Cour d'appel de Paris, 6 mai 2015, n° 13/01886

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Gouache Avocats · 27 février 2024

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Lettre des Réseaux · 17 décembre 2021

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 6 mai 2015, n° 13/01886
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 13/01886
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 16 décembre 2012, N° 2012008135

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRET DU 06 MAI 2015

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 13/01886

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Décembre 2012 -Tribunal de Commerce de PARIS – 13e chambre – RG n° 2012008135

APPELANTES :

1/ SA ELSTAR

immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 403.732.704

ayant son siège XXX

XXX

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

ayant pour avocat plaidant : Me Cédric PUTIGNY-RAVET de la SELAFA CHAINTRIER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0019

2/ SA Y GROUPE

immatriculée RCS de PARIS sous le n° 310.612.387

ayant son siège XXX

XXX

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

ayant pour avocat plaidant : Me Cédric PUTIGNY-RAVET de la SELAFA CHAINTRIER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0019

INTIME :

Monsieur J, K A

né le XXX à XXX

de nationalité française

XXX

XXX

Représenté par Me Anne-marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653

ayant pour avocat plaidant : Me Denis BERNIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

SAS SURDIFUSE

immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 325.080.471

ayant son siège XXX

XXX

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

ayant pour avocat plaidant : Me Mathilde DELOUVEE, SCP FOIN BULICH, avocat au barreau de PARIS, toque : P326

INTIMEE :

XXX

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 514.995.208

ayant son siège XXX

XXX

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Anne-marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653

ayant pour avocat plaidant : Me Jean-E BRIQUET de la SELAS ERNST & YOUNG SOCIETE D’AVOCATS, avocat au barreau de HAUTS DE SEINE, toque : 1733

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 25 Mars 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame B C, Présidente de chambre

Madame F G, Conseillère, rédacteur

Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame B C dans les conditions prévues par l’article 785 du Code de procédure civile,

Greffier, lors des débats : Madame Violaine PERRET

ARRET :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère faisant fonction de présidente et par Madame Violaine PERRET, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement du 17 décembre 2012, par lequel le tribunal de commerce de Paris a débouté les sociétés Elstar et Y de leurs demandes à l’égard de M. A ainsi qu’à l’égard de la société EPI Solutions, condamné solidairement les sociétés Elstar et Y à verser à M. A la somme de 5000 € et à la société EPI Solutions celle de 5000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile, condamné la société Surdifuse à verser à la société Elstar la somme de 8000 € en réparation du préjudice subi, avant dire droit sur la violation alléguée de l’exclusivité de 2009 à 2011, nommé M. Z, en qualité d’expert avec la mission de donner son avis sur le chiffre d’affaires réalisé par la société Surdifuse entre 2009 et 2011, soit directement, soit par l’intermédiaire d’autres distributeurs que la société Elstar, dans les secteurs de l’industrie et des administrations françaises, et de mesurer la perte de marge qui s’en infère pour elle ;

