Cour d'appel de Paris, Pôle 1 chambre 3, 23 juin 2015, n° 14/12613

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 ch. 3, 23 juin 2015, n° 14/12613
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 14/12613
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal d'instance de Longjumeau, 22 mai 2014, N° 12-14-1103
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 novembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 3

ARRET DU 23 JUIN 2015

(n° 446 ,8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 14/12613

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 23 Mai 2014 -Tribunal d’Instance de LONGJUMEAU – RG n° 12-14-1103

APPELANTS

Monsieur [A] [T] agissant tant à titre personnel qu’en qualité de curateur de Monsieur [O] [T]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Monsieur [O] [T] assisté de son curateur Monsieur [A] [T],

[Adresse 4]

91700 STE-GENEVIEVE-DES-BOIS -FRANCE

Représentés et assistés de Me Frank AIDAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1084

INTIMEES

Madame [M] [T]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée et assistée de Me Elisabeth MORAND DE GASQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1180

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/039966 du 13/10/2014 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

Madame [F] [T]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée et assistée de Me Elisabeth MORAND DE GASQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1180

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 18 Mai 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Nicole GIRERD, Présidente de chambre

Madame Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère

Mme Mireille DE GROMARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Nicole GIRERD, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.

M. [A] [T] et M [O] [T], ce dernier sous la curatelle du premier, ont obtenu de la mairie de [2] l’autorisation d’exhumer les corps de leur oncle [A] [T], poète russe réfugié politique en France où il est décédé en 1972, de son épouse [F] [Y] épouse [T] décédée en 1950, et de leur fille [E] [T] décédée en 1987, tous trois inhumés dans le 'carré russe’ du cimetière de [2], aux fins de leur rapatriement en Russie pour y être enterrés à [Localité 8], lieu de naissance de l’artiste.

Par acte du 6 mai 2014 Mmes [M] et [F] [T] les ont fait assigner en référé à bref délai devant le tribunal d’instance de Longjumeau (91160) aux fins de voir interdire cette exhumation.

Par ordonnance rendue le 23 mai 2014, le juge d’instance de Longjumeau a dit n’y avoir lieu au transfert des corps de [A] [T], de [F] [Y] épouse [T] et de [E] [T] dont les tombes sont situées au cimetière de [2], a déclaré l’ordonnance opposable à la mairie de [2], et a condamné M. [A] [T] à payer la somme de 1500 € à Mmes [M] et [F] [T] au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

M. [A] [T] agissant tant en son nom personnel qu’en qualité de curateur de son frère [O] [T], et M. [O] [T] ont relevé appel de cette décision.

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises le 23 avril 2015 , ils poursuivent l’infirmation de cette décision et prient la cour, statuant à nouveau,

— principalement de juger irrecevables Mmes [M] et [F] [T] en leur demande faute d’intérêt à agir et de les en débouter,

— subsidiairement de juger régulière leur demande d’exhumation en vue du transfert des corps de [A] [T] , de [F] [Y] épouse [T] et de [E] [T] dans les conditions proposées et actées par la Fondation de CHARITE I.I. SAVVIDI et approuvées par la Région de [Localité 4] ( Russie) le 22 octobre 2013,

— ordonner en tant que de besoin cette exhumation,

— en tout état de cause condamner solidairement Mmes [M] et [F] [T] à leur verser 3000 € à titre de provision sur dommages-intérêts et 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Mmes [M] et [F] [T] , aux termes de leurs dernières écritures transmises le 4 mai 2015, concluent à la recevabilité de leur action en qualité de proches parentes, à la confirmation de l’ordonnance et au débouté des consorts [T] , y ajoutant à la condamnation de M. [A] [T] à leur verser 5000 € à titre de dommages-intérêts, 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

SUR CE LA COUR

Considérant que MM. [A] et [O] [T] exposent que leur oncle [A] [T] était un cosaque de l’armée blanche devenu auteur de poèmes et d’oeuvres littéraires en langue russe, que depuis 2005, la Russie manifeste une volonté de réconciliation avec les exilés du communisme, que dans ce contexte la Fondation de Charité I.I SAVIDI de [Localité 4], dont le crédit et l’utilité n’ont pas lieu d’être remis en cause du seul fait qu’elle a été créée par un riche homme d’affaires, avec l’aide de l’Assemblée Maritime de cette ville, leur a proposé de rapatrier les cendres du poète et de sa famille pour être inhumés au lieu de naissance de [A] [T], qu’ils se sont rendus en Russie pour vérifier la fiabilité du projet qu’ils ont approuvé le 22 octobre 2013;

