Cour d'appel de Paris, 3 avril 2015, n° 12/11030

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 3 avr. 2015, n° 12/11030
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 12/11030
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 22 mars 2012, N° F11/00202

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 11

ARRÊT DU 03 Avril 2015

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 12/11030

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Mars 2012 par le Conseil de Prud’hommes de PARIS – RG n° F11/00202

APPELANTE

Madame G-H X

XXX

non comparante, représentée par Me Arezki BAKI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0110 substitué par Me Stéphane MILLAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1033

INTIMEE

SAS BOEHRINGER INGELHEIM FRANCE

XXX – XXX

représentée par Me Laurence BURATTI, avocat au barreau de LYON substitué par Me Laure RICHER, barreau de Lyon

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Février 2015, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame E F, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente

Madame C D, Conseillère

Madame E F, Conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats

ARRET :

— Contradictoire

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente et par Mademoiselle Flora CAIA, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l’appel régulièrement interjeté par Mme G H X à l’encontre d’un jugement prononcé le 23 mars 2012 par le conseil de prud’hommes de Paris ayant statué sur le litige qui l’oppose à la société BOEHRINGER INGELHEIM FRANCE sur ses demandes relatives à l’exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Vu le jugement déféré qui

— a débouté Mme G H X de toutes ses demandes,

— a débouté la société BOERHINGER INGELHEIM FRANCE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— a condamné Mme X aux dépens.

Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l’audience aux termes desquelles :

Mme G H X, appelante, poursuivant l’infirmation du jugement déféré, demande à la cour

— de juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— de condamner la société BOERHINGER INGELHEIM FRANCE à lui payer les sommes suivantes :

—  54 060 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  4 505 € à titre de dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement,

—  9 010 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct,

—  3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société BOEHRINGER INGELHEIM FRANCE, intimée, conclut à la confirmation du jugement, au débouté de Mme X de l’ensemble de ses demandes et à sa condamnation à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

CELA ÉTANT EXPOSÉ

Par contrat écrit à durée indéterminée en date du 10 mars 2008, à effet du 14 mars 2008, Mme X a été engagée par la société BOERHINGER INGELHEIM FRANCE en qualité de chargée de relations scientifiques (cadre).

La convention collective nationale de l’industrie pharmaceutique est applicable.

Mme X percevait un salaire brut de base forfaitaire, s’élevant en dernier lieu à 4 505€, outre des primes basées sur les résultats.

Le 3 novembre 2010, la société BOERHINGER INGELHEIM FRANCE a convoqué Mme X pour le 18 novembre 2010 à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Cette mesure a été prononcée par lettre du 1er décembre 2010 pour cause réelle et sérieuse

se fondant sur les griefs suivants :

— des manquements aux lois « anti-cadeau » (DMOS) dans la préparation de trois événements : l’amicale ACEP du 18 novembre 2010 au Lutetia, l’amicale SCOP du 1er décembre 2010 et l’amicale ACPR du 16 décembre 2010,

— un manque d’organisation et d’autonomie dans la prise en charge des dossiers,

— un manque de transparence,

ces comportements entraînant des dysfonctionnements importants au sein de l’entreprise, ternissant son image et la mettant en péril sur les plans financier et pénal.

La salariée a été dispensée de l’exécution de son préavis.

Le 6 janvier 2011, elle a saisi le conseil de prud’hommes qui a rendu le jugement déféré.

SUR CE

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions écrites déposées par les parties à l’audience du 6 février 2015 qu’elles ont développées oralement lors de cette même audience.

Sur le licenciement

Sur la procédure

Mme X argue que l’employeur savait qu’elle se trouvait en congés et absente de son domicile lorsqu’il lui a adressé la convocation à l’entretien préalable ; que dans l’ignorance de la procédure engagée à son encontre, elle a repris le travail et était à son poste quelques jours avant la date prévue pour l’entretien sans que l’employeur lui remette sa convocation en main propre ou l’interroge sur le fait qu’elle n’avait pas retiré le courrier de convocation ; qu’après la date de l’entretien préalable, l’employeur est resté tout aussi taisant ; que ce comportement déloyal l’a notamment empêchée d’assister à l’entretien préalable.

Mais comme l’ont relevé les premiers juges, Mme X était en congé les 2 et 5 novembre 2011 et la lettre RAR de convocation à l’entretien préalable fixé au 18 novembre lui a été présentée le 4 novembre, de sorte qu’elle pouvait aller chercher le courrier à la poste à partir du lundi 8, ce qui lui laissait un délai suffisant pour préparer l’entretien.