Vu l’appel interjeté par les sociétés Elstar et Y le 30 janvier 2013 et leurs dernières conclusions signifiées le 9 mars 2015, par lesquelles il est demandé à la cour de confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a reconnu le principe d’une faute commise par la société Surdifuse en mettant, sans préavis, un terme à l’exclusivité consentie à la société Elstar pour la vente des produits EP2 Industrie et ordonné une expertise pour évaluer la perte de chiffre d’affaires subie par la société Elstar, et en ce qu’il a dit que la société Surdifuse a commis une faute en augmentant brutalement les prix de l’EP2 Industrie, l’infirmer pour le surplus et évoquer les points non définitivement jugés par le tribunal relativement à l’indemnisation du préjudice subi par la société Elstar consécutif à la faute de la société Surdifuse, qui a mis, sans préavis, un terme à l’exclusivité qu’elle lui avait consentie, en conséquence, débouter les sociétés Surdifuse, EPI Solutions et M. A de l’ensemble de leurs demandes, dire et juger que la société EPI Solutions et M. A ont commis des fautes engageant leur responsabilité délictuelle, condamner la société Surdifuse à verser à la société Elstar la somme de 42.067 euros en réparation du préjudice entre le 1er juin 2010 et le 31 décembre 2011 consécutif à l’augmentation brutale des prix de l’EP2 Industrie imposée par la société Surdifuse, celle de 87.989,36 euros en réparation du préjudice entre le 1 er janvier et le 31 décembre 2012 consécutif à l’augmentation brutale des prix de l’EP2 Industrie imposée par la société Surdifuse, celle de 17.500 euros en réparation du préjudice correspondant à la perte de marge subie au titre de la violation d’exclusivité, et, enfin, condamner solidairement les sociétés Surdifuse, EPI Solutions et M. A à payer aux sociétés Elstar et Y une indemnité de 250.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral ainsi que celle de 50.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions signifiées par la société Surdifuse le 9 mars 2015, par lesquelles il est demandé à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a ordonné une expertise avant dire droit pour justifier ou non l’existence de l’exclusivité contestée, en totale contradiction avec les principes du droit, condamné la société Surdifuse à verser à la société Elstar la somme de 8.000 € en réparation du préjudice subi et, statuant à nouveau, débouter la société Elstar et la société Y de l’ensemble de leurs demandes, si par impossible, la Cour considérait qu’une exclusivité avait été consentie par la société Surdifuse à la société Elstar, dire et juger que la perte de marge pour Elstar s’élèvait, entre 2009 et 2011, au maximum à 12.9 K€, en tout état de cause, condamner la société Elstar et la société Y à verser chacune à la société Surdifuse la somme de 30.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions signifiées par M. A le 5 mars 2015, par lesquelles il est demandé à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé les sociétés Elstar et Y mal fondées en toutes leurs demandes à l’encontre de M. A, statuant sur la demande nouvelle formée en cause d’appel, fondée sur la prétendue responsabilité délictuelle de M. A, débouter les sociétés Elstar et Y de leurs demandes, statuant sur l’appel incident interjeté par M. A, condamner la société Y à payer à M. A la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre celle de 20 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, condamner la société Elstar à payer à M. A la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre celle de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions signifiées par la société EPI Solutions le 10 mars 2015, par lesquelles il est demandé à la cour de dire que les appelantes ne démontrent pas l’existence d’un accord d’exclusivité, ni la connaissance par EPI Solutions de l’accord d’exclusivité, ni encore le préjudice et le lien de causalité avec la prétendue faute de la société EPI Solutions, en conséquence, confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a, d’une part, débouté les appelantes de leurs demandes à l’égard de la société EPI Solutions et, d’autre part, condamné solidairement les appelantes au paiement de la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, dire également les appelantes mal fondées en leurs demandes visant la responsabilité délictuelle de la société EPI Solutions et les en débouter, en tout état de cause, dire qu’il ne saurait y avoir aucune solidarité entre EPI Solutions et les autres intimés, dire la société EPI Solutions recevable et bien fondée en sa demande reconventionnelle, condamner in solidum les appelantes au paiement de la somme de 50 000 € pour procédure abusive, et, enfin, condamner chacune des appelantes à payer la somme de 10 000 € à EPI Solutions au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE,

Considérant qu’il résulte de l’instruction les faits suivants :

La société Elstar a pour activité la correction et la prévention auditive. Dans le cadre de cette dernière activité, la société Elstar commercialise, depuis 1993, un produit de protection antibruit sur mesure, l’EP2 Industrie, fabriqué par la société Surdifuse.