Qu’ils soutiennent que les intimées n’ont pas qualité pour agir en interdiction de l’exhumation , dont la demande revient au plus proche parent selon l’article R 2213-40 du code des collectivités territoriales, et qui est approuvée en l’espèce par tous les autres descendants du poète, y compris son frère [O], que sa curatelle ne prive pas de manifester sa volonté ;

Que cette exhumation est conforme à la volonté des défunts qui à l’époque de leur décès ne pouvaient espérer au regard de la situation politique de la Russie, y être enterrés, que les proches qui ont connu [A] [T] ou sa famille ont témoigné de son attachement à sa patrie , qu’un poème de sa main exprime son désir d’y trouver sa dernière demeure; que l’association 'Union des cosaques’ a donné un avis nuancé puisqu’elle se retranche derrière l’avis de la famille ;

Qu’Ils soulignent que la famille ne sera pas privée d’un lieu de recueillement puisqu 'est prévue dans les prestations de la Fondation SAVIDI une plaque commémorative signalant 'l’ancienne inhumation des [T] à cette place ';

Que, contestant toute volonté mercantile, ils estiment que leurs nièces, manipulées par leur mère en instance de divorce de M. [O] [T], cherchent à leur nuire ;

Considérant que Mmes [M] et [F] [T] opposent à l’irrecevabilité soulevée par les appelants que si la demande d’exhumation doit émaner du plus proche parent, cette notion n’est pas définie, qu’elles ont le même degré de parenté avec le poète et sa famille que leurs cousins qui ont accepté l’exhumation, que d’ailleurs selon la tradition familiale, elles seraient en réalité les petites filles du poète et vont entreprendre une procédure pour le faire reconnaître ; que la curatelle de M. [O] [T] par son frère rend suspect l’accord qu’il donne alors qu’il y était antérieurement opposé ;

Qu’elles font valoir, sur la demande elle-même, que leur grand-oncle n’a jamais exprimé le souhait d’être enterré en Russie, que le poème qui traduirait ce désir dont excipent les appelants n’est qu’une allégorie d’un autre poète ukrainien du 19 ème siècle, et n’est donc pas probant, qu’au contraire dans un autre poème il décrit sa volonté de reposer auprès de son épouse au cimetière de [2], que toute sa famille y est enterrée, et que sa fille aurait fait des démarches pour le faire enterrer en Russie si elle avait eu connaissance d’un désir de son père en ce sens ;

Qu’elles ajoutent encore que l’association SAVIDI qui finance le projet de rapatriement en Russie est dirigée par un oligarque très lié au régime actuel russe et à l’Eglise Orthodoxe russe, et l’Assemblée Maritime du [Localité 4] membre du parti uni, que cette exhumation est en réalité une affaire publique et que M. [A] [T], légataire universel de [E] [T], a des idées mercantiles, ayant d’ailleurs déjà vendu certains objets aux enchères ; que l’association Union des Cosaques a manifesté son désaccord pour l’exhumation, enfin qu’aucun membre de la famille ne pourrait plus se recueillir sur la tombe de [A] [T] ;

Considérant que la cour relève que les appelants défendent un projet d’exhumation de leur oncle [A] [T], né selon certificat de baptême dans la région de [Localité 4] à [Localité 7], et poète d’une notoriété certaine en Russie, pour y être inhumé avec sa famille dans sa ville natale, projet dont le caractère sérieux est précisé par les pièces suivantes, essentiellement en langue russe, mais traduites par Mme [K], expert traductrice assermentée près la cour d’appel de Rouen :

— un document du 'chef de l’administration du village de Starotcherkasskaya’ revêtu du sceau de la commune, qui écrit que 'sont en activité un musée -réserve d’architecture et une abbaye d’hommes du [1] sur le territoire duquel il est proposé d’enterrer la dépouille de [I]. [T] , de son épouse et de leur fille… chaque année, des événements consacrés à la vie et à l’oeuvre de [I]. [T] sont organisés dans le musée-réserve, des recherches consacrées au poète sont publiées … Le mur de l’abbaye porte une plaque commémorative dédiée à [I]. [T] … l’intérêt à la vie et à l’oeuvre de ce poète remarquable, 'Essenine des cosaques’ y grandit d’une année à l’autre’ ;

