014, 2013/05733
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : TEMPLIER
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 97664296
Classification internationale des marques : CL14
Référence INPI : M20150556
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Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS ARRÊT DU 15 décembre 2015

Pôle 5 – Chambre 1

(n°211/2015, 7 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : 14/17323 Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 juillet 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS -3e chambre – 4e section – RG n° 13/05733

APPELANTE SAS E & E Immatriculée au Registre du Commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 523 569 994 Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège […] 75116 PARIS Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477 Assistée de Me Vincent FAUCHOUX de la SCP DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0221

INTIMÉE SAS TEMPLIER & FILS Immatriculée au Registre du Commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 572 070 688 Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège […] – […] 75009 PARIS Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN – DE MARIA – G, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018 Représentée par Me Jean-Marc LEONELLI, avocat au barreau de PARIS, toque : T07

COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 03 novembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président de chambre Mme Nathalie AUROY, Conseillère Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Karine ABELKALON

ARRÊT : Contradictoire • par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. • signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, président et par Madame Karine ABELKALON, greffier présent lors du prononcé.

Vu le jugement rendu le 10 juillet 2014 par le tribunal de grande instance de Paris,

Vu l’appel interjeté par la société E&E le 11 août 2014,

Vu les dernières conclusions numérotées 3 transmises le 8 juin 2015 par la société E&E, Vu les dernières conclusions numérotées 3 transmises le 10 septembre 2015 par la société Templier et fils ;

Vu l’ordonnance de clôture du 15 septembre 2015 ;

MOTIFS DE L’ARRÊT

Considérant que la société E&E a été fondée par MM. Eric S, Eric J et Eric J, professionnels du monde de la joaillerie et de la haute joaillerie ; qu’elle a été immatriculée le 8 juillet 2010 au Registre du commerce et des sociétés, qui porte mention d’une activité de 'conseil en entreprise, gestion de marques, conception, distribution et fabrication de produits pour l’équipement de la personne et de la maison ' ;

Qu’elle indique avoir eu dès l’origine pour projet de faire renaître les créations joaillières de l’entre-deux guerres de Raymond T – dont elle précise qu’il jouit d’une exceptionnelle notoriété dans le domaine des bijoux de type Art-déco – et de commercialiser des rééditions de ces bijoux, et s’être assurée à cette fin de l’accord de principe de M. Stéphane B, petit-fils et unique héritier direct de celui-ci et titulaire exclusif des droits de propriété intellectuelle sur ses créations ;

Qu’au cours de leurs recherches, les fondateurs de la société E&E ont découvert l’existence de la société Templier et fils, immatriculée le 10 mai 1957 au RCS, lequel mentionne une activité de joaillerie, diamants, perles, pierres fines – fabrication de joaillerie donnée en sous-traitance, commerce de tableaux et d’oeuvres d’art’ ; que celle-ci faisant état sur son site internet d’une succession de cinq générations de joailliers et négociants depuis la fondation de la Maison, vers 1848,

incluant celle de Raymond T, et étant titulaire de la marque française n°97664296 T, déposée le 17 février 1997et renouvelée le 27 juillet 2007 pour les produits Métaux précieux et leurs alliages autres qu’à usage dentaire ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques’ en classe 14, la société E&E lui a fait une offre d’intéressement à son projet, refusée par lettre du 8 septembre 2010 ;

Qu’ayant vérifié que M. Edouard B, gérant de la société Templier et fils, n’avait aucun lien de descendance avec Raymond T et estimant que cette société exerçait seulement dans le domaine de l’expertise et du négoce de bijoux anciens, et non dans la création et/ou la fabrication de bijoux ou de montres, la société E&E lui a adressé, le 30 janvier 2013, une lettre indiquant qu’à défaut d’un accord amiable pour l’acquisition de sa marque TEMPLIER, elle entendait en solliciter la déchéance pour défaut d’usage ; que la société Templier et fils lui a répondu par lettre du 14 février 2013 que sa marque était exploitée à double titre : 'd’une part, par la société Templier et fils dans le cadre de son activité d’achat et de vente de bijoux', étant précisé que 'ces bijoux sont vendus au public, dans des écrins portant la marque TEMPLIER’ , 'd’autre part, par la société Bijoux de collection ' (…) ayant son siège social […], dont le nom commercial et l’enseigne sont T', à laquelle elle a donné une autorisation d’exploitation de la marque, étant précisé que 'cette société conçoit et vend des bijoux sous la marque TEMPLIER', en indiquant qu’elle s’opposerait en tant que de besoin à tout dépôt d’une marque TEMPLIER par un tiers ;