En octobre 1999, la société Y a acheté Elstar à M. A qui en était le principal actionnaire et l’animateur. A la suite de cette acquisition, M. A a bénéficié d’un contrat de travail en qualité de directeur du département protection antibruit de la société Elstar. Il a été licencié en décembre 2009 pour faute grave. Par jugement du 14 juin 2011, le conseil de prud’hommes de Paris a estimé que le licenciement de Monsieur A était dépourvu de cause réelle et sérieuse. La cour d’appel de Paris, dans un arrêt définitif du 27 juin 2013, a confirmé ce jugement.

La société Elstar a été informée, en mai 2010, que la société Surdifuse avait envoyé les clients intéressés par l’EP2 vers une autre société, EPI Solutions, qui avait été créée par un ancien salarié de la société Elstar, licencié en 2006, plutôt que vers elle, alors qu’elle considérait bénéficier d’une exclusivité depuis 1993.

La société Elstar a également constaté en juin 2010 une augmentation, qu’elle estime brutale (11,8%), des prix pratiqués pour l’EP2 par la société Surdifuse et qu’elle n’a pu répercuter sur ses tarifs.

Par ailleurs, selon les termes de l’assignation, la société Elstar a eu connaissance que M. A était associé de la société Surdifuse à hauteur de 33 % du capital, depuis 2003 au moins, alors que l’acte de cession par lequel il avait cédé ses actions de la société Elstar à la société Y lui interdisait de s’intéresser à toute société concernée par l’activité protection antibruit.

Les sociétés Elstar et Y ont assigné la société Surdifuse, M. A et la société EPI Solutions, les 20 et 23 janvier 2012, devant le tribunal de commerce de Paris, pour non respect des dispositions contractuelles.

Par jugement du 17 avril 2012, le tribunal de commerce de Paris s’est déclaré compétent pour connaître du présent litige.

Dans le jugement présentement entrepris, les Premiers Juges ont estimé que la société Surdifuse avait rompu partiellement ses relations commerciales avec la société Elstar et avec la société Y, en mettant fin à l’exclusivité de distribution dont ces sociétés disposaient sur son produit l’EP2. Pour évaluer le préjudice subi de 2009 à 2011, ils ont ordonné avant-dire droit une mesure d’expertise, confiée à Monsieur Z. Le tribunal de commerce a également estimé que la société Surdifuse avait rompu partiellement ses relations commerciales avec la société Elstar en augmentant de plus de 10 % le prix de l’EP2 et l’a condamnée en réparation au versement d’une somme de 8000 €.

Sur l’accord d’exclusivité de distribution

Considérant que les appelantes soutiennent que la société Elstar a bénéficié, de la part de la société Surdifuse, d’un accord d’exclusivité pendant 17 années pour la distribution de son produit EP2 ; que la société Surdifuse aurait violé cette exclusivité en envoyant les prospects du produit EP2 vers la société EPI Solutions et non vers la société Elstar, comme l’accord d’exclusivité le prévoyait ; que c’est à partir de 2010, soit quelques semaines après le licenciement de M. A, que la société Surdifuse aurait, brutalement et sans préavis, violé l’exclusivité d’Elstar ;

Considérant que la société Surdifuse soutient qu’aucune exclusivité n’a été consentie par elle à la société Elstar pour la distribution des produits EP2 Industrie ; qu’elle n’a pas rompu brutalement, même partiellement, ses relations avec la société Elstar ; que si la société Elstar a choisi de se placer en situation de dépendance économique, elle ne peut solliciter l’application de l’article L. 420-2 du code de commerce ; que si un partenariat a toujours lié les sociétés Surfiduse et Elstar, il ne s’agissait que d’un partenariat commercial et en aucune façon d’une exclusivité d’approvisionnement consentie par la société Surdifuse à la société Elstar ; qu’en l’absence de tout contrat d’exclusivité entre les deux sociétés, la société Surdifuse n’a commis aucune faute de nature à entraîner la réparation d’un prétendu préjudice subi par la société Elstar ; que la société Elstar avait connaissance de l’existence d’autres revendeurs ;

