Cour d'appel de Paris, 4 mars 2015, n° 13/08051

  • Charité·
  • Activité·
  • Téléphonie·
  • Téléphone·
  • Photographie·
  • Société générale·
  • Loyer·
  • Destination·
  • Avenant·
  • Bail

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, 4 mars 2015, n° 13/08051
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 13/08051
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 17 mars 2013

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRET DU 04 MARS 2015

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 13/08051

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mars 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n°

APPELANTE

SA GENERALE DE TELEPHONE représentée par son Président du Conseil d’administration, son Directeur général et tous représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

XXX

XXX

Représentée par Me Laurence TAZE BERNARD de la SCP IFL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0042

Assistée de Me Emmanuelle CHAVANCE de l’AARPI OPERA AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0055, avocat plaidant,

INTIMEE

Association LA COMPAGNIE DES FILLES DE LA CHARITE DE SAINT VIN CENT DE X

XXX

XXX

Représentée et assistée de Me Jean-X RABITCHOV de la SELARL MIELLET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0281, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Janvier 2015, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Caroline PARANT, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Chantal BARTHOLIN, présidente

Brigitte CHOKRON, conseillère

Caroline PARANT, conseillère

Greffier, lors des débats : Laureline DANTZER

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Chantal BARTHOLIN, président et par Laureline DANTZER, greffier présent lors du prononcé.

********

EXPOSE DU LITIGE

La Compagnie des Filles de la Charité de Saint Vincent de X a donné à bail, par acte sous seing privé en date du 29 novembre 2002, à la société Photo Service, aux droits de laquelle se trouve la Société Générale de Téléphone, un local commercial situé à Paris 6e, XXX, à compter du 28 février 2003, pour se terminer le 27 février 2012, pour une activité de 'développement photo selon tous procédés existants ou à venir, vente de films, pellicules, matériels et accessoires photos, prises de vues photo, reprographie'.

Par acte sous seing privé du 14 mai 2007 portant avenant, la clause de destination du bail a été modifiée, le preneur étant désormais autorisé ' à exercer dans les locaux loués l’extension d’activité suivante :

— photographie et traitement de l’image en général sous toutes les formes et selon tous procédés existants ou à venir, prestations de services et vente de produits ayant un rapport avec la photo et avec l’image en général,

— distribution de produits et services dans le domaine de la téléphonie et des télécommunications, notamment sous la marque Orange ou toutes autres marques du groupe France Télécom : vente de produits et accessoires, mise en 'uvre de toutes prestations de services (abonnements, contenus, conseil, etc….)

Et toutes activités connexes ou complémentaires.'

Un autre avenant était signé le même jour entre les mêmes parties portant révision du loyer au 1er janvier 2007 en fonction des variations de l’indice INSEE.

Par exploit du 18 août 2011, la Compagnie des Filles de la Charité de Saint Vincent de X a fait délivrer au preneur un congé avec offre de renouvellement, pour le 27 février 2012, moyennant un loyer annuel déplafonné de 213 000 €.

La Société Générale de Téléphone a accepté l’offre de renouvellement par lettre recommandée avec avis de réception du 12 septembre 2011 mais s’est opposée à la fixation du loyer au montant proposé, sollicitant un loyer déterminé selon la variation de l’indice INSEE.

Par un mémoire en demande, la Compagnie des Filles de la Charité de Saint Vincent de X, invoquant l’extension notable de la destination des lieux par avenant du 14 mai 2007 a sollicité la constatation de l’existence d’un motif de déplafonnement du loyer du local commercial situé à Paris 6e, XXX, et la fixation du prix du loyer du bail renouvelé à la somme annuelle de 213 000 € en principal.

Par actes d’huissier des 12 et 19 octobre 2012 , la Compagnie des Filles de la Charité de Saint Vincent de X a assigné la Société Générale de Téléphone devant le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Paris aux fins de :

— voir fixer à la somme de 213 000 € le montant annuel du loyer en renouvellement à la date du 28 février 2012, avec intérêts au taux légal sur la différence entre le loyer dû à compter de cette date et le loyer réellement versé, et la capitalisation des intérêts,

— et, subsidiairement, si le tribunal estimait nécessaire d’ordonner une mesure d’instruction, voir fixer le montant du loyer provisionnel annuel à la somme de 213 000 €.

Par jugement du 18 mars 2013, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Paris a :

— constaté que par l’effet de la modification notable de la clause de destination du bail concernant les locaux commerciaux situés à Paris 6e, XXX les règles du plafonnement ne s’appliquent pas au loyer du bail renouvelé, qui doit être fixé à la valeur locative,

— constaté que par l’effet du congé avec offre de renouvellement délivré le 18 août 2011 par la Compagnie des Filles de la Charité de Saint Vincent de X, le bail s’est renouvelé à compter du 28 février 2012,

— pour le surplus, avant dire droit au fond, tous droits et moyens des parties demeurant réservés à cet égard, désigné en qualité d’expert M. Y Z,

— fixé le loyer provisionnel pour la durée de l’instance à la somme annuelle de 109 200 € en principal, outre les charges,

— ordonné l’exécution provisoire de la présente décision,

— réservé les dépens et l’éventuelle application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La Société Générale de Téléphone a relevé appel de ce jugement le 19 avril 2013.