— le plan des démarches de ré-inhumation de [I]. [T]et de sa famille, daté du 22 octobre 2013, approuvé par le président de la 'Fondation de Charité I.I.Savvidi’ sous le sceau de la 'Fédération de Russie. Fondation de Charité I.I. Savvidi 'et approuvé par l’éditeur de l’hebdomadaire international en langue russe, 'Mir Omonia’ , et le président de l’organisation sociale municipale ' assemblée Maritime de [Localité 4]' sous le sceau de cette organisation sociale municipale ;

— les engagements écrits pris par 'L’organisation non commerciale 'Fondation de Charité I.I. Savvidi’ à [Localité 4], à l’égard de M. M. [A] et [O] [T] quant aux modalités pratiques de l’inhumation, ainsi exprimés : 'la Fondation garantit le paiement de toutes les dépenses relatives au rapatriement de la dépouille du poète [A] [T] et de son épouse et de sa fille du cimetière de [2] ( France) en Fédération de Russie

(services du bureau des pompes funèbres de France) et au transfert de la dépouille de la place de l’exhumation vers la place de la nouvelle inhumation y compris les services funéraires et juridiques en France ainsi que l’organisation de la cérémonie d’inhumation et votre arrivée en Russie ( ajout manuscrit :avec la famille la plus proche). Votre accord, étant l’accord des seuls héritiers du poète, a été obtenu', et portant les coordonnées bancaires de la Fondation, la signature de son président et de son comptable en chef, et les mentions 'nous sommes d’accord avec cette lettre’signée de MM [A] et [O] [T] et 'vu pour la certification des signatures seulement, le 10 décembre 2013", suivant la signature et le sceau de Maître [G] [D], notaire à [2] ;

Considérant qu’aux termes de l’article R 2213-40 du code général des collectivités territoriales, 'toute demande d’exhumation est faite par le plus proche parent de la personne défunte';

Attendu que la paix des morts devant être respectée, il n’est possible de déroger au principe de l’immutabilité des sépultures qu’en justifiant d’une nécessité absolue, d’un motif grave ou sérieux ou du caractère provisoire de l’inhumation ;

Que selon la jurisprudence rendue en cette matière, sont notamment considérés comme motifs graves :

*le respect de la volonté exprimée ou présumée du défunt lui-même ;

*le respect de la volonté du concessionnaire de la sépulture ;

*le caractère provisoire de la sépulture.

Considérant à la lumière de ces principes que la cour relève que la demande d’exhumation est faite par deux des trois neveux ( le troisième étant décédé) du défunt [A] [T], tous deux fils de son frère décédé, en qualité de parents plus proches ;

Qu’en effet la fille unique du défunt [A] [T], [E] [T] ne s’est pas mariée et est décédée sans enfant ;

Qu’il n’est pas indifférent au litige de souligner que cette fille unique, [E] [T], a désigné par testament du 30 mars 1984 son cousin M.[A] [T], l’un des demandeurs à l’exhumation, en qualité de son légataire universel, ce qui manifeste un lien particulier entre les deux cousins ;

Que l’attestation de Mme [B] [Z] épouse en instance de divorce de [O] [T], l’un des deux appelants, et mère de [M] et [F] [T] intimées, selon laquelle son époux serait le fils naturel du défunt poète [A] [T], ne reposant que sur ses affirmations est inopérante dans le présent litige ;

Considérant que si la demande d’exhumation doit être présentée par le parent le plus proche, aucune prescription quant à la qualité à agir en contestation de l’autorisation d’exhumation n’est prévue par la loi : qu’il convient en application des dispositions de l’article 31 du code de procédure civile aux termes duquel 'l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention', de retenir que les deux petites-nièces de [A] [T], filles de [O] [T], appelant, sont recevables à agir dans la présente procédure en contestation de l’autorisation d’exhumation donnée par la Ville de [Localité 5] en dépit de leur rang de parenté plus éloigné dès lors qu’est en jeu la protection du principe de la paix des morts ;