Considérant qu’il appartient au bénéficiaire d’une exclusivité de démontrer l’existence de celle-ci, qui doit être établie de manière précise et non équivoque ;

Considérant que les sociétés appelantes démontrent avoir bénéficié pendant 17 années consécutives d’une exclusivité consentie par la société Surdifuse pour la distribution de produits EP2 Industrie aux clients du secteur de l’industrie et aux administration publiques françaises ; qu’il résulte en effet d’une lettre datée du 28 août 2007 adressée à la société Elstar par la société Surdifuse : « je vous confirme que nous vous avons réservé l’exclusivité de la vente de ce produit, depuis 1993 jusqu’à ce jour. Cette exclusivité couvre les clients dans le secteur « industrie » et « administration publiques françaises » » ; que si la société Surdifuse prétend qu’il s’agit d’un courrier de complaisance, il y a lieu de souligner que ce courrier a été confirmé à plusieurs reprises ; qu’en effet, en décembre 2007, la société Surdifuse a adressé un e-mail à la société Elstar pour évoquer des retards dans le traitement des commandes, et comportant la phrase suivante : « je te rappelle que nous avons consenti un contrat de distribution exclusive » ; que par message électronique du 23 novembre 2009, la société Surdifuse, sollicitée par un client travaillant dans les espaces verts et souhaitant s’équiper de bouchons de protection, l’a réorienté vers la société Elstar Prévention : « le modèle qui vous convient est EP2 Industrie. Nous avons confié la distribution exclusive de ce produit à Elstar prévention, à qui j’adresse une copie de cet e-mail » ; que si la société Surdifuse prétend avoir, au vu et au su de la société Elstar, vendu le produit EP2 à d’autres distributeurs, cette assertion n’est pas démontrée ; qu’au contraire, l’expert commis par le tribunal de commerce, Monsieur X, a constaté qu’aucune vente de produits EP2 n’avait été effectuée en 2009 par la société Surdifuse, à destination des administrations publiques, de l’industrie ou de distributeurs ;

Considérant qu’en décidant d’organiser un réseau de distribution sélective pour le produit EP2 et en proposant le 7 octobre 2011 à la société Elstar de devenir un des distributeurs spécialisés pour l’exercice 2012, et en proposant une nouvelle grille de tarifs prix d’achat de 53 € pièce, contre 43,05 euros auparavant, la société Elstar a entendu modifier de façon substantielle les relations commerciales existantes avec la société Surdifuse, ce qui équivaut à la volonté de rompre, au moins partiellement, les relations antérieures ; que ce changement a eu lieu sans préavis ; que, compte tenu de l’ancienneté des relations commerciales entre les parties, un préavis de 24 mois aurait du être octroyé à la société Elstar, pour lequel les Premiers Juges ont à juste titre estimé que la société Elstar devait être indemnisée ;

Considérant qu’il est d’une bonne justice d’évaluer le préjudice subi par la société Elstar, la cour disposant du rapport d’expertise de Monsieur X ; que celui-ci a calculé la marge brute sur coûts variables réalisée par unité d’EP2, puis le nombre d’unités vendues par la société Surdifuse en violation de l’obligation d’exclusivité en 2010 et 2011 ; qu’il a ensuite déterminé la perte de marge totale sur coûts variables subie par la société Elstar en 2010 et 2011, l’estimant à une somme moyenne de 17 500 € ; que l’expert a justement considéré que 100% des ventes d’EP2 Industrie réalisées par les « Autres distributeurs » avaient été réalisées auprès des industriels et des administrations, compte tenu des caractéristiques mêmes de l’EP2 destiné au secteur de l’industrie et de l’administration ; qu’il y a donc lieu de condamner la société Surdifuse à payer la somme de 17 500 € à la société Elstar ;