Mme X sera déboutée de sa demande et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le fond

L’article L. 4113-6 du code de la santé publique, issu de la loi du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d’ordre social (DMOS), dite loi « anti-cadeau » interdit le fait, pour les membres des professions médicales de recevoir des avantages en nature ou en espèce, sous quelque forme que ce soit, d’une façon directe ou indirecte, procurés par des entreprises assurant des prestations, produisant ou commercialisant des produits pris en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale ainsi que le fait pour ces entreprises de proposer ou de procurer ces avantages. Le même texte prévoit que ces dispositions ne s’appliquent pas « à l’hospitalité offerte, de manière directe ou indirecte, lors de manifestations de promotion ou lors de manifestations à caractère exclusivement professionnel et scientifique lorsqu’elle est prévue par convention passée entre l’entreprise et le professionnel de santé et soumise pour avis au conseil départemental de l’ordre compétent avant sa mise en application, et que cette hospitalité est d’un niveau raisonnable et limité à l’objectif professionnel et scientifique principal de la manifestation et n’est pas étendue à des personnes autres que des professionnels directement concernés ».

Sur la base de ces règles, la société BOERHINGER INGELHEIM FRANCE a établi des guides DMOS à l’usage de ses collaborateurs, notamment un guide DMOS à l’usage des collaborateurs (hors forces de vente) MF 0134-1.0 du 24/02/2010 qui indique notamment que le lieu choisi pour un événement, symposium ou congrès ne doit pas être « ostentatoire », que le prix d’un dîner (boissons comprises) dans le cadre d’un congrès est de 60 € TTC maximum et qu’une déclaration au conseil de l’ordre des médecins est nécessaire six semaines avant la manifestation, l’ordre ayant un mois pour donner un avis à compter de la réception du dossier. Il paraît peu vraisemblable que Mme X n’ait pas reçu le guide DMOS MF 0134-1.0 du 24/02/2010 eu égard aux fonctions qu’elle occupait. En tout état de cause, l’employeur justifie que le guide DMOS était sur l’intranet accessible à tout collaborateur et la salariée admet qu’elle a été destinataire de trois guides DMOS (le guide MF- 0132-1.0 en septembre 2008, le MF-8032-2.0 du 22 décembre 2008 et le MF-0132-3.0 du 1er juillet 2010) et ces trois guides, s’ils ne proscrivent pas explicitement un lieu 'ostentatoire’ mais un lieu ne devant pas être 'en lui-même attractif, c’est-à-dire l’unique motivation à participer’ à la réunion, mentionnent le prix maximum du dîner à 60 € TTC ainsi que la nécessité d’une déclaration au conseil de l’ordre six semaines avant la manifestation.

La société a également assuré des formations pour ses collaborateurs : Mme X ne conteste pas avoir participé à celle organisée le 3 septembre 2008 intitulée « Formation marketing/relations scientifiques – application de l’article L. 4113-6 du CSP dite »loi DMOS« au BSPM »" à l’occasion de laquelle ont été diffusés des « slides » reprenant les règles énoncées dans le guide MF 0134-1.0 du 24/02/2010 précité.

Il est reproché à Mme X d’avoir organisé l’amicale ACEP du 18 novembre 2010 en violation des règles DMOS édictées par l’entreprise imposant le choix d’un lieu non ostentatoire et des frais de restauration plafonnés ; d’avoir maintenu ce choix malgré des alertes du service DMOS ; d’avoir déclaré des éléments ne correspondant pas au devis de l’hôtel ; d’avoir fait montre d’un manque de transparence et de professionnalisme ayant entraîné un dysfonctionnement important et terni l’image du laboratoire.