Que, par acte du 24 avril 2013, la société E&E a fait assigner la société Templier et fils devant le tribunal de grande instance de Paris pour voir prononcer la déchéance de sa marque pour défaut d’usage sérieux à compter du 1er août 2002 ;

Considérant que dans son jugement du 10 juillet 2014, le tribunal a :

•dit que la société Templier et fils n’établit pas que la société demanderesse plaide par procureur, •rejeté la demande de la société Templier et fils tendant à lui voir déclarer inopposable l’achat de la marque suisse Templier, • rejeté les demandes de la société Templier et fils tendant à voir déclarer nuls les rapports d’enquête [d’usage effectués à la demande de la société E&E les] 16 janvier et 4 mars 2013, • déclaré recevable la demande de la société E&E en déchéance des droits de la société Templier et fils sur la marque française Templier pour les articles de bijouterie et de joaillerie, • rejeté cette demande, • rejeté la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive de la société Templier et fils, • dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

• condamné la société E&E à payer à la société Templier et fils la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, • condamné la société E&E aux dépens ;

I Sur les fins de non-recevoir opposées par la société Templier et fils :

Considérant que la société Templier et fils soutient en premier lieu que la demande de la société E&E est irrecevable sur le fondement de la maxime 'nul ne plaide par Procureur’ ; qu’elle fait valoir en substance que la faiblesse de ses capacités financières couplée à son objet social de conseil de gestion, au regard de l’importance de l’investissement nécessité par le projet, démontrent qu’elle n’agit pas pour son propre compte mais pour celui d’éventuels investisseurs ;

Que la société E&E lui répond qu’elle a été créée pour porter ce projet, conforme à son objet social ;

Considérant que l’adage 'nul ne plaide par procureur’ interdit seulement à une partie de se substituer à une autre pour réclamer la reconnaissance d’un droit que seule cette dernière a intérêt à voir reconnaître ; que le tribunal a exactement relevé que les éléments versés aux débats ne permettaient pas de retenir que la société E&E (et non Templier et fils, comme mentionné par erreur purement matérielle dans le jugement) agirait pour le compte d’un tiers, au demeurant nullement identifié par la société Templier et fils ; que cette fin de non-recevoir ne peut donc qu’être écartée ;

Que le jugement doit être confirmé de ce chef ;

Considérant que la société Templier et fils soutient en second lieu que la société E&E ne justifie pas d’un intérêt à agir en déchéance de sa marque TEMPLIER, ce que conteste la société E&E, qui répond que l’intérêt à agir en matière de déchéance de marque est apprécié largement et peut parfaitement résulter de l’existence d’un projet d’exploitation d’un signe identique à la marque pour des produits identiques, lequel n’a nul besoin d’être abouti ;

Considérant que c’est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal a écarté cette fin de non-recevoir ;

Qu’il y a seulement lieu d’ajouter que le demandeur en déchéance de droits de marque justifie d’un intérêt à agir lorsque sa demande tend à lever une entrave à l’utilisation du signe dans le cadre de son activité économique ;

Que la société E&E produit en cause d’appel le projet confidentiel daté de juin 2010, établi par ses fondateurs antérieurement à sa

constitution et présenté dès après celle-ci à la société Templier et fils, ainsi qu’il résulte de la lettre du 8 septembre 2010 par laquelle cette dernière a décliné son offre d’intéressement ; qu’il n’est donc pas sérieusement contestable que, comme l’expose la société E&E, celle- ci a été créée pour porter notamment ce projet, que son activité telle que mentionnée dans l’extrait K bis produit visée supra et son objet social correspondant, tel que précisé dans ses statuts, lui permettent de mener, peu important que son code APE, attribué essentiellement à des fins statistiques par l’INSEE, ne fasse état que de son activité de conseil ; que ces circonstances, ajoutées à l’expérience professionnelle de ses fondateurs telle que ressortant des éléments de leur curriculum vitae, et au contenu du projet tel que présenté, suffisent à attester du sérieux de celui-ci ;

Qu’il n’est pas plus sérieusement contestable qu’en l’état de son projet, la société E&E a tout intérêt, pour avancer utilement, à s’assurer au préalable de la disponibilité en France du signe TEMPLIER -qui correspond au patronyme de Raymond T dont elle entend faire 'renaître’ les créations -, pour les produits Métaux précieux et leurs alliages autres qu’à usage dentaire ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques’ visés en classe 14 ; qu’il ne peut donc valablement lui être reproché par la société Templier et fils, ni l’absence d’accomplissement de formalités ou l’obtention auprès de M. G – titulaire des droit d’auteur sur les œuvres de Raymond T – d’autorisations autres que de principe, qui dépendent de la finalisation du projet, ni le changement de statut ou la diversification des activités de ses fondateurs, qui ne peuvent rester suspendues au résultat de la présente instance, pas plus que le défaut d’exploitation actuel de la marque TEMPLIER qu’elle a fait déposer et s’est fait céder en Suisse ;