Considérant que l’inhumation de [A] [T], de son épouse et de sa fille unique au cimetière de [2] est présumée intervenue en conformité avec leur volonté, bien qu’aucun des intéressés n’ait laissé d’écrit sur ce point ; qu’en effet, [A] [T] a choisi de faire enterrer son épouse décédée avant lui dans ce cimetière, lui-même repose aux côtés de celle-ci comme il en avait exprimé le souhait à travers un poème dont il n’est pas contesté qu’il date de la période 1950-1952, soit peu après la mort de sa femme, et leur fille est inhumée aux côtés de ses parents, sans que ces choix soient contestés ;

Considérant par conséquent que cette volonté ne saurait être troublée que pour un motif particulièrement sérieux ;

Considérant que le dossier, notamment les pièces d’identité et attestations de la famille [T] versées aux débats , met en évidence que tant [A] [T] et son épouse [F] [Y], nés en Russie et entrés en France en décembre 1924, que leur fille [E] arrivée en France avec eux à l’âge de trois ans, ont toujours vécu baignés dans la culture russe ;

Que l’oeuvre du poète est exclusivement écrite en langue russe ;

Que sa carte de travail expirant le 22 octobre 1978 le désigne toujours comme 'réfugié russe’ ;

Que [F] [Y] son épouse, a toujours bénéficié du statut de réfugié russe ;

Que leur fille se déclarait 'apatride’ jusqu’à la fin de sa vie, ainsi qu’en fait foi l’acte de notoriété établi après sa mort en 1987 ; qu’elle vivait dans un univers qui, selon l’attestation d'[C] [T] , fils de l’appelant [A] [T], en date du 6 janvier 2014, 'laissait transparaître la nostalgie russe (famille étant réfugiée politique) et j’avais compris son souhait si sa famille le pouvait de retourner vivre dans son pays’ ;

Que [X] [T], frère du précédent , écrit en date du 7 janvier 2014 à propos de [E] [T] : :'Nous la savions très proche des coutumes, de la langue et de la civilisation russe. A ce titre je ne peux que confirmer son attachement à son pays d’origine’ ;

Que [Q] [T], leur soeur, témoigne en date du 7 janvier 2015: ' je pense sincèrement que leur souhait est d’être enterrés en Russie. Ils ne s’exprimaient qu’en russe. Ma grand tante [U] que j’ai peu connue (elle est décédée lorsque j’avais 9 ans) vivait dans un appartement où la culture russe était omniprésente’ ;

Que sans qu’il soit nécessaire de prendre en compte le poème en langue russe à travers lequel il est soutenu par les appelants que [A] [T] aurait exprimé son souhait de reposer dans sa patrie, la cour ne disposant pas dans ce dossier des moyens suffisants pour débattre de son origine contestée, sont ainsi suffisamment démontrés la force des liens gardés à travers le temps avec leur pays d’origine par [A] [T] et sa famille, dont aucun des trois membres n’avait souhaité acquérir la nationalité française, pas même sa fille pourtant arrivée très jeune sur le territoire français, et leur absence de volonté d’intégration dans le pays où ils s’étaient réfugiés ;

Qu’en conservant au contraire leur statut de réfugiés ou d’apatride, ils exprimaient qu’ils se sentaient toujours en exil , n’ayant quitté la Russie qu’à raison d’une situation politique donnée ; qu’ils ont d’ailleurs fait le choix d’une sépulture, certes en France mais dans le célèbre 'carré russe’d'un cimetière ;

Considérant que la cour retient encore qu’aux dates des décès de [A], [F] et [E] [T], la dernière en 1987, la Russie demeurait soviétique, de sorte que, exilés politiques, les défunts n’ont pu envisager de s’y faire enterrer ; que de surcroît, il est constant que la notoriété du poète a cru après sa mort, et que celui-ci n’a pas pu avoir conscience de l’intérêt de ses compatriotes pour son oeuvre ;

Considérant encore que selon les éléments du dossier, tous les membres de la famille [T], neveux et petits neveux, et notamment les trois enfants de [N] [T], dernier frère décédé des deux appelants MM.[A] et [O] [T] , se sont montrés favorables au projet d’exhumation du poète et de sa famille pour être enterrés en Russie, à la seule exception des deux petites-nièces intimées ;