Sur l’augmentation brutale des tarifs

Considérant que les appelantes prétendent que la société Surdifuse aurait commis un second manquement en augmentant subitement et brutalement ses tarifs de 11,75 % en juin 2010, sans aucune notification et sans respect d’aucun délai de prévenance, abusant ainsi de la situation de dépendance économique de la société Elstar ; que de plus, cette subite augmentation ne se serait accompagnée d’aucune justification valable et traduirait la volonté de rompre de manière brutale, et sans préavis, la relation commerciale établie depuis 17 ans ;

Considérant que la société Surdifuse prétend ne pas avoir augmenté brutalement les prix des produits EP2 Industrie à l’égard de la société Elstar, parfaitement informée ; que le prix consenti par la société Surdifuse à la société Elstar était très inférieur au prix du marché ; que par conséquent, l’avantage considérable dont a bénéficié la société Elstar pendant de nombreuses années ne pouvait raisonnablement être maintenu pour le futur ; que de plus, cette dernière aurait été informée de la future augmentation des prix, dès l’automne 2009, pour les ventes débutant à partir du 1er janvier 2010 ; qu’aucune rupture brutale des relations commerciales n’est intervenue ; que de plus, la situation de dépendance économique alléguée par la société Elstar résulterait de son choix de réaliser une importante partie de son chiffre d’affaires avec le produit d’un seul distributeur ;

Considérant que la société Elstar fonde ses demandes sur l’abus de dépendance économique de l’article L420-2 du code de commerce, mais aussi sur les 4e et 5e alinéas de l’article L442-6-I du code de commerce ; qu’elle considère que les augmentations de tarifs du produit EP2 constitueraient un abus de sa position de dépendance économique à l’égard de la société Surdifuse, mais également une tentative de la part du fournisseur d’obtenir, sous la menace d’une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix et enfin une rupture brutale des relations commerciales, sans préavis écrit tenant compte de leur durée ;

Sur l’abus de dépendance économique

Considérant que l’article L. 420-2, alinéa 2, du code de commerce prohibe « (') dès lors qu’elle est susceptible d’affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises de l’état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur (..) » ; que l’état de dépendance économique, pour un distributeur, se définit comme la situation d’une entreprise qui ne dispose pas de la possibilité de substituer à son ou ses fournisseurs un ou plusieurs autres fournisseurs répondant à sa demande d’approvisionnement dans des conditions techniques et économiques comparables ; qu’il s’en déduit que la seule circonstance qu’un distributeur réalise une part très importante voire exclusive de son approvisionnement auprès d’un seul fournisseur ne suffit pas à caractériser son état de dépendance économique au sens de l’article L. 420-2 du code de commerce ; que la dépendance économique, au sens de l’article L. 420-2, alinéa 2, du code de commerce, résulte de la notoriété de la marque du fournisseur, de l’importance de sa part de marché, de l’importance de la part du fournisseur dans le chiffre d’affaires du revendeur et, enfin, de la difficulté pour le distributeur d’obtenir d’autres fournisseurs des produits équivalents, ces conditions devant être simultanément remplies, sans que la circonstance que cette situation de dépendance économique résulte de clauses volontairement souscrites puisse être opposée à la victime ;

Considérant que la société Elstar ne démontre pas qu’elle ne disposerait pas de la possibilité de substituer d’autres produits aux produits de son fournisseur à des conditions techniques et économiques comparables ; que la seule circonstance qu’elle réalise 50 % de son chiffre d’affaires avec cette société ne démontre pas, en soi, qu’elle se trouve dans une situation de dépendance économique ;

Sur l’article L442-6-I, 4° du code de commerce

Considérant que l’article L442-6-I, 4° du code de commerce réprime « le fait par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers d’obtenir ou de tenter d’obtenir, sous la menace d’une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d’achat et de vente » ;

Mais considérant que la société Elstar ne démontre pas que les prix fixés par le fournisseur en juin 2010 aient revêtu un caractère de disproportion manifeste ou aient modifié substantiellement l’économie du contrat ; que par ailleurs les propositions de modification de prix n’ont été assorties d’aucune menace de rupture des relations commerciales ; que cette demande sera donc rejetée ;