Par ses dernières conclusions du 18 novembre 2014, elle demande à la cour de:

— dire et juger que les nouvelles activités autorisées dans l’avenant du 14 mai 2007 doivent être considérées comme des activités incluses dans la destination contractuelle d’origine au regard de la réalité économique et des nouveaux besoins des consommateurs,

— dire et juger que la Compagnie des Filles de la Charité de Saint Vincent de X ne peut donc se prévaloir d’aucun motif de déplafonnement,

— fixer le montant du loyer du bail renouvelé au 28 février 2012 à la somme de 76 341,88 € par an en principal,

— condamner la Compagnie des Filles de la Charité de Saint Vincent de X au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens, y compris les frais de l’expertise, dont le recouvrement sera poursuivi conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Compagnie des Filles de la Charité de Saint Vincent de X, par ses dernières conclusions du 3 septembre 2013, demande à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

— débouter la Société Générale de Téléphone de l’ensemble de ses demandes,

— condamner la Société Générale de Téléphone au paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

MOTIFS

La Société Générale de Téléphone soutient que le déplafonnement n’est pas justifié car les activités nouvelles prévues dans l’avenant du 14 mai 2007 doivent être considérées comme incluses dans la destination contractuelle.

Elle soutient que les activités prévues dans la destination initiale tendent à disparaître du fait de l’émergence du numérique qui a supplanté l’argentique et que les appareils de téléphonie mobile se sont développés pour devenir de véritables appareils photo ; que la plupart des téléphones portables permettent aujourd’hui de prendre des photos et sont de véritables appareils photo numériques, que les besoins des usagers ont également évolué concernant le mode de transmission des images destinées à être développées sous divers formes (photos individuelles, albums photos, posters etc) et que, désormais, les images sont transmises par internet, que la moitié des locaux, à savoir le 1er étage, est affecté au développement photo qui n’est donc pas une activité qui a été abandonnée par la Société Générale de Téléphone comme tente de le faire croire le bailleur. Compte tenu de la disparition progressive de son activité d’origine, la Société Générale de Téléphone n’a pas eu d’autres solutions que de conclure avec le Groupe Orange un partenariat qui lui a permis de faire évoluer son commerce en fonction d’une réalité économique qui s’imposait à elle.

Elle soutient en conséquence que l’évolution de ces dernières années démontre que la téléphonie et les activités liées au traitement de l’image sont étroitement liées, de sorte que la première doit être considérée comme une activité incluse dans la seconde.

La Compagnie des Filles de la Charité de Saint Vincent de X rappelle que le bail régularisé entre les parties a fait l’objet d’un avenant en date du 14 mai 2007, modifiant la destination des lieux par l’adjonction aux activités initialement autorisées, de nouvelles activités, telles que « la distribution des produits et de services relatifs à la téléphonie et aux télécommunications ».

Elle soutient qu’initialement, les locaux avaient été donnés à bail pour un commerce de « développement photographique et vente de produits s’y rapportant » ; que l’avenant considéré à profondément modifié l’économie du contrat en introduisant une clause de destination permettant au locataire d’exercer désormais une activité de vente d’appareils téléphoniques et accessoires et surtout d’abonnements téléphoniques, qui constitue l’essentiel du chiffre d’affaires réalisés par ce type de commerce, que l’activité de « téléphonie » est considérée comme une extension d’activité, et qu’il s’agit parfaitement et par la volonté des parties, d’une modification notable de la destination des lieux, ouvrant droit au déplafonnement du loyer et à sa fixation à la valeur locative. Les activités de « photographie » et particulièrement de « développement photographique » autorisées par le bail initial et l’activité de « téléphonie », sont des activités parfaitement distinctes, appelant des savoir faire, des équipements et des personnels notablement différents pour l’essentiel.

Elle indique que la première réunion convoquée par l’expert judiciaire désigné par le juge des loyers commerciaux est, à cet égard, particulièrement révélatrice de la réalité des activités commerciales de l’appelante ; que les locaux sont constitués d’un très vaste espace de vente situé en rez – de – chaussée, dans lequel sont exposés exclusivement des matériels et accessoires dédiés à la téléphonie. Elle précise que tous les personnels de l’appelante sont à la disposition des clients et chalands dans cet espace de vente, où seul se trouve installé un appareil de prise de vue destiné à réaliser des photographies d’identité ; que toutes les vitrines accrochées aux murs de cet espace présentent des modèles de téléphones et des accessoires s’y rapportant, et non pas des appareils de prises de vue, argentiques ou numériques ; qu’au premier étage des locaux, non accessible à la clientèle et sans personnel destiné à la vente, se trouve au contraire, installé une salle « technique » dans laquelle sont disponibles différents équipements destinés au développement photographique.