Que l’avis défavorable de l’épouse de M. [O] [T], mère des deux jeunes femmes, dont l’attestation est versée aux débats, eu égard au contentieux familial lié à leur divorce en cours, et l’opposition exprimée par écrit par 'l’Union des Cosaques’ dont Mmes [M] et [F] [T] intimées se prévalent sans justifier de la nature de ce groupe et de ses liens avec leur grand- oncle, sinon qu’il est établi que le poète avait été lui-même un cosaque, n’ont pas de caractère déterminant dans la recherche de la volonté des défunts concernés ;

Considérant enfin que MM [O] et [A] [T], seuls neveux vivants du poète, qui ont tous deux connu leur oncle, estiment traduire par leur action un voeu que l’intéressé et sa famille n’ont pu exprimer à raison des circonstances, liées à la situation politique de leur pays qu’ils avaient été conduits à fuir et qui les privait de la possibilité d’un retour, mais dont ils perpétuaient les traditions et la culture ;

Que la curatelle de [O] [T] à raison de troubles anxio-depressifs, confiée à son frère, ne saurait priver l’intéressé d’un avis éclairé sur ce point, qui a pu légitimement évoluer après concrétisation du projet ;

Qu’il convient de noter que le fait que l’unique descendante du poète [A] [T] ait choisi son cousin portant le même nom que son père en qualité de légataire universel laisse présumer d’une particulière proximité entre eux, et par conséquent de la sincérité de sa démarche ;

Que les deux intimées en revanche n’ont pas, compte tenu de leur âge (27 et 25 ans) connu leur grand oncle ni même sa fille, et ne présentent pas la même légitimité à représenter leur volonté ;

Considérant enfin qu’est prévue la pose d’une plaque commémorative au cimetière de [2], en sorte que les descendants du poète seront à même de s’y recueillir encore ;

Considérant par conséquent, au constat que l’oeuvre de [A] [T] est connue essentiellement en Russie, que la proposition de transférer sa sépulture, en même temps que celle de ses proches puisque leur choix avait été de reposer les uns près des autres, constitue un hommage rendu au poète, qui permettra de perpétuer la mémoire d’une oeuvre à laquelle il s’est consacré durant sa vie, et destinée aux russes dont il a utilisé la langue ;

Qu’est ainsi suffisamment caractérisé le motif grave requis par la jurisprudence ;

Qu’il y a lieu en conséquence d’infirmer la décision de première instance , et d’autoriser l’exhumation demandée ;

Considérant que l’exercice d’une action en justice de même que la défense à une telle action constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à l’octroi de dommages intérêts que dans le cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol, qu’il n’est pas démontré en l’espèce que l’action de Mmes [M] et [F] [T] ait été entreprise à des fins malicieuses, de sorte que la demande de provision à titre de dommages-intérêts sera rejetée ;

Considérant qu’au regard de la nature de l’affaire, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Que Mmes [M] et [F] [T], parties perdantes, ne peuvent prétendre à des dommages-intérêts et supporteront la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS

— Déclare recevable en la forme l’action de Mmes [M] et [F] [T] ,

— Infirmant l’ordonnance entreprise, et statuant à nouveau,

— Déboute Mmes [M] et [F] [T] de leur demande d’interdiction des exhumations de [A] [T], né le [Date naissance 2] 1899 à [Localité 8] et décédé le [Date décès 2] 1972 à [Localité 2], de [F] [Y] épouse [T] née le [Date naissance 3] 1899 à [Localité 4] ( Russie) et décédée le [Date décès 3] 1950 à [Localité 2] et de [E] [T] leur fille, née le [Date naissance 1] 1921 à [Localité 9] ( Yougoslavie) et décédée le [Date décès 1] 1987 à [Localité 6] ( 95),

— En tant que de besoin autorise cette exhumation aux fins de transfert et d’inhumation des défunts à [Localité 8], province de [Localité 4] ( Russie) dans les conditions actées par la Fondation de Charité I.I SAVVIDI et approuvées par la Région de [Localité 4] ( Russie) le 22 octobre 2013,

— Déboute les parties de toutes autres demandes,

— Condamne Mmes [M] et [F] [T] aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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