Sur l’article L442-6-I, 5° du code de commerce

Considérant que les changements de tarifs par le fournisseur peuvent être qualifiés de rupture brutale des relations commerciales dans les conditions antérieures s’ils ont un caractère substantiel, de nature à bouleverser l’économie du contrat ; que l’augmentation des tarifs de juin 2010, de 11,8 %, ne revêt pas en soi ce caractère ; qu’il n’est pas démontré en effet que cette augmentation soit manifestement disproportionnée et injustifiée, compte tenu du retard dans les tarifs allégué par la société Surdifuse ; qu’il résulte des pièces du dossier que des négociations tarifaires ont été annoncées lors d’une réunion du 6 janvier 2010 ; que la marge brute moyenne dégagée par la société Elstar sur l’EP2 entre 2008 et 2011, soit 47 %, lui permettait de faire face à cette augmentation ;

Considérant que l’augmentation postérieure de 23,1 %, intervenue lors du passage à la distribution sélective, a déjà été prise en compte dans l’appréciation du caractère brutal des modifications des conditions commerciales entre le fournisseur et son distributeur ; qu’elle ne constitue pas en soi une pratique de rupture brutale et ne saurait donc être indemnisée deux fois, les nouveaux tarifs faisant partie de l’économie du nouveau système de distribution mis en place par Surdifuse et la société Elstar ne démontrant pas faire l’objet d’un traitement discriminatoire ou abusif ; que la moindre profitabilité de la distribution des produits EP2 résulte de cette nouvelle organisation ; qu’il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris sur ce point et de débouter la société appelante de sa demande ;

Sur la demande de la société Elstar et de la société Y en réparation de leur préjudice moral

Considérant que les sociétés appelantes ne caractérisent aucun dommage moral ; qu’elles seront donc déboutées de leurs demandes ;

Sur la responsabilité de Monsieur A

Considérant que les appelantes reprochent à M. A d’avoir man’uvré à la suite de son licenciement par la société Elstar, de manière à ce que la société Surdifuse modifie sa politique commerciale à l’égard de la société Elstar, notamment en violant l’accord d’exclusivité ;

Considérant que la société Surdifuse demande à la cour de lui donner acte qu’elle s’en rapporte aux écritures et demandes de M. A sur les moyens et prétentions présentés par les sociétés Elstar et Y à son encontre ;

Considérant que M. A demande à la cour de dire et juger que les sociétés Elstar et Y ne justifient d’aucune faute qui puisse lui être imputée, tant avant qu’après son licenciement ; que les sociétés Elstar et Y ne justifient d’aucun préjudice moral qui leur aurait été causé par une quelconque attitude de M. A ; que la prise de participation de M. A au sein de la société Surdifuse date du 3 mars 2005, alors même que la clause de non concurrence à laquelle celui-ci était soumis expirait le 7 octobre 2004 ; qu’il n’a commis aucune faute au lendemain de son licenciement ; que, de plus, les appelantes n’apportent aucun élément probant permettant de prouver un détournement de clientèle ;

Considérant que Monsieur A a souscrit à une clause de non-concurrence lorsqu’il a cédé ses actions de la société Elstar à Y ; que l’article 11 de l’acte de cession du 6 octobre 1999 comportait interdiction « pendant une durée de cinq ans à compter de la date de cession de s’intéresser directement ou indirectement, soit pour son propre compte soit pour le compte d’un tiers, à une activité similaire ou identique même à titre (…) d’associé, sur la France entière concernant l’activité protection anti-bruit » ; que, cependant, lorsqu’il s’est porté acquéreur de 33 % de la société Surdifuse, lors de l’assemblée générale de la société Surdifuse du 3 mars 2005, le délai de cinq ans qui expirait le 7 octobre 2004 était dépassé ; qu’il ne peut donc lui être reproché d’avoir violé la clause de non concurrence ;