Elle reproche enfin à l’appelante de n’avoir jamais communiqué le moindre chiffre certifié par son expert-comptable, permettant de vérifier, dans ce point de vente, l’importance relative de ses différentes activités.

Selon elle, l’appelante a totalement modifié son activité commerciale en substituant à l’activité autorisée initialement, une autre activité, éminemment différente, qui au surplus a, pour l’essentiel, réduit l’activité initiale à une activité strictement accessoire.

En conséquence, elle demande à la cour de considérer que le changement d’activité, résultant de l’avenant conclu le 14 mai 2007, entraîne le déplafonnement du loyer.

Il appartient à la cour de dire si l’avenant du 14 mai 2007 a entraîné une modification notable de la destination des lieux permettant à la Compagnie des Filles de la Charité de Saint Vincent de X d’arguer d’un motif de déplafonnement au sens de l’article L 145 – 34 du code de commerce.

Il a été rappelé dans l’exposé du litige que la destination initiale des lieux prévue au bail du 29 novembre 2002 était la suivante : 'développement photo selon tous procédés existants ou à venir, vente de films, pellicules, matériels et accessoires photos, prises de vues photo, reprographie'.

L’avenant conclu entre les parties le 14 mai 2007 prévoit que le preneur est désormais autorisé à exercer dans les lieux l’extension d’activité suivante :

' photographie et traitement de l’image en général sous toutes les formes et selon tous procédés existants ou à venir, prestations de services et vente de produits ayant un rapport avec la photo et avec l’image en général.

— distribution de produits et services dans le domaine de la téléphonie et des télécommunications, notamment sous la marque Orange ou toutes autres marques du groupe France Télécom : vente de produits et accessoires, mise en 'uvre de toutes prestations de services (abonnements, contenus, conseil, etc….)

Et toutes activités connexes ou complémentaires.'

La clause sus visée permet de constater que les parties ont clairement décidé d’une ' extension d’activité ' et que tel est le terme utilisé par elles lors de la rédaction de l’avenant litigieux de sorte que la Société Générale de Téléphone apparaît mal venue à invoquer le fait que les activités mentionnées dans l’avenant sont des activités incluses, étant rappelé que, comme l’a justement indiqué le juge des loyers commerciaux, les activités incluses sont celles contenues dans la destination initiale et qui se rattachent naturellement à cette destination et à son évolution normale.

Les activités prévues dans le bail initial avaient pour objet la photographie et les activités relatives à la photographie, à savoir le développement, la vente de films et accessoire photos et la prise de vues.

Si le premier alinéa de la nouvelle clause de destination issue de l’avenant reste centré sur la photographie et le traitement de l’image, il apparaît, par contre, que son deuxième alinéa qui évoque la distribution de produits et services de téléphonie et communication, la vente de produits, accessoires et la mise en oeuvre de prestations de services de type abonnements, contenus et conseil, fait référence à des produits et services de téléphonie et non plus de photographie.

Le fait que certains téléphones portables ou smartphones permettent la prise de photographies et que le traitement des photographies numériques soit effectué majoritairement par internet ne permet nullement de considérer les activités de téléphonie comme se rattachant naturellement à l’activité de photographie.

Le bailleur fait justement valoir que, même s’il est possible de prendre des photos avec un appareil de téléphone, les activités de photographie et de téléphonie restent néanmoins deux activités distinctes, avec un savoir faire et un matériel propres à chacune d’elles et qui continuent de coexister en dépit du fait que les appareils de téléphonie ont peu à peu supplanté ceux de photographie, de sorte que l’activité de photographie ne peut être considérée comme incluse dans celle de téléphonie . La vente d’un appareil de photo est, en outre, effectuée par du personnel spécialisé dans la photographie et celle d’un téléphone et d’un abonnement téléphonique par du personnel ayant des compétences en matière de communication .

Enfin, la vente d’abonnements téléphoniques de marque Orange ou France Télécom est strictement sans rapport avec l’activité de photographie qui était l’activité prévue dans la clause de destination initiale.

Aucune conclusion ne sera tirée du rapport d’expertise qui n’est pas versé aux débats.

En conséquence, la cour approuve le juge des loyers commerciaux d’avoir considéré qu’est démontrée une modification notable de l’activité exercée dans les lieux.

Cette modification notable de l’activité exercée dans les lieux justifie qu’il soit fait application, lors du renouvellement du bail, de l’article L 145 – 34 du code de commerce sur le déplafonnement du loyer et sa fixation à la valeur locative.

Il convient de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, y compris sur l’expertise destinée à chiffrer la valeur locative des locaux, et de condamner la Société Générale de Téléphone à payer, outre les dépens de l’instance d’appel, une somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Y ajoutant, condamne la Société Générale de Téléphone à payer à la Compagnie des Filles de la Charité de Saint Vincent de X la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Société Générale de Téléphone aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, 4 mars 2015, n° 13/08051