Qu’il convient donc également de confirmer le jugement de ce chef ;

II Sur l’usage sérieux de la marque :

Considérant que selon la société E&E, la société Templier et fils, à qui il incombe de rapporter la preuve d’une exploitation sérieuse de la marque TEMPLIER pour les produits visés à son enregistrement, ne verse aux débats aucun élément de nature à justifier d’un usage sérieux du signe à titre de marque pour les bijoux ;

Que la société Templier et fils demande à la cour de juger que lui sont inopposables l’achat prétendument frauduleux de la marque suisse T par la société appelante, le dépôt par cette société de la marque TEMPLIER au Royaume-Uni et aux États-Unis, les rapports d’enquête d’usage effectués à la demande de celle-ci par la société Wolters Kluwer datés des 16 janvier et 4 mars 2013 et l’attestation de M. P produits par la partie adverse et prétend démontrer que la marque TEMPLIER n°97 664 296 fait l’objet d’une exploitation sérieuse ;

Considérant ceci exposé, qu’il y a lieu de rappeler que selon l’article L 714-5 du code de la propriété intellectuelle,

Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans.

Est assimilé à un tel usage : a) L’usage fait avec le consentement du propriétaire de la marque (…); b) L’usage de la marque sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif ; (…) La déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée. Si la demande ne porte que sur une partie des produits ou des services visés dans l’enregistrement, la déchéance ne s’étend qu 'aux produits ou aux services concernés.

L’usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans visée au premier alinéa du présent article n’y fait pas obstacle s’il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l’éventualité de cette demande.

La preuve de l’exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens.

La déchéance prend effet à la date d’expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu. '

Que cet article doit être interprété au regard de l’article 12 de la directive (CE) n° 89/104 du 21 décembre 1988 (codifiée par la directive n° 2008/95 du 22 octobre 2008), dont il est la transposition en droit interne, et de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne qui, par son arrêt Ansul du 11 mars 2003, a dit pour droit que cet article 'doit être interprété en ce sens qu’une marque fait l’objet d’un «usage sérieux» lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services et que 'l’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque ;

Que cet arrêt précise, en son point 37, qu''un tel usage peut être le fait tant du titulaire de la marque que, comme le prévoit l’article 10, paragraphe 3, de la directive, d’un tiers autorisé à utiliser la marqué ;

Considérant que la preuve de l’exploitation incombant au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée, les demandes en inopposabilité présentées par la société Templier et fils – qui concernent des éléments produits par la partie adverse non prises en compte pour l’examen du bien-fondé de sa demande – sont inopérantes et doivent être rejetées ;

Que la cour observe par ailleurs que la société Templier et fils ne reprend plus en cause d’appel dans le dispositif de ses écritures sa demande tendant à voir annuler les rapports d’enquête d’usage, rejetée par le tribunal, dont le jugement doit donc être confirmé de ce chef ;

Qu’à tous fins utiles et au surplus, si l’intention non explicite de la société Templier et fils était d’invoquer à son profit l’adage 'fraus omnia corrumpit', force est de constater que les conditions d’achat par la société E&E de la marque suisse T, comme le dépôt de la marque au Royaume-Uni et aux États-Unis, ne sont pas de nature à établir la fraude alléguée ;

Considérant que la société Templier et fils déclare exercer, aussi bien à Paris qu’à Lyon, deux activités distinctes, l’une de négoce de bijoux et de pièces d’orfèvrerie, l’autre de création et de vente de bijoux et articles de joaillerie, et réserver aux bijoux et articles de joaillerie maison les écrins griffés T ; qu’elle se place ainsi en contradiction avec les termes de sa lettre du lettre du 14 février 2013, précédemment rappelés, dont il ressort que les écrins griffés T servent pour les bijoux relevant de son activité de négoce à Paris, la seconde activité n’étant mentionnée que pour la société Bijoux de collection de Lyon ;

Qu’il doit être observé que la société Templier et fils ne conteste pas exercer ses activités à Paris sous le nom commercial et l’enseigne TEMPLIER, de même qu’elle reconnaît que la société Bijoux de collection, à qui elle indique avoir donné une autorisation d’exploitation de la marque, a pour nom commercial et pour enseigne TEMPLIER ;