Considérant que s’agissant du comportement de Monsieur A après son licenciement pour faute, il n’est pas démontré que Monsieur A ait participé à un détournement de clientèle au préjudice des sociétés Elstar et Y ; que la société K A Performance, fondée par Monsieur A, est une société de conseil technique et de formation, qui n’est donc pas concurrente des sociétés appelantes dans la commercialisation de l’EP2 ; que le mail adressé le 6 mai 2010 à Monsieur H-I, de la société Otomis, par Monsieur A, ne démontre pas un tel détournement ;

Sur la responsabilité de la société EPI Solutions

Considérant que les appelantes soutiennent que la société EPI Solutions aurait engagé sa responsabilité délictuelle en participant à la violation de l’accord d’exclusivité entre les sociétés Elstar et Surdifuse ; que cette société connaissait l’existence d’un accord d’exclusivité consenti au profit des appelantes, dans la mesure où Monsieur D E, aujourd’hui gérant d’EPI Solutions, avait été un salarié d’Elstar, de 2002 à 2006 ;

Considérant que la société Surdifuse demande à la cour de lui donner acte qu’elle s’en rapporte aux écritures et demandes de la société EPI Solutions sur les moyens et prétentions présentés par les sociétés Elstar et Y à son encontre ;

Considérant que la société EPI Solutions fait valoir que l’appelante n’apporte ni la preuve d’un engagement d’exclusivité de la société Surdifuse à son égard ni celle de la connaissance d’un tel accord par EPI Solutions ; que, par conséquent, sa responsabilité en tant que tiers complice ne peut être recherchée ; que les appelantes n’apportent pas la démonstration du lien de causalité ni la preuve du préjudice ;

Mais considérant qu’il n’est pas démontré que la société EPI Solutions connaissait l’existence de l’exclusivité consentie à la société Elstar ; que les demandes formulées à son encontre seront donc rejetées ;

Sur l’appel incident de Monsieur A

Considérant que M. A estime que la procédure à son encontre est abusive et procède d’une réelle intention de nuire ;

Considérant que la société Surdifuse demande à la cour de lui donner acte qu’elle s’en rapporte à la justice sur les demandes formulées par M. A par appel incident ;

Mais considérant que Monsieur A ne démontre pas que l’exercice des voies de droit par les sociétés appelantes ait dégénéré en abus ; que sa demande sera donc rejetée ;

Sur la demande de la société EPI Solutions pour procédure abusive

Considérant que la société EPI Solutions prétend que la procédure engagée contre elle par les appelantes serait abusive et ne viserait qu’à leur permettre de prendre leur revanche sur un ancien salarié ; qu’à ce titre, l’intimée réclame la condamnation in solidum des deux sociétés ;

Mais considérant que la société EPI Solutions ne démontre pas que l’exercice des voies de droit par les sociétés appelantes ait dégénérée en abus ; que sa demande sera donc rejetée ;

PAR CES MOTIFS

— confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a condamné la société Surdifuse à verser à la société Elstar la somme de 8000 €,

— l’infirme sur ce point,

— et, statuant à nouveau,

— déboute la société Elstar et la société Y de leurs demandes pour abus dans la fixation des prix de l’EP2,

— y ajoutant,

— déboute la société EPI Solutions de sa demande reconventionnelle,

— condamne la société Surdifuse à payer à la société Elstar la somme de 17 500 €,

— condamne la société Surdifuse aux dépens de l’instance d’appel y compris les frais d’expertise, qui seront recouvrés selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

— dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile dans les rapports entre les sociétés Surdifuse et Elstar,

— condamne les sociétés Elstar et Y à payer à M. A et à la société EPI Solutions la somme de 5000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE, POUR LA PRÉSIDENTE EMPÊCHÉE,

XXX

V.PERRET C. NICOLETIS

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Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code de procédure civile
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Cour d'appel de Paris, 6 mai 2015, n° 13/01886