Mme X a soumis un devis de la société HOTELS & RESTAURANTS CONSULTING en date du 11 octobre 2010 pour une manifestation prévue le 18 novembre suivant à l’hôtel Lutetia pour 60 participants minimum prévoyant un dîner à 60 € TTC et un « accueil champagne » à 19 € TTC. Le 14 octobre 2010, Mme A du service DMOS de la société BOERHINGER INGELHEIM FRANCE a appelé l’attention de Mme X sur le fait que, sauf dérogation, l’événement ne pourrait être validé en raison du choix du lieu, considéré comme ostentatoire. Mme X a répondu le jour même en sollicitant une dérogation compte tenu de la date imminente de la manifestation. Le lendemain, 15 octobre 2010, Mme X a indiqué au service achats que le DMOS était 'ok', que le nombre de participants devrait dépasser 50 et a demandé au service de donner suite rapidement afin de garantir la réservation. Le 20 octobre 2010, Mme Y, du service DMOS, a estimé, dans un courriel à Mme B, directrice marketing, que la manifestation ne pouvait être maintenue en raison de sa non conformité DMOS et du non respect des règles internes de fonctionnement, en raison notamment du fait que le dossier avait été transmis au service DMOS le 12 octobre, soit à 3 jours de la date butoir de déclaration au conseil national de l’ordre des médecins (« Dans nos process internes il est demandé de déposer un tel dossier 6 semaines avant sa date de réalisation pour permettre à l’équipe d’avoir 2 semaines pour absorber l’ensemble de la charge et contrôler correctement les dossiers »), que le lieu retenu pouvait être qualifié d’ostentatoire, que le dossier était incomplet, ne contenant ni programme détaillé ni carton d’invitation, que le prix du repas à 60 € n’incluait pas l’apéritif, que le devis imposait un minimum de 60 dîners alors que la liste fournie comptait une quarantaine de médecins, ce qui pouvait laisser penser qu’il s’agissait ainsi de faire baisser le coût unitaire du dîner, que le prix de la salle (2 900 €) paraissait excessif et pouvait laisser penser qu’il englobait en partie des frais de repas, toutes ces difficultés démontrant selon Mme Y une méconnaissance des règles DMOS. Les interrogations de Mme Y sur une éventuelle surfacturation du prix de la salle pour compenser celui du repas se sont avérées pertinentes, puisque l’intéressée a indiqué dans un courriel du même jour qu’après vérification, il n’était pas possible de dîner à l’hôtel Lutetia pour 60 €, le coût réel d’un dîner y étant de 115 €, alors que le coût de location d’une salle pour un groupe de 40 à 60 personnes n’était que de 500 à 600 €.

En définitive, Mme Z, responsable relations scientifiques, supérieure hiérarchique de Mme X, a repris la gestion du dossier et la manifestation s’est tenue dans un autre établissement.

Mme X n’a pas géré le dossier de l’organisation de l’amicale ACEP du 18 novembre 2010 (hôtel Lutetia) avec toute la rigueur nécessaire, en présentant une proposition dépassant les normes DMOS, en indiquant au service achats que le service DMOS était 'OK’ alors qu’il avait exprimé de sérieuses réserves, en ne vérifiant pas l’exactitude des prix indiqués par le prestataire et en ne respectant pas les délais prescrits.

Il est encore reproché à Mme X d’avoir proposé des lieux onéreux dépassant le cadre DMOS à l’occasion de l’organisation de l’amicale SCOP du 1er décembre 2010 et de l’amicale de l’amicale ACPR du 16 décembre 2010.

Il est établi que Mme X a soumis un devis du 15 novembre 2010 du Sofitel Paris Arc de Triomphe proposant une location de salle au prix de 2 000 €. Selon devis en date du 1er décembre, ce prix a pu être ramené à 1 500 €, après intervention du service achats selon l’employeur.

Ces derniers faits sont postérieurs à un courriel du 21 octobre 2010 de Mme A, responsable DMOS, indiquant à Mme X que les locations de salle devaient être d’un montant de 500 à 1 000 euros.

Il est constant que par courrier du 9 juillet 2009, Mme X avait été alertée par sa supérieure hiérarchique directe sur un certain nombre de dysfonctionnements dans son travail (retards fréquents à des réunions, carences dans la mise en oeuvre des activités et la coordination des opérations avec le terrain, insuffisance du reporting, retards dans l’exécution du travail) et que le 19 novembre 2009, elle s’était vue délivrer un avertissement motivé par divers manquements (non respect du reporting d’activité concernant les experts en cardiologie et les visites auprès d’eux, manque d’anticipation dans l’organisation de réunions régionales auprès du collège national des cardiologues, mauvaise coordination avec les équipes locales, retards…).

Il résulte de l’ensemble de ces éléments, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le surplus des griefs énoncés, que le licenciement de Mme X, prononcé pour cause réelle et sérieuse, est justifié. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point et Mme X déboutée de ses demandes indemnitaires, en ce compris celle relative à la réparation d’un préjudice moral résultant des circonstances humiliantes du licenciement, lesquelles ne sont pas démontrées.

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Succombant en son recours, Mme X sera condamnée aux dépens d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

Il y a lieu, en équité, de laisser à la société BOERHINGER INGELHEIM FRANCE la charge de ses frais non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Mme X aux dépens d’appel,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le Greffier, La Présidente,

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