Qu’à l’appui de ses allégations, elle produit :

•trois factures d’achat d’écrins, dont seule celle datée du 6 mai 2010 émanant de la société Arakélian à l’adresse de la société Templier et fils, […] 9e permet, parce qu’elle est complétée par une attestation du fournisseur, d’attester de l’achat de 208 écrins portant l’impression T ; qu’il n’est cependant pas possible de connaître quels bijoux ces écrins étaient destinés à contenir ; •six photographies non datées d’écrins portant, à l’intérieur ou à l’extérieur, la mention T ou T BIJOUX DE COLLECTION PARIS

LYON, dont cinq contiennent des bijoux dont la provenance n’est pas précisée ; •six attestations émanant de clients de la boutique de Lyon, déclarant avoir fait réaliser des bijoux par 'la maison TEMPLIER', lesquels leur ont été livrés dans des écrins griffés T ; que, toutefois, seule celle de Mme C, parce qu’elle est complétée par une facture d’achat du 26 mai 2012 – portant la mention 'création Templier Lyon’ – permet de dater un de ces achats ; qu’aucune d’entre elles n’évoque l’acquisition d’un 'bijou T ; •sept attestations émanant de clients de la boutique de Paris, déclarant avoir acquis entre 2009 et 2012 des bijoux fournis par 'la maison TEMPLIER’ et livrés dans des écrins griffés T, mais dont il ne résulte pas que ces bijoux aient été créés et fabriqués par la société Templier et fils ; •des attestations de l’expert-comptable de la société Bijoux de collection certifiant que les ventes de création-fabrication de ladite société représentaient entre 13,15 % et 15,97 % de son chiffre d’affaire les années 2011 à 2013 (deux attestations portent deux chiffres différents pour la même année 2012) ;

Qu’en définitive, seule une attestation vient conforter avec une date certaine, et pour la seule boutique de Lyon, l’allégation de la société Templier et fils selon laquelle des bijoux de fabrication maison sont vendus dans des écrins griffés T ; que l’apposition du signe TEMPLIER BIJOUX DE COLLECTION PARIS LYON sur certains de ces écrins conforte, avec les attestations produites, l’idée – qui ne peut être par principe exclue – que ces écrins ont en réalité indifféremment présenté des bijoux de création et des bijoux anciens dont les écrins d’origine n’ont pu être conservés, aucune création n’étant de surcroît établie pour l’établissement de Paris ; que, compte tenu de cette double utilisation des écrins, il n’apparaît pas que le signe TEMPLIER apposé sur ces écrins ait été utilisé à titre de marque, pour garantir l’identité d’origine du bijou vendu, mais plutôt à titre de nom commercial, garantissant le sérieux du service proposé, étant rappelé que seuls les produits 'Métaux précieux et leurs alliages autres qu’à usage dentaire ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques’ en classe 14 sont visés à l’enregistrement de la marque litigieuse, et non les services y afférents ;

Qu’en conséquence, en l’absence de démonstration par la société Templier et fils d’un usage sérieux du signe TEMPLIER à titre de marque pour les produits visés dans l’enregistrement pendant une période ininterrompue de cinq ans, il y a lieu, infirmant le jugement déféré, d’accueillir la demande de la société E&E et de prononcer la déchéance des droits de la société Templier et fils sur la marque à compter du 1er août 2002, soit cinq après son enregistrement ;

Considérant que le sens du présent arrêt commande, d’une part, de rejeter la demande reconventionnelle de la société Templier et fils en

dommages et intérêts pour procédure abusive – le jugement doit donc être confirmé de ce chef – et, d’autre part, d’infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens ; qu’il sera statué de ces chefs tant au titre de la procédure de première instance qu’au titre de la procédure d’appel tel que précisé au dispositif ci-après ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement, mais uniquement en ce qu’il a rejeté la demande de la société E&E en déchéance des droits de la société Templier et fils sur la marque française T, condamné la société E&E à payer à la société Templier et fils la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et condamné la société E&E aux dépens,

Le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Prononce la déchéance des droits de la société Templier et fils sur la marque française n°97664296 T à compter du 1er août 2002 pour les produits 'Métaux précieux et leurs alliages autres qu’à usage dentaire ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques’ en classe 14,

Dit que cette décision devenue définitive sera transmise par le greffe, sur réquisition de la partie la plus diligente, à l’INPI aux fins d’inscription au Registre national des marques,

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la société Templier et fils et la condamne à payer à la société E&E la somme de 8 000 €,

Condamne la société Templier et fils aux dépens.

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